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13/01/2000 | FRANCE | N°1997-6502

France | France, Cour d'appel de Versailles, 13 janvier 2000, 1997-6502


Courant 1995, Monsieur X... et la SARL PROGRAMME DISPLAY, dont il était le gérant, sont entrés en contact avec la société FORD FRANCE, pour la conception d'un présentoir publicitaire destiné à la marque JAGUAR.

Selon Monsieur X... et la société PROGRAMME DISPLAY, après avoir adressé des maquettes, plans et offres de commercialisation, Monsieur X... et la SARL PROGRAMME DISPLAY n'ont reçu aucune suite de la part de la société FORD FRANCE mais ont constaté que celle-ci exposait un présentoir constituant la copie servile de l'oeuvre créée par Monsieur X....

C'es

t dans ce contexte qu'ils ont fait effectuer une saisie contrefaçon en décembr...

Courant 1995, Monsieur X... et la SARL PROGRAMME DISPLAY, dont il était le gérant, sont entrés en contact avec la société FORD FRANCE, pour la conception d'un présentoir publicitaire destiné à la marque JAGUAR.

Selon Monsieur X... et la société PROGRAMME DISPLAY, après avoir adressé des maquettes, plans et offres de commercialisation, Monsieur X... et la SARL PROGRAMME DISPLAY n'ont reçu aucune suite de la part de la société FORD FRANCE mais ont constaté que celle-ci exposait un présentoir constituant la copie servile de l'oeuvre créée par Monsieur X....

C'est dans ce contexte qu'ils ont fait effectuer une saisie contrefaçon en décembre 1995 et janvier 1996 et qu'ils ont fait assigner la société FORD FRANCE pour atteinte aux droits moraux de Monsieur X... et atteinte à leurs droits patrimoniaux dans la mesure où la fabrication de l'objet contrefaisant avait profité des recherches et études par eux faites.

Par jugement en date du 14 mai 1997, le tribunal de grande instance de NANTERRE a rejeté les demandes formées par Monsieur X... et la société FORD FRANCE aux motifs essentiels que l'oeuvre n'était pas protégeable à raison de son manque d'originalité et qu'il n'y avait pas eu appropriation des recherches ou investissements de la part de la société FORD FRANCE.

Monsieur X... et la société PROGRAMME DISPLAY ont interjeté appel de cette décision.

Madame Martine X... est intervenue en cause d'appel en qualité de liquidateur amiable de la société PROGRAMME DISPLAY.

Les appelants prient la Cour, après avoir infirmé le jugement déféré, de dire que la société FORD FRANCE a porté atteinte aux droits d'auteur de Monsieur X... et a commis des actes de contrefaçon

de modèle, de dire que la même société a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société PROGRAMME DISPLAY et demandent, en conséquence, la somme de 100.000 francs au profit de Monsieur X... et la somme de 300.000 francs au profit de la société PROGRAMME DISPLAY. Ils demandent, en outre, qu'interdiction soit faite à la société FORD FRANCE de fabriquer, faire fabriquer, vendre et représenter des meubles présentoirs constituant la copie servile de l'oeuvre de Monsieur X... sous astreinte de 10.000 francs par infraction constatée et la remise à la société PROGRAMME DISPLAY de tous les présentoirs actuellement détenus par elle-même et ses concessionnaires, dans les huit jours de la signification de l'arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 10.000 francs par jour de retard. Enfin, ils demandent la publication de la décision dans trois journaux ou revues professionnelles pour un coût total n'excédant pas 150.000 francs HT. Enfin, ils demandent la somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles.

Les appelants développent les moyens suivants :

- le présentoir litigieux est une oeuvre originale et protégeable,

- les présentoirs utilisés par la société FORD FRANCE sont l'exacte contrefaçon de ceux créés par Monsieur X...,

- les agissements de la société FORD FRANCE constituent des actes de concurrence déloyale et le jugement retient à tort qu'il n'est pas démontré que les documents techniques, plans et croquis aient été transmis par Monsieur X... à la société FORD FRANCE.

La société FORD FRANCE conclut à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 40.000 francs au titre des frais irrépétibles. SUR CE, SUR L'EXISTENCE D'UNE OEUVRE PROTEGEABLE ET LA CONTREFACON

Considérant que les appelants rappellent les conclusions prises en première instance par l'intimée, aux termes desquelles la société

FORD FRANCE ne contestait pas que Monsieur X... était le créateur du présentoir qu'il estime avoir été contrefait par la société FORD FRANCE ;

Qu'il ressort des conclusions signifiées le 28 octobre 1996, en première instance, par la société FORD FRANCE, figurant au dossier de première instance joint à la procédure d'appel, que cette société écrivait : "Les demandeurs exposent lesdits faits afin de faire savoir que leur modèle dont la protection est invoquée a été créé par Monsieur X..., le 3 février 1995, ce qui n'est pas contesté, que la société FORD FRANCE a simplement fait valoir qu'elle était en relations commerciales avec la société SATURNE pour la confection et la réalisation de projets de publicité ... elle a établi que le modèle de présentoir litigieux lui a été proposé par la société SATURNE le 14 février 1995 ... Le débat ne se situe pas sur le plan de la preuve de l'antériorité, la société FORD FRANCE n'ayant jamais prétendu antérioriser la création prétendue de Monsieur X.... Elle se situe bien plutôt sur l'absence d'originalité du modèle dont la protection est invoquée et subsidiairement sur l'absence de contrefaçon" ;

Qu'il ressort clairement de ces écritures, d'une part, qu'il n'est pas contesté que Monsieur X... a créé le présentoir dont il se prévaut et, d'autre part, que l'antériorité du modèle utilisé par la société FORD FRANCE n'est pas soutenue ;

Considérant, qu'au titre du caractère protégeable de l'oeuvre, les appelants rappellent que l'article L 111.1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que "l'auteur d'une oeuvre de l'esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d'une droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous" ; que l'oeuvre de l'esprit est protégeable indépendamment de son genre et de sa destination ;

Qu'en l'espèce, selon les appelants, le présentoir créé par Monsieur X... possède des caractéristiques originales, notamment sur les points suivants : - de larges surfaces à courbure convexe sur l'avant et l'arrière, - des côtés latéraux plans, unissant l'avant et l'arrière, cotés soulignés par une différence de matériaux, - un plan incliné faisant saillie sur sa base inférieure constituant un écrin de présentation des annonces publicitaires disposées en trois lignes de quatre rectangles de dimensions identiques, - un large socle rectangulaire.

Que, pour les appelants, la combinaison de ces éléments produit un effet nouveau et original, inconnu antérieurement, que le créateur a voulu conférer au présentoir une forme de kiosque avec fenêtre de lecture et qu'à tort les premiers juges ont retenu que la ligne générale dressée et incurvée de la borne posée sur un socle était une caractéristique reprise dans le domaine de l'automobile, antérieurement à 1995 ; que l'originalité de la création repose encore sur le contraste entre l'écrin de présentation et l'aspect massif du reste du meuble ; que si les couleurs reprennent celles de la marque JAGUAR, elles ont, elles aussi, été utilisées de manière originale ;

Considérant qu'en réplique, la société FORD FRANCE invoque l'absence d'originalité du présentoir en reprenant les motifs des premiers juges sur ce point ;

Considérant que le présentoir créé par Monsieur X... est constitué par une borne rectangulaire, posée sur un socle, les faces latérales comportant une tranche en loupe d'orme alors que la face du présentoir contient une ouverture rectangulaire, inclinée, servant à mettre en valeur les annonces de véhicules d'occasion ; que figurent sur la même façade le signe et la marque JAGUAR DAIMLER ;

Que les appelants insistent sur l'originalité, niée par les premiers

juges, qu'ils attachent tout particulièrement à la forme inclinée et la saillie du lutrin qui, d'une part, répond à des impératifs esthétiques et, d'autre part possède un caractère de nouveauté ;

Mais considérant que la ligne générale du présentoir, constituée par un rectangle posé sur un socle, avec façade incurvée, ne présente en elle-même aucune originalité ; qu'au reste les appelants n'insistent pas sur cet élément ; que la forme inclinée et en saillie de la fenêtre ouverte dans la façade du présentoir ne présente pas plus d'originalité dans la mesure où l'objectif poursuivi est avant tout la présentation au public d'affiches destinées à être remplacées et à être particulièrement visibles de tous, sans que ces deux éléments résultant des nécessités de la présentation formelle révèlent un apport original et créatif de la part de leur auteur ;

Qu'enfin, à bon droit, le tribunal a retenu que l'utilisation des couleurs beige et blanche, d'une bande en loupe d'orme était induite par les caractéristiques de la marque à laquelle ce présentoir était destiné ;

Qu'il résulte de ce qui précède que ni un ou plusieurs des éléments constitutifs du présentoir ni leur combinaison ne constituent un apport caractéristique de la créativité originale de leur auteur, rendant protégeable l'oeuvre revendiquée ;

Que par voie de conséquence, toute demande formée au titre de la contrefaçon est dénuée de fondement ;

Que le jugement doit, sur ce point, être entièrement confirmé ; SUR LA CONCURRENCE DELOYALE

Considérant que Monsieur X... et la société PROGRAMME DISPLAY font, à titre subsidiaire, valoir que la société FORD FRANCE a agi de manière déloyale en faisant fabriquer et en exposant un présentoir identique à celui créé par Monsieur X... ; qu'ils caractérisent l'attitude déloyale de la société intimée non seulement par le

caractère servile de la copie mais également à partir des éléments dont la société FORD FRANCE disposait de la part de la société PROGRAMME DISPLAY qui avait adressé plans et maquettes à la société FORD FRANCE ; que selon les appelants, la société intimée ne peut reconnaître avoir reçu des propositions de prix le 16 février 1995 sans que celles-ci aient été accompagnées ou précédées de la remise de croquis, de plans ou de clichés ;

Que les appelants contestent encore les écritures de l'intimée selon lesquelles elle aurait été en relation, dès avant, avec la société SATURNE, alors que dès le 16 février 1995 la société FORD FRANCE disposait des plans de Monsieur X... qu'elle avait conservés dans le contexte des négociations en cours ;

Qu'en réplique, la société FORD FRANCE fait valoir que les appelants n'établissent pas la communication datée des plans et croquis de Monsieur X... à la société FORD FRANCE et que seule une proposition de prix lui a été transmise le 16 février 1995 ; qu'elle insiste sur l'existence de relations nouées avec la société SATURNE bien antérieurement à l'année 1995 et qui ont été finalisées en février 1995 ;

Considérant que les premiers juges, pour rejeter l'existence de toute concurrence déloyale, ont retenu qu'aucune pièce ne justifiait la transmission, par les appelants, à la société FORD FRANCE des documents techniques, plans, croquis ou maquettes nécessaires à la fabrication du présentoir et qu'en conséquence il n'était pas établi que la société FORD FRANCE se serait appropriée les recherches et l'investissement déployés par Monsieur X... et la société PROGRAMME DISPLAY ;

Mais considérant qu'en cause d'appel, Monsieur X... et la société PROGRAMME DISPLAY insistent sur la copie servile faite de l'oeuvre créée par Monsieur X... et le présentoir réalisé pour

la société FORD FRANCE et utilisé par elle ;

Que si la simple reproduction ne peut être retenue au titre de la concurrence déloyale, en l'absence d'oeuvre protégée, qu'en présence de faits distincts de l'acte de reproduction lui-même, il est de droit constant que la copie servile constitue en elle-même un fait distinct de la contrefaçon dans la mesure où elle engendre confusion ;

Qu'en l'espèce les documents produits suffisent à démontrer que le présentoir utilisé par la société FORD FRANCE est la reproduction servile du présentoir créé par Monsieur X... ; qu'outre l'usage des mêmes couleurs et emblèmes, propres à la marque JAGUAR, le présentoir présente les mêmes formes, des dimensions et proportions très voisines, l'usage des mêmes matériaux et des caractéristiques identiques et que la vision de l'un et de l'autre des éléments litigieux traduit une évidente similitude et ne permet pas de dégager de traits distinctifs pour l'observateur courant ;

Qu'en outre, la société FORD FRANCE ne peut sérieusement soutenir que le 16 février 1995, la société PROGRAMME DISPLAY lui a remis des offres de prix alors qu'elle n'avait jamais été destinataire, antérieurement de quelconques dessins, croquis, maquettes ou plans ; que si la société intimée soutient que dès avant elle était en négociation avec la société SATURNE qui a finalement réalisé le présentoir, le budget en date du 13 février 1995, émanant de cette dernière société, destiné à la société JAGUAR CARS FRANCE, vise deux modèles de mobiliers pour annonces occasions en "structure métal laqué vert avec un socle acier laqué", ce qui ne correspond nullement au modèle concerné ;

Considérant que ces éléments caractérisent la concurrence déloyale ; Que ces agissements ont créé un préjudice certain pour les appelants

qui ont développé un modèle destiné à la société FORD FRANCE, pour la marque JAGUAR, investi en temps pour la création et la réalisation des plans et maquettes et ont été privés de toute possibilité de commercialisation ;

Que ce préjudice doit être réparé par l'allocation de la somme de 200.000 francs ;

Que sur le fondement de la concurrence déloyale, les demandes tendant à l'interdiction de fabrication et de vente des présentoirs et à la remise de tous les présentoirs et à la publication de la décision, ne sont pas justifiées ; SUR LES FRAIS IRREPETIBLES

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des appelants les frais irrépétibles exposés ; que la somme de 10.000 francs doit, ensemble, leur être allouée ; PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

RECOIT Madame Martine X... en son intervention, en qualité de gérante de la société PROGRAMME DISPLAY,

RECOIT Monsieur X... et la société PROGRAMME DISPLAY en leur appel,

CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que l'oeuvre de Monsieur X... n'était pas protégeable et a rejeté toute demande fondée sur la contrefaçon,

L'INFIRME en ce qu'il a rejeté la demande fondée sur des actes de concurrence déloyale,

STATUANT A NOUVEAU SUR CE POINT,

DIT que la société FORD FRANCE s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale envers la société PROGRAMME DISPLAY,

LA CONDAMNE à payer en réparation, à la société PROGRAMME DISPLAY, la somme de 200.000 francs (DEUX CENT MILLE FRANCS),

REJETTE les demandes d'interdictions de vente, de retraits et de

publication,

CONDAMNE l'intimée à payer aux appelants, ensemble, la somme de 10.000 francs (DIX MILLE FRANCS) au titre des frais irrépétibles,

LA CONDAMNE aux entiers dépens et dit que la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS et Associés pourra recouvrer directement contre elle les frais avancés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-6502
Date de la décision : 13/01/2000

Analyses

DESSINS ET MODELES

La ligne générale d'un présentoir, constituée par un rectangle posé sur un socle, avec façade incurvée, ne présente en elle-même aucune originalité. Par ailleurs, s'agissant de présenter au public des affiches destinées à être remplacées et devant être particulièrement visibles, la forme inclinée et en saillie d'une fenêtre ouverte dans le façade du présentoir ne révèle pas, non plus, un apport original et créatif de son auteur, dès lors que ces deux éléments résultent des nécessités de la présentation formelle des documents, et pas davantage l'emploi de couleurs déterminées lorsque celles-ci sont induites par les caractéristiques de la marque automobile à laquelle le présentoir est destiné. Il suit de ce qui précède que ni un ou plusieurs des éléments constitutifs du présentoir, ni leur combinaison ne constituent un apport caractéristique de la créativité originale de leur auteur de nature à rendre protégeable le modèle revendiqué, et par voie de conséquence, toute demande formée au titre de la contrefaçon est dénuée de fondement


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-01-13;1997.6502 ?
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