EXPOSÉ DES FAITS Messieurs X... et Y... étaient délégués du personnel et membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société DUNLOPILLO, Monsieur Y... exerçant également les fonctions de secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Ils disposaient d'un crédit mensuel d'heures de délégation de 15 heures pour le mandat de délégué du personnel et de 15 heures pour celui de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. La société DUNLOPILLO a procédé à des retenues sur les salaires de Monsieur X... en décembre 1997 et janvier 1998 et sur celui de Monsieur Y... de décembre 1997 à mars 1998 pour dépassement de leur crédit d'heures de délégation. Messieurs X... et Y... ainsi que le syndicat CGT DUNLOPILLO ont alors saisi le Conseil de prud'hommes de MANTES-LA-JOLIE de demandes en paiement de rappels de salaire et de dommages-intérêts pour préjudice. Par jugement du 14 janvier 1999, le Conseil de prud'hommes de MANTES-LA-JOLIE a condamné la société DUNLOPILLO à payer à Monsieur X... les sommes suivantes : - 1.327,98 F à titre de rappel de salaire des mois de janvier et février 1998, - 132,79 F au titre des congés payés afférents, - 2.500 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il a condamné la société DUNLOPILLO à payer à Monsieur Y... : - 10.072,08 F à titre de rappel de salaire des mois de décembre 1997 à mars 1998, - 1.007,20 F au titre des congés payés afférents, - 2.000 F à titre de dommages-intérêts pour préjudice, - 2.500 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Il a ordonné à la société DUNLOPILLO de remettre à Messieurs X... et Y... les bulletins de paie conformes. Pour se déterminer ainsi, les premiers juges ont estimé que le dépassement des crédits d'heures résultait de la globalisation des crédits d'heures de délégation effectuée par les membres du comité d'hygiène,
de sécurité et des conditions de travail en application de l'article L. 236-7 alinéa 3. Ils ont retenu que l'employeur ne pouvait instituer une procédure préalable de l'utilisation des heures de délégation dans le cadre de mission au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qui le ferait juge des conditions d'exercice de ses fonctions par un délégué du personnel, mais qu'il pouvait seulement être informé de cette forme de "mutualisation" des crédits d'heures de délégation tant au niveau des mandats de chaque représentant du personnel qu'entre les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail eux-mêmes ; que cette information ne pouvait intervenir avant que les autres membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail aient pu constater s'ils avaient utilisé ou non la totalité de leur crédit d'heures, c'est-à-dire vers la fin du mois. MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Régulièrement appelante de ce jugement, la société DUNLOPILLO demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions et, en conséquence, - de débouter Messieurs X... et Y... de leurs demandes,- de leur ordonner de rembourser les sommes qu'ils ont reçues dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement, soit 4.020,64 F pour Monsieur X... et 15.940,31 F pour Monsieur Y..., avec intérêts de droit à compter de leur paiement le 2 mai 1998. Au soutien de son recours, la société DUNLOPILLO fait valoir qu'il n'existait aucun usage dans l'entreprise concernant d'éventuels dépassements de crédits d'heures de délégation, la société ayant rappelé dans différents courriers que les dépassements de crédit d'heures de délégation ne seraient pas payées ; qu'elle a accepté, dans un premier temps et à titre exceptionnel, de ne pas procéder aux retenues sur salaire en cas de dépassement des crédits d'heures. Elle prétend qu'elle n'a pas été informée préalablement d'une répartition des crédits d'heures entre
les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, qu'aucun bon de délégation ne fait état de l'utilisation du crédit d'heures d'un autre membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et que les courriers d'autres salariés protégés en ce sens lui ont toujours été adressés non dans le cadre du mois considéré mais postérieurement aux retenues effectuées ; qu'elle pouvait, dès lors, effectuer les retenues sur salaire lorsque Messieurs X... et Y... ont dépassé le crédit d'heures dont ils disposaient. Appelants incidents, Messieurs X... et Y... et le syndicat CGT DUNLOPILLO concluent à la confirmation du jugement entrepris en son principe et à sa réformation quant aux dommages-intérêts. Ils demandent à la Cour de condamner la société DUNLOPILLO à payer à Monsieur X... : - 1.327,98 F à titre de rappel de salaire des mois de janvier et février 1998, - 132,79 F au titre des congés payés afférents, - 30.000 F à titre de dommages-intérêts, - 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Monsieur Y... demande à la cour de condamner la société DUNLOPILLO à lui payer : - 10.072,08 F à titre de rappel de salaire des mois de décembre 1997 à mars 1998, - 1.007,20 F au titre des congés payés afférents, - 30.000 F à titre de dommages-intérêts, - 10.000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Messieurs X... et Y... soutiennent que les dépassements de crédit d'heures de délégation sont intervenus dans le cadre de la faculté laissée aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail par l'article L. 236-7 alinéa 3 du Code du travail de répartir entre eux les heures de délégation dont ils disposent. Ils font valoir qu'il existait depuis plusieurs années un usage dans l'entreprise permettant aux membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail de la société DUNLOPILLO de recourir à cette
faculté légale de mutualisation des heures de délégation sans avoir à en informer l'employeur ; que cet usage est caractérisé par le paiement volontaire et jamais contesté par l'employeur des heures de délégation excédant le crédit d'heures légal. Ils prétendent que la société DUNLOPILLO connaissait et approuvait cette organisation puisqu'elle n'a pas contesté cet usage avant le 24 septembre 1997 et a payé l'intégralité des heures de délégation ainsi réparties entre les représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dont les dépassements litigieux sont la conséquence ; Ils exposent que cette organisation durable dans l'utilisation des crédits d'heures de délégation avait été mise en place dans un souci d'efficacité dans la conduite des différentes missions du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail , la fonction de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et notamment celle de secrétaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail occupée par Monsieur Y... imposant des déplacements et interventions multiples qui nécessitent une grande disponibilité en temps.
MOTIFS DE LA DÉCISION Considérant qu'aux termes de l'article L. 236-7 alinéa 3 du code du travail, les représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail peuvent se répartir entre eux le temps dont ils disposent pour l'exercice de leurs fonctions, sous réserve d'en informer l'employeur ; qu'une telle information ne constitue pas une procédure de contrôle préalable de l'utilisation des heures de délégation, mais permet à l'employeur de distinguer les heures devant être payées de celles qui, dépassant le crédit mensuel, ne donnent pas lieu à rémunération ; Considérant que si, en dehors de toute circonstance exceptionnelle, un membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail dépasse son crédit mensuel, les heures excédentaires ne lui
sont pas payées sauf accord ou usage plus favorable ; Considérant qu'au vu des pièces versées aux débats, la société DUNLOPILLO a, pour la première fois, été informée que les représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail procédaient à une répartition des heures de délégation par l'attestation de Monsieur Z... du 5 mars 1998 selon laquelle "compte tenu de mes fonctions dans l'entreprise, je n'ai pris aucune heure pour exercer mon mandat de comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail les mois de novembre 1997, décembre 1997, janvier 1998 et février 1998. De ce fait, j'ai considéré que pour un fonctionnement normal et plus efficace du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le secrétaire était habilité à se servir de mes heures pour les mois considérés et à venir, si je ne pouvais les prendre" ; que la société DUNLOPILLO n'a pas été informée de cette répartition avant d'avoir effectué les retenues sur salaire à partir de novembre 1997, et ce malgré plusieurs courriers par lesquels elle faisait état d'un dépassement des crédits d'heures; Considérant que dans différents courriers des 31 décembre 1991, 15 mars 1995, 30 mai 1997 et 24 septembre 1997, elle a souligné le caractère exceptionnel du paiement des heures excédant le crédit d'heures légal ; que ce paiement exceptionnel des heures de délégation dépassant le crédit mensuel ne caractérise dès lors pas un usage en vertu duquel les membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail pouvaient répartir les heures de délégation sans en informer l'employeur ; qu'il s'ensuit que Messieurs Y... et X... ne rapportent pas la preuve qui leur incombe qu'il existait un usage sur le paiement des heures dépassant le crédit d'heures légal ou sur l'application de l'article L. 236-7 alinéa 3 du code du travail sans information de l'employeur ; Considérant que ni Monsieur X..., ni Monsieur Y... n'ont informé la société
DUNLOPILLO qu'ils utilisaient les heures de délégation d'autres membres du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, le courrier de Monsieur Z... ne constituant pas l'information exigée par la loi ; que Monsieur X... a dépassé son crédit d'heures de 15 heures en décembre 1997 et de 10 heures 50 en janvier 1998 ; que ces dépassements ont été pour Monsieur Y... de 46 heures en novembre 1997, 96 heures en janvier 1998 et 32 heures 50 en janvier 1998 ; que l'employeur pouvaient, en conséquence, en l'absence de circonstance exceptionnelle et d'usage plus favorable, ne pas rémunérer les heures excédant le crédit mensuel accordé à Messieurs X... et Y... ; qu'il convient, en infirmant le jugement entrepris, de débouter Monsieur X..., Monsieur Y... et le syndicat CGT DUNLOPILLO de leurs demandes en paiement des heures de délégation excédant le crédit d'heures légal et de leur ordonner de rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire avec intérêts à compter de la signification de la présente décision ; Considérant que Monsieur Y..., Monsieur A... et le syndicat CGT DUNLOPILLO, succombant en leurs prétentions, seront condamnés aux entiers dépens ; Considérant qu'il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS : La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement, Infirme le jugement rendu le 14 janvier 1999 par le Conseil de prud'hommes de MANTES LA JOLIE en l'ensemble de ses dispositions, Statuant à nouveau, Déboute Monsieur Frédéric X..., Monsieur Dominique Y... et le syndicat CGT DUNLOPILLO de l'ensemble de leurs demandes ; Ordonne à Monsieur Frédéric X... et à Monsieur Dominique Y... de rembourser à la SA DUNLOPILLO les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire ; Dit que ces sommes porteront intérêt à compter de la signification du
présent arrêt ; Rejette les demandes d'indemnité de procédure au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Condamne Monsieur Frédéric X... et Monsieur Dominique Y... aux entiers dépens. Et ont signé le présent arrêt Mme LINDEN, Président, et Mme B..., Greffier. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT