FAITS ET PROCEDURE : Le 11 mai 1990, la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE (ci-après dénommée "VOLVO") a conclu avec la SARL SUD EST MOTORS (ci-après dénommée "SEM") un contrat de concession de la marque VOLVO d'une durée déterminée de deux ans, sur l'arrondissement de NICE, plus la Principauté de MONACO et les cantons de CAGNES et SAINT-LAURENT DU VAR dans l'arrondissement de GRASSE. Au terme de ce contrat à durée déterminée, la société VOLVO a conclu avec la société SEM un contrat à durée indéterminée commençant à courir le 23 avril 1992, réservant à cette société le droit exclusif de représenter la marque VOLVO, sur le même territoire, étendu en 1994 à tout le département des ALPES MARITIMES. Par courrier en date du 14 avril 1995, la société SEM formulait une protestation auprès de la société VOLVO FRANCE, consécutivement à la nomination par celle-ci d'un concessionnaire à MONACO, le Garage AUTOPORT, sur le secteur qui lui avait été contractuellement accordé en exclusivité. A la suite d'entretiens et d'échanges de correspondances, la société VOLVO FRANCE a indiqué conditionner la restitution du secteur de MONACO à la prise en charge par la société SEM de l'investissement envisagé pour ses locaux de NICE. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 05 janvier 1996, la société VOLVO a notifié à la société SUD EST MOTORS la dénonciation du contrat de concession avec préavis contractuel d'un an. Par acte d'huissier du 04 octobre 1996, la société SEM a fait assigner devant le Tribunal de Commerce de VERSAILLES la société VOLVO FRANCE, à l'effet de voir prononcer la résiliation du contrat de concession du 23 avril 1992 aux torts exclusifs de celle-ci, et de voir condamner la défenderesse au paiement d'une somme globale de 6.650.000 francs à titre de dommages et intérêts. Par jugement du 21 octobre 1998, le tribunal a : À constaté que la demande de résiliation du contrat de la SARL SUD EST MOTORS n'a plus de raison d'être, ladite résiliation étant effective
depuis le 06 janvier 1997 ; À constaté le caractère légitime de la dénonciation du contrat de concession de la SARL SUD EST MOTORS ; À condamné la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE à payer à la SARL SUD EST MOTORS la somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la désignation d'un second concessionnaire sur le secteur de MONACO dont elle avait l'exclusivité ; À débouté la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE de sa demande reconventionnelle ; À dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ; À condamné la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE à payer à la SARL SUD EST MOTORS la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; À condamné la défenderesse aux dépens. La société SUD EST MOTORS SA a interjeté appel de ce jugement. En premier lieu, elle conteste l'argumentation de la partie adverse suivant laquelle elle aurait manifesté du désintérêt pour la représentation de la marque VOLVO. A cet égard, elle explique que le Groupe X..., auquel appartient la société SEM, est un des pionniers du multimarquisme en FRANCE, et elle précise que le contrat de concession conclu le 23 avril 1992, ainsi que les avenants annuels conclus ultérieurement, témoignent de la connaissance qu'avait la société VOLVO FRANCE de l'engagement du Groupe X... dans la représentation d'autres marques, en particulier LADA, BMW, V W, AUDI, SEAT et SUZUKI. Elle fait également valoir qu'elle avait mis à la disposition de la marque VOLVO des structures importantes, puisque la marque était représentée à partir de trois sites distincts (NICE, SAINT LAURENT DU VAR et MANDELIEU) représentant un total de 4100 m couverts dont plus de 1.100 m de halls d'exposition. Elle ajoute qu'en considérant même que les 700 m de hall d'exposition de la rue Gustave-Garaud à NICE-EST étaient partagés avec les marques SEAT et SUZUKI, la marque VOLVO disposait sur les trois sites d'une superficie totale d'environ 650 m exclusivement consacrée à la
présentation de sa gamme. Elle soutient que les relations entre les parties ont donc été altérées, non par une quelconque insuffisance des structures de la concession, mais par l'exigence de la société VOLVO FRANCE de disposer en exclusivité de 400 m sur les 700 m de hall de la rue Gustave-Garaud à NICE, alors même que VOLVO FRANCE, qui avait accepté verbalement de financer les travaux à hauteur de 400.000 francs au travers d'une aide dite "Starter", n'a pas confirmé le déblocage de cette aide, exigeant finalement que le concessionnaire assume seul cet investissement. En deuxième lieu, la société SEM conteste que la nomination par la société VOLVO FRANCE au mois de février 1995 d'un concessionnaire à MONACO sur le secteur qu'elle avait confié en exclusivité à la société SEM, soit le résultat d'un "incident malencontreux". En effet, elle indique que la partie adverse ne peut se retrancher derrière une prétendue "erreur administrative" consécutive à la désignation par elle d'un nouveau Chef de Région resté dans l'ignorance de l'existence de la société SEM à NICE, alors que cet argument, qui n'est étayé par aucun commencement de preuve, ne tient pas compte du fait que la nomination d'un concessionnaire, qui relève du Directeur Commercial de la société VOLVO FRANCE, n'est pas prise dans la précipitation, ni de manière solitaire. Elle précise que la société VOLVO FRANCE n'a strictement rien fait pour rétablir l'appelante dans ses droits, s'abstenant notamment d'entreprendre la moindre démarche tendant à la rupture avec la société SAM AUTOPORT de leurs relations contractuelles, lesquelles n'avaient débuté que depuis quelques semaines. Elle soutient qu'en réalité la société VOLVO FRANCE s'est servie de cette nomination et de la contrainte économique qu'elle faisait ainsi peser sur la société SEM, pour exercer sur celle-ci un véritable chantage en conditionnant le rétablissement des droits contractuels de son partenaire, à l'engagement des investissements
qu'elle réclamait. La société SEM expose que, si le concédant est effectivement en droit de mettre fin au contrat de concession sans avoir à motiver sa décision, ce droit doit cependant être exercé en respectant la bonne foi qui doit gouverner les relations contractuelles et sans commettre d'abus. Elle fait valoir qu'en l'occurrence, le caractère abusif de la rupture réside dans le fait que la partie adverse a sanctionné la résistance du concessionnaire à l'engagement de dépenses qui n'entraient pas dans ses obligations contractuelles, ainsi que dans le fait que, pour en arriver là, VOLVO FRANCE s'est sciemment affranchie de ses obligations contractuelles, ruinant la confiance qui avait jusque-là présidé à l'exécution du contrat. En troisième lieu, l'appelante relève que l'abus de droit commis dans le domaine contractuel engendre dans tous les cas la responsabilité délictuelle de son auteur, et l'oblige non seulement à s'acquitter de l'intégralité des causes du contrat mais également à réparer l'ensemble du préjudice subi par le concessionnaire, du fait de la rupture. A cet égard, elle explique que, compte tenu de ce que toutes les marques sont représentées à NICE, la perte de la concession VOLVO n'a pas pu être compensée par la conclusion d'un nouveau contrat de concession avec une nouvelle marque, de telle sorte qu'elle a entrepris de reconvertir ses structures en vue de devenir Atelier Agréé de Service OPEL, rattaché à la concession détenue par la société DETROIT MOTORS. Elle évalue comme suit les divers postes de son préjudice : "perte de la valeur du rendement du parc :
2.422.200 francs "moins value sur la vente des véhicules neufs en stocks :
428.134 francs "dépréciation du stock de véhicules d'occasion :
315.000 francs "reprise du stock de pièces de rechange :
700.292 francs "coûts de restructuration :
1.992.140 francs Total :
5.857.766 francs En conséquence, la société SUD EST MOTORS "SEM" SARL tout en sollicitant la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a jugé que la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE avait fautivement désigné un concessionnaire concurrent sur le territoire confié en exclusivité à la société SEM, conclut à l'infirmation de ce jugement en ce qu'il n'a pas tiré toutes les conséquences de ses constatations et en ce qu'il a limité la réparation du préjudice à la somme de 500.000 francs. Aussi demande-t-elle à la Cour, statuant à nouveau de dire que la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE a abusivement résilié le contrat de concession, et de la condamner au paiement d'une somme totale de 5.857.766 francs à titre de dommages et intérêts, augmentée d'une indemnité de 50.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE réplique d'abord que la société SUD EST MOTORS se prévaut à tort d'un abus prétendument commis à l'occasion de la rupture du contrat de concession, motif pris de ce que SEM aurait engagé, peu avant la rupture contractuelle, des investissements importants qui n'ont pu être amortis, compte tenu des conditions dans lesquelles cette rupture est intervenue. Sur ce point, elle fait observer que l'investissement suggéré en mai 1995 par VOLVO à SEM (à savoir la mise à disposition de la marque VOLVO d'un hall d'exposition d'une surface approximative de 400 m ), n'a jamais été réalisé par la société appelante, laquelle ne peut en conséquence revendiquer la moindre compensation financière à cet égard. Elle maintient que c'est par suite d'une erreur matérielle consécutive au remplacement du chef de région de VOLVO que le territoire de la Principauté de MONACO a été affecté à la société SAM AUTOPORT alors qu'il n'était pas libre puisqu'il figurait parmi les zones d'affectation visées au contrat de
la société SEM. Toutefois, elle explique s'être remise en conformité avec les engagements qu'elle avait pris à l'égard de la société SEM en notifiant le 27 novembre 1995, (soit antérieurement à la dénonciation du contrat qui la liait à SEM), à la société SAM AUTOPORT la dénonciation de son contrat de concession après neuf mois d'activité. De plus, elle soutient que cette erreur n'a généré aucun préjudice conséquent au détriment de la société SEM au vu de la durée limitée du retrait du territoire de MONACO, des résultats extrêmement modestes du concessionnaire à qui le territoire a été affecté, et de la modération des objectifs assignés à la société SEM du fait du retrait du secteur de MONACO. Tout en contestant que ce retrait temporaire d'exclusivité puisse s'analyser en un abus de droit que rien ne démontre, elle relève que le secteur de MONACO a bien été restitué en mai 1996 à la partie adverse, dans des conditions qui ont contraint VOLVO à indemniser ultérieurement AUTOPORT, alors même que l'investissement de mise en place d'un "show-room" dans les locaux de NICE-EST n'a jamais été réalisé par SEM. Par ailleurs, l'intimée fait valoir que c'est vainement que la société SEM persiste à vouloir orienter la discussion autour de la légitimité des motifs afférents à la rupture du contrat de concession, alors qu'elle n'a nullement agi dans le contexte de la résiliation pour faute, mais qu'elle a choisi de s'imposer la contrainte d'un préavis long d'un an pour se séparer de la partie adverse dans des conditions ne permettant pas un examen des griefs ou des motifs de la rupture. Elle conclut en conséquence à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a énoncé qu'aucun abus, ni aucune faute n'ont été commis par elle à l'occasion de la rupture de ce contrat de concession. Relativement à l'estimation du préjudice subi par la société SEM consécutivement à l'attribution du secteur de MONACO à la société AUTOPORT, la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE indique que ce préjudice doit être apprécié par référence au
fait qu'AUTOPORT a commercialisé seulement trois véhicules pendant cette période de quinze mois et qu'elle a réalisé un chiffre d'affaires pièces de rechange de 292.000 francs. Aussi, dans l'hypothèse où le principe de sa responsabilité serait retenu dans cette erreur temporaire d'attribution de secteur, la société VOLVO, se portant de ce chef incidemment appelante du jugement déféré, demande à la Cour de limiter à une somme de 150.000 francs l'indemnisation à laquelle la société SEM pourrait légitimement prétendre en réparation de son préjudice. A titre infiniment subsidiaire pour le cas où, par extraordinaire la Cour considérerait que la société VOLVO a commis une faute à l'occasion de la dénonciation du contrat de concession de la société SEM, l'intimée suggère, avant dire droit sur le chiffrage du préjudice, l'institution d'une mesure d'expertise. De plus, alléguant qu'en maintenant la référence à la marque VOLVO sur ses documents commerciaux postérieurs à la rupture, la société SEM a pris l'initiative d'agissements caractéristiques d'une concurrence déloyale, la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts, et elle demande à la Cour de condamner la partie adverse à lui payer de ce chef une somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts. Enfin, elle conclut à la condamnation de la société SEM à lui payer la somme de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. v MOTIFS DE LA DECISION "Sur les circonstances de la rupture du contrat de concession : Considérant qu'aux termes de l'article 1-2 "Durée" du contrat de concession exclusive conclu le 23 avril 1992 entre la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE et la SARL SUD EST MOTORS, les parties ont prévu qu'elles pourront mettre fin à leur contrat à durée indéterminée en respectant un préavis d'un an courant à compter de la
date de réception de la lettre recommandée avec accusé de réception qui sera envoyée par l'une d'entre elles, la résiliation du contrat à durée indéterminée devant prendre effet après que le préavis d'un an aura couru ; considérant que, se prévalant des stipulations de l'article 1-2 susvisé, la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE a, par courrier en date du 05 janvier 1996, fait savoir à la SARL SUD EST MOTORS qu'elle avait pris la décision de dénoncer le contrat de concession liant les parties, en lui précisant que les relations contractuelles viendront à leur terme à l'issue d'un préavis d'un an, soit au 06 janvier 1997 ; considérant qu'il résulte de la convention litigieuse qu'à la condition de prévenir son cocontractant dans le délai d'un an, VOLVO était en droit de mettre fin à la concession, sans même avoir à motiver sa décision ; considérant que toutefois le concédant qui rompt un contrat de concession d'exclusivité à durée indéterminée en respectant le délai de préavis d'un an peut se voir reprocher un abus de droit s'il est démontré que les circonstances de la rupture constituent à sa charge une faute dans l'exercice de son droit de rompre ; considérant que la société VOLVO explique qu'à la suite d'une erreur matérielle consécutive au remplacement du chef de Région VOLVO, le territoire de la Principauté de MONACO a été affecté à la société SAM AUTOPORT, alors que ce secteur n'était pas libre dans la mesure où il figurait parmi les zones d'affectations visées expressément dans le contrat de la société SEM ; considérant que l'intimée conteste avoir réglé cette situation de manière fautive, et, à ce titre, elle fait observer qu'elle ne pouvait du jour au lendemain retirer la représentation de sa marque à la société AUTOPORT, faute de quoi elle se serait placée à l'égard de celle-ci en infraction avec les stipulations de son contrat ; considérant qu'elle précise avoir réparé son erreur en notifiant le 27 novembre 1995 à SAM AUTOPORT (soit antérieurement à la résiliation du contrat
SEM) la dénonciation de son contrat de concession, de telle sorte qu'au terme de ce contrat le 28 mai 1996, la SEM a pu récupérer l'intégralité du territoire qui lui avait été originellement affecté ; considérant que, tout en indiquant que la rupture anticipée du contrat conclu avec la société SAM AUTOPORT a d'ores et déjà été lourdement sanctionnée par l'allocation à celle-ci d'une somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts (suivant jugement rendu le 18 février 1998 par le Tribunal de Commerce de VERSAILLES), elle soutient que, compte tenu de la durée limitée du retrait du territoire de MONACO, des résultats très modestes du concessionnaire à qui le territoire avait été affecté et de la modération des objectifs assignés à la société SEM durant la période concernée, l'attribution parallèle de ce territoire à un nouveau concessionnaire, non seulement n'a causé aucun préjudice important à ladite société, mais surtout, se trouve être sans lien avec la rupture, laquelle n'est nullement entachée d'un abus de droit ; mais considérant que, d'une part, la thèse de l'erreur administrative à l'origine de la désignation d'un nouveau concessionnaire dans l'ignorance de l'existence de la société SEM apparaît difficilement crédible, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'une telle désignation ne peut intervenir qu'à l'issue d'un examen nécessairement précis du réseau des exploitants et du champ des exclusivités, et dès lors qu'au surplus les droits de la société appelante sur la Principauté de MONACO n'étaient nullement méconnus de la société VOLVO, le Chef de Région de cette société ayant en 1993 (ainsi qu'il résulte d'un courrier en date du 14 avril 1995 de Monsieur X..., responsable de la société SEM à NICE), prospecté le secteur de MONACO en compagnie du chef des ventes de VOLVO à NICE pour rechercher un agent sur ce secteur ; considérant que, d'autre part, même en admettant qu'une erreur malencontreuse ait été commise par la société intimée
lors de l'affectation du territoire de la Principauté de MONACO à la société SAM AUTOPORT, suivant contrat de concession en date du 23 février 1995, il est permis de s'étonner que, bien qu'elle ait été destinataire dès réception du courrier de Monsieur X... en date du 14 avril 1995, des doléances de celui-ci à la suite de la désignation de ce nouveau concessionnaire, la société VOLVO ait attendu le 27 novembre 1995, soit à peine plus d'un mois avant la dénonciation par elle du contrat de concession conclu avec la société SEM, pour notifier à la société AUTOPORT la résiliation de son contrat avec préavis de six mois ; or considérant que VOLVO FRANCE ne s'explique pas sérieusement sur les raisons pour lesquelles elle s'est refusée à rétablir dans les tout meilleurs délais la société SEM dans ses droits sur le secteur de MONACO, alors même que, par courrier du 25 août 1995 produit aux débats, la société AUTOPORT faisait savoir à sa cocontractante qu'elle ne pourrait "résister à terme au souhait (de VOLVO) d'être évincée", et qu'il ne lui "resterait qu'à recevoir une proposition d'indemnisation légitime", correspondant au préjudice subi par elle ; considérant également qu'il résulte des correspondances échangées entre les parties que, loin de reconnaître son "erreur" et de s'engager à y remédier à bref délai, la société VOLVO FRANCE a d'abord donné rendez-vous à Monsieur X..., dirigeant de la société SEM, afin de "définir ensemble l'avenir de nos relations commerciales" (lettre du 27 avril 1995), puis l'a informé que, d'ici le 1er juin 1995, elle prendrait définitivement une position sur le secteur de MONACO (lettre du 15 mai 1995), avant de lui préciser qu'elle ne pouvait l'assurer de quoi que ce soit en ce qui concerne la concession accordée sur le secteur de la Principauté (lettre du 26 juin 1995) ; considérant que l'analyse de ces divers courriers, particulièrement celui en date du 15 mai 1995, aux termes duquel VOLVO FRANCE indique à son
interlocuteur avoir bien noté que : "dans le cas où nous aboutissions à une solution favorable, vous vous engagerez à donner en exclusivité à la marque VOLVO une surface de hall d'exposition de 400 m ", fait clairement apparaître que la société intimée a en réalité entendu subordonner le rétablissement de l'appelante dans ses droits sur le secteur de MONACO à l'exécution par la société SEM d'investissements à la réalisation desquels celle-ci ne s'était engagée, ni en vertu du contrat de concession liant les parties, ni dans des écrits ultérieurs ; considérant que, tout au contraire, dans ses correspondances successives (notamment lettres des 18 mai 1995 et 07 juin 1995), la société SEM a constamment répondu que, compte tenu du niveau de rentabilité de sa concession, elle ne pouvait envisager d'entreprendre des investissements immobiliers qu'avec l'aide de VOLVO ; considérant qu'au demeurant, il doit être relevé que, par courrier en date du 26 juin 1995, la société VOLVO FRANCE confirmait à la société SEM qu'elle ne pouvait lui accorder le moindre concours financier en cette matière ; considérant qu'il s'ensuit qu'en conditionnant la restitution du secteur de MONACO (sur lequel la société SEM bénéficiait contractuellement de l'exclusivité) à l'exécution par cette société de dépenses d'investissements relevant aux termes du courrier de l'intimée en date du 26 juin 1995, "de la liberté de gestion de chaque entrepreneur", puis en tardant à dénoncer le contrat de concession qui la liait à la société AUTOPORT (cette dénonciation n'ayant été effective qu'à la date du 28 mai 1996, donc en cours de préavis de résiliation du contrat SEM), la société VOLVO FRANCE a de manière fautive cherché à faire supporter par sa cocontractante les conséquences de la violation par elle de la clause d'exclusivité insérée au contrat liant les parties ; considérant qu'au surplus, le fait pour VOLVO FRANCE de mettre fin à ce contrat, faute d'être parvenue à faire accepter par la société SEM
les conditions qu'elle avait tenté de lui imposer, et ce, quelques semaines seulement après avoir dénoncé la convention irrégulièrement conclue avec la société AUTOPORT, caractérise de sa part, compte tenu des circonstances précédemment décrites, un exercice abusif de son droit de résiliation unilatérale, contraire à la nécessaire loyauté qui doit présider aux relations contractuelles entre le concédant et son concessionnaire ; considérant qu'il y a donc lieu de réformer le jugement entrepris, et de dire que la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE a abusivement résilié le contrat de concession liant les parties ; " Sur la détermination du préjudice subi par la société SEM : Considérant que la société SUD EST MOTORS est fondée à obtenir la réparation du préjudice financier et commercial qui a résulté de la rupture abusive du contrat de concession aux torts et griefs de la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE ; considérant que la société SEM expose que la perte de la concession VOLVO s'est traduite pour elle par divers préjudices, ayant trait à la valeur de rendement du parc, à la moins-value sur la vente des véhicules neufs en stock, à la dépréciation du stock de véhicules d'occasion, et à la reprise du stock de pièces de rechange ; considérant que l'appelante fait également valoir que la perte de la concession VOLVO n'a pas pu être compensée par la conclusion d'un nouveau contrat de concession avec une nouvelle marque, de telle sorte qu'elle a été contrainte d'entreprendre une reconversion très coûteuse de ses structures en vue de devenir Atelier Agréé du Service OPEL, rattaché à la concession détenue par la société DETROIT MOTORS ; considérant que la société VOLVO AUTOMOBILES FRANCE conteste les divers postes de préjudice invoqués par la société SUD EST MOTORS, soit dans leur principe, soit dans leur estimation chiffrée ; considérant qu'elle précise qu'elle ne saurait être tenue de supporter les coûts de restructuration avancés par la société SEM, aux motifs que : "
l'adjonction de panneaux divers et beaucoup plus importants que VOLVO lui permet de réaliser des profits bien supérieurs à ceux qu'elle connaissait autrefois ; " en jouant sur les créations de structures à l'intérieur d'une holding et en affectant tel ou tel panneau aux différentes sociétés ou établissements dépendant de cette holding, Monsieur X... a créé artificiellement les conditions d'un préjudice financier imaginaire, alors que, dans le même temps, d'autres structures créées pour les besoins de la cause, localisés au même endroit, pourraient générer des profits conséquents ; considérant que, dès lors que la Cour ne dispose pas de tous les éléments d'information lui permettant de statuer sur les diverses réclamations de la société SEM expressément contestées par la partie adverse, il convient de recourir avant dire droit à une mesure d'expertise aux frais avancés par la société VOLVO FRANCE, mission étant confiée à l'expert judiciaire de répondre aux questions qui lui sont posées dans le dispositif du présent arrêt ; considérant que, d'ores et déjà, la société SEM est en droit de se voir attribuer une indemnité provisionnelle de un million de francs, à valoir sur l'étendue de son préjudice sur lequel la Cour se prononcera ultérieurement ; considérant qu'il sera statué sur les autres demandes principales et reconventionnelles de chacune des parties, consécutivement au dépôt du rapport d'expertise. " PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DECLARE recevable l'appel interjeté par la SARL SUD EST MOTORS "SEM", REFORME le jugement déféré et statuant à nouveau : DIT que la dénonciation dont la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE a pris l'initiative suivant courrier en date du 05 janvier 1996 est constitutive d'une résiliation abusive du contrat de concession liant les parties, AVANT DIRE DROIT, sur la détermination du préjudice subi par la SARL SUD EST MOTORS "SEM" du fait de la perte de la concession VOLVO, ORDONNE
une expertise, DESIGNE :
Monsieur Guy Y... ... ; dans l'affirmative procéder à une évaluation du manque à gagner qui a résulté pour elle de ce retrait, " vérifier si la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE a procédé à la reprise du stock des pièces de rechange de la SARL SUD EST MOTORS "SEM" dans des conditions conformes aux stipulations du contrat de concession liant les parties ; dans la négative, effectuer une estimation du reliquat du stock non repris par la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE, " rechercher si la perte de la concession VOLVO a contraint la SARL SUD EST MOTORS "SEM" à procéder à une restructuration de ses services, et pour ce faire : " examiner l'ensemble des structures de distribution automobiles dirigées ou animées par Monsieur Jean-Marie X... dans la région niçoise, " se faire communiquer l'ensemble des contrats de concession dont bénéficient ces diverses structures et décrire les liens commerciaux susceptibles d'exister entre la SARL SUD EST MOTORS "SEM" et les autres sociétés du Groupe, " procéder à une estimation des chiffres d'affaires et de la marge pouvant être
escomptés des marques actuellement représentées sur le site rue Gustave-Garaud à NICE, " vérifier dans quelle mesure la perte de la concession VOLVO a été directement à l'origine des licenciements diligentés par la SARL SUD EST MOTORS "SEM", ainsi que de la résiliation anticipée du bail relatif à son hall d'exposition situé à l'angle de la rue de Nathanya et de la rue Gustave-Garaud, " en fonction du résultat de ses investigations, et après vérification des postes coût des licenciements (annexe 8 produite par la SARL SUD EST MOTORS "SEM") , coût de restructuration (annexe 11) et coût immobilier (annexe 10) correspondant au chiffrage produit par la société SEM, procéder à une évaluation du coût des restructurations effectivement assumées par celle-ci, et qui sont directement imputables au retrait de la marque VOLVO, " de manière générale, donner tous éléments d'appréciation du préjudice économique et financier subi par la SARL SEM à la suite de la rupture des relations contractuelles avec VOLVO. DIT que la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE devra consigner au Greffe de la Cour d'Appel de VERSAILLES, Service des expertises, la somme de 40.000 francs à valoir sur les honoraires de l'expert, avant le 08 septembre 2000, DIT que l'expert devra de VERSAILLES, Service des expertises, la somme de 40.000 francs à valoir sur les honoraires de l'expert, avant le 08 septembre 2000, DIT que l'expert devra déposer son rapport dans les six mois du jour où il sera avisé du versement de la consignation, DESIGNE le Conseiller de la Mise en Etat pour suivre les opérations d'expertise, CONDAMNE d'ores et déjà la SA VOLVO AUTOMOBILES FRANCE à verser à la SARL SUD EST MOTORS "SEM" une indemnité provisionnelle de 1.000.000 francs (un million de francs) à valoir sur le montant de son préjudice, lequel sera déterminé ultérieurement, DIT qu'il sera statué sur les autres demandes principales de la SARL SUD EST MOTORS "SEM", et sur la demande reconventionnelle de la SA VOLVO AUTOMOBILES
FRANCE, ainsi que sur les prétentions des parties au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, postérieurement au dépôt du rapport d'expertise, RESERVE les dépens. ARRET REDIGE PAR MONSIEUR FEDOU, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE PRESIDENT M.Thérèse GENISSEL
F. ASSIÉ