La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2000 | FRANCE | N°1998-3989

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 janvier 2000, 1998-3989


La SA CLINIQUE DU MONT SAINT LOUIS exploite une clinique chirurgicale située ....

Les docteurs LE FAOU et BERNARD, exerçant dans cette clinique, ont constitué une société civile de moyens, domiciliée dans les locaux de la clinique.

Par jugement en date du 19 mars 1996 le tribunal de commerce de LILLE a condamné la SCM LE FAOU-BERNARD à payer au CIRRIC, la somme de 8.042,79 francs en principal et cette société a mandaté la SCP DONSIMONI, huissier de justice à PARIS, pour recouvrer sa créance.

A la suite d'un commandement de payer, demeuré infructueux, en da

te du 5 juin 1996, Maître B..., substituant Maître D..., a dressé, le 12 juille...

La SA CLINIQUE DU MONT SAINT LOUIS exploite une clinique chirurgicale située ....

Les docteurs LE FAOU et BERNARD, exerçant dans cette clinique, ont constitué une société civile de moyens, domiciliée dans les locaux de la clinique.

Par jugement en date du 19 mars 1996 le tribunal de commerce de LILLE a condamné la SCM LE FAOU-BERNARD à payer au CIRRIC, la somme de 8.042,79 francs en principal et cette société a mandaté la SCP DONSIMONI, huissier de justice à PARIS, pour recouvrer sa créance.

A la suite d'un commandement de payer, demeuré infructueux, en date du 5 juin 1996, Maître B..., substituant Maître D..., a dressé, le 12 juillet 1996, dans les locaux de la clinique, un procès-verbal de saisie vente portant sur : - un photocopieur, - 4 banquettes, - 2 bureaux, - un micro-ordinateur avec imprimante.

Le 14 octobre 1996, Maître Y..., commissaire-priseur, s'est présenté dans les locaux de l'établissement et a fait procéder à l'enlèvement de certains meubles saisis.

La CLINIQUE DU MONT LOUIS a revendiqué la propriété de ce mobilier et en a obtenu la restitution fin octobre 1996.

C'est dans ce contexte que, le 17 mars 1997, la CLINIQUE DU MONT LOUIS a assigné en responsabilité Maître Pierre D..., administrateur de la SCP DONSIMONI, en paiement de la somme de 350.000 francs, à titre de dommages intérêts et a demandé la publication du jugement à intervenir dans trois revues professionnelles.

Par jugement en date du 4 mars 1998, le tribunal de grande instance de NANTERRE a retenu que l'huissier devait, avant d'établir un procès-verbal de saisie-vente, s'assurer de l'origine de propriété des biens saisis et que Maître D... ne pouvait ignorer le

risque de confusion des mobiliers dès lors que la saisie a été faite dans les locaux de la CLINIQUE DU MONT LOUIS. Le tribunal a encore retenu que Maître Y... avait agi en qualité de mandataire de Maître D... et que ce dernier était responsable des manquements et agissements de son mandataire.

En conséquence, le tribunal a condamné Maître D..., en sa qualité d'administrateur de la SCP DONSIMONI, au paiement de la somme de 50.000 francs, à titre de dommages-intérêts et de la somme de 12.000 francs, au titre des frais irrépétibles.

Maître D... a interjeté appel de cette décision et développe les moyens suivants :

- aucune faute n'a été commise quant à la vérification de la propriété des biens saisis,

- l'action de Maître Y..., commissaire-priseur, n'engage pas la responsabilité de Maître D...,

- la CLINIQUE DU MONT LOUIS ne justifie pas de son préjudice.

Il demande en conséquence le rejet de toutes les prétentions de la CLINIQUE C... LOUIS, la somme de 20.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et pareille somme au titre des frais irrépétibles.

L'intimée, formant appel incident, sollicite la somme de 350.000 francs à titre de dommages-intérêts et celle de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles. SUR CE, SUR LA RESPONSABILITE

Considérant que l'appelant reproche au tribunal d'avoir retenu que l'huissier devait s'assurer de l'origine de propriété des biens saisis alors que, lors d'une saisie, l'huissier ne peut vérifier que la propriété apparente des meubles et qu'en l'espèce le débiteur était une société civile de moyens, domiciliée dans les locaux où la saisie a été effectuée ; qu'il fait encore valoir que la saisie a été faite sans opposition et plus de trois mois se sont écoulés entre le

procès-verbal de saisie-vente et l'enlèvement des meubles par le commissaire-priseur ; qu'une simple contestation verbale de la propriété de meubles ne saurait justifier l'interruption d'une mesure d'exécution ;

Mais considérant que l'huissier de justice est un officier ministériel, investi de missions légales et qu'il doit, dans l'accomplissement de ses missions, agir avec prudence et s'assurer de la régularité des actes dont la mise à exécution lui est demandée ainsi que procéder à toutes vérifications élémentaires et préalables à la mise en oeuvre d'actes d'exécution ;

Qu'en l'espèce, il ressort des actes d'exécution que Maître A..., substituant Maître D..., a réalisé les formalités requises, lors de l'établissement du procès-verbal de saisie, sans procéder à aucune recherche relative à la propriété des biens saisis alors qu'un risque de confusion évident existait dans la mesure où la société civile de moyens, débiteur saisi, n'était que domiciliée dans des locaux appartenant à la CLINIQUE DU MONT LOUIS et gérés par celle-ci ; que la seule apparence justifiait la prudence et des démarches complémentaires qui n'ont pas été conduites ;

Que l'appelant ne saurait reprocher à la CLINIQUE DU MONT LOUIS de n'avoir pas formulé d'objections avant l'enlèvement matériel des biens litigieux, dès lors qu'elle n'était pas le débiteur saisi et n'a pas été destinataire du procès-verbal de saisie ;

Qu'au surplus, Maître Y..., commissaire-priseur, a procédé à l'enlèvement des biens, non seulement en passant outre à toutes contestations formulées par la CLINIQUE DU MONT LOUIS, mais dans des conditions de précipitation et de violences verbales qui ne sauraient être tolérées, et qui sont établies par les attestations produites, dont la force probante ne peut être à priori écartée, comme le voudrait l'appelant, au seul motif qu'elles émanent de membres de la

CLINIQUE DU MONT LOUIS ; que leur précision et les détails contenus suffisent à établir leur sérieux alors qu'il ne saurait être reproché à la CLINIQUE DU MONT LOUIS de ne pas avoir recherché les témoignages des patients alors présents, suffisamment choqués par le déroulement de la scène ;

Considérant que l'appelant fait valoir qu'il n'a pas à répondre des agissements de Maître Y..., commissaire-priseur et reproche au tribunal d'avoir considéré qu'il était le mandataire de ce dernier alors que par son comportement, Maître Y... est sorti de l'exercice de son mandat et doit seul répondre de ses agissements ;

Mais considérant que Maître Y... est intervenu à la demande et sur les instructions de l'huissier instrumentaire dont il était le mandataire, ce que l'appelant ne conteste pas puisqu'il soutient, pour s'affranchir de toute responsabilité, qu'en l'espèce, le commissaire-priseur est sorti de son mandat ;

Que les actes et paroles imputables à Maître Y... ont eu lieu dans le contexte strict de l'exercice de son mandat et n'en ont été que des modalités aussi critiquables que strictement liées à la mission dont le commissaire priseur était alors investi ;

Qu'en conséquence, c'est à bon droit que le tribunal a retenu l'entière responsabilité de Maître D..., pris en qualité d'administrateur de la SCP DONSIMONI ; SUR LE PREJUDICE

Considérant que pour justifier son appel incident, l'intimée fait valoir qu'il y a eu atteinte à son image, ce qui justifie la somme de 150.000 francs et perte inhérente des interventions de patients qui ont quitté l'établissement, au titre de laquelle il est demandé une somme de 200.000 francs ;

Que l'appelant considère que la perte de clientèle est aussi peu justifiée dans sa réalité que dans son montant alors que l'atteinte à l'image ne ressort d'aucun élément déterminant ;

Considérant que si l'intimée ne peut sérieusement soutenir, en l'absence de toute preuve déterminante, que des patients venus en consultation ou pour une hospitalisation, après prise de rendez-vous, ont préféré renoncer à des soins et ont quitté les lieux, il est certain que le déroulement de l'opération d'enlèvement des meubles a créé un trouble parmi les patients et a porté atteinte à l'image de la CLINIQUE DU MONT SAINT LOUIS au sein de sa clientèle ;

Que le tribunal a justement évalué ce préjudice à la somme de 50.000 francs ; SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles exposés ; que la somme de 10.000 francs doit lui être allouée au titre des frais exposés en cause d'appel ; PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

RECOIT Maître D..., agissant en qualité d'administrateur de la SCP DONSIMONI en son appel principal et la SA CLINIQUE DU C... LOUIS en son appel incident,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE l'appelant au paiement de la somme de 10.000 francs (DIX MILLE FRANCS) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

LE CONDAMNE aux entiers dépens et dit que Maître E... pourra recouvrer directement contre lui les frais exposés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Catherine X...

Colette Z...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1998-3989
Date de la décision : 13/01/2000

Analyses

OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Huissier de justice - Responsabilité - Faute

Officier ministériel investi de missions légales, l'huissier de justice doit, dans l'accomplissement de ses missions, agir avec prudence et s'assurer de la régularité des actes dont la mise à exécution lui est demandée, notamment en procédant à toutes vérifications élémentaires et préalables à la mise en uvre desdits actes. Lorsqu'au moment de l'établissement d'un procès verbal de saisie l'huissier instrumentaire n'a procédé à aucune recherche relative à la propriété des biens saisis, alors qu'existait un risque évident de confusion, s'agissant d'une saisie effectuée à l'encontre d'une société civile de moyens domiciliée dans des locaux appartenant à une clinique et gérés par celle-ci, et que cette simple apparence justifiait la prudence, c'est à bon droit que les premiers juges retiennent l'entière responsabilité de l'huissier, sans qu'à cet égard puisse interférer la circonstance que l'enlèvement des biens par le commissaire-priseur ait eu lieu dans des conditions de précipitation et de violences verbales peu tolérables, dès lors que les actes et paroles de ce dernier ont eu lieu dans le cadre strict de l'exercice de son mandat et n'en ont été que des modalités aussi critiquables que strictement liées à la mission dont ce commissaire priseur était alors investi


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-01-13;1998.3989 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award