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20/04/2000 | FRANCE | N°1998-4833

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 avril 2000, 1998-4833


FAITS ET PROCEDURE Par acte sous seing privé en date du 31 juillet 1991, la SARL BOKAL a acquis de la SARL SALDIS, en redressement judiciaire, un fonds de commerce d'alimentation sis 39 boulevard du Général de Gaulle à Villeneuve-la-Garenne (92390), moyennant un prix principal de 800 000 francs. A l'acte de cession est intervenue la SA CREDIT LYONNAIS pour consentir à la société BOKAL un prêt d'un montant de 400 000 francs au taux de 13,03 % l'an, remboursable sur 5 ans par échéances mensuelles de 9.107,37 francs échelonnées du 31 août 1991 au 31 juillet 1996. Par actes séparés

du 27 juillet 1991, Monsieur Abid EL X..., gérant de la sociét...

FAITS ET PROCEDURE Par acte sous seing privé en date du 31 juillet 1991, la SARL BOKAL a acquis de la SARL SALDIS, en redressement judiciaire, un fonds de commerce d'alimentation sis 39 boulevard du Général de Gaulle à Villeneuve-la-Garenne (92390), moyennant un prix principal de 800 000 francs. A l'acte de cession est intervenue la SA CREDIT LYONNAIS pour consentir à la société BOKAL un prêt d'un montant de 400 000 francs au taux de 13,03 % l'an, remboursable sur 5 ans par échéances mensuelles de 9.107,37 francs échelonnées du 31 août 1991 au 31 juillet 1996. Par actes séparés du 27 juillet 1991, Monsieur Abid EL X..., gérant de la société BOKAL, et Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z..., porteurs de parts, se sont portés cautions solidaires des obligations résultant du contrat de prêt accordé par le CREDIT LYONNAIS à la société BOKAL. Par ailleurs, la société BOKAL était titulaire au CREDIT LYONNAIS d'un compte courant pour lequel, par actes respectifs des 25 mai, 02 et 10 juin 1993, Messieurs EL X..., Y... et Z... se sont portés cautions solidaires du découvert consenti à la société BOKAL à hauteur de 130 000 francs chacun. Par jugement des 1er et 29 septembre 1993, le Tribunal de Commerce de Nanterre a prononcé le redressement judiciaire puis la liquidation judiciaire de la SARL BOKAL. Le 03 novembre 1993, le CREDIT LYONNAIS a déclaré sa créance, à hauteur de 273.104,80 francs au titre du solde du prêt resté impayé et de 127.828,48 francs au titre du solde débiteur du compte courant. Par courriers recommandés en date des 11, 14 et 18 avril 1994, le CREDIT LYONNAIS a vainement mis en demeure Messieurs EL X..., Y... et Z... de remplir leurs engagements de caution. C'est dans ces circonstances que le CREDIT LYONNAIS a assigné, par acte du 1er août 1994, Messieurs EL X..., Y... et Z... en paiement des sommes susvisées. Par jugement en date du 18 juin 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal

de Commerce de Nanterre a statué dans les termes ci-après : "- condamne solidairement Monsieur Abid EL X..., Monsieur Nourdine Z..., Monsieur Mustapha Y... à payer à SA CREDIT LYONNAIS les sommes de : . 127.828,48 francs majorée des intérêts légaux du jour de la liquidation judiciaire, . 273.104,80 francs majorée des intérêts au taux de 16,03 % à compter du 31 août 1993 - déboute Monsieur Abid EL X..., Monsieur Nourdine Z..., Monsieur Mustapha Y... de leurs demandes et conclusions en toutes fins qu'elles comportent, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire du jugement, - condamne solidairement Monsieur Abid EL X..., Monsieur Nourdine Z..., Monsieur Mustapha Y... aux dépens et à payer à SA CREDIT LYONNAIS la somme de 5.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

v Seuls appelants de cette décision, Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z..., reprochent aux premiers juges d'avoir fait une appréciation erronée des éléments de la cause. A cet égard, ils font valoir que le CREDIT LYONNAIS aurait commis des fautes graves de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société BOKAL et des cautions sur le fondement de l'article 1382 du Code Civil. Ils prétendent tout d'abord que le CREDIT LYONNAIS aurait eu un comportement fautif en octroyant imprudemment un prêt à la société BOKAL. Ils en veulent pour preuve les conditions dans lesquelles le crédit relatif à l'acquisition du fonds de commerce a été accordé. Ils font ainsi valoir que le CREDIT LYONNAIS connaissait parfaitement leur situation et leurs faibles ressources financières ne leur permettant pas le cas échéant de remplir leurs obligations de caution. Ils lui font également grief de ne pas avoir vérifié s'ils s'étaient rendus compte des risques importants liés à leur engagement de caution. Ils reprochent ensuite au CREDIT LYONNAIS de ne pas les avoir informés de la situation financière de la société SALDIS,

cédante du fonds de commerce, alors qu'en étant son banquier, le CREDIT LYONNAIS connaissait le caractère très aléatoire de la reprise du fonds dont elle assurait le financement au moment de la cession et de les avoir au contraire encouragés à acheter ledit fonds.

Ils tirent enfin argument du fait qu'ils sont de nationalité étrangère et peu familiarisés avec les règles de droit Français. Ils en concluent que le CREDIT LYONNAIS n'avait d'autre but que de substituer à un débiteur devenu insolvable un nouveau débiteur dans l'espoir de rattraper une situation compromise.

Ils prétendent ensuite que le CREDIT LYONNAIS aurait rompu de façon brutale et abusive le découvert en compte accordé à la société BOKAL, contribuant ainsi à son dépôt de bilan. Ils en veulent pour preuve les conditions dans lesquelles le crédit relatif au découvert permanent du compte courant a été retiré. Ils font valoir à cet effet que le CREDIT LYONNAIS aurait refusé de payer certains effets émis par la société à leurs échéances alors que le découvert maximum autorisé n'était pas atteint et venait d'être garanti par l'augmentation de l'engagement des cautions. Ils tiennent d'ailleurs à préciser que les cautions concernant le découvert de 130.000 francs étaient limitées dans le temps et expiraient le 15 juillet 1993 et qu'en conséquence ils ne sauraient être condamnés à ce titre qu'à la somme de 32.671,75 francs correspondant au solde débiteur du compte à la date du 19 juillet 1993. Ayant à supporter le paiement des dettes de la société BOKAL, ils s'estiment dans ces conditions fondés à demander des dommages et intérêts correspondants au montant des sommes réclamées en leur qualité de caution de la société BOKAL en raison des fautes commises par le CREDIT LYONNAIS. Ils sollicitent en conséquence l'infirmation du jugement déféré et la condamnation du CREDIT LYONNAIS à une indemnité compensatrice égale au montant des sommes en principal et intérêts dont ils pourraient être jugés

redevables. Ils sollicitent également chacun une indemnité de 25.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. A titre subsidiaire, ils demandent la réduction du taux des intérêts concernant le paiement du solde en capital de l'emprunt en application des dispositions de l'article L313-3 à L313-6 du Code de la Consommation relatives au taux d'usure.

v Le CREDIT LYONNAIS, intimé, demande au préalable à la Cour de prendre acte qu'il n'entend pas reprendre le moyen tiré de l'irrecevabilité d'appel et qu'il entend limiter les demandes formées à l'encontre des appelants au titre des actes de cautionnement des 02 et 10 juin 1993 à la somme de 32.671,75 francs correspondant au solde débiteur du compte à la date du 19 juillet 1993. Il fait ensuite valoir en réplique qu'il n'a commis aucune faute de quelque nature que ce soit et n'est responsable en aucune manière de la liquidation de la société BOKAL. Il prétend en tout premier lieu que, contrairement aux allégations des appelants, il n'a commis aucune faute vis-à-vis des cautions en octroyant un prêt à la société BOKAL. Il estime en effet que le fait de se porter caution comporte par nature un risque lequel, dans le cas présent, a été réparti entre les trois associés et qu'ensuite, les actes de cautionnement étaient parfaitement clairs tant sur la nature que la portée des engagements tout en soulignant que les cautions étaient commerçantes et par conséquent rompus à la pratique des affaires. Il précise en outre qu'il a pris la précaution d'inscrire un nantissement sur le fonds de commerce. Il considère également que le fait qu'être banquier de la société cédante n'implique pas nécessairement la connaissance des trois derniers bilans de l'entreprise et qu'il ne lui appartenait pas de décider en lieu et place de la société BOKAL de faire ou non l'acquisition du fonds de commerce voire même d'en estimer le prix. Il ajoute que le prêt a été accordé deux ans avant le redressement

judiciaire de la société BOKAL. Il prétend en second lieu ne pas avoir rompu de façon brutale et fautive le découvert en compte accordé à la société BOKAL. Ainsi, après avoir rappelé que les cautions souscrites par les appelants à hauteur de 130 000 francs avaient pour objet le maintien du découvert jusqu'au 15 juillet 1993, il affirme que l'autorisation du découvert était échue et qu'il appartenait dès lors à la société BOKAL de faire fonctionner le compte courant en position créditrice. Il conteste également avoir refusé de payer certains effets de commerce. Il constate d'ailleurs que les documents produits ne sont que des factures pour frais de recouvrement sur effets impayés et ne permettent pas de savoir dans quelles conditions les effets visés dans ces factures ont été rejetés. Il ajoute que l'examen des relevés de compte démontrent qu'au moins trois de ces effets auraient été réglés. Il soutient enfin que les dispositions du Code de la consommation n'ont pas vocation pas à s'appliquer lorsque le bénéficiaire du prêt est une société et qu'en tout état de cause, le taux d'usure doit être apprécié à la date d'octroi du prêt. Il conclut dès lors à la "confirmation" du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à se voir accorder le bénéfice de la capitalisation des intérêts de retard et à obtenir la condamnation solidaire des appelants à lui payer une indemnité complémentaire de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau code de Procédure Civile. MOTIFS DE LA DECISION * Sur la recevabilité de l'appel Considérant que le CREDIT LYONNAIS a saisi le Conseiller de la mise en état de la présente Chambre d'une demande tendant à voir déclarer l'appel interjeté par Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z... irrecevable comme tardif ; considérant que, par ordonnance d'incident en date du 03 juillet 1999, le Conseiller de la mise en état a rejeté cette demande aux motifs que Messieurs Y... et Z... n'avaient pas été

régulièrement informés de la décision du tribunal de Commerce de Nanterre en date du 18 juin 1996 et avaient été mis dans l'impossibilité d'interjeter appel dans le délai d'un mois suivant l'acte de signification ; que le CREDIT LYONNAIS ne reprenant pas ce moyen et déclarant accepter la décision du Conseiller de la Mise en Etat, l'appel sera déclaré recevable ; * Sur la prétendue responsabilité du CREDIT LYONNAIS au titre du prêt consenti à la société BOKAL Considérant que les cautions reprochent à la banque d'avoir commis une grave imprudence en octroyant un prêt à la société BOKAL eu égard aux informations en sa possession et d'avoir ainsi manqué de discernement ; considérant à cet égard que Messieurs Y... et Z... soutiennent tout d'abord, que les garanties financières qu'ils présentaient pour garantir le prêt ne leur permettaient pas, en cas de défaillance du débiteur principal, de faire face à leurs obligations de caution ; que plus précisément, ils exposent que leurs revenus mensuels s'élevaient respectivement à 6.720 francs et 5.740 francs nets et qu'ils ne disposaient pas de patrimoine personnel ; mais considérant que le prêt n'a pas été consenti à Messieurs Y... et Z... mais à la société BOKAL dont ils étaient porteurs de parts ; que ce n'est donc pas au regard des capacités financières des cautions que les conditions d'octroi du crédit doivent être appréciées, mais au regard de celles de l'emprunteur, à savoir la société BOKAL ; Or considérant que la société BOKAL a été constituée en juillet 1991 en vue de l'acquisition pour la somme de 800.000 francs en principal d'un fonds de commerce de supérette appartenant à la société SALDIS en redressement judiciaire ; qu'il résulte de l'acte de cession du 31 juillet 1991 que l'opération a été financée pour partie par la société BOKAL à concurrence de la somme de 400.000 francs versée comptant et que les 400.000 francs restants ont été payés par le

CREDIT LYONNAIS par subrogation ; que, suite au paiement effectué par la banque, la société BOKAL a souscrit un prêt du même montant au taux de 13,03 % remboursable sur cinq ans, par échéances mensuelles de 9.107,37 francs du 31 août 1991 au 31 juillet 1996 ; qu'en garantie du prêt accordé, le CREDIT LYONNAIS a obtenu, par acte séparés en date du 27 juillet 1991, la caution solidaire du gérant Monsieur EL X... ainsi que celles des associés de la société BOKAL, Messieurs Y... et Z... à hauteur de 400.000 francs, en principal, outre les intérêts, commissions , frais et accessoires ; que la banque a, en outre, pris pour sûreté un nantissement de premier rang à hauteur de 400.000 francs en principal sur le fonds de commerce ; qu'il s'ensuit que le prêt sollicité par la société BOKAL, nouvellement constituée, a été octroyé dans des conditions économiques normales et sans risque excessif ; que cela est d'autant moins contestable en la cause que la société BOKAL a pu, pendant plusieurs années, faire face à ses engagements, les difficultés liées au paiement des échéances du prêt n'étant apparues qu'au mois d'août 1993, soit deux ans après l'octroi du prêt ; qu'il en résulte que le concours accordé par le CREDIT LYONNAIS ne saurait être qualifié d'imprudent eu égard aux capacités financières de la société BOKAL dans laquelle Messieurs Y... et Z... sont associés et dont ils se sont portés caution ; considérant que Messieurs Y... et Z... reprochent ensuite au CREDIT LYONNAIS, en sa qualité de banquier de la société SALDIS, de ne pas les avoir informés lors de la souscription du prêt de la situation financière du fonds de commerce et de les avoir au contraire incité à réaliser leur projet d'acquisition dans le seul but de substituer un nouveau débiteur à un débiteur devenu insolvable et ce dans l'espoir de rattraper une situation compromise ; mais considérant qu'il appartenait à la société débitrice, ainsi qu'à son gérant et ses associés de se

renseigner sur la situation du fonds de commerce dont ils projetaient de faire l'acquisition ; qu'à cet égard, il apparaît à la lecture de l'acte de cession en date 31 juillet 1991 que la cession du fonds de commerce a été opérée entre la société BOKAL et la société SALDIS, assistée de Maître Olivier SAUVAN, agissant en qualité d'administrateur judiciaire ; que, du fait même de leurs qualités d'associés de la société BOKAL, Messieurs Y... et Z... pouvaient être parfaitement informés de la situation du fonds de commerce alors en redressement judiciaire qu'ils projetaient d'acquérir et des risques encourus inhérents aux actes de cautionnement ; qu'ils ne sauraient ainsi arguer de leur méconnaissance de la situation dudit fonds pas plus que de leur inexpérience ou de leur nationalité et reprocher à la banque d'avoir accordé à la société BOKAL un prêt qu'ils ont eux-mêmes sollicité ; qu'il en résulte qu'aucun manquement ne peut être reproché au CREDIT LYONNAIS, lequel n'avait pas, en vertu du principe de non-immixtion, à se substituer à Messieurs Y... et Z..., déjà rompus à l'exercice du commerce dans le choix fait par eux de l'opportunité de reprendre le fonds de commerce d'autant que, comme il a été dit précédemment, l'opération, financée à hauteur de moitié par les associés, s'est révélée viable pendant plusieurs années ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a condamné solidairement Messieurs Y... et Z... à payer la somme de 273.104,80 francs au titre du solde du prêt ; considérant que Messieurs Y... et Z... ne peuvent davantage soutenir que le taux des intérêts "fixé à 16,3 % à compter du 31 août 1993" constitue un taux usuraire en vertu des articles L. 313-3 et suivants du Code de la Consommation relatif au taux d'usure ; considérant en effet d'une part que les dispositions du Code de la Consommation ne sont pas applicables aux contrats de prêt souscrits par les sociétés destinés à financer l'acquisition d'un fonds de commerce ; que d'autre part,

il était prévu à l'article 5 du contrat de prêt souscrit par la société BOKAL auprès du CREDIT LYONNAIS que, pour toute somme impayée à son échéance, le taux serait majoré de 3 points ; qu'il s'ensuit que le taux contractuel de l'emprunt fixé à 13,03 %, ne présentait aucun caractère usuraire et que les premiers juges ont encore condamné à bon droit solidairement Messieurs Y... et Z..., à payer la somme de 273.828,48 francs majorée du taux de 16,03 %, compte tenu de la clause pénale, à compter du 31 août 1993 ; considérant que le CREDIT LYONNAIS est par ailleurs fondé à réclamer le bénéfice de la capitalisation des intérêts de retard, (soit 13,03 %), conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, et ce, à compter du 14 avril 1999, date de la première demande formée par voie de conclusions ; * Sur la rupture fautive du crédit imputée à la Banque Considérant que Messieurs Y... et Z... soutiennent que le CRÉDIT LYONNAIS aurait supprimé brutalement le crédit de la société BOKAL, vis-à-vis de ses principaux fournisseurs, alors d'une part, que celle-ci n'était pas en cessation de paiement et que le découvert maximum autorisé n'était pas atteint et d'autre part, que la banque savait que la société BOKAL avait signé un accord de franchise avec l'enseigne FRANPRIX pour conforter son rétablissement en cours, contribuant ainsi au dépôt de bilan de ladite société BOKAL ; considérant qu'il convient de rappeler que la société BOKAL était titulaire dans les livres du CRÉDIT LYONNAIS d'un compte courant n° 6336 G, ouvert dans son agence n°563 ; qu'elle bénéficiait de façon tacite d'un découvert d'environ 170.000 francs auquel s'est ajouté un découvert exceptionnel autorisé par la banque dans la limite de 130 000 francs et ce, jusqu'au 15 juillet 1993 pour lequel Messieurs Y... et Z... se sont portés cautions solidaires par actes séparés en date des 2 et 10 juin 1993 ; considérant qu'en vertu de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, si l'ouverture de crédit à

durée déterminée prend fin à l'arrivée du terme convenu, le banquier peut néanmoins y mettre fin , même sans préavis, si le bénéficiaire a un comportement gravement répréhensible ou si sa situation financière est irrémédiablement compromise ; considérant qu'il résulte des pièces fournies (relevés bancaires, factures, avis d'effets impayés et de frais émanant des fournisseurs) que le CRÉDIT LYONNAIS a rejeté trois effets de commerce émis en faveur des principaux fournisseurs de la société BOKAL sans avoir au préalable averti la société BOKAL ; qu'en effet, le 14 juin 1993, le CRÉDIT LYONNAIS a refusé de régler un effet de commerce d'un montant de 34.303,06 francs en faveur de PANAVI DISTRIBUTION ; que le 15 juin, il a refusé de régler la facture SEDIFRAIS n° 931183 du 31 mai 1993 d'un montant de 75.888,26 francs ; qu'au même moment deux traites au profit de la société BAUD d'un montant total de 97.755,19 francs ont été refusées par la banque ; or, considérant qu'il apparaît au vu des extraits de compte certifiés par le CRÉDIT LYONNAIS des 10 et 21 juin 1993 que le découvert autorisé était en vigueur et que son montant n'était pas dépassé lors de la présentation des traites litigieuses ; que le CRÉDIT LYONNAIS ne justifie à aucun moment des raisons de cette rupture du crédit sans préavis ; qu'au contraire, il ne conteste pas avoir réglé postérieurement les effets litigieux par chèque de banque aux fournisseurs concernés, reconnaissant ainsi implicitement mais nécessairement que son refus initial de payer les traites litigieuses était injustifié au regard des règles de fonctionnement du compte courant et des garanties obtenues ; qu'il suit de là que le CRÉDIT LYONNAIS a commis une faute en interrompant brusquement sans motif légitime le crédit ouvert à la société BOKAL ; qu'il n'est cependant nullement établi, si ce n'est par voie d'allégation insuffisamment étayées, que cette faute, aussitôt en partie réparée par les paiements opérés par la banque, serait la cause de la déconfiture de

la société BOKAL et à l'origine du dépôt de bilan de celle-ci ; que la réparation à laquelle peuvent prétendre les cautions, compte tenu de la gène de trésorerie ainsi occasionnée et qui auraient pu être évitée sans l'erreur de la banque, ne sauraient, en conséquence excéder la somme correspondant au solde débiteur du compte courant au 19 juin 1993, soit 32.671,75 francs, comme l'admet la banque, outre les intérêts de retard ; qu'après compensation judiciaire entre les sommes respectives que se doivent mutuellement les parties, les appelants seront déchargés de toute obligation au titre du cautionnement du compte courant de la société BOKAL et le jugement dont appel infirmé de ce chef ; * Sur les autres demandes Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en la cause, au profit de l'une ou l'autre des parties, de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; considérant que chacune des parties succombant partiellement, il sera fait masse des entiers dépens exposés à ce jour tant en première instance qu'en cause d'appel, lesquels seront supportés par moitié d'une part par Messieurs Y... et Z... et d'autre par le CREDIT LYONNAIS ; PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DIT recevables les appels interjetés par Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z..., CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a condamné solidairement Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z... à payer au CREDIT LYONNAIS SA la somme de 273.104,80 francs avec intérêt au taux de 16,03 % (pénalité contractuelle comprise) à compter du 31 août 1993, AUTORISE le CREDIT LYONNAIS SA à capitaliser les intérêts conventionnels de retard (soit 13,03 %) à compter du 14 avril 1999 date de la première demande, INFIRMANT pour le surplus et statuant à nouveau, CONDAMNE Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z... à payer au CREDIT LYONNAIS SA la somme de 32.671,75 francs au titre du cautionnement du compte courant,

CONDAMNE le CREDIT LYONNAIS SA, en raison de la faute qu'il a commise, à payer la même somme à Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z..., DIT qu'après compensation judiciaire, les parties seront mutuellement libérées au titre de cette dernière condamnation, DIT n'y avoir lieu à application en la cause de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, FAIT MASSE des dépens de première instance et d'appel, dit qu'ils seront supportés par moitié d'une part par Messieurs Mustapha Y... et Nourdine Z... et d'autre part par le CREDIT LYONNAIS SA et AUTORISE en tant que de besoin les avoués en cause à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé S. RENOULT

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-4833
Date de la décision : 20/04/2000

Analyses

BANQUE - Cautionnement - Cautionnement au profit d'une banque - Nullité - Dol.

Les conditions d'octroi d'un crédit par une banque doivent s'apprécier non pas au regard des capacités financières des cautions, mais en considération de celles de l'emprunteur. Une banque qui a financé l'achat d'un fonds de commerce par une société nouvellement créée à hauteur de la moitié du prix d'acquisition, l'autre partie ayant été versée comptant, en l'assortissant d'un cautionnement solidaire des gérant et porteurs de parts et de l'inscription d'un nantissement de premier rang, a octroyé son concours dans des conditions économiques normales et sans risques excessifs, comme en atteste le fait que l'emprunteur a pu, pendant plusieurs années faire face à ses engagements. Il suit de là que les associés et cautions de l'emprunteuse ne sauraient soutenir que le concours accordé par la banque doit être qualifié d'imprudent eu égard aux capacités financières de la société acquéreur. Pas davantage, les associés et cautions ne sauraient reprocher à la banque de ne pas les avoir informés, au moment de la souscription du prêt, de la situation financière du fonds de commerce dans le seul but de substituer un nouveau débiteur à un débiteur devenu insolvable. En effet, il appartenait à l'acquéreur, en la personne de son gérant et de ses associés, de se renseigner sur la situation du fonds de commerce dont il projetait de faire l'acquisition, alors qu'en outre, en vertu du principe de non immixtion, la banque n'avait pas à se substituer au gérant et à ses associés, déjà rompus à l'exercice du commerce, pour apprécier du choix de l'opportunité de la reprise

BANQUE - Responsabilité - Ouverture de crédit - Révocation.

En vertu de l'article 60 de la loi du 24 janvier 1984, si l'ouverture de crédit à durée déterminée prend fin à l'arrivée du terme convenu, le banquier peut néanmoins y mettre fin, même sans préavis, lorsque le bénéficiaire a un comportement gravement répréhensible ou que sa situation financière est irrémédiablement compromise. Lorsqu'il résulte des pièces versées aux débats que la banque a rejeté trois effets de commerce émis par le bénéficiaire d'une ouverture de crédit, sans que celui-ci en ait été préalablement averti et alors que le découvert autorisé était en vigueur et son montant non dépassé lors de la présentation des traites litigieuses, cette rupture de crédit sans préavis et sans motif légitime invoqué est fautive. En revanche, à défaut d'établir que la faute de la banque, en l'espèce rapidement réparée par des paiements par chèque de banque, serait la cause de la déconfiture de la société et à l'origine de son dépôt de bilan, la réparation à laquelle les cautions peuvent prétendre ne saurait excéder la somme correspondant au solde débiteur du compte courant à l'échéance du terme convenu


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-04-20;1998.4833 ?
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