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02/03/2000 | FRANCE | N°1997-3309

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 mars 2000, 1997-3309


FAITS ET PROCÉDURE Courant septembre 1994, la SA ARCHOS a vendu à la société de droit italien RICERCA E SVILUPPO SRL un lot de matériel informatique pour un montant de 301.900 francs français. Le 15 septembre 1994, la société ARCHOS a confié à la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT et de TRANSPORT - CAT- l'acheminement des 55 colis y afférent de VERRIERES LE BUISSON (91) en FRANCE jusqu'à CADRIA DI GRANANOLO (BO) en Italie, selon une "expédition en COD", la remise des marchandises devant s'effectuer contre la preuve d'un virement bancaire en sa faveur et une confirmation de sa part. La soc

iété CAT a procédé à la livraison des biens chez la société ...

FAITS ET PROCÉDURE Courant septembre 1994, la SA ARCHOS a vendu à la société de droit italien RICERCA E SVILUPPO SRL un lot de matériel informatique pour un montant de 301.900 francs français. Le 15 septembre 1994, la société ARCHOS a confié à la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT et de TRANSPORT - CAT- l'acheminement des 55 colis y afférent de VERRIERES LE BUISSON (91) en FRANCE jusqu'à CADRIA DI GRANANOLO (BO) en Italie, selon une "expédition en COD", la remise des marchandises devant s'effectuer contre la preuve d'un virement bancaire en sa faveur et une confirmation de sa part. La société CAT a procédé à la livraison des biens chez la société RICERCA après l'émission par la Banque de l'acquéreur, la société de droit italien le CREDITO EMILIANO SPA, le 06 octobre 1994, d'un prétendu ordre de virement de 301.900 francs français au profit de la société ARCHOS. Toutefois, le 12 octobre 1994, la société ARCHOS a été informée que le virement n'avait pas été opéré et la société CREDITO EMILIANO lui a confirmé, le 13 octobre 1994, qu'elle ne garantissait pas le paiement qui ne serait effectué que lorsqu'elle en aurait reçu l'ordre. Selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 13 octobre 1994, la société ARCHOS a protesté auprès de la société CAT pour avoir opéré la livraison chez le destinataire italien sans confirmation d'ordre, puis réitéré sa réclamation le 21 octobre suivant. En réponse, le 17 novembre 1994, la société CAT a indiqué avoir procédé à la livraison contre remise d'un ordre de virement de la société CREDITO EMILIANO annulé par la suite par la société RICERCA, au motif de la non conformité des marchandises et a fait état du refus de cette dernière de les restituer. C'est dans ces conditions que la société ARCHOS a engagé devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE une action en paiement du solde de 201.900 francs restant dû sur les matériels vendus à l'encontre de la société CAT, laquelle a appelé en garantie les sociétés RICERCA et CREDITO

EMILIANO. Par jugement rendu le 08 novembre 1996, cette juridiction a déclaré que la société CAT avait commis une faute lourde engageant sa responsabilité à l'égard de la société ARCHOS et sursis à statuer sur le reste des demandes dans l'attente de la décision du Tribunal de BOLOGNE (ITALIE) saisi d'une action en résolution de la vente par la société RICERCA à l'encontre de la société ARCHOS. La société ARCHOS a relevé appel de ce jugement à l'encontre de la société CAT. Elle soutient que si le tribunal a retenu, à juste titre, la faute lourde de la société CAT qui, étant intervenue en qualité de commissionnaire de transport et de voiturier, n'a pas respecté son obligation de livraison contre remboursement, il ne pouvait ordonner un sursis à statuer en violation des dispositions de l'article 21 CMR qui a abouti à lui faire supporter les conséquences de la carence de la société CAT. Elle réitère donc sa demande en règlement par la société CAT de la somme de 201.900 francs, majorée des intérêts capitalisés, outre de 30.000 francs de dommages et intérêts et d'une indemnité de 20.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. La société CAT estime n'avoir pas failli à ses obligations en faisant valoir que la société ARCHOS a elle-même considéré que le document transmis valait preuve du virement bancaire en sa faveur et que le défaut de paiement résulte des seules relations de la société ARCHOS avec la société RICERCA. Elle ajoute qu'en tout cas, les premiers juges ont retenu, à bon escient, l'incidence de l'issue de la procédure engagée par la société RICERCA sur la présente instance. Elle invoque, en tout état de cause, la faute de la société CREDITO EMILIANO qui n'a pas exécuté l'ordre de virement de la société RICERCA et la vocation de cette dernière, destinataire des marchandises, à s'acquitter du prix. Elle forme appel incident pour solliciter l'entier débouté de la société ARCHOS. Elle conclut subsidiairement à la confirmation du jugement déféré du chef du

sursis à statuer et très subsidiairement, à sa garantie intégrale par les sociétés RICERCA et CREDITO EMILIANO. Elle réclame également une indemnité de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Assigné en appel provoqué, la société CREDITO EMILIANO affirme n'avoir rien remis à la société ARCHOS, ni à la société CAT, seule la société RICERCA ayant pris l'initiative de communiquer le document litigieux à la société CAT et précise que celui-ci ne constitue qu'une simple demande de virement à l'étranger ne valant pas, selon le droit italien, engagement irrévocable de la banque de procéder à un transfert de fonds. Elle prétend que la société RICERCA a révoqué cette demande avant même qu'elle l'ait exécutée en sorte que sa responsabilité délictuelle envers les sociétés CAT et ARCHOS avec lesquelles elle n' aucune relation contractuelle ne peut être engagée. Elle argue de la faute qu'aurait commise la société CAT en livrant les matériels sans la confirmation préalable de la société ARCHOS. Elle demande donc, par voie d'infirmation, sa mise hors de cause, et une indemnité de 30.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et s'en rapporte à justice sur les mérites du sursis à statuer. Assignée en appel provoqué à parquet étranger le 11 janvier 1999 la société RICERCA qui n'a pu en recevoir notification comme en fait foi le courrier de retour du Procureur de la République près le Tribunal de BOLOGNE du 04 mars 1999, n'a pas constitué avoué. L'ordonnance de clôture est intervenue le 04 novembre 1999. MOTIFS DE L'ARRET * Sur la demande de la société ARCHOS contre la société CAT Considérant qu'il s'infère des pièces produites que le transport en cause s'est effectué par route au départ de la FRANCE et à destination de l'ITALIE et qu'il a été confié par la société ARCHOS à la seule société CAT, chargé d'emblée de l'ensemble du trajet ; qu'il est donc régi de bout en bout par la CMR. Considérant qu'il est

constant qu'il s'est agi d'une "expédition en COD, remise des marchandises contre preuve de virement bancaire en notre faveur et confirmation de notre part" ; Considérant que la société CAT ne pouvait donc procéder à la livraison des matériels informatiques au destinataire italien, la société RICERCA, que contre remboursement selon les instructions formelles et explicites du donneur d'ordres la subordonnant à cette double condition ; Considérant que la société CAT a effectué la livraison au vu d'un formulaire de la société CREDITO EMILIANO intitulé "Richiesta di pagamento sull'estero" (demande de virement à l'étranger) d'une somme de 30.900 francs à la Banque du CREDIT DU NORD à PARIS au bénéfice de la société ARCHOS, daté du 06 octobre 1994 qui lui a été présenté par la société RICERCA et qu'elle a elle-même transmis par télécopie du 07 octobre 1994 à la société ARCHOS, sans justifier par ailleurs avoir recueilli, au préalable, une confirmation de la part de cette dernière ; Considérant que le remboursement est nécessairement intégré dans le contrat de transport sans lequel il ne peut exister et auquel il ne peut survivre ; qu'il suit donc son régime et qu'il appartient au transporteur de respecter scrupuleusement les instructions données dans ce cadre ; Or considérant qu'en l'espèce, la société CAT a failli à ses obligations et commis une double faute ; Qu'en effet, elle a apprécié le document bancaire de la société CREDITO EMILIANO comme étant constitutif de la preuve d'un virement en livrant sur sa simple remise alors qu'il ne s'agissait, en réalité, que d'un reçu d'ordre de transfert et non de l'exécution d'un paiement. Que la société CAT s'est, en outre, abstenue de demander confirmation de son accord au donneur d'ordres alors qu'à supposer même qu'elle se soit méprise sur la nature du document en cause, cette erreur d'interprétation n'aurait eu aucune incidence si elle avait sollicité l'agrément de la société ARCHOS, laquelle aurait pu effectuer toutes

vérifications utiles à cet égard avant la livraison et, le cas échéant, la différer dans l'attente de l'exécution du virement et dans la négative la refuser en ordonnant le rapatriement de la marchandise. Qu'ainsi, la carence de la société CAT qui est seule à l'origine du préjudice de la société ARCHOS engage sa responsabilité envers elle. Considérant qu'en vertu de l'article 21 de la CMR, le transporteur qui livre un envoi sans encaissement du remboursement qui le grevait, est tenu d'indemniser l'expéditeur à concurrence du montant du remboursement, sauf son recours contre le destinataire ; Considérant qu'il suit de là que la société d'ARCHOS est en droit d'obtenir de la société CAT le paiement du solde du remboursement sans qu'il n'y ait lieu de surseoir à statuer de ce chef jusqu'à l'issue de l'action en résolution de la vente et en dommages et intérêts initiée par la société RICERCA en 1995 qui serait toujours pendante devant le Tribunal de BOLOGNE, compte tenu de l'inopposabilité du contrat de vente au transporteur et de l'indépendance des contrats de vente et de transport ; Que la société CAT sera donc condamnée, par voie d'infirmation, à régler à la société ARCHOS la somme de 201.900 francs majorée des intérêts au taux de 5 % comme toutes les indemnités à la charge du transporteur en vertu du chapitre IV de la CMR à compter de l'assignation du 07 février 1995. Qu'il y a lieu conformément à l'article 1154 du Code Civil d'ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la demande par conclusions du 25 juin 1997. Considérant qu'à défaut de justifier d'un préjudice distinct de celui déjà réparé par les intérêts, la demande en dommages et intérêts de la société ARCHOS sera rejetée ; * Sur les appels en garantie formés par la société CAT Considérant qu'en l'absence de relations contractuelles, le recours dirigé contre la société CREDITO EMILIANO ne peut avoir qu'un fondement délictuel ; Considérant qu'il n'est pas démontré que cette

Banque ait remis un document justificatif de transfert puisque les termes du formulaire intitulé "Richiesta di pagamento sull"estero" selon la traduction libre non contestée, prouvent que celui-ci constitue une simple demande de virement à l'étranger et non pas une attestation d'un virement effectué au profit de la société ARCHOS, ayant donné lieu à un reçu de la part de la banque ; Que selon la consultation de Maître Guilo Y..., Avocat italien, il apparaît qu'en vertu du droit italien applicable à l'opération bancaire effectuée, en ITALIE, entre deux personnes de nationalité italienne, une telle demande de virement ne vaut pas engagement irrévocable de la banque de procéder à un transfert de fonds en l'absence de clause expresse en ce sens, mais simple mandat révocable, à tout moment, tant qu'il n'a pas exécuté. Considérant que la société CREDITO EMILIANO affirme que la société RICERCA a révoqué le jour même de son émission sa demande de virement sans produire une pièce à cet égard ; Que toutefois, le jurisconsulte précité n'ayant pas fait état de la nécessité d'un écrit, ni d'un formalisme particulier devant être respecté au titre de la révocation, il ne peut être exclu que celle-ci ait pu intervenir verbalement et qu'il n'est en tout cas, pas démontré que la demande de virement de la société RICERCA n'aurait pas été licitement révoqué d'après les règles du droit italien, la société CREDITO EMILIANO n'ayant par ailleurs, aucune raison de ne pas exécuter l'ordre de sa cliente si celle-ci l'avait maintenue, comme elle y a procédé, le 25 octobre 1994, au titre du second ordre portant sur la somme de 100.000 francs. Considérant que la société CAT ne rapporte pas la preuve que la responsabilité de la banque puisse être engagée à son égard alors, de surcroît, qu'elle a commis une faute en prenant l'initiative de livrer les marchandises sans en avoir reçu préalablement la confirmation de la société ARCHOS à l'origine du préjudice subi par cette dernière ; Que la société

CREDITO EMILIANO sera donc mise hors de cause. Considérant, en revanche, qu'il sera fait droit au recours de la société CAT à l'encontre de la société RICERCA laquelle ayant reçu livraison des matériels transportés a vocation à en payer le prix ; Considérant qu'il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge des parties leurs frais irrépétibles ; Que la société CAT qui succombe à titre principal en ses prétentions, supportera les dépens des deux instances. PAR CES MOTIFS Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort, INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions, Et statuant à nouveau, CONDAMNE la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT et de TRANSPORT - CAT- à payer à la SA ARCHOS la somme de 201.900 francs avec intérêts au taux de 5 % à compter du 07 février 1995, capitalisés depuis le 25 juin 1997, REJETTE la demande en dommages et intérêts de la SA ARCHOS, MET la société de droit italien CREDITO EMILIANO SPA hors de cause, CONDAMNE la société de droit italien RICERCA E SVILUPPO R et S à garantir la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT et de TRANSPORT -CAT- des condamnations en principal et intérêts prononcées à son encontre, DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile en la cause, CONDAMNE la SA COMPAGNIE D'AFFRETEMENT et de TRANSPORT - CAT- aux dépens des deux instances et autorise les avoués des autres parties à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET REDIGE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M.Thérèse GENISSEL

F. X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-3309
Date de la décision : 02/03/2000

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Transport international - Convention de Genève du 19 Mai 1956 (CMR) - Responsabilité

Une opération de transport entre la France et l'Italie, dont il est établi qu'elle a eu lieu par route, est régie de bout en bout par la convention de Genève du 19 mai 1956 (CMR). Dès lors que l'expédition a eu lieu en "COD remise de marchandises contre preuve de virement bancaire en notre faveur et confirmation de notre part", lesdites conditions de livraison se sont nécessairement intégrées au contrat de transport et s'imposaient au transporteur. Il s'ensuit qu'en délivrant les marchandises au simple vu d'une demande de virement présentée par le destinataire et sans avoir recueilli confirmation de l'expéditeur, le transporteur a commis une double faute en appréciant un document bancaire comme constitutif d'un paiement, alors qu'il ne s'agissait, en réalité, que d'un reçu d'ordre de transfert et en s'abstenant de demander confirmation de son accord au donneur d'ordre qui a été privé de toute possibilité d'effectuer les vérifications utiles et, le cas échéant de différer ou de refuser la livraison. La source unique du préjudice subi par l'expéditeur, résultant de la carence du transporteur, sa responsabilité est engagée et il est tenu, en application de l'article 21 de la CMR, à indemnisation à concurrence du remboursement sauf son recours contre le destinataire et sans qu'il y ait lieu de surseoir à statuer du chef d'une instance, pendante, en annulation de la vente des marchandises, eu égard à l'indépendance des contrats de vente et de transport


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-03-02;1997.3309 ?
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