FAITS ET PROCEDURE, Monsieur X... et Madame Y... Z..., tous deux de nationalité marocaine mais résidant en France, se sont mariés le 25 octobrel985 au consulat du Maroc à NANTERRE. Par requête en date du 13 février 1997, Madame X... a saisi le juge des saisies sur rémunérations aux fins de se voir autoriser à saisir arrêter sur les rémunérations de Monsieur X... la somme totale de 267.462 francs en principal, en application d'un jugement du tribunal d'instance de BOULOGNE en date du 11 janvier 1990. Monsieur X..., par exploit en date du 7 février 1997, a fait citer Madame X... devant le tribunal d'instance de POISSY, aux fins de voir constater la caducité du titre exécutoire ouvrant droit à la saisie sur rémunérations, voir ordonner la répétition de l'indû perçu au titre de la saisie à concurrence des paiements effectués au profit de Madame X..., et à titre subsidiaire, voir réduire le montant du prélèvement mensuel à la somme de 2.000 francs. A l'appui de ses prétentions, Monsieur X... a exposé que le tribunal de RABAT avait prononcé leur divorce le 4 janvier 1990 selon les lois marocaines, que le couple avait à nouveau contracté mariage le 4 avril 1992 devant les autorités marocaines, que le tribunal de CASABLANCA avait à nouveau prononcé leur divorce le 12 novembre 1996. Il a donc fait valoir que son devoir de contribution aux charges du mariage avait cessé dès l'enregistrement de l'acte de divorce, soit le 5 janvier 1990, alors que le jugement du tribunal d'instance de BOULOGNE était intervenu le 11 janvier 1990. Madame X... a fait valoir qu'elle n'avait jamais eu connaissance des prétendus actes de divorce et de remariage, que ces décisions avaient été obtenues manifestement en fraude à ses droits, et qu'elle était donc toujours mariée, l'acte du 11 novembre 1996 étant unilatéral malgré la nécessité de l'accord de l'épouse pour le divorce depuis la législation marocaine de 1993. Monsieur X... a répliqué qu'il avait pris en charge toute sa famille et
avait payé la totalité des charges courantes de 1990 à 1996. Par jugement en date du 14 octobre 1997, le tribunal d'instance de POISSY a considéré que les deux actes de divorce produits par Monsieur X... s'analysaient comme des actes de répudiations unilatérales et révocables de Monsieur X... à l'égard de son épouse, que Madame X... n'avait eu aucune possibilité de faire valoir ses droits, contrairement aux dispositions de l'article 16 de la convention d'entraide judiciaire et aux grands principes généraux du droit applicables en FRANCE, et qu'en conséquence, ces actes ne pouvaient être opposés à Madame X.... Par ailleurs, le tribunal a considéré que, faute de pouvoir chiffrer les dépenses réellement prises en charge par Monsieur X... à comparer avec les dispositions du jugement de contribution aux charges du ménage et les besoins de Madame X... et de son fils, il convenait de débouter Madame X... de sa demande de saisie sur les rémunérations pour l'arriéré non couvert par la demande de prélèvements directe mise en place par acte du 26 novembre 1996. En conséquence, le tribunal a rendu la décision suivante - dit que les actes de divorce en date du 5 janvier 1990 et du 11 novembre 1996 prononcés par les autorités judiciaires marocaines n'ont aucune autorité de la chose jugée sur le territoire français, - dit en conséquence que le jugement du tribunal d'instance de BOULOGNE en date du 11 janvier 1990 est exécutoire et a autorité de la chose jugée, - déclare recevable Madame X... en sa demande en saisie sur les rémunérations de Monsieur X..., Au fond, l'en déboute, - condamne Monsieur X... à lui payer la somme de 3.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - déboute les parties du surplus de leurs demandes, - fait masse des dépens, lesquels seront par moitié partagés entre les parties. Le 31 décembre 1997, Monsieur X... a interjeté appel. Par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 23 septembre
1998, il bénéficie de l'aide juridictionnelle totale pour cette procédure. Il soutient que c'est la loi marocaine qui est applicable ; que le juge d'instance était incompétent pour juger de la saisie fondée sur la contribution aux charges du mariage relevant du droit français ; que les conventions franco- marocaines dispensent d'exequatur les jugements de divorce; que les décisions marocaines ne contredisent en rien les dispositions de l'article 16-d de la convention de 1957 sur le statut personnel des marocains résidant en France ; que Madame Y... A... a introduit une action au MAROC en se fondant sur le divorce définitif en sollicitant une pension alimentaire pour l'enfant, ce qui constitue une reconnaissance de la validité du divorce marocain et rend infondée la procédure de faux qu'elle a introduite au MAROC concernant cet acte. Il prie donc la Cour de - accueillir Monsieur X... en son appel et ses conclusions, - le déclarer recevable et bien fondé, Vu les conventions franco marocaines de 1957 et 1981 Vu le jugement du tribunal de première instance de RABAT du 8 janvier 1999 et l'arrêt de la cour d'appel de RABAT du 15 novembre 1999- constater l'aveu judiciaire de Madame Y... Z... et son acquiescement au jugement de divorce, Principalement, se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir devant les juridictions marocaines ou à défaut devant le consulat du MAROC à NANTERRE, Subsidiairement, faire application de la loi marocaine, - infirmer le jugement en ce qu'il a statué sur la validité des actes de divorce, - le confirmer en ce qu'il a débouté Madame Y... Z... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - condamner Madame Y... Z... à rembourser à Monsieur X... les sommes perçues au titre des voies d'exécution qu'elle a pratiquées,- condamner Madame Y... Z... à verser à Monsieur X... une indemnité de 3.000 francs au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Madame Y...
Z... aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP MERLE CARÉNA DORON, selon les dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. Madame Y... Z... fait valoir qu'elle a déposé une plainte pénale à l'encontre de son mari devant les juridictions marocaines, aux fins de voir constater la nullité absolue du prétendu remariage du 14 décembre 1992, qu'en conséquence, le seul acte de mariage valablement conclu est le premier acte en date du 25 octobre 1985 ; que la demande de pension alimentaire introduite par elle au MAROC n'est pas fondée sur le prétendu divorce des époux X.... Elle fait observer que la demande en révision de la contribution aux charges du mariage introduite par Monsieur X... devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE constitue un aveu judiciaire concernant le maintien des relations du mariage entre époux ; que par jugement contradictoire, assorti de l'exécution provisoire, en date du 8 avril 1999, le juge aux affaires familiales a organisé un droit de visite et d'hébergement pour l'enfant commun au profit de Monsieur B... et rejeté les demandes principales et reconventionnelles en diminution et augmentation de la contribution aux charges du mariage. Par conséquent, formant demande reconventionnelle, Madame Y... Z... prie la Cour de - débouter Monsieur X... de l'ensemble de ses chefs de demande, Reconventionnellement, - confirmer le jugement du tribunal d'instance de POISSY en ce qu'il a jugé que les actes de divorce marocains du 5 janvier 1990 et du 11 novembre 1996 n'avaient pas autorité de la chose jugée en France et dit, en conséquence, que le jugement du tribunal d'instance de BOULOGNE en date du 11 janvier 1990 est exécutoire et a autorité de la chose jugée, - rappeler les termes du jugement en date du 8 avril 1999 rendu par le tribunal de grande instance de NANTERRE et assorti de l'exécution provisoire, - infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté Madame X... de sa
demande de saisie-arrêt sur rémunération, - déclarer recevable Madame X... en sa demande de saisie-arrêt sur les rémunérations de Monsieur X..., - ordonner la saisie-arrêt sur les rémunérations de Monsieur X... à hauteur de 268.000 francs avec intérêts aux taux légal à compter de la date de saisine du tribunal d'instance de POISSY, - condamner Monsieur X... à payer à son épouse 50.000 francs à titre de dommages-intérêts en application des dispositions des articles 1382 et suivants du code civil, - condamner Monsieur X... à payer à son épouse 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner aux entiers dépens d'appel et de première instance qui seront recouvrés par la SCP JUPIN ALGRIN conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. L'ordonnance de clôture a été signée le 4 mai 2000 et l'affaire plaidée pour l'intimé à l'audience du 5 mai 20001'appelant ayant, pour sa part, fait déposer son dossier. SUR CE LA COUR, Considérant qu'il convient de relever l'erreur matérielle figurant au chapeau des conclusions signifiées par l'intimée les 30 mars et 21 avril 2000, où son identité est "Mme Y... Z... divorcée X...", alors qu'elle conteste dans ces mêmes conclusions être divorcée ; Considérant qu'aux termes de l'article L.145-5 du code du travail, le juge d'instance statuant en matière de saisie des rémunérations exerce les pouvoirs du juge de l'exécution; que conformément aux dispositions de l'article 8 du décret du 31 juillet 1992, il ne peut donc modifier le dispositif de la décision de justice qui sert de fondement aux poursuites, ni en suspendre l'exécution, si ce n'est pour accorder un délai de grâce ; Considérant que c'est donc à juste titre que Monsieur X... s'étant prévalu de la caducité du jugement du tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT du 11 janvier 1990, titre exécutoire fondement de la poursuite, le juge d'instance de POISSY, saisi par la requête de
Madame X... en saisie de ses rémunérations, l'a renvoyé à mieux se pourvoir devant le juge du fond; Considérant que néanmoins, force est de constater que Monsieur X... a saisi le 7 décembre 1997 le tribunal d'instance de POISSY, d'une demande de caducité du titre exécutoire, remettant en cause ainsi le principe même de la contribution aux charges du mariage, alors que le juge compétent pour statuer en cette matière est le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance, en vertu de l'article L.312-I du nouveau code de procédure civile, résultant de la loi du 8 janvier 1993 entrée en vigueur le ler janvier 1994 ; que le premier juge a pourtant statué sur l'opposabilité du jugement du 11 janvier 1990 et partant, sur le principe même de la contribution ; Considérant qu'en tout état de cause, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'opposabilité des différentes décisions rendues par les juridictions marocaines, saisies tour à tour par chacun des époux, il convient de s'attacher aux termes du jugement, produit par l'intimée, rendu le 8 avril 1999 par le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE, contradictoire et désormais définitif; qu'il résulte de cette décision, à laquelle s'attache l'autorité de chose jugée, que Monsieur X... a enfin saisi le juge du fond compétent, à savoir le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE, compétent territorialement en raison du domicile de l'épouse, d'une demande, non pas de suppression de la contribution aux charges du mariage aux motifs du divorce qui aurait été prononcé au Maroc, mais d'une demande de révision de la contribution fixée par le jugement du 11 janvier 1990; que Monsieur X... n'a pas évoqué devant le juge aux affaires familiales, les décisions marocaines invoquées dans la procédure devant la cour, pas plus que cette procédure elle-même ; Considérant que Monsieur X... a donc, implicitement mais nécessairement, renoncé à se prévaloir
devant le juge du fond compétent des décisions marocaine, prononçant le divorce; qu'il a donc reconnu devant celui-ci être toujours marié à Madame Y... Z..., en ne remettant pas en cause le principe de sa contribution aux charges du mariage ; Considérant que Monsieur X... a reconnu ainsi être toujours marié, même si la date du mariage indiquée devant le juge aux affaires familiales de NANTERRE (21 mars 1986) est différente de celle figurant sur le jugement déféré (25 octobre 1985) et de celle figurant sur l'acte de mariage (5 mars 1986 correspondant au 23 Joumada de l'an 1406 du calendrier de l'hégire) ; qu'il convient de remarquer que la date du 21 mars 1986 est celle qui est indiquée sur le jugement du tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 11 janvier 1990 ; Considérant que le jugement définitif du 8 avril 1999 se réfère expressément au jugement du 11 janvier 1990, dont Monsieur B... ne peut donc plus remettre la validité en cause dans la présente instance ; que ce jugement du 11 janvier 1990 doit donc recevoir pleine et entière exécution ; Considérant qu'aux termes de l'article 1315 alinéa 2 du code civil, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement qui a produit l'extinction de son obligation; que Monsieur X... ne justifie nullement s'être acquitté de la contribution aux charges du mariage mise à sa charge par le jugement du 11 janvier 1990; que dans ces conditions, Madame X... est fondée à solliciter la saisie des rémunérations à hauteur des sommes dues au titre de cette contribution; Considérant qu'il résulte de la décision déférée que la mise en place de la procédure de paiement direct datant du 26 novembre 1996 vise un arriéré de 19.954,98 francs, soit pour six mois; que par conséquent, Monsieur X..., qui pendant toutes ces années n'a pas saisi le juge compétent d'une demande de révision de sa contribution, ne justifie pas du versement de celle mise à sa charge par le jugement du 11 janvier 1990, pour la
période de février 1990 à mai 1996, soit un total de (3.000 F X 76 mois =) 228.000 francs; qu'il convient donc d'ordonner la saisie des rémunérations de Monsieur X... à hauteur de cette somme ; Considérant que Madame Y... Z... épouse X... n'a agi en exécution du jugement du 11 janvier 1990 que le 13 février 1997 ; qu'elle rapporte pas la preuve d'un préjudice distinct de celui occasionné par le retard dans le paiement que lui aurait causé l'attitude dolosive de l'appelant; que la Cour la déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame Y... Z... épouse X... la somme de 6.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; PAR CES MOTIFS. LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort VU le jugement du tribunal d'instance de BOULOGNE BILLANCOURT en date du 11 janvier 1990 ; VU le jugement du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE en date du 8 avril 1999 ; INFIRME le jugement déféré; ET STATUANT A NOUVEAU CONSTATE que Monsieur X... a renoncé à se prévaloir des décisions judiciaires marocaines et a reconnu implicitement mais nécessairement être toujours marié avec Madame Y... Z... épouse X..., devant le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de NANTERRE lors de l'instance qui a donné lieu au jugement sus-visé du 8 avril 1999, auquel s'attache l'autorité de chose jugée ; AUTORISE la saisie des rémunérations de Monsieur X... au profit de Madame Y... Z... épouse X..., à hauteur de la somme de 228.000 francs; DEBOUTE Madame Y... Z... épouse X... de sa demande en paiement de dommages et intérêts ; DEBOUTE Monsieur X... des fins de toutes ses demandes ; CONDAMNE Monsieur X... à payer à Madame Y... Z... épouse X... la somme de 6.000 francs (SIX MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; LE
CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP JUPIN ALGRIN, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et de la loi sur l'aide juridictionnelle. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET Le Greffier,
Le Président, C. DE GUINAUMONT
Alban CHAIX