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16/03/2000 | FRANCE | N°1999-110

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 mars 2000, 1999-110


Le 31 mars 1987, la Société Financière INTERBAIL a consenti à la Société JPJ HOTELLERIE un contrat de crédit bail portant sur un ensemble immobilier à usage d'hôtel restaurant situé à ROISSY EN BRIE. Le 29 mars 1989, la Société Financière INTERBAIL et FINANCIMO aux droits de laquelle vient la Société FIDEICOMI ont consenti à la Société CHAMPYTEL, un crédit bail immobilier portant sur un hôtel restaurant sis à CHAMPIGNY. La Société Financière INTERBAIL à consenti le 28 août 1990, un crédit bail immobilier à la Société NANTES IMMO portant sur un hôtel restaurant Ã

  NANTES . Par jugement du 8 juillet 1991, le Tribunal de Commerce de CORBEIL a ...

Le 31 mars 1987, la Société Financière INTERBAIL a consenti à la Société JPJ HOTELLERIE un contrat de crédit bail portant sur un ensemble immobilier à usage d'hôtel restaurant situé à ROISSY EN BRIE. Le 29 mars 1989, la Société Financière INTERBAIL et FINANCIMO aux droits de laquelle vient la Société FIDEICOMI ont consenti à la Société CHAMPYTEL, un crédit bail immobilier portant sur un hôtel restaurant sis à CHAMPIGNY. La Société Financière INTERBAIL à consenti le 28 août 1990, un crédit bail immobilier à la Société NANTES IMMO portant sur un hôtel restaurant à NANTES . Par jugement du 8 juillet 1991, le Tribunal de Commerce de CORBEIL a prononcé le redressement judiciaire de soixante Sociétés du groupe COREXTEL dont les Sociétés JPJ HOTELLERIE, CHAMPYTEL et NANTES IMMO, Maître Y... étant désigné en qualité d'administrateur judiciaire. Le 23 juillet 1991 la Société Financière INTERBAIL à mis en demeure, conformément à l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, Maître Y... de prendre parti sur la continuation des contrats de crédit bail. Le 20 août 1991 le Juge Commissaire a accordé à Maître Y... un délai jusqu'au 31 décembre 1991 pour prendre position. Le 23 décembre 1991, une nouvelle ordonnance a accordé un nouveau délai à Maître Y..., expirant le 29 février 1992. Une troisième ordonnance était rendue le 28 février 1992, prolongeant le délai jusqu'au 5 mai 1992. Une quatrième ordonnance était prise le 27 avril 1992, accordant un délai jusqu'au 30 juin 1992. Le 26 juin 1992 Maître Y... s'est prononcé pour la continuation des contrats en cours. Par jugement du 29 juin 1992, le Tribunal de Commerce de CORBEIL a arrêté les plans de cession des Sociétés incluant dans les cessions les contrats de crédit bail sus visés. Par arrêt du 15 décembre 1992 de la Cour d'Appel de Paris, rendu sur appel des organismes de crédit bail qui avaient adressé le 25 octobre 1991 à Maître Y... un commandement visant la clause résolutoire, lequel avait été validé par jugement du

10 septembre 1992 du Tribunal de Grande Instance de Paris qui a par ailleurs ordonné l'expulsion de Maître Y... et condamné celui-ci à payer des indemnités d'occupation, le jugement du 29 juin 1992 arrêtant les plans de cession a été infirmé, le repreneur principal ne maintenant pas sa proposition de plan. Les hôtels objets des contrats en cause, ont été restitués aux crédits bailleurs à la fin du mois de décembre 1992, ceux-ci ne pouvant recouvrir aucune somme dans le cadre de la liquidation judiciaire. Par acte du 22 juillet 1997 les Sociétés FINANCIERES INTERBAIL et FIDEICOMI ont fait assigner Maître Y..., en mettant en cause sa responsabilité civile professionnelle, devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE lequel , par jugement du 19 juin 1998, a retenu que Maître Y... avait commis une faute à l'occasion de son administration judiciaire des Sociétés CHAMPYTEL, NANTES IMMO et JPJ HOTELLERIE et a condamné celui-ci à payer à la société Financière INTERBAIL et à la Société FIDEICOMI la somme de 550.000 F et à la société Financière INTERBAIL la somme 1.440.000 F, lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement, outre la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. Maître Baudoin Y... à interjeté appel de cette décision et demande à la cour de l'infirmer, de débouter les intimés de leurs demandes, de condamner celles-ci à lui payer la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ainsi que la somme de 25.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C. Au soutien de son appel il fait valoir : - qu'il n'a fait qu'user dans le cadre de la mission qui lui était confiée de la faculté qui lui était offerte de solliciter un report des délais impartis pour apprécier la situation et agir au mieux des intérêts des parties concernées ; - que les demandes de report nécessaires ont été présentées en toute légalité sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin

1994 et les crédits bailleurs ont été parfaitement informés desdits reports ; - qu'il avait engagé une procédure en annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire, que la décision sur cette procédure n'a été rendue que le 10 septembre 1992 et qu'antérieurement à celle-ci, il pouvait raisonnablement espérer voir aboutir les plans de cession, lesquels ont été arrêtés le 29 juin par le Tribunal de Commerce de CORBEIL, et incluaient les contrats de crédit bail, tout en permettant le règlement sans difficulté du passif article 40. Il conteste toute faute et soutient que les intimées ne rapportent pas la preuve d'un préjudice qui aurait un lien de causalité avec la faute par elles alléguée. Il précise que les intimées ne versent aucun élément aux débats prouvant qu'elles auraient pu relouer les locaux si elles en avaient obtenu restitution. Selon lui, les Sociétés de Crédit Bail sont responsables du passif article 40 demeuré impayé dès lors qu'elles ont cru devoir interjeter appel de la décision homologuant le plan, le repreneur ne maintenant pas son offre en raison de l'incertitude quant à ses droits du fait du jugement constatant l'acquisition de la clause résolutoire. La Société SOPHIA, venant aux droits de la Société FINANCIERE INTERBAIL, et la Société FIDEICOMI concluent à la confirmation du jugement entrepris sauf à voir portées les condamnation prononcées aux sommes de : - 1.600.000 F HT en ce qui concerne le dossier CHAMPYTEL - 2.500.000 F HT en ce qui concerne le dossier JPJ HOTELLERIE - 2.500.00 F HT en ce qui concerne le dossier NANTES IMMO lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 1er juin 1998. Elles sollicitent, en outre, la condamnation de Maître Y... à leur payer la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du N.C.P.C.. Elles reprochent à Maître Y... : - qu'ayant été mis en demeure dès le 23 juillet 1991 d'exercer l'option de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985, d'avoir sollicité du Juge Commissaire des

ordonnances à répétition lui accordant "des prorogations intempestives du délai d'option", sans pouvoir se réfugier derrière lesdites ordonnances dès lors que celles-ci ont été rendues au vu de requêtes qui ne comportaient aucun renseignement de nature à éclairer le Juge Commissaire ; - de ne pas avoir tiré les conséquences de l'acquisition de la clause résolutoire ; - de ne pas avoir opté pour la non continuation du contrat en raison du fait qu'il n'était pas en état de fournir la prestation promise au co-contractant du débiteur. Elles estiment que par le jeu d'autorisations multiples, Maître Y..., a pu se soustraire à l'obligation posée par l'article 37 de la loi du 25 janvier 1995 de prendre parti et a laissé les co-contractants dans l'incertitude. Elles font valoir que le préjudice est au moins égal au montant des condamnations prononcées par Maître Y... ès qualités par les jugements du 10 septembre 1992 et soulignent qu'elles n'ont pu relouer les biens immédiatement et ont dû garder ceux-ci "en patrimoine", ce qui constitue un mode de gestion moins avantageux. SUR CE Considérant que l'article 37 de la loi du 25 Janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1994, applicable en l'espèce, précise : "la renonciation à la continuation du contrat est présumée après une mise en demeure adressée à l'administrateur, restée plus d'un mois sans réponse. Avant l'expiration de ce délai, le Juge Commissaire peut toutefois impartir à l'administrateur un délai plus court ou lui accorder une prorogation pour prendre parti" ; Considérant que par le jeu non d'une prorogation mais de quatre prorogations un délai d'environ une année a été accordé ; que Maître Y... ne s'est prononcé sur la continuation des contrats en cours que le 26 juin 1992, soit trois jours avant le jugement homologuant le plan de cession, lequel a été ultérieurement infirmé ; Considérant qu'en méconnaissance de la lettre et de l'esprit de l'article 37 précité, les co-contractants du

débiteurs ont été laissés dans une incertitude que les dispositions dudit article visent justement à limiter dans le temps ; Considérant que c'est à juste titre que les premiers juges retiennent que si la première demande de délai, qui a abouti à une prorogation du 20 août 1991 accordant un délai expirant au 31 décembre 1991 parait légitime, il n'en est pas de même des trois autres ; Considérant, en effet, que ces dernières demandes ont été présentées par Maître Y... à une époque où les loyers n'étaient plus payés ; que Maître Y... n'ignorait pas l'impossibilité absolue dans laquelle il se trouvait, de fournir la prestation promise au cocontractant du débiteur comme il en avait l'obligation ; Considérant, de plus, que les prorogations ont été accordées par le Juge Commissaire sans que Maître Y..., qui ne peut se retrancher derrière celles-ci, ait complètement informé ledit Juge Commissaire de la situation ; Considérant qu'il apparaît des pièces produites, en particulier des demandes de Maître Y... aux fins de prorogation de délai, que Maître Y... n'a pas averti le Juge Commissaire ni du fait que les loyers n'étaient pas payés, ni de la délivrance le 25 octobre 1991 d'un commandement visant la clause résolutoire ni de l'instance qu'il a lui-même initiée ès qualités le 25 novembre 1991 aux fins de voir constater la nullité du dit commandement ; Considérant que non seulement lors de sa seconde demande de prorogation de délai, qui est postérieure à ces événements, Maître Y... a occulté ceux-ci mais qu'il a poursuivi de tels manquements lors des deux autres demandes ultérieures et même lors du bilan économique et social qu'il a établi le 15 mai 1992 en application de l'article 18 du la loi du 25 janvier 1985, lequel englobe dans les actifs du débiteur les exploitations de CHAMPIGNY, de ROISSY EN BRIE et de NANTES sans la moindre allusion à l'acquisition de la clause résolutoire et au contentieux pendant devant le Tribunal de Grande Instance de Paris ; Considérant que

c'est en vain que Maître Y... reproche aux intimées de ne pas avoir poursuivi les procédures d'opposition aux ordonnances de prorogation par elles initiées; que par le jeu successif des prorogations, une nouvelle ordonnance était déjà rendue alors qu'était reçue une convocation relative au contentieux de la précédente ordonnance ; Considérant que le comportement des intimés n'est pas de nature à remettre en cause les manquements sus relevés à l'encontre de Maître Y... ; Considérant que lesdits manquements ont entraîné pour les sociétés intéressées un préjudice important tenant à la perte de la chance de relouer les biens immobiliers concernés et de percevoir les loyers correspondants ou même de disposer de toute autre façon desdits biens ; Considérant que ce préjudice doit être indemnisé dès lors que les intéressés n'ont pu disposer des locaux afin de pouvoir les relouer ; que ledit préjudice ne présente aucun caractère hypothétique ; Considérant que le fait que les immeubles restitués en décembre 1992, n'ont été reloués qu'entre janvier 1994 et février 1998, ne permet pas de conclure à l'absence de relocation à bref délai s'ils avaient été restitués en juillet 1991 ; Considérant que les intimés étaient en droit d'interjeter appel du jugement du 29 juin 1992 arrêtant le plan de cession incluant dans les cessions, les contrats de crédit bail, qu'elles n'ont pas abusé dudit droit et qu'il ne peut être sérieusement soutenu qu'elles sont responsables du passif article 40 demeuré impayé et partant de leur propre préjudice ; Considérant que les premières juges ont à juste titre, au vu des éléments du dossier, de la durée de l'indisponibilité des immeubles en cause évalué le préjudice subi à la somme de 550.000 F en ce qui concerne la Société CHAMPYTEL, à la somme de 720.000 F en ce qui concerne la Société JPJ HOTELLERIE et à la somme de 720.000 F en ce qui concerne la Société NANTES IMMO ; Considérant que la procédure des sociétés de crédit bail n'apparaît en rien abusive ; que Maître

Y... sera débouté de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Considérant que suite à l'appel interjeté par Maître Y..., les intimés ont exposé des faits irrépétibles qu'il est inéquitable de laisser à leur charge ; qu'une somme de 10.000 F leur sera allouée pour les frais d'appel qui s'ajoutera à la somme accordée par les premiers juges pour les frais de première instance ; Considérant que l'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du N.C.P.C. à Maître Y... ; PAR CES MOTIFS Statuant publiquement et contradictoirement ; Confirme le jugement entrepris sauf à préciser que la Société SOPHIA vient aux droits de la Société FINANCIERE INTERBAIL ; Y ajoutant ; Condamne Maître Y... à payer à la Société SOPHIA et à la Société FIDEICOMI la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du N.C..P.C. Déboute les parties de toute autre demande ; Condamne Maître Y... aux dépens, lesquels seront recouvrés par la SCP FIEVET-ROCHETTE- LAFON, avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du N.C.P.C. Et ont signé le présent arrêt, Monsieur BESSE Président et Madame DUCLOS , Greffier M. DUCLOS

J. X... Greffier

Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-110
Date de la décision : 16/03/2000

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Organes - Administrateur judiciaire - Responsabilité - Faute - Contrat en cours

C'est en méconnaissance de la lettre et de l'esprit de l'article 37 de la loi du 25 janvier 1985 dans sa rédaction antérieure à la loi du 10 juin 1998, que par le jeu de quatre prorogations successives, un administrateur s'est fait accorder par le juge-commissaire, un délai d 'environ une année pour se prononcer sur la continuation des contrats en cours pour finalement n'opter que trois jours avant le jugement homologuant un plan de cession ensuite infirmé. Les co-contractants du débiteur ont ainsi été laissés dans une incertitude que les dispositions dudit article visent justement à limiter dans le temps. Si la première demande de délai paraît légitime, il n'en est pas de même des trois autres dans la mesure où elles ont été présentées par l'administrateur à une époque où les loyers n'étaient plus payés, ce dernier n'ignorant pas l'impossibilité absolue dans laquelle il se trouvait de fournir la prestation promise au cocontractant du débiteur comme il en avait l'obligation. Les manquements ayant entraîné pour les bailleurs un préjudice certain et déterminable important tenant à la perte de chance de relouer les biens immobiliers concernés et de percevoir des loyers correspondants ou même de disposer de toute autre façon desdits biens, il convient de condamner l'administrateur à le réparer


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-03-16;1999.110 ?
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