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20/04/2000 | FRANCE | N°1997-3755

France | France, Cour d'appel de Versailles, 20 avril 2000, 1997-3755


La SA d'HLM LE LOGEMENT FRANCAIS a licencié Monsieur X..., âgé de 59 ans, le 28 juin 1993, pour faute grave. Elle a cependant autorisé son salarié à effectuer son préavis, alors qu'aucune indemnité de licenciement ou de rupture n'a été versée. Le 5 janvier 1996, le G.A.R.P. a adressé une contrainte à la SA d'HLM LE LOGEMENT FRANCAIS pour la somme de 225.556,10 francs, outre les frais, au titre de la contribution dite DELALANDE. La SA d'HLM a saisi le tribunal de grande instance de NANTERRE d'une demande de contestation de ladite contrainte et par jugement en date du 10 mars 1997 l

e tribunal a fait droit à l'opposition de la société demande...

La SA d'HLM LE LOGEMENT FRANCAIS a licencié Monsieur X..., âgé de 59 ans, le 28 juin 1993, pour faute grave. Elle a cependant autorisé son salarié à effectuer son préavis, alors qu'aucune indemnité de licenciement ou de rupture n'a été versée. Le 5 janvier 1996, le G.A.R.P. a adressé une contrainte à la SA d'HLM LE LOGEMENT FRANCAIS pour la somme de 225.556,10 francs, outre les frais, au titre de la contribution dite DELALANDE. La SA d'HLM a saisi le tribunal de grande instance de NANTERRE d'une demande de contestation de ladite contrainte et par jugement en date du 10 mars 1997 le tribunal a fait droit à l'opposition de la société demanderesse et a annulé la contrainte délivrée par le GARP au motif que le fait pour l'employeur d'avoir fait effectuer son préavis par le salarié valait renonciation à invoquer la faute grave. Le GARP a interjeté appel de cette décision et fait valoir les arguments et éléments suivants : - la lettre de licenciement invoque une mésentente entre l'employeur et l'employé et une divergence de vue au sujet de la stratégie de la société, ce qui ne constitue en aucune manière une faute grave alors que la même lettre de licenciement stipule "toutefois nous vous autorisons à effectuer votre préavis jusqu'au 30 septembre inclus", - la faute grave implique la constatation d'un fait rendant impossible et sans délai la poursuite du contrat de travail, - le fait pour l'employeur de laisser son salarié effectuer son préavis est exclusif de la faute grave, - aucun cas d'exonération légale n'est invoqué ni démontré, - le tribunal a méconnu les textes applicables. La SA d'HLM LE LOGEMENT FRANCAIS, pour conclure à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 10.000 francs au titre des frais irrépétibles, fait valoir que Monsieur X... était cadre et que la mésentente sur des choix stratégiques pour l'entreprise, pour un cadre, est de nature à avoir de très lourdes conséquences pour l'entreprise justifiant un licenciement pour faute grave. Elle fait

encore valoir que le fait pour un employeur d'avoir laissé un salarié exécuter son préavis, malgré un licenciement pour faute frave, et par pure bienveillance, ne peut être considéré comme une renonciation à invoquer ladite faute grave. Elle n'a jamais tenté de se soustraire à la contribution DELALANDE puisqu'elle a demandé au G.A.R.P., dès l'origine, de soumettre le dossier à la Commission paritaire et qu'aucune décision de cette commission ne lui a été transmise. SUR CE, Considérant que l'article L 321-13 du Code du travail met à la charge de l'employeur une cotisation supplémentaire variant selon l'âge du salarié licencié, lorsque le licenciement intervient pour un salarié âgé de plus de 50 ans ; que cette contribution dite DELALANDE n'est pas exigible dans un certain nombre d'hypothèses limitativement prévues par la loi et notamment lorsque le licenciement intervient pour faute grave (loi numéro 89-549 du 2 août 1989) ; Considérant que la lettre de licenciement de Monsieur X..., en date du 28 juin 1993, dont la réalité n'est pas contestée est ainsi rédigée : "Suite à notre entretien du 28 courant, nous avons le regret de vous informer que la société maintient le motif de licenciement pour faute grave au motif exposé ci-dessus. "Alors que depuis janvier 1992, le comité de direction avait attiré votre attention sur la nécessité d'être particulièrement prudent dans toutes opérations d'aménagement, vous avez continué à chercher à développer votre activité. Vos prises de positions à ce sujet, en opposition avec les choix stratégiques de la société, démontrent une mésentente qui ne permet pas d'envisager la poursuite de votre contrat de travail. "Toutefois, nous vous autorisons à effectuer votre préavis jusqu'au 30 septembre inclus" ; Considérant que l'attestation ASSEDIC établie le 14 septembre 1993 par l'employeur fait mention expresse d'un licenciement pour faute grave et d'un préavis effectué ; Considérant qu'en droit, les éléments opposant les parties sont, d'une part, la compétence pour le

juge saisi d'une demande en paiement, d'apprécier le motif réel du licenciement et, d'autre part, les conséquences de l'accomplissement du préavis dans le contexte d'un licenciement pour faute grave ; Qu'aux termes de l'article L 122-8 du code précité, le préavis ne doit pas être exécuté et n'est pas dû lorsque le licenciement intervient pour faute grave ; Qu'il est de droit constant que l'employeur qui fait exécuter le préavis au salarié licencié ou qui en accepte la rémunération ne peut pas invoquer la faute grave ; qu'en l'espèce Monsieur X... a été autorisé à effectuer son préavis alors que la faute grave justifie la cessation immédiate de l'activité comme rendant impossible, à raison de ladite faute, le maintien du salarié dans l'entreprise ; que si l'employeur peut, en fait sinon en droit, soutenir qu'il a rémunéré le préavis par mesure de bienveillance, il ne saurait soutenir sérieusement qu'il a toléré le maintien du salarié auquel il reproche une faute grave, par esprit de bienveillance ; Que peu importe l'argument avancé par la société intimée, tiré de l'absence de contestation par le salarié de la mesure de licenciement dont il a fait l'objet ; qu'il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave, au titre d'une cause d'exonération légale prévue par l'article L 321.13 d'établir ladite faute grave et à tout le moins de ne pas accepter l'exécution du préavis dès lors que cette dernière le prive, en droit, de la possibilité d'invoquer une faute grave ; Qu'en conséquence le jugement doit être infirmé en toutes ses dispositions ; Considérant que l'intimée ne conteste pas la demande principale formée par le G.A.R.P. mais fait valoir que "compte tenu de la contestation sérieuse sur l'exigibilité du règlement" il n'y a pas lieu de faire application des majorations ; qu'elle soutient également que les pénalités ne doivent pas être retenues, "comme le reconnaît le G.A.R.P." ; Que les conclusions d'appel du G.A.R.P. demandent la

condamnation de la société au montant de la contrainte, soit 225.556,10 francs "y compris majorations mais sans les pénalités" et sollicite en outre la majoration de 1,40 % par mois de retard à compter de la date d'exigibilité des sommes jusqu'au parfait paiement, majoration cumulative avec la majoration de 10 % prévue par l'article 16 de la convention UNEDIC du 1er janvier 1993 ; Que cette demande est conforme aux prescriptions légales et conventionnelles applicables ; qu'il doit y être fait droit ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge du G.A.R.P. les frais irrépétibles exposés ; que la somme de 5.000 francs demandée doit être allouée ; PAR CES MOTIFS, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement, et en dernier ressort, RECOIT le G.A.R.P. en son appel, LE DIT BIEN FONDE, INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, CONSTATE ET DIT que la société HLM LE LOGEMENT FRANCAIS ne peut invoquer la faute grave comme cause du licenciement de Monsieur X..., LA CONDAMNE en conséquence à payer au G.A.R.P. la somme principale de 225.556,10 francs (DEUX CENT VINGT CINQ MILLE CINQ CENT CINQUANTE SIX FRANCS DIX CENTIMES), en dehors de toutes pénalités, LA CONDAMNE au paiement de la majoration de 1,40 % par mois de retard due à compter de l'exigibilité de la somme sus-retenue jusqu'au parfait paiement, ladite majoration étant cumulative avec celle de 10 % résultant de l'application de l'article 16 de la convention UNEDIC du 1er janvier 1993, LA CONDAMNE au paiement de la somme de 5.000 francs (CINQ MILLE FRANCS) au titre des frais irrépétibles, LA CONDAMNE aux dépens et dit que la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; ASSOCIES pourra recouvrer directement contre elle les frais avancés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT : Le Greffier ayant

Le Président, assisté au prononcé, Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-3755
Date de la décision : 20/04/2000

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement disciplinaire

Peu importe l'argument avancé par la société intimée, tiré de l'absence de contestation par le salarié de la mesure de licenciement dont il a fait l'objet ; qu'il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave, au titre d'une cause d'exonération légale prévue par l'article L 321.13 d'établir ladite faute grave et à tout le moins de ne pas accepter l'exécution du préavis dès lors que cette dernière le prive, en droit, de la possibilité d'invoquer une faute grave


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-04-20;1997.3755 ?
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