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16/03/2000 | FRANCE | N°1999-23610

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 mars 2000, 1999-23610


FAITS, PROCÉDURE, DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES M. X... a été engagé le 1er juillet 1971 par l'imprimerie du parti communiste français reprise par la LIBRAIRIE NOUVELLE IMPRESSION (LNI) le 1er février 1976. Son contrat de travail a été repris dans le cadre de l'article L 122-12 du code du travail. M. X... était délégué syndical et délégué du personnel. Suite à son refus d'une proposition de modification de son contrat de travail, il a été convoqué le 5 mars 1999 à un entretien préalable fixé au 10 mars 1999 en vue de son licenciement pour motif économique. Par lettre du

19 mars 1999 l'employeur a annulé cette procédure et notifié une nouv...

FAITS, PROCÉDURE, DEMANDES ET MOYENS DES PARTIES M. X... a été engagé le 1er juillet 1971 par l'imprimerie du parti communiste français reprise par la LIBRAIRIE NOUVELLE IMPRESSION (LNI) le 1er février 1976. Son contrat de travail a été repris dans le cadre de l'article L 122-12 du code du travail. M. X... était délégué syndical et délégué du personnel. Suite à son refus d'une proposition de modification de son contrat de travail, il a été convoqué le 5 mars 1999 à un entretien préalable fixé au 10 mars 1999 en vue de son licenciement pour motif économique. Par lettre du 19 mars 1999 l'employeur a annulé cette procédure et notifié une nouvelle proposition de modification du contrat de travail à M. X... qui l'a également refusée. Il a alors fait l'objet d'une nouvelle convocation à un entretien préalable en vue de son licenciement pour des raisons économiques. Au cours de cet entretien, qui s'est déroulé le 4 mai 1999, la société LNI a remis à M. X... les documents relatifs à la convocation de conversion. Par lettre du 7 mai 1999 l'employeur a sollicité auprès de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier M. X.... Le 25 mai 1999 M. X... a adhéré à la convention de conversion. Le 31 mai 1999, l'inspecteur a accordé l'autorisation de licencier dans les termes suivants : "(...) Vu la correspondance du 7 mai 1999 de la société LNI sollicitant l'autorisation préalable de licencier M. X... pour motif économique. - Considérant que du fait des évolutions technologiques (passage au numérique), le poste de photograveur occupé par M. X... a effectivement disparu depuis deux ans ; - que depuis, M. X... est occupé à diverses tâches ; - que le motif économique invoqué à l'appui de la demande est dépourvu de réalité ; - Considérant que deux offres de reclassement ont été proposées et refusées par M. X... ; - Considérant qu'il est constaté l'exercice de nombreuses pressions à l'encontre des délégués du personnel successifs, et notamment M. X... (modification des

horaires de travail, appels à la médecine du travail, recherches tardives de solutions de reclassement) ayant donné lieu à l'intervention de nos services ; - Considérant que dans ces conditions, un lien avec les mandats exercés est établi ; - Considérant cependant que M. X... n'est plus en mesure de supporter la relation contractuelle au sein de l'entreprise." Le 20 juillet 1999 M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de NANTERRE statuant en formation de référé d'une demande tendant à voir constater la rupture du contrat de travail et ordonner le paiement des indemnités de rupture. Par lettre recommandée du 6 août 1999 la société LNI a notifié à M. X... la rupture de son contrat de travail. La lettre de licenciement mentionne que celui-ci est "motivé par l'autorisation administrative du 31 mai 1999", avant de reproduire cette autorisation puis de préciser "pour notre part, outre cette motivation nous y ajoutons le motif économique de suppression de votre poste en raison des mutations technologiques exposées et retenues par l'administration. Toutes les recherches visant à l'aménagement de votre contrat, ainsi qu'à votre reclassement, se sont révélées vaines". La lettre rappelle ensuite la proposition de convention de conversion acceptée par M. X... et l'existence de la priorité de réembauche. C'est dans ces circonstances que la société LNI refusant de transmettre à l'ASSEDIC la convention de conversion au motif que l'autorisation administrative de licenciement avait été donnée pour un motif personnel, M. X... a modifié sa demande devant le juge des référés laquelle, dans son dernier état, se présentait dans les termes suivants : - ordonner à la société LNI de transmettre la convention de conversion sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard, - subsidiairement, constater que le licenciement pour motif personnel n'a pas été autorisé par l'inspection du travail, - en conséquence, ordonner sa réintégration sous astreinte de 10 000

francs par jour de retard, - condamner la société LNI au paiement de la somme de 6 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par ordonnance du 15 octobre 1999 le conseil de prud'hommes statuant en formation de référé a : - ordonné à la société LNI de transmettre à l'ASSEDIC la convention de conversion, - rejeté toutes autres demandes. La société LNI a régulièrement interjeté appel de cette décision. Elle demande à la cour d'infirmer la décision entreprise et de renvoyer M. X... à mieux de pourvoir. Elle fait valoir à cet égard que l'autorisation administrative de licenciement du 31 mai 1999 mentionne bien que "le motif économique invoqué à l'appui de la demande est dépourvu de réalité" de sorte que l'autorisation accordée l'a été sur un motif personnel. Elle soutient également que l'appréciation du contenu de l'autorisation administrative échappe au juge judiciaire et a fortiori à la formation de référé du juge judiciaire. Elle sollicite l'allocation de la somme de 5 000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. M. X... demande à la cour de : - confirmer la décision entreprise, - subsidiairement, en cas d'infirmation, ordonner sa réintégration sous astreinte de 10 000 francs par jour de retard et condamner la société à lui payer une indemnité compensatrice de la perte de salaire du 6 août 1999 au 31 janvier 2000 pour un montant de 83 467,73 francs, En toute hypothèse, statuant à nouveau et y ajoutant, - condamner la société LNI à lui payer les sommes de : - 30 000 francs à titre de provision de dommages-intérêts pour résistance abusive et retard dans la transmission de la convention de conversion, - 10 000 francs à titre de dommages-intérêts pour appel abusif, - 10 000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il fait observer que la société LNI a finalement exécuté, sous la contrainte, l'ordonnance déférée. Il soutient que le motif économique

de son licenciement n'est pas sérieusement contestable. Il fait valoir que compte tenu de la résistance de la société à transmettre à l'ASSEDIC les documents relatifs à la convention de conversion c'est seulement le 15 décembre 1999 que l'ASSEDIC a pu lui notifier l'acceptation de sa conversion de conversion de sorte que jusqu'à cette date il a été maintenu dans une totale incertitude quant à sa situation. Il invoque le caractère abusif de l'appel interjeté par la société LNI.

SUR CE Considérant que l'employeur a en premier lieu donné pour motif au licenciement de M. X..., l'autorisation de licenciement accordée par l'inspection du travail dont il a reproduit l'intégralité des termes ; qu'il y a adjoint un motif économique; Considérant qu'en l'état d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement ; que de l'autorisation, qui doit être motivée, résulte nécessairement le motif retenu pour donner cette autorisation, ce dont découle la nature du licenciement qui s'impose également au juge judiciaire ; Considérant qu'en estimant "que le motif économique invoqué à l'appui de la demande est dépourvu de réalité", mais que "cependant M. X... n'est plus en mesure de supporter la relation contractuelle au sein de l'entreprise" et en accordant l'autorisation de licenciement demandée, l'autorité administrative a, de manière claire et dépourvue d'ambigu'té, accordé l'autorisation pour un motif personnel et non pour un motif économique, de telle sorte qu'il n'y a pas lieu à interprétation de sa décision ; que le courrier du 17 septembre 1999 qu'elle a ensuite adressé au conseil de M. X..., et dans lequel elle affirme qu'il n'appartient pas à l'inspection du travail de définir le motif du licenciement d'un représentant du personnel mais

simplement de décider au regard de la demande présentée par l'employeur si l'autorisation peut ou non être accordée, et que le motif du licenciement ne peut qu'être celui invoqué par l'employeur à l'appui de sa demande, et donc en l'espèce un motif économique, est sans portée eu égard aux motifs de la dite autorisation qui, faute de recours gracieux ou contentieux, doivent être tenus pour les seuls motifs du licenciement ; Considérant que le juge judiciaire doit donc tenir pour acquis le caractère réel et sérieux du licenciement pour motif personnel qui est celui retenu à titre principal par l'employeur sur le fondement de l'autorisation de l'autorité administrative ; qu'il convient en conséquence d'infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné à la société LNI de transmettre à l'ASSEDIC la convention de conversion, ladite convention étant liée au motif économique du licenciement ; Considérant que la lettre de rupture du 6 août 1999 reprenant les termes de l'autorisation de licenciement pour motif personnel donnée par l'inspecteur du travail le 31 mai 1999, il n'apparaît pas que le licenciement dans ces conditions constitue un trouble manifestement illicite qu'il convienne de faire de faire cesser en ordonnant la réintégration de M. X... ; que M. X... sera donc débouté de sa demande présentée ce titre ; Considérant qu'eu égard aux termes de la présente décision il convient de débouter M. X... de sa demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive ; Considérant que chacune des parties supportera ses propres dépens ; Considérant qu'il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS : La Cour, Statuant publiquement et par arrêt contradictoire, Infirme l'ordonnance rendue le 15 octobre 1999 par le conseil de prud'hommes de NANTERRE statuant en formation de référé en ce qu'elle a ordonné à la société LNI de transmettre à l'ASSEDIC la

convention de conversion ; Statuant à nouveau, Déboute Monsieur Didier X... de sa demande ; Y ajoutant, Déboute Monsieur Didier X... de sa demande en réintégration, le déboute de sa demande en paiement de dommages intérêts pour procédure abusive ; Déboute Monsieur Didier X... et la société LNI de leurs demandes d'indemnité au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Dit que chacune des parties supportera ses propres dépens ; Et ont signé le présent arrêt Mme LINDEN, Président, et Mme Y..., Greffier. LE GREFFIER

LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-23610
Date de la décision : 16/03/2000

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Salarié protégé - Mesures spéciales - Autorisation administrative

En l'état d'une autorisation administrative de licenciement accordée à l'employeur de licencier un salarié protégé, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement ; que de l'autorisation, qui doit être motivée, résulte nécessairement le motif retenu pour donner cette autorisation, ce dont découle la nature du licenciement qui s'impose également au juge judiciaire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-03-16;1999.23610 ?
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