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08/06/2000 | FRANCE | N°1997-4620

France | France, Cour d'appel de Versailles, 08 juin 2000, 1997-4620


FAITS ET PROCEDURE : Le 07 juin 1994, l'établissement de la SA MATRA COMMUNICATION de BOIS D'ARCY (78) a confié à la SA CHRONOPOST une palette cerclée et filmée comprenant prétendument 13 colis et un bon de livraison placé à l'intérieur d'une pochette collée sur le film plastique, pour l'acheminer jusqu'à filiale, la société MET située à MASSY (91). A la même date, la société MATRA a récapitulé sur un document de saisie informatique transmis à la société CHRONOPOST les expéditions du jour. Le 08 juin 1994, à 16 heures 10, la société CHRONOPOST a livré à la sociétÃ

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FAITS ET PROCEDURE : Le 07 juin 1994, l'établissement de la SA MATRA COMMUNICATION de BOIS D'ARCY (78) a confié à la SA CHRONOPOST une palette cerclée et filmée comprenant prétendument 13 colis et un bon de livraison placé à l'intérieur d'une pochette collée sur le film plastique, pour l'acheminer jusqu'à filiale, la société MET située à MASSY (91). A la même date, la société MATRA a récapitulé sur un document de saisie informatique transmis à la société CHRONOPOST les expéditions du jour. Le 08 juin 1994, à 16 heures 10, la société CHRONOPOST a livré à la société MET non pas un palette, mais 11 colis accompagnés d'un bordereau de distribution établi par ses soins portant les mentions manuscrites suivantes : "11 colis - 14 heures 30 - Air Inter - rattrapage collecte + distribution". La société MET a pris possession de la marchandise en apposant sur ce bordereau un tampon dateur indiquant : "Réception sous réserve de contrôle quantitatif et qualitatif après déballage". Par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juin 1994, la société MATRA a adressé à la société CHRONOPOST une réclamation en faisant état de la perte de deux colis contenant deux PC informatiques et d'un préjudice de 306.000 francs au titre de la valeur attribuée au matériel et de 7 millions de francs à celui des pertes immatériels. La SA HELVETIA, assureur de la société MATRA a initié une expertise amiable et désigné le Cabinet ENFROY qui a dressé son rapport le 29 août 1994 en chiffrant le préjudice matériel allégué à 379.488,80 francs. La société HELVETIA a indemnisé, le 20 octobre 1994, la société MATRA de ce préjudice à hauteur de 369.488,80 francs puis exercé un recours subrogatoire devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE à l'encontre de la société CHRONOPOST et de ses assureurs, les compagnies CIGNA, CAMAT, GAN, GERLING KONZERN, GROUPE CHEGARAY, LANOIRE et CHEVILLAT, LE CONTINENT, LES MUTUELLES DU MANS, NAVIGA, SIMONS et COMPAGNIE, VERHEYEN et ZURICH, tandis que la société MATRA a, de concert,

réclamé à ces derniers réparation de son prétendu préjudice immatériel estimé à 1.569.458,20 francs. Par jugement rendu le 22 avril 1997, cette juridiction a déclaré les sociétés MATRA et HELVETIA irrecevables en leur action et les a condamnées à verser aux défenderesses une indemnité de 20.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens. Appelantes de cette décision, les sociétés MATRA et HELVETIA soutiennent que la réclamation adressée à la société CHRONOPOST dans le délai contractuel est recevable et qu'en toute hypothèse, cette dernière ne peut prétendre bénéficier de la forclusion de l'article 105 du Code de Commerce puisque c'est de son propre fait et par sa fraude que le destinataire n'a pu prendre des réserves. Elles font valoir que la prescription de l'article 108 du Code de Commerce ne peut être invoquée dès lors que la compagnie HELVETIA a obtenu de la société CHRONOPOST et de ses assureurs son report dont son mandataire la société MATRA profite également. Elles estiment justifier tant du nombre de cartons manquants que de leur contenu. Elles ajoutent que la société CHRONOPOST qui a commis une faute lourde tenant à la dépalettisation, à la poursuite du transport avec des colis non étiquetés dans une fausse direction sans avoir donné le moindre avis à l'expéditeur ou au destinataire n'est pas fondée à opposer la limitation de garantie, ni davantage les limitations d'indemnité du contrat type messagerie, un contrat écrit ayant été conclu entre elle et la société MATRA le 16 février 1994, ni enfin celles de ses conditions générales dérisoires et donc nulles. Elles réitèrent, en conséquence, leur demande de condamnation in solidum des intimées au paiement à la société HELVETIA et à la société MATRA les sommes respectives de 379.488,80 francs et de 1.569.458,20 francs avec intérêts légaux à compter de l'assignation du 04 octobre 1995, capitalisés, outre une indemnité de 40.000 francs en application de

l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société CHRONOPOST et ses assureurs concluent à la confirmation du jugement déféré, subsidiairement à la prescription de l'action de la société MATRA et dans tous les cas, au mal fondé des demandes des appelantes, ainsi qu'à la limitation de responsabilité de la société CHRONOPOST à 3.000 francs ou subsidiairement à 9.000 francs. Elles réclament, par ailleurs, une indemnité de 40.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Elles observent qu'en l'absence de réserves émises lors de la livraison ou dans les jours suivants, la forclusion de l'article 105 du Code de Commerce est encourue en soulignant que la société CHRONOPOT a pratiqué la transparence et qu'il ne peut être dérogé contractuellement à ce texte dont l'article 4 des conditions générales de la société CHRONOPOST rappelle les exigences et en invoquant le non respect des articles 4 et 8 desdites conditions. Elles précisent que les reports de prescription ont été accordés à la seule compagnie HELVETIA. Elles font état, en tout cas, de ce qu'aucun document contractuel ne conforte les affirmations des appelantes selon lesquelles la palette litigieuse aurait été constituée de 13 colis lors de sa prise en charge par le transporteur. Elles prétendent que l'incertitude est totale quant au contenu des colis en raison des variations des affirmations énoncées à cet égard par la société MATRA et qu'il en est de même des prétentions fluctuantes de cette dernière selon elle dans l'incapacité de prouver la réalité des manquants allégués. Elles rappellent plus subsidiairement que la responsabilité du transporteur ne saurait être engagée au-delà de la garantie prévue par l'article 14 du contrat type général soit pour deux colis à la somme de 9.000 francs en déniant toute faute lourde, en relevant que le transporteur était en droit de reconstituer le chargement pour l'adapter aux exigences de la manutention et que même à supposer démontré la perte

d'un colis, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, celle-ci n'établirait pas en soi l'incompétence notoire du transporteur lequel a été entretenu dans la confusion de la destination par l'expéditeur. Elles se réfèrent aussi à la limite de garantie de 3.000 francs figurant dans les conditions générales de la société CHRONOPOST. L'ordonnance de clôture a été rendue le 10 février 2000. MOTIFS DE L'ARRET : Considérant qu'il n'est pas discuté que les observations purement générales et de style mentionnées par la société MET, destinataire de l'envoi en cause, par voie de tampon sur le bordereau de livraison émis par la société CHRONOPOST qui ne sont, ni significatives, ni complètes, ne constituent pas des réserves valables ; Considérant que l'article 105 du Code de Commerce fait obligation au destinataire de notifier au voiturier sa protestation motivée par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée dans les trois jours suivants la réception de la marchandise, sous peine de forclusion de son action pour avarie ou perte partielle ; Considérant que la société MATRA et son assureur qui ne justifient pas de l'accomplissement de cette formalité dans le délai requis par la société MET ne sauraient se prévaloir du délai de 21 jours prévu par l'article 8 des conditions générales de la société CHRONOPOST approuvées le 16 février 1994 par celle-ci dès lors que l'alinéa 3 de l'article 105 précité répute nulles toutes stipulations contraires à cet égard, en matière comme en l'espèce, de transport terrestre intérieur, ni d'une prétendue renonciation à son bénéfice de la part du transporteur s'agissant de prescriptions impératives ; Considérant que les sociétés appelantes ne peuvent davantage alléguer l'impossibilité de formuler des réserves par le fait et la fraude du voiturier ; Considérant en effet, qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société CHRONOPOST a pris en charge, le 07 juin 1994, un colis selon le bon de livraison préalablement établi par la

société MATRA comprenant des matériels qui sont désignés sans indication de valeur, du nombre des objets expédiés, ni du nombre de colis, figurant sur le bordereau de saisie informatique transmis à la même date à la société CHRONOPOST comme l'une des 14 expéditions du jour à destination de la société MET, dont il n'est pas discuté qu'elle était constituée en réalité d'une palette recouverte d'un film plastique ; Considérant que la société MATRA qui a eu connaissance de la non livraison de la palette le jour même a alerté la société CHRONOPOST de ce retard, le 08 juin 1994, ainsi qu'elle l'a relaté à l'expert amiable ; Considérant qu'il suit de là, que la livraison était donc attendue et devait normalement concerner une palette ; Or, considérant que le 08 juin 1994, à 16 heures 10, la société CHRONOPOST a livré non pas une palette cerclée et protégée par un film plastique correspondant à la configuration d'origine, mais onze colis, non assortis du bon de livraison qui selon les dires de la société MATRA accompagne systématiquement ses expéditions, ce que ne pouvait ignorer sa filiale la société MET, mais d'un bordereau de distribution émis par l'établissement d'Orly de la société CHRONOPOST et comportant les mentions explicites de : "11 colis, 14 heures 30, Air Inter, rattrapage - collecte + distribution", tous éléments qui devaient nécessairement appeler l'attention du destinataire habitué à recevoir des colis de sa société mère alors même que les matériels en cause présentaient sur le plan technologique et financier une importance particulière puisque selon les appelantes, ils comprenaient des prototypes d'une valeur de 7 millions de francs développés dans un projet de recherches européen et qu'en outre les deux colis prétendument manquants auraient renfermé des unités centrales d'ordinateur en forme de tours dont les dimensions de 60 cms sur 40 cms et 19 cms, non négligeables, étaient les plus conséquentes en volume de l'expédition ; Considérant, en

outre, que le destinataire disposait du droit de vérifier l'intérieur et le contenu des colis avant d'en prendre livraison sans qu'il ne soit allégué un quelconque obstacle opposé par le transporteur à l'exercice de ce droit ; Que la société MET bénéficiait encore de trois jours pour procéder à l'inventaire quantitatif et qualitatif complet des colis et pas seulement de leur nombre sur lequel elle ne peut utilement se fonder pour prétendre n'avoir pu formuler la protestation requise sans démontrer que la liste de colisage aurait dû, comme elle le soutient, accompagner l'expédition au risque en cas d'avarie d'être détruite et d'empêcher toute vérification ultérieure par le destinataire ; Considérant que les sociétés appelantes ne peuvent utilement faire état de la non remise du bon de livraison qui aurait disparu avec le film plastique entourant la palette dans la mesure où ce document dont le double est produit ,ne comportant aucune mention sur le nombre des matériels des colis placés sur la palette, ne pouvait permettre à la société MET d'effectuer un contrôle opérant des colis réceptionnés ; Considérant que les sociétés MATRA et HELVETIA ne démontrent aucune démarche frauduleuse, dolosive, ni même déloyale de la part du transporteur, lequel n'a nullement reconstitué la palette défaite, mais a, bien au contraire, livré avec retard et après que la société MATRA se soit inquiétée, 11 colis désolidarisés en faisant clairement mention sur le bordereau de distribution d'un "rattrapage", et de l'intervention d'Air Inter attestant ainsi sans équivoque de difficultés survenues dans l'acheminement d'une expédition entre deux départements limitrophes qui ne nécessitait aucunement un vol aérien, ni une durée aussi longue de trajet et aurait dû parvenir à destination la veille ; Considérant dans ces conditions, que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a déclaré les sociétés MATRA et HELVETIA irrecevables en leur action sur le fondement de l'article 105 du Code

de Commerce ; Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles ; Que les sociétés MATRA et HELVETIA qui succombent en leur appel, supporteront les dépens. " PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en cause d'appel, CONDAMNE les SA MATRA COMMUNICATION et HELVETIA ASSURANCES aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP LEFEVRE-TARDY, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé M.Thérèse GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-4620
Date de la décision : 08/06/2000

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité - PERTE OU AVARIE - ARTICLE 105 DU CODE DE COMMERCE

L'article 105 du code de commerce fait obligation au destinataire de notifier au voiturier sa protestation motivée par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée dans les trois jours suivants la réception de la marchandise, sous peine de forclusion de son action pour avarie ou perte partielle. En vertu de l'alinéa 3 de ce même article toutes stipulations contraires, en matière de transport intérieur, sont nulles, d'où il suit que, pas davantage, le transporteur ne peut renoncer au bénéfice de cette prescription. Dès lors que la réception de marchandises avec l'apposition, par le destinataire, de la mention " réception sous réserve de contrôle quantitatif et qualitatif après déballage ", n'est pas constitutive de réserves valables au sens de l'article 105 précité et à défaut d'établir une démarche frauduleuse, dolosive ou déloyale de la part du transporteur qui aurait rendu impossible la formulation d'une protestation dans le délai requis, c'est à bon droit que les premiers juges ont déclaré irrecevable l'action introduite par l'expéditeur et son assureur


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-06-08;1997.4620 ?
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