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16/03/2000 | FRANCE | N°JURITEXT000006936206

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 mars 2000, JURITEXT000006936206


Monsieur X... expose qu'entre les mois d'avril et de novembre 1996 il a reçu de la société M.F.D., société de ventes par correspondance, douze documents lui annonçant qu'il était l'heureux gagnant, à l'issue de tirages au sort, de lots importants tels que voyages et son poids en or. Bien qu'ayant répondu à toutes les prescriptions contenues dans les documents qui lui étaient adressés, Monsieur X... s'est vu opposer un refus de délivrance des lots annoncés, au motif qu'il n'avait été avisé que de pré-tirage. Agissant sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, Monsieur X

... a sollicité, en première instance, une somme de 5 millions de...

Monsieur X... expose qu'entre les mois d'avril et de novembre 1996 il a reçu de la société M.F.D., société de ventes par correspondance, douze documents lui annonçant qu'il était l'heureux gagnant, à l'issue de tirages au sort, de lots importants tels que voyages et son poids en or. Bien qu'ayant répondu à toutes les prescriptions contenues dans les documents qui lui étaient adressés, Monsieur X... s'est vu opposer un refus de délivrance des lots annoncés, au motif qu'il n'avait été avisé que de pré-tirage. Agissant sur le fondement de l'article 1382 du Code civil, Monsieur X... a sollicité, en première instance, une somme de 5 millions de francs outre celle de 25.000 francs au titre des frais irrépétibles. La société M.F.D., en réplique, a fait valoir que les documents adressés étaient suffisamment clairs pour une information complète de tout consommateur moyen et a produit les procès-verbaux d'huissier établissant la liste des gagnants. Par jugement en date du 28 janvier 1998, le tribunal de grande instance de NANTERRE a procédé à une analyse minutieuse des documents litigieux et a estimé que pour six des jeux auxquels Monsieur X... avait participé, la société M.F.D. avait commis des fautes à l'origine d'un préjudice moral résultant de la privation de l'espoir qu'avait suscité les offres dont il était le destinataire. Le tribunal a encore retenu que le préjudice était à la mesure de l'espérance des gains qu'il avait pu entretenir et, en réparation, a alloué à Monsieur X... la somme de 200.000 francs à titre de dommages-intérêts, outre la somme de 15.000 francs au titre des frais irrépétibles. La société M.F.D. et Monsieur Y... Z..., son liquidateur amiable, ont interjeté appel de cette décision. Ils prient la Cour d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société M.F.D. pour six des douze jeux querellés et de rejeter toutes les demandes de Monsieur X.... Ils demandent la somme de 10.000 francs au titre des frais irrépétibles. Au soutien

de leur appel, ils font valoir, en reprenant successivement l'ensemble des jeux en litige, que tous les documents adressés à Monsieur X... étaient clairs et précis et renvoyaient tous, pour chacun des jeux, au règlement de celui-ci, lequel ne permettait en aucun cas à Monsieur X... d'avoir la certitude et pas même la croyance d'un gain certain et important ; Monsieur X... prie la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu la faute commise par la société, pour six des douze jeux en litige et lui a alloué la somme de 200.000 francs à titre de dommages-intérêts ; formant appel incident, pour le surplus, il prie la Cour de retenir la responsabilité de la société M.F.D. pour l'ensemble des douze jeux et de la condamner à lui payer la somme de 5.447.500 francs à titre de dommages intérêts et celle de 15.000 francs au titre des frais irrépétibles. Il fonde sa demande sur les éléments essentiels suivants : - tous les documents qui lui ont été envoyés étaient personnalisés, à l'exception du jeu "des 6 boules gagnantes" et le tribunal, à tort, n'a pas fait application de la jurisprudence constante de la Cour suprême, pour laquelle l'envoi de formules personnalisées destinées à créer de vaines croyances a toujours été considéré comme fautif, - la société M.F.D. a déjà été condamnée à plusieurs reprises par différentes juridictions, à raison des jeux par elle diffusés, - la société M.F.D. invoque vainement la notion de "consommateur moyen" et la qualité de pilote de ligne de Monsieur X..., pour en conclure que ce dernier était parfaitement à même de comprendre la teneur des documents reçus alors que la juridiction suprême a toujours estimé qu'il n'était pas "normal qu'une lecture rapide du document adressé, mode habituel de lecture pour ce genre de document, soit rédigé de façon à induire en erreur le consommateur moyen", - en ce qui concerne le préjudice subi, Monsieur X... le chiffre à partir de la valeur des lots dont il a pu légitimement

croire qu'il serait le bénéficiaire et, notamment le jeu "le poids en or" et sollicite en conséquence la somme complémentaire de 5.447.500 francs. SUR CE, Considérant que le tribunal a retenu la responsabilité de la société M.F.D. pour les six jeux suivants : - Jeu du "Grat'Cash", - Jeu du "prix certifié gagné", - Jeu "A la découverte de la Tha'lande", - Jeu "Grand tirage de la chance", - Jeu "Grand jeu M.F.D. et tirage d'avril 1996", - Jeu "l'opération Nordway" ; Qu'il a rejeté les demandes concernant les six autres jeux suivants : - Jeu des "six boules gagnantes", - Jeu des "Codes barres", - Jeu des "Tickets jaunes", - Jeu "Tirage du grand prix", - Jeu "LEGRAND jeu des Fêtes", - Jeu "le poids en or" ; Considérant que le tribunal a rappelé, avec pertinence, les dispositions du "code professionnel de la vente par correspondance" établi par le syndicat des entreprises de vente par correspondance, qui demande aux entreprises ayant recours à des jeux par correspondance, d'user de documents clairs et précis ; Considérant, compte-tenu des appels principal et incident, qu'il convient de reprendre successivement les jeux en cause ; JEU DES SIX BOULES GAGNANTES Considérant que Monsieur X... a été destinataire d'un document non personnalisé précisant "il vous suffit d'avoir dans le sachet ci-dessus, 1, 2, 3 ou même les 6 boules gagnantes dans la couleur tirée au sort par Maître BAILET, Huissier de justice à DRAP. Je vous le garantis : une seule boule gagnante donne déjà droit à un cadeau et les six boules gagnantes font de vous l'heureux possesseur d'un combiné TV magnétoscope ou, si vous le souhaitez, d'un chèque de 3.990 francs" ; que l'article 8 du règlement joint à l'envoi précise que "chaque participant reçoit un certain nombre de boules en couleur et numérotées et participe au pré-tirage" à hauteur du nombre de boules reçues. Les gagnants de chaque lot sont ceux dont le nombre de boules correspond au lot et à la couleur tirée au sort par Maître BAILET ; Que le règlement prévoit

encore que "ce jeu gratuit et sans obligation d'achat est une publicité destinée à attirer l'attention des consommateurs sur les catalogues MFD" ; Qu'il ressort de ces éléments qu'une lecture rapide ne peut laisser à penser à la certitude d'un quelconque gain et que le mécanisme complexe du jeu ne peut être compris qu'à partir d'une lecture attentive des documents qui éclaire rapidement sur la nature réelle de l'opération, celle d'un pré-tirage ; Que si la présentation de ce jeu est manifestement confuse, l'ensemble de sa présentation ne saurait créer la certitude d'une espérance de gain ; JEU DES CODES BARRE GAGNANTS Considérant que ce jeu est présenté de la manière suivante, sans aucune personnalisation "MFD s'engage à vous verser 10.000 francs, 20.000 francs ou 30.000 francs ... il vous suffit pour recevoir l'un de ces chèques de nous retourner l'un des trois codes barres gagnants (correspondant respectivement aux numéros suivants : ....découvrez vite votre code barre à l'intérieur du bordereau d'échange ci-dessous" ; que l'article 6 du règlement précise clairement que chaque lot est attribué "au possesseur de l'unique code barre gagnant correspondant au numéro ..." ; Qu'il résulte d'une lecture quelque peu attentive que tous les codes barres ne sont pas gagnants et que seuls ceux tirés au sort donneront droit à l'attribution d'un lot ; JEU DES TICKETS JAUNES Considérant que le document, non personnalisé, adressé à Monsieur X..., est ainsi rédigé "287.453 OU 921.012. Un de ces deux numéros gagne le chèque de 49.000 francs". "Cher Monsieur, Oui vous avez bien lu : pour gagner à coup sûr le chèque de 49.000 francs à notre nouveau jeu gratuit et sans obligation d'achat, il suffit de posséder un des 2 numéros imprimés ci-dessus : ..." ; que le règlement prévoit en son article 7 que "le fait d'avoir un des deux numéros imprimés sur le document principal n'implique pas nécessairement le gain du premier prix mais implique de façon certaine le gain d'un des prix mis en jeu" ; Que le

document n'affirme pas au destinataire qu'il est le gagnant de la somme de 49.000 francs mais qu'il peut gagner cette somme ; qu'au reste la seule mention "un de ces deux numéros gagne le chèque de ..." suffit à démontrer que l'attribution du chèque n'est pas encore acquise de façon certaine ; JEU TIRAGE DU GRAND PRIX Considérant que le support de ce jeu est ainsi libellé "Monsieur X..., nous sommes prêts à virer 102.500 francs sur votre compte ... à la condition que vous renvoyez immédiatement le numéro spécial d'identification .... Vous avez été sélectionné comme destinataire de cet avis personnel par le directeur des paiements ..." ; Que l'article 7 du règlement figurant au verso indique expressément "le fait d'avoir reçu un tel numéro n'implique donc pas une certitude de gain, mais signifie que l'on a participé au pré-tirage des 102.500 francs au cours duquel le gagnant a été désigné par le sort" ; Que nulle formule n'est trompeuse ni de nature à laisser penser à son destinataire qu'il était le gagnant désigné de la somme de 102.500 francs ; JEU DES FÊTES Considérant que le document adressé personnellement à Monsieur X... indique "vous êtes bel et bien gagnant de notre grand jeu des fêtes ... vous avez gagné lors de ce tirage : Tirage de la Saint Daniel (11/12/96) : chèque de 30.300 francs", alors que le règlement joint prévoit en son article la présentation de nombreux lots et que l'article 7 précise qu'il s'agit d'un pré-tirage ; Qu'en cet état Monsieur X... ne peut soutenir qu'il a été avisé de ce qu'il était le gagnant de la somme de 30.300 francs ; JEU "DE L'OR AU POIDS" Considérant que Monsieur X... a été destinataire du document suivant "information officielle, après avoir été sélectionné pour prendre part à l'opération "de l'or au poids". "Monsieur ... a été officiellement désigné pour recevoir son poids en or 18 carats (750 millièmes)" ; qu'un astérisque suit les mots "son poids en or" et, en marge, de

manière verticale indique la mention complémentaire suivante en petits caractères "1 décigramme environ représentant 0.00981 N" ; Que cet avis est accompagné d'un questionnaire "indispensable" à la mise à disposition, composé de quatre questions totalement dépourvues de tout rapport avec le poids du destinataire et visant seulement à connaître si celui-ci a déjà gagné un gros lot, de l'or et s'il estime judicieux de conserver de l'or à son domicile ; Qu'après avoir retourné le questionnaire et la somme de 39 francs destinée à couvrir les "frais d'assurance" de l'envoi, Monsieur X... n'a reçu qu'un poids, au sens d'un instrument de mesure, de très petite taille ; Considérant que si tous les documents sont rédigés de manière telle qu'ils visent à faire croire au destinataire qu'il a gagné un lot de valeur, tout lecteur un peu attentif et raisonnable pouvait réaliser aisément qu'il n'avait pas gagné son propre poids en or dès lors que la mention portée en marge précisait un poids de 1 décigramme environ et que, surtout, le questionnaire dit indispensable à la délivrance dudit poids ne contenait aucune question concernant le poids personnel du destinataire ; qu'il est plus qu'évident qu'une société qui se livre quasi mensuellement à des loteries, ce que Monsieur X... n'ignorait pas, ne pouvait s'engager à faire gagner par tirage au sort, à une personne forcément inconnue, son poids en or, soit une valeur de plusieurs millions de francs ; JEU DU GRAT'CASH Considérant que par document personnalisé, Monsieur X... a reçu un document présentant un jeu de grattage et précisant "si vous avez un ticket gagnant, sur lequel figure trois fois la même somme, il vous suffit de suivre les instructions au dos pour recevoir le chèque correspondant" ; que le plus gros lot présenté était d'une somme de 32.000 francs ; qu'après grattage un des tickets remis à Monsieur X... portait trois fois la somme de 32.000 francs ; Que le règlement accompagnant le jeu prévoit en son article 6 que "la

dotation du jeu est constituée de dix chèques de 10 francs, dix chèques de 100 francs, cinq chèques de 500 francs, un chèque de 10.000 francs, un chèque de 32.000 francs. Les tickets gagnants sont ceux dont les numéros ont été tirés au sort par Maître BERA, parmi tous les tickets comportant trois fois la même somme" ; Que cette clause du règlement est en contradiction avec les indications présentant le jeu puisque celles-ci affirment que le ticket gagnant est celui sur lequel figure trois fois la même somme, ce qui était le cas de ceux remis à Monsieur X..., sans évoquer une opération de pré-tirage ; que contrairement aux affirmations de la société M.F.D., les indications complémentaires ne sont pas de nature à éclairer le consommateur puisqu'elles se limitent à lui demander de compléter le bon de commande par l'inscription du numéro du ticket ; LE JEU DU PRIX CERTIFIÉ GAGNÉ Considérant que ce jeu est présenté sur un document titré "avis officiel de mise à disposition de votre prix", avec un numéro de gagnant et l'indication que reste à distribuer un chèque de 30.500 francs ; que la mention suivante figure sur ledit avis : "Je vous confirme, Monsieur ..., vous avez gagné à coup sûr un des prix restant à attribuer et vous n'avez que quinze jours pour le demander" ; que le courrier d'accompagnement est ainsi libellé "je viens de finir l'inventaire des prix qu'il me reste à remettre aux gagnants et je peux donc vous annoncer que l'un de ces prix vous est attribué, peut-être même le super-prix : un chèque d'une valeur de 30.500 francs . En effet votre numéro personnel pour ce prétirage - le ... - fait partie des numéros gagnants .... Vous êtes sans doute surpris de cette nouvelle alors que vous n'avez encore renvoyé aucun bon de participation. C'est le principe du pré-tirage ..." ; que l'article 7 du règlement du jeu prévoit que tous les participants du message "prix certifié gagné" ont gagné un des trois lots différents mis en jeu après que l'article 6 ait fait la présentation

des lots, soit "un chèque de 30.500 francs, un chèque de 15.700 francs et autant de bracelets hommes en argent d'une valeur commerciale de 89 francs ..." ; Qu'il ressort de l'ensemble de ces documents que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la lecture des différents documents n'est pas de nature à donner une certitude à son lecteur quelque peu attentif ; que s'il est affirmé que le destinataire a gagné un des lots, il ne lui est pas indiqué de manière impérative qu'il a gagné le premier lot mais que seulement il en est "peut-être" le gagnant ; JEU À LA DÉCOUVERTE DE LA THALANDE Considérant que Monsieur X... a reçu un "certificat d'envoi du menu Tha'" établi dans les termes suivants :

"si vous nous retournez sous 3 semaines le menu tha' tamponné Bangkok, vous avez gagné le voyage en Tha'lande (13 jours pour deux personnes) ou un chèque de 44.980 francs" ; que figure au recto de ce document une "attestation d'huissier" certifiant le tirage au sort ; qu'au verso du document figurent les conditions du règlement du jeu dans des caractères typographiques qui, s'ils recherchent un certain exotisme, n'en sont pas moins très difficiles à lire voire impossibles ; Que ce document est accompagné d'un courrier indiquant, notamment : "c'est bel et bien ce rêve que je vous propose de réaliser. A la seule condition que vous me retourniez le menu tha' tamponné Bangkok dans les trois semaines suivant la réception de ce message" ; Considérant que pour conclure à la régularité de ce jeu la société appelante invoque les dispositions de l'article 7 du règlement, lequel ainsi qu'il est dit plus haut, est radicalement illisible et en contradiction avec les affirmations sans réserve contenues dans les autres documents ; JEU GRAND TIRAGE DE LA CHANCE Considérant que la présentation de ce jeu faite au destinataire est la suivante : "Communiqué officiel : les informations dont il est fait état sur le présent communiqué ont été établies en fonction des résultats du tirage au sort des gagnants du

"grand jeu de la chance" lequel a été effectué par Maître BAILET, huissier de justice, le 26 novembre dernier. Lisez attentivement la liste des prix ci-dessous : Monsieur ... vous avez gagné le 1er prix, suivi de l'encadré suivant" plus gros chèque à remettre 33.000 francs" ; que ces indications sont suivies de la liste des prix et de la mention "vous avez trois semaines à réception de ce document pour réclamer votre prix, Monsieur X. A... ce délai sans réponse de votre part, nous considérons que vous renoncez au prix que vous avez gagné" ; qu'il est encore précisé "la participation au grand tirage de la chance est gratuite et sans obligation d'achat. Les gagnants ont été désignés avant l'expédition des documents par pré-tirage au sort effectué par huissier de justice. Le règlement de ce jeu figure en entier au dos de ce document" ; Que la lettre d'accompagnement stipule notamment "vous avez bel et bien gagné le premier prix. C'est un fait établi par tirage au sort effectué sous contrôle d'huissier" ; Considérant que la société M.F.D. invoque l'article 6 du règlement qui donne la liste des prix dans les termes suivants : "les six prix constituant la dotation de ce jeu sont les suivants : un lot de cinq enveloppes (autant de participants, valeur commerciale de 5 francs), 3 enveloppes contenant chacune un chèque de 5.000 francs, une enveloppe contenant un chèque de 10.000 francs et une enveloppe contenant un chèque de 33.000 francs" ; que selon la société M.F.D, Monsieur X... a été avisé de ce qu'il avait gagné le premier prix, soit un lot de cinq enveloppes ; Considérant que cette Considérant que cette argumentation est aussi fallacieuse que la présentation du jeu ; que tout le subterfuge consiste à présenter les prix dans l'ordre croissant après avoir affirmé au destinataire qu'il avait gagné le 1er prix, ce qui à l'évidence, dans tout esprit, fait naître la croyance de se voir attribuer le plus gros prix ; Que cette présentation n'est pas loyale ; LE GRAND JEU MFD ET LE TIRAGE D'AVRIL

1996 Considérant que Monsieur X... a été destinataire d'un document personnalisé "grand jeu MFD" "tirage d'avril 96" ainsi rédigé en sa première page : "bravo M ... vous avez gagné le plus gros chèque au grand jeu MFD", "Je vous le confirme votre numéro personnel, le ... a bel et bien été tiré au sort ce vendredi 26 avril et vous avez gagné le plus gros chèque possible à ce grand jeu MFD. Pour recevoir votre argent, Monsieur ..., c'est très simple : retournez après l'avoir complétée, votre demande de prix sur votre bon de commande ..." ; qu'en bas de la page figure la mention suivante "P.S. : j'insiste vous n'avez pas gagné le lot de consolation mais bien le plus gros chèque mis en jeu. Réclamez-le dès aujourd'hui" ; qu'un autre document "tirage avril 96" indique "premier prix : un chèque d'un montant de 35.000 francs" ; Que l'article 6 du règlement du jeu "tirage d'avril 96" prévoit sous le titre "présentation des lots" : "une somme de 35.000 francs répartie entre tous les participants sans que ceux-ci puissent recevoir un chèque inférieur à la valeur du lot de consolation fixée à 4 francs" ; Que la société appelante fait valoir que jamais Monsieur X... n'a été avisé qu'il avait gagné la somme de 35.000 francs et qu'il y avait en réalité deux jeux dont le destinataire était informé, le "grand jeu MFD" et le jeu "tirage d'avril 96" ; Que si cette présentation qui se veut astucieuse est avant tout confuse, elle ne contient aucune affirmation selon laquelle Monsieur X... est le gagnant du chèque de 35.000 francs ; qu'une lecture complète des différents documents permet à tout lecteur normalement attentif de réaliser la véritable portée des documents ; JEU L'OPÉRATION NORWAY Considérant que Monsieur X... a reçu, au titre de ce jeu, des documents ainsi présentés : "embarquez pour le rêve avec le FRANCE, Monsieur ..., M.F.D. paye la facture. Oui c'est bien vrai et tout ce qu'il y a de plus officiel, Monsieur ... vous avez bel et bien été choisi pour découvrir le paquebot

FRANCE aux frais de MFD" signé P.FREMEAUX, directeur clientèle" ; qu'un autre document indique que "ce cadeau vous est acquis définitivement, vous en disposez quand vous voulez, votre famille en profite aussi" ; Que le règlement indique en son article 3 que "le tirage des trois gagnants de l'opération NORWAY a été effectué par Maître BERA" ; Que le société appelante fait valoir que cette opération ne doit pas être confondue avec l'opération cadeau "Maquette du France" alors que les documents produits, par leur contenu et leur présentation, ne permettent nullement de faire la différence entre ces deux opérations ; que la simple mention portée en petits caractères au pied de la photo du paquebot stipulant qu'il s'agit d'une "maquette au 1/1100ème environ" ne permet à aucun lecteur d'en déduire que son gain éventuel se ramenait à une maquette alors que tous les documents publicitaires vantent le programme de la croisière et son itinéraire ; Qu'en l'espèce Monsieur X... a été personnellement destinataire de documents très clairs et précis lui laissant croire qu'il avait été tiré au sort en qualité de gagnant de la croisière vantée et qu'aucune mention, aucune indication n'est suffisamment claire et explicite pour introduire une incertitude ou un doute dans l'esprit du lecteur normalement attentif ; Considérant qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la Cour estime que dans le contexte de quatre jeux, sur les douze dénoncés, la société M.F.D. a engagé sa responsabilité délictuelle ; Qu'il s'agit des jeux suivants : - Jeu du Grat Cash, - Jeu à la découverte de la Tha'lande, - Jeu du grand tirage de la chance, - Jeu opération Nordway ; Que dans tous ces jeux les documents personnalisés, sus-analysés, étaient dépourvus d'ambigu'té, libellés en termes non dubitatifs mais parfaitement affirmatifs et sans réserve ; que si les clauses de certains règlements pouvaient donner un autre éclairage à l'opération réellement mise en place, elles étaient alors en contradiction avec

l'ensemble des documents immédiatement portés à la connaissance et à l'attention du destinataire et de telle sorte n'étaient nullement de nature à lever la confusion recherchée et voulue ; Que pour les autres jeux, la certitude d'un gain n'était pas donnée au destinataire qui, avec quelque attention, prenait connaissance de l'ensemble des documents ; que cela est d'autant plus vrai pour Monsieur X..., pilote de ligne, qui, de manière délibérée, entre avril et novembre 1996, a pris le soin de prendre connaissance et de donner suite à toutes les offres qui lui ont été faites par la société M.F.D. ; Considérant que le comportement fautif de la société M.F.D. pour les quatre jeux sus-visés est caractérisé et qu'il a engendré dans l'esprit du consommateur potentiel et recherché, en l'espèce Monsieur X..., l'espérance en un gain dont il n'a jamais bénéficié ; Que toutefois, en l'espèce, le préjudice de Monsieur X... ne saurait être évalué, comme il le demande pour l'ensemble des jeux incriminés, au montant des gains escomptés dont il a été privé ; qu'en effet, Monsieur X... a pris le parti délibéré de participer, durant plusieurs mois à l'ensemble des jeux organisés, allant même jusqu'à prendre le soin d'adresser ses bulletins de participation en la forme recommandée ; qu'il a accumulé les refus de délivrance de lots sans toutefois cesser toute participation dont il ne pouvait, le plus souvent, se méprendre sur l'issue négative ; que si on ne peut reprocher à une personne de chercher à mettre en lumière certaines pratiques commerciales contraires à la loyauté due à tout consommateur, elle ne peut, ce faisant, prétendre que son préjudice est égal aux gains qui lui ont été offerts et dont l'annonce a généré une croyance et une attente si forte, que la découverte de la réalité a engendré pour elle un préjudice moral particulièrement caractérisé et grave ; que Monsieur X... ne peut soutenir et n'établit nullement à partir du contexte du litige, que

chaque jeu a créé en lui une espérance très forte, chaque fois égale au gain annoncé ; que cependant il a pu ressentir exaspération, déception et irritation face au comportement fautif réitéré de la société M.F.D, en quelques mois seulement ; Que tant à raison du nombre limité de jeux retenus comme répréhensibles et fautifs qu'en considération de ces derniers éléments, il convient d'allouer à Monsieur X... la somme de 50.000 francs ; Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur X... les frais irrépétibles exposés ; que la somme de 10.000 francs doit lui être allouée ; PAR CES MOTIFS, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DÉCLARE la société M.F.D. et Maître Y... son liquidateur amiable, recevables en leur appel principal et Monsieur X... recevable en son appel incident, CONFIRME le jugement en ce qu'il a dit que l'organisation des jeux suivants était constitutive d'un comportement fautif engageant la responsabilité délictuelle de la société M.F.D : - Jeu du Grat Cash, - Jeu à la découverte de la Tha'lande, - Jeu du grand tirage de la chance, - Jeu opération Nordway, LE CONFIRME en ce qu'il a rejeté toute demande formée au titre des jeux suivants : - jeu des six boules gagnantes, - jeu des codes barres, - jeu des tickets jaunes, - jeu du tirage grand prix, - jeu des Fêtes, - jeu du poids en or, LE CONFIRME en ce qu'il a alloué à Monsieur X... la somme de 15.000 francs au titre des frais irrépétibles exposés en première instance, L'INFIRME en ce qu'il a retenu comme fautive l'organisation du jeu "Prix certifié gagné" et "Jeu MFD/tirage d'avril 1996", L'INFIRME en ce qu'il a alloué à Monsieur X... la somme de 200.000 francs à titre de dommages-intérêts, STATUANT A NOUVEAU SUR CES POINTS, DIT que les jeux "Prix certifié gagné" et le Jeu "MFD/tirage d'avril 1996", ne caractérisent pas une faute à l'égard de Monsieur X..., CONDAMNE la société MFD, prise en la personne de Monsieur Y..., son

liquidateur amiable, au paiement de la somme de 50.000 francs (CINQUANTE MILLE FRANCS) à titre de dommages-intérêts, en réparation du préjudice résultant de la présentation fautive des quatre jeux sus-visés, LA CONDAMNE au paiement de la somme de 10.000 francs (DIX MILLE FRANCS) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel, LA CONDAMNE aux entiers dépens et dit que la SCP BOMMART etamp; MINAULT pourra recouvrer directement contre elle les frais exposés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ET ONT SIGNE LE PRÉSENT ARRÊT : Le Greffier

Le Président, Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006936206
Date de la décision : 16/03/2000

Analyses

JEUX DE HASARD


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-03-16;juritext000006936206 ?
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