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02/03/2000 | FRANCE | N°1997-3482

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 mars 2000, 1997-3482


FAITS ET PROCÉDURE Suivant acte sous seing privé en date du 19 mai 1983, Monsieur Michel X... a consenti à Madame Raymonde Y..., aux droits de laquelle est venue Madame Dalila Z..., un bail en renouvellement pour une durée de neuf ans commençant à courir à compter du 1er avril 1983, portant sur des locaux à usage commercial situés, 133 rue des Bourguignons à BOIS COLOMBES (92270). Suivant acte en date du 21 avril 1995, le bailleur a fait délivrer à Madame Z... un congé avec offre de renouvellement pour le 1er janvier 1996, moyennant un loyer annuel de 48.000 francs. Madame Z... a

accepté le principe du renouvellement mais a refusé le nouve...

FAITS ET PROCÉDURE Suivant acte sous seing privé en date du 19 mai 1983, Monsieur Michel X... a consenti à Madame Raymonde Y..., aux droits de laquelle est venue Madame Dalila Z..., un bail en renouvellement pour une durée de neuf ans commençant à courir à compter du 1er avril 1983, portant sur des locaux à usage commercial situés, 133 rue des Bourguignons à BOIS COLOMBES (92270). Suivant acte en date du 21 avril 1995, le bailleur a fait délivrer à Madame Z... un congé avec offre de renouvellement pour le 1er janvier 1996, moyennant un loyer annuel de 48.000 francs. Madame Z... a accepté le principe du renouvellement mais a refusé le nouveau loyer proposé. Saisi à l'initiative des consorts X..., venant aux droits de Monsieur Michel X..., le juge des Baux Commerciaux du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE a, par jugement en date du 07 mars 1996, constaté le déplafonnement de droit du loyer en raison de la durée du bail et, avant dire droit sur la valeur locative, désigné Monsieur A... en qualité d'expert. Celui-ci a déposé son rapport le 10 octobre 1996, concluant à une valeur locative au 1er janvier 1996 de 37.590 francs. Par un deuxième jugement en date du 21 février 1997, le Tribunal susdésigné a fixé le loyer annuel en renouvellement dû par Madame Z... à compter du 1er janvier 1996 à 26.278 francs en principal et dit que Madame Z... sera tenue au paiement des intérêts au taux légal sur les éventuels rappels de loyer consécutifs à cette fixation à compter de leur exigibilité.

* Appelants de cette décision, les consorts X... font tout d'abord valoir que, bien qu'ils aient vendu, le 23 juin 1999 l'immeuble dans lequel est exploité le commerce de Madame Z..., ils conservent intérêt à agir pour les loyers antérieurs à cette vente, étant précisé que le nouveau propriétaire, la société FONCIERE MARIE INVESTISSEMENTS, dite FMI, est intervenue volontairement aux débats pour s'associer aux écritures prises par les appelants. Sur le fond

et à l'appui de leur recours, ces derniers reprochent au premier juge d'avoir écarté l'appréciation de l'expert et d'avoir retenu, sans motif valable, une baisse de commercialité du secteur au cours du bail expiré. Ils font au contraire valoir qu'il suffit de se référer aux pièces produites, et notamment au rapport déposé par Madame B..., expert requis amiablement dans le cadre d'une autre procédure, pour constater une évolution favorable de la commercialité. Ils estiment, en conséquence, en s'appuyant sur un certain nombre de références et sur une décision rendue par la Cour de ce siège pour un local voisin au vu de l'expertise réalisée par Madame B..., que le loyer en renouvellement doit être fixé à 40.000 francs par an, soit à raison de 1.000 francs au mètre carré pour une surface pondérée qui ne saurait être inférieur à 40 mètres carrés, compte tenu de l'aménagement et de l'utilisation commerciale des locaux. Ils demandent également que les compléments de loyers échus et impayés portent intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1996.

* Madame Z... soutient tout d'abord que l'appel interjeté par les consorts X... doit être déclaré irrecevable dès lors qu'ils ont vendu l'immeuble où sont exploités des locaux loués suivant acte notarié du 23 juin 1999 et qu'ils ne justifient plus dans ces conditions d'un intérêt à agir. A titre subsidiaire, elle fait valoir que le recours exercé par les consorts X... est dépourvu de tout fondement. A cet égard, elle expose que le rapport déposé par Madame B..., qui n'a pas été désignée judiciairement, ne saurait lui être valablement opposé et que, en tout état de cause, il concerne un local situé certes dans la même rue, mais qui bénéficie d'un emplacement beaucoup plus favorable ainsi que d'une destination contractuelle plus large. Elle en déduit que l'arrêt rendu par la Cour concernant ce local ne saurait être transposé en cas d'espèce. Elle s'emploie, par ailleurs, à démontrer la baisse de commercialité

du secteur où est exploité son commerce. Elle en veut pour preuve la baisse régulière de son chiffre d'affaire et de nombreuses fermetures de commerce dans le voisinage. Elle se prévaut également d'un changement de sens de la circulation qui a entraîné une baisse de clientèle, élément que l'expert n'a pas pris, selon elle, en compte. Elle estime dès lors que le prix du loyer ne saurait excéder 700 francs au mètre carré. Elle soutient également que la surface pondérée du local doit être ramenée à 27,43 mètres carrés. A partir de ces éléments, elle demande que le nouveau loyer soit fixé à 19.201 francs par an (soit 700 x 27,43) et que les consorts X... soient condamnés à lui restituer le trop perçu avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 1996. Elle réclame également aux consorts X... une indemnité de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et leur condamnation aux entiers dépens. MOTIFS DE LA DECISION Sur le

fond C... que le bail antérieur ayant duré plus de douze ans, le nouveau loyer doit, comme l'a relevé à bon droit le premier juge, être fixé en fonction de la seule valeur locative ; - considérant que l'expert A... a proposé, après avoir décrit les locaux et relevé que ces derniers bénéficiaient d'une bonne commercialité, un loyer au vu de différents éléments de comparaison, de 1.000 francs au mètre carré, soit pour une surface pondérée de 37,59 mètres carrés, un loyer annuel en renouvellement de 37.590 francs ; que le premier juge a écarté ces conclusions au motif que "la commercialité de la rue des Bourguignons a diminué ainsi que l'établissent de nombreuses attestations fournies par Mademoiselle Dalila Z... et l'organisation d'un dîner-débat en novembre 1996 relaté par la presse" ; qu'à partir de cette constatation et sur la base d'une surface pondérée ramenée à 35,023 mètres carrés et d'un prix au mètre carré de 750 francs, il a arrêté le nouveau loyer à 26.268 francs ; - considérant que les consorts X... font grief au premier juge de ne pas avoir suffisamment motivé sa décision et de s'être appuyé sur des attestations de complaisance de commerçants voisins qui ne sauraient à elles seules établir une baisse de commercialité de quartier ; que Madame Z... soutient au contraire que cette baisse ne saurait être contestée et se réfère comme les appelants à un arrêt rendu par la Cour de ce siège concernant un commerce situé dans la même rue mais bénéficiant selon elle d'un emplacement beaucoup plus favorable et d'une destination plus large pour lequel, sur la base d'un rapport amiable déposé par Madame B..., un prix de 1.000 francs au mètre carré a été retenu ; - mais considérant tout d'abord que l'évolution de la commercialité doit être appréciée à partir d'éléments objectifs et contrôlables et qu'elle ne peut résulter, comme l'a retenu à tort le premier juge, d'attestations de commerçants voisins, eux-mêmes locataires, et qui ont le plus grand

intérêt à la stabilité de leurs charges locatives, attestations qui font état de surcroît en termes généraux des difficultés économiques constatées pendant la période de référence et de la fermeture de nombreux petits commerces, notamment dans le domaine de l'alimentation qui est sans rapport avec l'activité exercée par Mademoiselle Z... qui est celle d'esthéticienne, manucure, pédicure, parfumerie ; qu'elle ne peut pas plus résulter d'un débat organisé en présence de la presse ; que, seule une analyse de la situation des locaux et des loyers pratiqués couramment dans un proche environnement peuvent être pris en compte ; - considérant que l'expert judiciaire a retenu, sans être utilement contredit, diverses fixations amiables ou judiciaires de loyers qui font apparaître, pendant la période de référence et pour des locaux situés dans un proche environnement, des prix moyens au mètre carré pour la plupart supérieurs à 1.000 francs ; que Madame B..., désignée amiablement pour des locaux situés au 59 rue des Bourguignons et dont le rapport a pu être débattu librement par les parties, cite également des références excédant pour la plupart un prix de 1.000 francs au mètre carré, ledit expert proposant pour le local dont s'agit un prix de 1.105 francs au mètre carré que la Cour a, dans son arrêt du 18 novembre 1999, ramené à 1.000 francs après augmentation de l'abattement pour baisse de la conjoncture économique proposé par cet expert ; qu'il n'est pas contestable cependant que le local exploité par Madame Z..., même s'il est situé dans la même rue, bénéficie d'une moins bonne commercialité que celui du 59, en raison notamment de son éloignement de la gare et de difficultés de stationnement, ainsi que d'une destination contractuelle plus restreinte ; qu'eu égard à ces éléments, étant observé que l'incidence de changement de sens de circulation n'est pas établie, un loyer de 900 francs au mètre carré sera retenu ; - considérant par ailleurs que l'expert

A... a procédé, après une description des locaux et une analyse approfondie de leur usage, à une pondération qui ne souffre aucune critique et que la Cour fera sienne ; - considérant que dans ces conditions, le nouveau loyer sera fixé, en fonction d'une surface pondérée de 37,59 mètres carrés et d'un prix de 900 francs au mètre carré, à 33.831 francs par an à compter du 1er janvier 1996 ; - considérant que Madame Z... sera, en outre, déclarée tenue de payer les intérêts au taux légal sur les éventuels rappels de loyer au fur et à mesure de leur exigibilité ; - considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en la cause de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que les entiers dépens exposés à ce jour, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, seront partagés par moitié entre les parties qui succombent chacune partiellement dans leurs prétentions ; PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, DIT recevable l'appel interjeté par les consorts X... ainsi que l'intervention volontaire de la SARL FONCIERE MARIE INVESTISSEMENTS "FMI", INFIRME le jugement déféré et statuant à nouveau, FIXE le nouveau loyer dû par Mademoiselle Dalila Z... à compter du 1er janvier 1996, pour les locaux dont elle est locataire située au 133 rue des Bourguignons à BOIS COLOMBES, à 33.831 francs par an en principal, DIT que Mademoiselle Dalila Z... sera tenue au paiement des intérêts au taux légal sur les rappels de loyers consécutifs à cette fixation, au fur et à mesure de leur exigibilité, DIT n'y avoir lieu en la cause à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, FAIT MASSE des entiers dépens exposés à ce jour, en ce compris les frais d'expertise et DIT qu'ils seront partagés par moitié entre les parties, AUTORISE en tant que de besoin les avoués en cause à poursuivre directement le recouvrement de la part leur revenant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de

Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT Thérèse GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-3482
Date de la décision : 02/03/2000

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Prix - Fixation du loyer du bail renouvelé - Plafonnement - Exceptions - Modification des éléments de calcul du loyer - Facteurs locaux de commercialité

L'évolution de la commercialité doit être appréciée à partir d'éléments objectifs et contrôlables et ne peut résulter d'attestations de complaisance rédigées en des termes trop généraux par des commerçants voisins, eux même locataires. De même, cette évolution ne saurait être appréciées en considération de débats organisées en présence de la presse; seule une analyse de la situation des locaux et des loyers pratiqués couramment dans le voisinage peut être pris en compte.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-03-02;1997.3482 ?
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