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09/03/2000 | FRANCE | N°1997-5205

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 mars 2000, 1997-5205


FAITS ET PROCEDURE Suivant acte en date du 05 mai 1994, la société REVILLON LUXE, aujourd'hui dénommée société REVILLON, a fait assigner la société FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION (ci-après désignée F.D.P.C.) afin de faire constater que celle-ci n'exploite pas en France la marque "Nanouchka" déposée le 02 août 1984, et en conséquence voir prononcer la déchéance des droits de la société F.D.P.C. sur cette marque. Parallèlement, et suivant acte du 14 février 1995, la société F.D.P.C. et la société TECHNIQUE DE LA SOURCE (ci-après S.T.S.) ont assigné la société

REVILLON en contrefaçon de la marque "Nanouchka", propriété de la société S...

FAITS ET PROCEDURE Suivant acte en date du 05 mai 1994, la société REVILLON LUXE, aujourd'hui dénommée société REVILLON, a fait assigner la société FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION (ci-après désignée F.D.P.C.) afin de faire constater que celle-ci n'exploite pas en France la marque "Nanouchka" déposée le 02 août 1984, et en conséquence voir prononcer la déchéance des droits de la société F.D.P.C. sur cette marque. Parallèlement, et suivant acte du 14 février 1995, la société F.D.P.C. et la société TECHNIQUE DE LA SOURCE (ci-après S.T.S.) ont assigné la société REVILLON en contrefaçon de la marque "Nanouchka", propriété de la société S.T.S. et en nullité de la marque "Anouchka" déposée le 03 juillet 1994 par la société REVILLON avec interdiction sous astreinte d'utiliser cette dénomination. Elles ont également sollicité la publication de la décision à intervenir et la condamnation de la société REVILLON au paiement de 1.000.000 francs à titre de dommages et intérêts. v Après jonction des causes et par jugement en date du 21 avril 1997 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé, le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES a statué dans les termes ci-après : "Vu l'article 2 du Code Civil, l'article 11 de la Loi du 31 décembre 1964 en vigueur jusqu'au 28 décembre 1991 et l'article L 714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle. - DECLARE RECEVABLE l'action en déchéance du droit à la marque "Nanouchka" engagée par la S.A. REVILLON LUXE ; - CONSTATE que la SARL SOCIETE FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION DE PARFUMS ET COSMETIQUES et la S.A. SOCIETE TECHNIQUE DE LA SOURCE n'ont pas exploité ni fait un usage sérieux de la marque "Nanouchka" pendant une période ininterrompue de cinq années précédant la demande en déchéance du 05 mai 1994 ; - PRONONCE la déchéance des droits de la SARL SOCIETE FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION DE PARFUMS ET COSMETIQUES et de la S.A. SOCIETE TECHNIQUE DE LA SOURCE sur la marque "Nanouchka" déposée et enregistrée à l'Institut National de la

Propriété Industrielle le 28 février 1974 sous les numéros 168.488/896.068 et renouvelée le 02 août 1984 sous les numéros 711.071/1.294.890 et le 25 février 1994 pour la classe de produits ou services 3 ; - DIT que la présente décision devenue définitive, sera inscrite au Registre National des Marques sur réquisition du Greffier ; - DEBOUTE la S.A. REVILLON LUXE du surplus de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive ; - DECLARE IRRECEVABLE pour défaut d'intérêt à agir l'action en contrefaçon de la marque "Nanouchka" engagée par la S.A. SOCIETE TECHNIQUE DE LA SOURCE et la SARL SOCIETE FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION DE PARFUMS ET COSMETIQUES à l'encontre de la S.A. REVILLON LUXE ; - CONDAMNE solidairement la S.A. SOCIETE TECHNIQUE DE LA SOURCE et la SARL SOCIETE FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION DE PARFUMS ET COSMETIQUES à payer à la S.A. REVILLON LUXE la somme de HUIT MILLE FRANCS (8.000 francs) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; - CONDAMNE solidairement la S.A. SOCIETE TECHNIQUE DE LA SOURCE et la SARL SOCIETE FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION DE PARFUMS ET COSMETIQUES aux dépens". v Appelantes de cette décision , les sociétés S.T.S. et F.D.P.C. font grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les éléments de la cause et les règles de droit qui leur sont applicables. A l'appui de leur recours, elles font tout d'abord valoir, en se référant à un avis donné par la Cour de Cassation, que la demande en déchéance formée par la société REVILLON sur le fondement de la loi du 04 janvier 1991 est irrecevable et que c'est à tort que le Tribunal a cru pouvoir se référer aux règles de computation de délai prévues par la loi du 31 décembre 1964 en les combinant avec celles de la loi nouvelle alors que celle-ci n'a aucun caractère rétroactif. Subsidiairement, elles estiment cette action mal fondée dans la mesure où le dépôt de la marque "Nanouchka" a été renouvelé le 25 février 1994 et que, contrairement à ce qu'a retenu

le Tribunal, la confection effective d'emballages destinés au parfum Nanouchka ne saurait être considérée comme de simples actes préparatoires, alors qu'il s'agit de véritables actes de commercialisation réalisés avant l'assignation en déchéance. Elles soutiennent également qu'il ne saurait être sérieusement contesté que la marque "Anouchka", déposée par la société REVILLON et applicable à des parfums, est contrefaisante et que le droit à agir de la société F.D.P.C. ne saurait être contesté, malgré la cession de la marque à la société S.T.S. dès lors que le renouvellement de la marque est intervenu avant la publication de cette cession. Elles se prévalent aussi, pour établir la contrefaçon, des offres de rachat de leur marque faites par la société REVILLON qui n'a engagé son action en déchéance que par suite du refus qui lui a été opposé. Pour l'ensemble de ces motifs, elles demandent à la Cour de : - DIRE que le dénomination "Anouchka" constitue la contrefaçon de la marque NANOUCHKA appartenant à la société S.T.S. en application de l'article L 713-2 du CPI ; - DECLARER REVILLON LUXE contrefacteur de la marque "Nanouchka" appartenant à la société S.T.S. ; - DECLARER nulle la marque "Anouchka" déposée par REVILLON LUXE dans la classe III auprès de l'INPI ; - ORDONNER la radiation de ce dépôt ou l'inscription de la mention de la nullité en marge dudit dépôt sur le registre concerné ; - S'ENTENDRE REVILLON LUXE interdire d'utiliser la dénomination "Anouchka" sous astreinte définitive de 1.000 francs par produit commercialisé à compter de la date de la décision à intervenir ; - CONDAMNER REVILLON LUXE à verser à S.T.S. la somme de 1.000.000 francs à titre de dommages-intérêts pour les motifs ci-dessus, majorée des intérêts à compter du jour de l'assignation ; - CONDAMNER REVILLON LUXE à publier, dans trois périodiques au choix des demanderesses, la décision judiciaire à intervenir, sachant que le coût total de l'ensemble de ces publications ne dépassera pas la

somme de 50.000 francs ; - CONDAMNER REVILLON LUXE à verser sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, le montant de 30.000 francs à la société S.T.S. ; La société REVILLON conclut, pour sa part, à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf à se voir accorder la somme de 100.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et une indemnité complémentaire de 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. En réplique, elle fait valoir, s'appuyant sur une jurisprudence récente, que son action en déchéance de la marque "Nanouchka" est parfaitement recevable et qu'elle est, de surcroît, bien fondée dès lors que les sociétés F.D.P.C. et S.T.S. ne rapportent aucune preuve d'une exploitation réelle, sérieuse, publique et non équivoque de cette marque. Elle soutient, par ailleurs, que la demande en contrefaçon formée par les sociétés F.D.P.C. et S.T.S par assignation du 14 février 1995 est irrecevable dès lors qu'à cette date ces sociétés étaient sans droit ni titre pour agir à son encontre puisque la marque était tombée dans le domaine public et que les sociétés appelantes étaient déchues du droit d'exploiter la marque. Elle ajoute que l'offre de rachat qu'elle a faite de la marque "Nanouchka", alors que celle-ci était encore en vigueur, est sans incidence en la cause ; v MOTIFS DE LA DECISION Considérant qu'il convient de rappeler que la société F.D.P.C. a déposé le 28 février 1974, à l'Institut National de la Propriété Intellectuelle (I.N.P.I.), sous le numéro 168.488, la marque "Nanouchka" ; que cette marque a été enregistrée sous le numéro 896.068 dans la classe de produits ou services n° 3 pour des parfums, eaux de toilette, produits de beauté et de toilette, cosmétiques, crèmes, lotions, savons, dentifrices, produits pour la chevelure ; que ce dépôt de marque a été renouvelé les 02 août 1984 et 25 février 1994 ; que le 15 janvier 1994, la société F.D.P.C. a

cédé à la société S.T.S. la marque "Nanouchka" ; que ce transfert de propriété a été déclaré à l'I.N.P.I. le 21 février 1995 ; que, pour ce qui la concerne, et après avoir fait à la société F.D.P.C. des propositions de rachat de la marque qui n'ont pas abouti, la société REVILLON a déposé le 03 juin 1994 à l'I.N.P.I., soit postérieurement à l'introduction de l'action en déchéance, la marque "Anouchka" dans les classes de produits et de service 3 et 21 pour des savons, produits de parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour le cheveux, dentigrices, ustensiles de toilette ; Considérant que, s'appuyant sur un avis rendu par la Cour de Cassation, les société F.D.P.C. et S.T.S. soutiennent que l'action en déchéance, formée à leur encontre par la société REVILLON sur le fondement de la loi du 04 janvier 1991, serait irrecevable ; qu'à cet égard, elles font plus particulièrement valoir que la période d'inexploitation de cinq années à prendre en considération aurait été entièrement accomplie avant l'entrée en vigueur de la nouvelle loi précitée, et que la déchéance n'ayant pas été constatée sous l'empire de l'ancienne loi du 31 décembre 1964 désormais abrogée, l'action en déchéance ne peut plus prospérer dès lors que les conditions d'application de la loi nouvelle, qui ne dispose que pour l'avenir, ne sont pas réunies en la cause ; Mais considérant que cette argumentation, fondée sur un prétendu vide juridique, ne saurait être suivie ; Considérant en effet qu'il résulte d'une jurisprudence récente et désormais assise que, si l'article 27 de la loi du 04 janvier 1991, devenu l'article L.714.5 du Code de la Propriété Intellectuelle ne peut trouver application lorsque la demande de déchéance a été formée après le 28 décembre 1991, date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, et que le défaut d'exploitation de la marque s'est entièrement écoulé avant cette date, il en va autrement lorsque la demande vise des faits postérieurs au 28 décembre 1991,

c'est-à-dire lorsque le défaut d'exploitation allégué a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle pour ne s'achever qu'après ; Or considérant en l'espèce, que la demande de la société REVILLON vise une période d'inexploitation commencée le 05 mai 1989 et poursuivie jusqu'au 05 mai 1994, date de l'assignation en déchéance ; qu'il en résulte que la période d'inexploitation de la marque "Nanouchka" ayant couru sous l'empire des deux lois, la société REVILLON est recevable à agir sur le fondement de la loi nouvelle, la déchéance, à supposer ses conditions de mise en ouvre réunies, prenant alors effet au jour de la demande ; Considérant par ailleurs que cette action est également fondée dès lors que les sociétés F.D.P.C. et S.T.S. ne rapportent pas la preuve qui leur incombe d'un usage sérieux de la marque "Nanouchka" pendant la période visée dans l'assignation ; qu'en effet, comme l'a relevé le premier juge dans de justes motifs que la Cour s'approprie, aucun des éléments produits par les sociétés F.D.P.C. et S.T.S. ne révèle une exploitation réelle, publique et non équivoque de la marque pendant la période dont s'agit, autrement dit par un usage sérieux de la marque, étant observé que les sociétés appelantes n'ont produit aucune pièce complémentaire devant la Cour et que la fabrication d'étuis en vue d'une future commercialisation de parfum ne saurait, comme l'a encore retenu à bon droit le premier juge, caractériser un usage sérieux de la marque mais relève de simples actes préparatoires ; que dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé la déchéance des droits des sociétés appelantes sur la marque "Nanouchka" ; Considérant que c'est également à bon droit que les premiers juges ont constaté que, dès lors que les sociétés F.D.P.C. et S.T.S. étaient déchues de leurs droits sur la marque "Nanouchka", l'action de ces sociétés en contrefaçon de marque, introduite le 14 février 1995, soit postérieurement à la demande de

déchéance et alors que celle-ci a été déclarée acquise à compter de ladite demande, était irrecevable pour défaut d'intérêt à agir eu égard à l'anéantissement de leur droit sur la marque ; que le jugement sera également confirmé de ce chef, sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens invoqués devenus dépourvus d'intérêt, étant précisé que pour le même motif que ci-dessus, les appelantes sont désormais sans droit pour solliciter la nullité de la marque "Anouchka" ; Considérant que la société REVILLON n'établit pas cependant que le recours exercé à son encontre a dégénéré en abus ; qu'en effet, et eu égard à l'avis donné par la Cour de Cassation et aux difficultés d'application auquel il peut donner lieu en la matière, les sociétés appelantes ont pu de bonne foi se méprendre sur l'étude de leurs droits ; Considérant en revanche qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la société intimée les frais qu'elle a été contrainte d'exposer devant la Cour ; que les sociétés F.D.P.C. et S.T.S. seront condamnées à lui payer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le Tribunal ; Considérant enfin que les sociétés appelantes, qui succombent, supporteront les entiers dépens exposés jusqu'à ce jour ; v PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, - REOEOIT les sociétés FRANOEAISE D'ETUDES ET DE DISTRIBUTION DE PARFUMS ET COSMETIQUES "F.D.P.C." et TECHNIQUE DE LA SOURCE "S.T.S." en leur appel ; - MAIS DIT cet appel mal fondé et les en déboute ; - CONFIRME en conséquence en toutes ses dispositions, mais par substitution partielle de motif, le jugement déféré ; Y ajoutant, - REJETTE la demande en dommages et intérêts pour procédure et recours abusifs formés par la société REVILLON ; - CONDAMNE les sociétés appelantes à payer à la société REVILLON, une indemnité complémentaire de 10.000

francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée par le premier juge au même titre ; - CONDAMNE également les sociétés appelantes aux entiers dépens et AUTORISE la SCP d'Avoués MERLE etamp; CARENA-DORON, à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR X... ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT qui a assisté au prononcé


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-5205
Date de la décision : 09/03/2000

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Perte - Déchéance - Défaut d'exploitation - Loi du 4 janvier 1991 - Application dans le temps - /.

S'il est acquis que l'article 27 de la loi du 4 janvier 1991, devenu l'article L 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, ne peut trouver application lorsque la demande de déchéance a été formée après le 28 décembre 1991, date d'entrée en vigueur de la nouvelle loi, et que le défaut d'exploitation de la marque s'est entièrement écoulé avant cette date, il en va différemment lorsque la demande vise un défaut d'exploitation qui a commencé à courir avant l'entrée en vigueur de la loi nouvelle et s'est poursuivi après. En l'occurrence, lorsque la demande de déchéance est fondée sur l'allégation de l'inexploitation d'une marque ayant couru sous l'empire des deux lois, le demandeur est recevable à agir sur le fondement de la loi nouvelle

MARQUE DE FABRIQUE.

L'action en déchéance de marque est fondée dès lors que le titulaire ne rapporte pas la preuve lui incombant d'un usage sérieux de cette marque pendant la période visée dans la demande . Dès lors qu'aucun des éléments produits ne révèle une exploitation réelle, publique et non équivoque pendant la période visée par la demande de déchéance, c'est dire aucun usage sérieux, et que la seule fabrication d'étuis en vue d'une future commercialisation de parfum relève de simples actes préparatoires insusceptibles de caractériser un usage sérieux de la marque, c'est à bon droit que les premiers juges ont prononcé la déchéance du droit à la marque litigieuse


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-03-09;1997.5205 ?
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