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06/01/2000 | FRANCE | N°1997-1344

France | France, Cour d'appel de Versailles, 06 janvier 2000, 1997-1344


Par acte du 28 mars 1996, Monsieur Talfi X... Y... a fait assigner le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de VERSAILLES en exequatur du jugement rendu le 3 septembre 1992 aux termes duquel le tribunal civil de GOURMA-RHAROUS au Mali a prononcé l'adoption-protection de Abdoul Malick Y... par Talfi X... Y....

Par jugement du 23 octobre 1996, le tribunal de grande instance de VERSAILLES a rejeté la demande d'exequatur.

Monsieur Talfi X... Y..., qui a régulièrement relevé appel de ce jugement, conclut à son infirmation et demande à la Cour d'ordo

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Par acte du 28 mars 1996, Monsieur Talfi X... Y... a fait assigner le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de VERSAILLES en exequatur du jugement rendu le 3 septembre 1992 aux termes duquel le tribunal civil de GOURMA-RHAROUS au Mali a prononcé l'adoption-protection de Abdoul Malick Y... par Talfi X... Y....

Par jugement du 23 octobre 1996, le tribunal de grande instance de VERSAILLES a rejeté la demande d'exequatur.

Monsieur Talfi X... Y..., qui a régulièrement relevé appel de ce jugement, conclut à son infirmation et demande à la Cour d'ordonner l'exequatur en France du jugement rendu par le tribunal civil de GOURMA-RHAROUS le 9 janvier 1988.

Le MINISTERE PUBLIC conclut à l'infirmation du jugement entrepris et à ce que soit accordé l'exequatur du jugement d'adoption-protection rendu le 3 septembre 1992. SUR CE,

Considérant qu'il convient de relever, à titre liminaire, que le tribunal de grande instance de VERSAILLES a été saisi par l'acte introductif d'instance d'une demande en exequatur d'un jugement rendu au Mali le 3 septembre 1992 ;

Que le jugement entrepris vise un jugement rendu au Mali le 9 janvier 1988 ;

Que les conclusions de l'appelant tendent à obtenir l'exequatur d'un jugement du 9 janvier 1988 ; qu'en revanche, les conclusions du MINISTERE PUBLIC font état d'un jugement rendu le 3 septembre 1992 ; Que dès lors que le jugement produit par l'appelant est un jugement rendu le 9 janvier 1988 par le tribunal civil de GOURMA-RHEROUS (Mali) qui prononce l'adoption-protection par Talfi X... Y... de Abdoul Malick Y..., il convient d'en déduire que c'est bien de ce jugement dont l'exequatur est effectivement demandée et que c'est à

la suite d'une erreur purement matérielle que l'assignation et les conclusions du MINISTERE PUBLIC visent un jugement du 3 septembre 1992 ;

Considérant que selon les dispositions de l'article 31 de l'accord de coopération en matière de justice du 9 mars 1962 entre la France et le Mali "En matières civile et commerciale, les décisions contentieuses et gracieuses rendues par les juridictions siégeant sur le territoire de la République française et sur le territoire de la République du Mali doivent, pour avoir l'autorité de la chose jugée sur le territoire de l'autre Etat, remplir les conditions prévues par la législation de cet Etat" ;

Que selon l'article 33 de la même convention "L'exequatur est accordée à la demande de toutes parties intéressées par l'autorité compétente d'après la loi de l'Etat où il est requis, dans les conditions prévues par la législation de cet Etat. La procédure de la demande en exequatur est régie par la loi de l'Etat dans lequel l'exécution est demandée" ;

Que selon le droit commun français, l'efficacité internationale d'une décision étrangère est subordonnée aux conditions de régularité internationale suivantes :

- la compétence de l'autorité étrangère, appréciée selon les principes fixés par l'arrêt Simitch (Civ.I, 6 février 1985) ;

- la conformité de la décision étrangère au système français de conflit de lois, atténuée par la règle de l'équivalence des résultats ;

- la compatibilité de la décision étrangère avec l'ordre public international français ;

- l'absence de fraude ;

- l'absence de conflit ou de risque de conflit avec une décision déjà efficace en France ou une procédure française pendante ;

Que le tribunal de grande instance, compétent en matière d'exequatur, s'il a à contrôler la régularité internationale de la décision étrangère, n'a pas à se prononcer dans d'autres domaines ;

Considérant que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'il n'est pas possible de vérifier la compétence de la juridiction étrangère ;

Qu'en effet, l'article 1166 du nouveau code de procédure civile relatif au tribunal compétent en matière d'adoption n'est pas attributif de compétence exclusive et il convient dès lors de vérifier que le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et que le choix de la juridiction n'est pas frauduleux ;

Qu'en l'espèce Messieurs Y... Talfi X... et Y... Abdoul Malick sont tous deux de nationalité malienne et natifs du GABERY dans le ressort du tribunal civil de GOURMA-RHAROUS où Monsieur Y... Talfi X... résidait en 1968 comme en atteste le jugement supplétif d'acte de naissance le concernant ;

Que si le jugement dont l'exequatur est demandé n'indique pas le lieu de résidence du mineur, il est patent que le tribunal malien a été saisi d'une cause touchant au droit des personnes intéressant deux Maliens ;

Qu'il n'apparaît donc pas que ce tribunal ait été saisi en fraude, la nationalité malienne commune, les attaches des deux personnes en cause avec la ville de GABERY permettant de considérer que le litige dont le juge a été saisi se rattache de façon caractérisée au Mali ; Qu'en ce qui concerne la conformité de la décision étrangère au système français du conflit de lois, il résulte de l'article 3 alinéa 3 du code civil que la loi applicable à l'état et à la capacité des personnes est celle de la nationalité ;

Qu'en l'occurrence, l'adoption-protection est bien prévue par la loi malienne et ne comporte au fond rien de contraire à l'ordre public, le droit appliqué présentant certaines ressemblances avec la législation française sur l'adoption simple ;

Qu'il convient donc d'infirmer la décision entreprise et d'accorder l'exequatur au jugement malien ; PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

INFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions,

ET STATUANT A NOUVEAU,

ORDONNE l'exequatur en France du jugement rendu par le tribunal civil de GOURMA-RHAROUS le 9 janvier 1988 prononçant l'adoption-protection de Y... Abdoul Malick par Y... Talfi X...,

DIT que les dépens exposés en appel seront à la charge du Trésor Public, les dépens de première instance étant à la charge de Monsieur Y... Talfi X....

ARRET REDIGE PAR :

Madame Lysiane LIAUZUN, Conseiller

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Catherine CONNAN,

Colette GABET-SABATIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1344
Date de la décision : 06/01/2000

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Effets internationaux des jugements - Exequatur.

Il résulte des dispositions des articles 31 et 33 de l'Accord de coopération en matière de justice du 9 mars 1962 entre la France et le Mali que les décisions de justice rendues par les juridictions de l'un ou l'autre de ces Etats peuvent être reconnues et rendues exécutoires sur le territoire de l'autre Etat à condition d'être conformes au droit interne de la juridiction d'origine. Pour accorder l'exequatur, le juge français doit s'assurer que cinq conditions sont remplies, à savoir la compétence du tribunal étranger qui a rendu la décision, la régularité de la procédure suivie devant ce tribunal, l'application de la loi compétente d'après les règles françaises de conflit, la conformité à l'ordre public international et l'absence de toute fraude à la loi. Dès lors que l'article 1166 du nouveau Code de procédure civile relatif au tribunal compétent en matière d'adoption n'est pas attributif de compétence exclusive, le juge de l'exequatur n'a pas à vérifier la compétence de la juridiction étrangère mais seulement à s'assurer que le litige se rattache de manière caractérisée au pays dont le juge a été saisi et que ce choix n'est pas frauduleux. En l'occurrence, s'agissant d'une demande d'exequatur d'un jugement d'adoption d'un enfant malien prononcé par un tribunal civil du Mali, la circonstance que ce jugement n'indique pas le lieu de résidence du mineur importe peu, dès lors qu'il est patent que le tribunal malien a été saisi d'une cause touchant au droit des personnes intéressant deux personnes de nationalité malienne, l'adoptant et l'adopté. Il suit de là que ces éléments permettent de considérer que le litige dont le juge a été saisi se rattache de façon caractérisée au Mali. Enfin, quant à la conformité de la décision étrangère au système français de conflit de lois, il résulte de l'article 3, alinéa 3, du Code civil que la loi applicable à l'état et à la capacité des personnes est celle de la nationalité. En l'espèce, l'adoption, protection, prévue par la loi malienne ne

comporte au fond rien de contraire à l'ordre public puisque le droit appliqué présente certaines ressemblances avec la législation française sur l'adoption simple


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;2000-01-06;1997.1344 ?
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