FAITS ET PROCEDURE Par acte sous seing privé en date du 1er avril 1975, les consorts X..., -aux droits desquels vient Monsieur Y..., selon acte de vente notarié du 8 août 1986,- ont donné à bail à Monsieur et Madame Z... une maison avec jardinet sise avenue de la victoire à COLOMBES (92), soumise aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948. Par acte d'huissier en date du 21 mai 1997, Monsieur Y... leur a fait délivrer congé pour habiter pour le 2 janvier 1998, sur le fondement de l'article 19 de la loi précitée. Par acte d'huissier en date du 22 juillet 1997, Monsieur Y... a fait assigner Monsieur et Madame Z..., devant le tribunal d'instance de COLOMBES afin de voir : - valider le congé signifié le 21 mai 1997 ; - dire que les époux Z... sont déchus de leur droit d'occupation depuis le 2 janvier 1998 ; - ordonner leur expulsion ; - condamner Monsieur et Madame Z... à lui payer la somme de 4.000 francs à titre d'indemnité mensuelle d'occupation outre les charges jusqu'à la libération effective des lieux ; - les condamner à lui payer la somme de 3.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Monsieur Y... a souligné que la reprise du logement était destinée à loger sa famille. Monsieur et Madame Z... ont soulevé la nullité du congé et de l'assignation sur le fondement de l'article 648 du nouveau code de procédure civile. Ils ont sollicité la condamnation du demandeur à leur verser une somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure malicieuse et 10.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par jugement contradictoire et en premier ressort, en date du 23 juin 1998, le tribunal d'instance de COLOMBES a rendu la décision suivante : - dit que le congé délivré le 21 mai 1997 à la requête de Monsieur Y... à l'encontre des époux Z... est régulier en la forme et au fond, en conséquence le valide, - dit que les époux Z... sont déchus de
tout titre d'occupation sur la maison sis 6, avenue de la Victoire à COLOMBES à compter du 2 janvier 1998, - dit que les époux Z... doivent quitter les lieux sus indiqués dans les deux mois de la signification du présent jugement, - dit que faute par eux de quitter les lieux dans le délai prescrit ils pourront être expulsés ainsi que tous occupantsn de leur chef avec l'assistance de la force publique si besoin est, - fixe l'indemnité d'occupation mensuelle au montant du loyer actuel augmentée de 15 % en sus des charges du 2 janvier 1998 jusqu'à la reprise des lieux, - rejette les autres demandes des parties, - condamne les époux Z... à verser à Monsieur Y... la somme d'un montant de 2.500 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamne les époux Z... aux dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle. Le 6 août 1998, Monsieur et Madame Z..., titulaires de l'aide juridictionnelle totale par décision en date du 5 mai 1999, ont relevé appel de cette décision (enrolée sous le n° 6780/98 du répertoire général de la Cour de céans). Ils font valoir que le congé qui leur a été délivré le 27 mai 1997, doit être déclaré nul faute de comporter l'adresse réelle de Monsieur Y..., cette formalité étant prescrite à peine de nullité (article 648 du Nouveau Code de Procédure Civile) et que l'inexactitude de cette mention est constitutive d'un vice de forme qui leur fait grief (article 114 du Nouveau Code de Procédure Civile) ; qu'en outre, le congé qui leur a été délivré est frauduleux, Monsieur Y... n'ayant nullement besoin de reprendre le logement pour l'habiter personnellement, la réelle raison de ce congé étant que Monsieur Y... souhaite le relouer mais à un prix plus avantageux ; qu'enfin, Monsieur Y... ne rapporte pas la preuve que son domicile actuel ne correspondrait pas à ses besoins normaux de logement et qu'aucune de ses propriétés n'est susceptible de satisfaire ce besoin. Par conséquent, ils prient
la Cour de : - déclarer les époux Z... recevables en leur appel, - les y déclarer bien fondés, - infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 juin 1998 par le tribunal d'instance de COLOMBES, Statuant à nouveau, Vu les dispositions des articles 114 et 648 du nouveau code de procédure civile, - dire que le congé délivré le 21 mai 1997 aux époux Z... encourt la nullité, Vu le caractère frauduleux du congé et l'intention purement spéculative de Monsieur Y..., - déclarer de plus fort le congé du 21 mai 1997 nul et de nul effet, En conséquence, - infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 juin 1998 par le tribunal d'instance de COLOMBES, - débouter Monsieur Y... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - condamner Monsieur Y... à payer aux époux Z... la somme de 10.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - le condamner aux entiers dépens dont le recouvrement sera effectué conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle. Monsieur Y..., titulaire de l'aide juridictionnelle totale en vertu d'une décision en date du 5 mai 1999, soutient que les époux Z... qui prétendent que l'adresse figurant sur le congé est fausse, ne rapportent pas la preuve d'une telle allégation ; que par ailleurs, s'il est exact qu'il est propriétaire d'autres logements, ce fait importe peu dès lors que le droit à reprise du bailleur est fondé lorsqu'il est démontré que le logement du bénéficiaire de la reprise ne correspond pas à ses besoins normaux de logement, ce qui n'est pas le cas pour son logement actuel, expertisé par Maître LE A...; qu'en outre, il appartient aux époux Z... de rapporter la preuve que les autres logements dont il est propriétaire seraient d'une taille et d'un confort égal ou supérieur à celui objet de la reprise ce qui, en tout état de cause, n'est pas le cas ; qu'en effet, c'est bien le pavillon donné à bail aux époux Z... qui est le plus approprié à ses
besoins et ceux de sa famille. Par conséquent il prie la Cour de : - déclarer les époux Z... mal fondés en leur appel, - confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal d'instance de COLOMBES le 23 janvier 1998, et y ajoutant, - porter l'indemnité d'occupation à la somme de 4.000 Francs par mois, plus charges, du 2 janvier 1998 jusqu'à la reprise des lieux, indemnité d'occupation qui sera indexée sur l'indice INSEE du coût de la construction, à réviser tous les ans à la date du 2 janvier, - condamner les époux Z... à lui payer la somme de 10.000 Francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - les condamner enfin aux entiers dépens dont le recouvrement sera effectué conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle. Par conclusions reçues au greffe le 2 juin 1999, Monsieur Y... a formé une requête en rectification d'erreur matérielle du jugement dont appel (requête enrolée sous le n° 4111/99 du répertoire de la Cour). Il indique que si dans les motifs de sa décision le premier juge a mentionné qu'il convenait d'en ordonner l'exécution provisoire, il a omis, suite à une erreur matérielle, de le préciser dans son dispositif ; que par conséquent, il convient de rectifier le dispositif du jugement déféré en y ajoutant le paragraphe suivant : " Ordonne l'exécution provisoire ". Il prie donc la Cour de : - recevoir le concluant en sa demande de rectification d'erreur matérielle, - compléter le dispositif du jugement rendu le 23 juin 1998 par les mentions sus énoncées, - statuer ce que de droit sur les dépens qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle. L'ordonnance de clôture a été signée le 6 janvier 2000 et l'affaire plaidée à l'audience du 20 janvier 2000. SUR CE LA COUR Considérant qu'il y a lieu de joindre l'instance n°6780/98, enregistrée sur la déclaration d'appel et l'instance n° 4111/99, enregistrée sur la requête en rectification d'erreur matérielle, en vertu des dispositions de
l'article 367 du nouveau code de procédure civile; 1) Sur la demande de rectification d'erreur matérielle du jugement déféré Considérant que le jugement déféré est entaché d'une omission matérielle en ce qu'il est indiqué dans ses motifs que l'exécution provisoire doit être ordonnée et qu'aucune mention de ce chef ne figure à son dispositif; qu'il y a donc lieu d'ordonner la rectification de cette omission matérielle en vertu des dispositions de l'article 462 du nouveau code de procédure civile et de compléter le dispositif du jugement déféré avec la mention "Ordonne l'exécution provisoire"; 2) Sur la régularité du congé au regard des dispositions des articles 114 et 648 du nouveau code de procédure civile Considérant que dans le congé litigieux en date du 21 mai 1997, Monsieur Y... se domicilie 13 rue Neuve de la Chardonnière à Paris 18ème; Considérant que pour démontrer que cette adresse ne correspondrait pas au domicile réel de Monsieur Y..., les appelants produisent un certain nombre de documents; Considérant que tout d'abord, les courriers recommandés adressés par Monsieur Y... où il se domicilie 11 rue LEON, également à Paris 18ème, datent de janvier et février 1990, soit les semaines qui ont suivi la signature du bail par Monsieur Y... pour le logement du 13 rue Neuve de la Chardonnière; que les courriers recommandés expédiés par les appelants à ce domicile qui leur sont revenus, portent la mention "non réclamé - retour à l'envoyeur" et non la mention "NPAI", "n'habite pas à l'adresse indiquée"; qu'au surplus, tous ces courriers non réclamés par Monsieur Y... sont compris entre le 25 juillet et le 8 août 1997, ce qui correspond à la période de vacances estivale; Considérant que le procès-verbal de recherches infructueuses en date du 18 avril 1997, comportant commandement aux fins de saisie-vente, a été signifié par la SCP ESKENAZI HADJEDJ BENHAMOU, huissiers de justice associés à Paris 11ème, au 13 rue
neuve de la Charbonnière et non de la Chardonnière; qu'il existe également une rue de la Charbonnière dans le 18ème arrondissement de Paris; que les appelants ne peuvent donc tirer argument de ce procès-verbal signifié à une autre adresse que celle déclarée par Monsieur Y...; Considérant que les seuls éléments qui seraient susceptibles de faire douter de l'adresse de Monsieur Y... sont les enveloppes de deux courriers recommandés adressés à celui-ci le 8 août 1997 et portant la mention "poste restante BOINOD Paris 18ème", ainsi que l'accusé de réception de l'avis à tiers détenteur du 31 juillet 1996, sur lequel il est indiqué que Monsieur Y... est domicilié 55 rue Sedaine à Paris 11ème; Considérant que néanmoins, ces deux seuls éléments ne peuvent suffire à démontrer l'inexactitude de l'adresse mentionnée dans le congé, 13 rue Neuve de la Chardonnière, dès lors qu'outre le bail du 1er janvier 1990 et le courrier de Monsieur B..., propriétaire des lieux en date du 28 juillet 1997 qui répond à Monsieur Z... que Monsieur et Madame Y... et leurs trois enfants occupent bien les lieux loués, l'intimé verse aux débats de nombreux documents officiels ou non, dont les avis d'imposition pour 1999, des avis de paiement de la CAF ou des ASSEDIC, ou encore une facture d'EDF du 27 octobre 1999, qui attestent que Monsieur Y... est réellement (et encore actuellement) toujours domicilié à la même adresse, qui est celle mentionnée dans le congé litigieux; Considérant que la preuve n'étant pas rapportée par les appelants de l'inexactitude de l'adresse mentionnée tant dans le congé que dans l'assignation en validité, il n'y pas lieu d'en prononcer la nullité pour ce motif; 3) Sur le caractère prétendument frauduleux du congé litigieux Considérant que Monsieur Y... produit le contrat de bail du 1er janvier 1990, qui lui a été consenti par Monsieur B... sur le logement sis au 13 rue Neuve de la Chardonnière; que les appelants ne démontrent pas que cet
appartement serait en réalité la propriété de l'intimé; qu'ils ne démontrent pas davantage que les logements dont Monsieur Y... est par ailleurs propriétaire seraient de nature à correspondre aux besoins normaux de sa famille; qu'ils ne rapportent pas la preuve d'une fraude commise par Monsieur Y... dans la délivrance du congé; 4) Sur la validité du motif du congé Considérant qu'en effet, à la date du congé litigieux, à laquelle il convient de se situer pour apprécier sa validité, Monsieur Y... et son épouse avaient trois enfants mineurs, comme nés le xxxxxxxxxxxx, le 25 février 1992 et le 21 janvier 1997; que tous les 5 vivaient dans un appartement 13 rue Neuve de la Chardonnière, qui avait fait l'objet d'une expertise judiciaire contradictoire, ordonnée par la cour de céans dans le cadre d'une précédente instance; que Monsieur LE A..., expert judiciaire, avait alors constaté que ce local, d'une superficie de 28,34 m comportait deux pièces, l'une de 14,12 m et l'autre de 11 m , ainsi qu'une cuisine de 2,17 m , les WC communs étant situés à mi-étage; que si dans son précédent arrêt en date du 8 novembre 1996, la cour de céans a pu estimer que cet appartement, certes petit, correspondait aux besoins normaux d'un couple aux revenus modestes et à ceux de leur enfant âgé de 6 mois au jour de la signification d'un précédent congé, il n'en était plus de même à la date du 21 mai 1997, cet appartement exigu, dépourvu de salle de bains et de WC, ne pouvant correspondre aux besoins normaux de deux adultes et leurs trois enfants; Considérant que par conséquent, la cour confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le congé délivré le 21 mai 1997 régulier ne la forme et l'a validé au fond, avec toutes conséquences de droit concernant le défaut de titre d'occupation des époux Z... et le prononcé de leur expulsion à défaut de départ volontaire; 5) Sur le montant de l'indemnité d'occupation Considérant que l'indemnité d'occupation est de nature mixte, compensatoire et
indemnitaire; qu'elle doit donc correspondre à la valeur équitable des lieux et assurer la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans bail; Considérant que si le premier juge a fixé son montant à celui du loyer actuel augmenté de 15 % en sus des charges à compter du 2 janvier 1998, il convient de la fixer à compter de ce jour à la somme de 3.000 F par mois plus les charges et ce, avec indexation sur l'indice INSEE de la construction tous les deux ans, à la date du 18 février et pour la première fois le 18 février 2002 et ce, jusqu'à la libération des lieux; 6) Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur Y... la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; PAR CES MOTIFS La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort: Ordonne la jonction des instances n°6780/98 et n°4111/99; Ordonne la rectification de l'omission matérielle du jugement déféré et complète son dispositif avec la mention "Ordonne l'exécution provisoire"; Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions; Et y ajoutant: Fixe l'indemnité d'occupation due par Monsieur et Madame Z... à compter de ce jour, à la somme de 3.000 F par mois plus les charges, avec indexation sur l'indice INSEE de la construction tous les deux ans à la date du 18 février et pour la première fois, le 18 février 2002 et ce, jusqu'à la libération des lieux; Déboute Monsieur et Madame Z... des fins de toutes leurs demandes; Condamne Monsieur et Madame Z... à payer à Monsieur Y... la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; Les condamne à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre eux par BINOCHE, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et de la loi sur l'aide juridictionnelle. Et ont
signé le présent arrêt: Le Greffier,
Le Président, B. TANGUY
A. CHAIX