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09/03/2000 | FRANCE | N°1999-220

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 mars 2000, 1999-220


FAITS ET PROCÉDURE La société MOULINEX fabrique et commercialise des produits électroménagers diffusés sous les marques "Moulinex" et "Krups". Suivant contrat en date du 27 juin 1994, la société MOULINEX a accordé à la société DOMELEKTRIKA un droit exclusif de distribution de ses produits de marque "Krups" sur tout le territoire grec. Dans le courant de l'année 1998, la société MOULINEX a informé la société DOMELEKTRIKA qu'elle n'entendait pas poursuivre l'accord de distribution qui les liait. Prétendant qu'à la suite de cette décision de rupture, la société DOMELEKTRIKA

se serait abstenue de régler un certain nombre de factures correspond...

FAITS ET PROCÉDURE La société MOULINEX fabrique et commercialise des produits électroménagers diffusés sous les marques "Moulinex" et "Krups". Suivant contrat en date du 27 juin 1994, la société MOULINEX a accordé à la société DOMELEKTRIKA un droit exclusif de distribution de ses produits de marque "Krups" sur tout le territoire grec. Dans le courant de l'année 1998, la société MOULINEX a informé la société DOMELEKTRIKA qu'elle n'entendait pas poursuivre l'accord de distribution qui les liait. Prétendant qu'à la suite de cette décision de rupture, la société DOMELEKTRIKA se serait abstenue de régler un certain nombre de factures correspondant à des livraisons de marchandises n'ayant donné lieu à aucune contestation, la société MOULINEX a saisi le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE d'une demande de condamnation provisionnelle. La société DOMELEKTRIKA a soulevé l'incompétence territoriale de la juridiction saisie au profit du Tribunal de Commerce de PARIS et, subsidiairement, elle a demandé le renvoi de la cause devant la Commission de la concurrence grecque. Plus subsidiairement, elle a sollicité un sursis à statuer dans l'attente de la décision de cette commission. Enfin et à titre plus subsidiaire encore, elle s'est prévalue d'une contestation sérieuse excluant la compétence du juge des référés. Par ordonnance du 22 septembre 1998, le magistrat susdésigné a : * retenu sa compétence, * condamné à titre provisionnel la société DOMELEKTRIKA Ltd à payer à la SA MOULINEX la contre-valeur en francs français au jour de la décision de 1.118.095,30 DEM outre les intérêts au taux légal à compter du 20 mai 1998 sur la somme de 1.057.086,34 DEM et du 22 août 1998 pour la somme de 61.008,96 DEM, * condamné également la société DOMELEKTRIKA à payer à la société MOULINEX une indemnité de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* Appelante de cette décision, la société DOMELEKTRIKA, qui n'entend

pas devant la Cour reprendre l'exception d'incompétence, soutient que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la créance invoquée par la société MOULINEX est éminemment contestable. A cet égard, elle fait valoir que les mises en demeure qui lui ont été adressées les 30 juin et 30 juillet 1998 portent sur un montant de 792.836,53 DEM, soit sur une somme inférieure au montant provisionnel sollicité par assignation du 06 août 1998. Elle ajoute qu'une partie des factures jointes au décompte qui lui ont été adressées le 30 juin 1998 ont été réglées par elle et que, en outre, MOULINEX a encaissé 250.000 DEM représentant le montant d'une lettre de crédit irrévocable dont a bénéficié à son fournisseur, ce que ce dernier s'est bien gardé de révéler au premier juge alors que cette lettre de crédit avait été prorogée jusqu'au 30 juin 1999. Elle se prévaut aussi du paiement à hauteur de 782.698,76 DEM effectué par la COFACE qui garantissait à due concurrence MOULINEX contre le risque de non paiement de ses créances à l'exportation et elle déduit de là que MOULINEX n'a plus intérêt à agir à son encontre à hauteur de ladite somme de 782.698,76 francs conformément au droit commun de l'assurance qui a vocation à s'appliquer, selon elle, également en matière d'assurance crédit. Elle invoque enfin la créance éventuelle de dommages et intérêts qu'elle détiendrait sur la société MOULINEX, pour rupture abusive d'un accord de distribution qui durait, en réalité, d'après ses dires, depuis plus de 25 ans, et pour la reconnaissance duquel des procès sont en cours, cette créance ayant vocation à se compenser avec celle que pourrait détenir sur elle la société MOULINEX. Elle demande, en conséquence, compte tenu des différents moyens qu'elle invoque, que la société MOULINEX soit déboutée de l'intégralité de ses demandes et condamnée à lui payer une indemnité de 40.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

* La société MOULINEX s'emploie au contraire à démontrer que la créance dont elle se prévaut ne souffre aucune contestation et que les différents moyens invoqués par l'appelante sont dépourvus de tout fondement sérieux. Elle sollicite dès lors la confirmation de l'ordonnance entreprise, sauf à se voir accorder la somme de 500.000 francs à titre de dommages et intérêts pour appel abusif et dilatoire ainsi qu'une indemnité globale de 50.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer tant en première instance qu'en cause d'appel. Enfin, il convient de noter que la société DOMELEKTRIKA a déposé, postérieurement à l'ordonnance de clôture, des conclusions de rejet d'une pièce communiqué prétendument tardivement et qu'elle a renoncé à l'audience de plaidoiries à cet incident, ainsi qu'en fait foi le plumitif d'audience établi en présence des avoués des parties. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que l'article 873 du Nouveau Code de Procédure Civile permet au Président du Tribunal de Commerce, statuant dans les limites de sa compétence, d'accorder une provision au créancier dans tous les cas ou l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable ; - considérant tout d'abord que la société appelante soutient que les mises en demeure qui lui ont été adressées les 30 juin 1998 et 30 juillet 1998 ne portaient que la somme de 792.836,53 DEM et qu'une partie des factures jointes à ces décomptes aurait été réglée ; - mais considérant qu'il ressort des pièces produites que les mises en demeure susvisées ne se réfèrent qu'à des factures venues à échéance alors qu'à la date de l'assignation introductive d'instance, d'autres factures étaient entre temps devenues exigibles, de sorte que, comme elle était fondée à le faire, la société MOULINEX a actualisé sa demande de condamnation provisionnelle ; que, de même, il apparaît que, contrairement à ce qui est prétendu, les factures partiellement réglées ont été prises en considération dans les décomptes joints aux

mises en demeure sus-évoquées et que la réclamation globale soumise au premier juge ne portait que sur un solde impayé ; que les premiers moyens ainsi invoqués sont dans ces conditions dépourvus de sérieux ; - considérant que la société DOMELEKTRIKA prétend ensuite que n'a pas été pris en considération la garantie bancaire de 250.000 DEM ouverte par elle en faveur de la société MOULINEX ; - mais considérant qu'à la date ou le premier juge s'est prononcé, cette garantie n'avait pas été encore mise en oeuvre, de sorte que ce magistrat ne pouvait la prendre en compte ; qu'il n'est cependant pas contesté que la société MOULINEX a bénéficié d'un règlement de 250.000 DEM, le 11 janvier 1999, en vertu de la lettre de crédit sus-évoquée ; que ce règlement doit dès lors, eu égard à l'évolution du litige, venir en déduction de la créance en principal de la société MOULINEX ; - considérant que la société appelante soutient ensuite que la société MOULINEX aurait été indemnisée par la COFACE à hauteur de 782.698,76 DEM et que la société MOULINEX n'avait plus intérêt à agir à due concurrence ; qu'elle en veut pour preuve une mise en demeure que lui a adressé la COFACE le 29 juillet 1998 ; - mais considérant que la mise en demeure dont s'agit ne fait état d'aucun règlement intervenu au profit de MOULINEX mais uniquement d'une information donnée par MOULINEX à cet organisme, selon laquelle des factures demeuraient impayées à hauteur de 782.698,76 francs ; que la société MOULINEX affirme, sans être contredite, qu'elle n'a reçu à ce jour aucun règlement de la COFACE ; qu'en tout état de cause, aucune disposition n'oblige le subrogé (la COFACE) à faire valoir les droits qu'il a acquis et qu'il peut laisser exercer par le subrogeant (MOULINEX) l'indemnisation que l'assureur aurait prétendument fournie en vertu d'un contrat d'assurance-crédit, et pour laquelle il n'exerce lui-même aucun recours, ne pouvant avoir pour effet de libérer le responsable de la perte d'une créance envers le créancier ; que le moyen tiré du défaut

à agir de la société MOULINEX sera dès lors rejeté ; - considérant enfin que la société DOMELEKTRIKA ne saurait utilement se prévaloir d'une procédure qu'elle a engagé devant la Commission de la Concurrence grecque à l'encontre de la société MOULINEX pour rupture abusive du contrat de distribution, ainsi que d'une procédure qu'elle a initiée au fond pour les mêmes motifs devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE, pour prétendre à une éventuelle créance de dommages et intérêts qui aurait vocation à se compenser avec l'arriéré de facturation dont elle pourrait être reconnue redevable alors qu'il est acquis que le Conseil de la Concurrence grecque a rejeté les prétentions de la société DOMELEKTRIKA et qu'aucune information sérieuse n'est fournie sur les chances de succès de la deuxième action engagée au fond devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE ; qu'il en résulte que, dès lors que la créance invoquée par la société MOULINEX est certaine, liquide, exigible et non sérieusement contestable, cette société est fondée à en poursuivre en référé le recouvrement sans qu'il y ait lieu de prendre en compte l'action engagée au fond par le débiteur dans les conditions sus-invoquées qui n'est pas en l'état de nature à faire échec aux droits du créancier ; que l'ordonnance déférée sera confirmée en toutes ses dispositions, sauf à déduire du principal, la somme de 250.000 DEM réglée le 11 janvier 1999 à la société MOULINEX en application d'une garantie bancaire ; - considérant qu'il n'est cependant pas démontrée que la résistance qu'a opposé la société DOMELEKTRIKA à la société MOULINEX a dégénéré en abus de droit ; qu'en effet, il sera tout d'abord rappelé que, lorsque l'action a été initiée par la société MOULINEX, le Conseil de la Concurrence grecque n'avait pas encore rendu de décision ; que, par ailleurs, la société DOMELEKTRIKA avait intérêt à interjeter appel, ne serait-ce que pour que vienne en déduction de la condamnation principale, le versement

opéré le 11 janvier 1999 de 250.000 DEM ; que la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société MOULINEX sera, en conséquence, rejetée ; - considérant en revanche, qu'il serait inéquitable de laisser à la société MOULINEX la charge des frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour ; que la société DOMELEKTRIKA sera condamnée à lui payer une indemnité complémentaire de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - considérant enfin que la société DOMELEKTRIKA, qui succombe pour l'essentiel, supportera les entiers dépens exposés à ce jour. PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, REOEOIT la société de droit grec DOMELEKTRIKA Ltd en son appel, mais dit celui-ci pour l'essentiel mal fondé, CONFIRME en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise, sauf à déduire de la condamnation en principal de 1.118.095,30 DEM la somme de 250.000 DEM versée en vertu d'une garantie bancaire le 11 janvier 1999, soit postérieurement au prononcé de l'ordonnance, REJETTE, la demande en dommages et intérêts pour résistance et recours abusifs formée par la SA MOULINEX, CONDAMNE, en revanche, la société DOMELEKTRIKA Ltd à payer à la SA MOULINEX une indemnité complémentaire de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le premier juge, CONDAMNE également la société DOMELEKTRIKA Ltd aux entiers dépens et AUTORISE la SCP d'avoués LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; ASSOCIES à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé M.Thérèse GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-220
Date de la décision : 09/03/2000

Analyses

REFERE - Provision - Attribution - Conditions - Obligation non sérieusement contestable - Applications diverses

En application de l'article 873 du nouveau Code de procédure civile, le président du tribunal de commerce, statuant dans les limites de sa compéten- ce, peut accorder une provision au créancier dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Lorsqu'il résulte des pièces des débats que les mises en demeure délivrées par le créancier se référaient à des factures venues à échéance et qu'il était fondé à actualiser sa demande de condamnation provisionnelle à concurrence des factures devenues exigibles à la date de l'assignation introductive d'instance, qu'à la date où le premier juge s'est prononcé, la garantie bancaire invoquée par le débiteur n'avait pas encore été mise en oeuvre, alors qu'en outre l'indemnisation qu'un assureur aurait prétendument fournie au créancier en vertu d'un contrat d'assurance crédit ne peut avoir pour effet de libérer le responsable de la perte d'une créance envers le créancier, et qu'enfin le débiteur ne saurait se prévaloir d'une procédure initiée au fond pour rupture abusive du contrat de distribution pour prétendre à une éventuelle créance de dommages et intérêts susceptible de se compenser avec l'arriéré de facturation objet de la présente instance, la créance invoquée est certaine, liquide et exigible et non sérieusement contestable; il suit de là que le créancier est fondé à en poursuivre le recouvrement en référé


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-03-09;1999.220 ?
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