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03/12/1999 | FRANCE | N°1997-9742

France | France, Cour d'appel de Versailles, 03 décembre 1999, 1997-9742


FAITS ET PROCEDURE,

Par acte d'huissier en date du 5 juin 1997, la SA S.A.U.R a fait citer Monsieur Jean-Robert X... devant le tribunal d'instance de CHATEAUDUN afin de le voir condamner à lui payer les sommes de : 4.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SA S.A.U.R a exposé avoir avisé Monsieur X... de ce que sa consommation d'eau avait cru en 1995 ; qu'une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Chartres le 16 juillet 1997 sur le comptage d'eau par le compteur de Monsi

eur X... ; que ce dernier a refusé de se rendre à l'expertise. Elle a...

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte d'huissier en date du 5 juin 1997, la SA S.A.U.R a fait citer Monsieur Jean-Robert X... devant le tribunal d'instance de CHATEAUDUN afin de le voir condamner à lui payer les sommes de : 4.000 francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SA S.A.U.R a exposé avoir avisé Monsieur X... de ce que sa consommation d'eau avait cru en 1995 ; qu'une expertise judiciaire a été ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Chartres le 16 juillet 1997 sur le comptage d'eau par le compteur de Monsieur X... ; que ce dernier a refusé de se rendre à l'expertise. Elle a certifié ne pas avoir pu modifier le compteur.

Monsieur X... a indiqué que la consommation d'eau dans sa résidence secondaire avait augmenté, en 1995, de 213 % par rapport à 1993, qu'aucune fuite n'a été décelée. Il a contesté l'opération d'expertise ordonné par le tribunal de grande instance de CHARTRES au motif que la Société SAGEP, désignée pour examiner le compteur, travaillait régulièrement pour la S.A.U.R. En outre, il a sollicité que soit prononcée la nullité de l'expertise faute d'avoir été prévenu du maintien de celle-ci et également l'absence de désignation comme expert d'une personne physique, l'absence d'annexion de son dire au rapport d'expertise et l'incertitude quant à l'identité entre le compteur envoyé à la SAGEP et celui renvoyé par elle.

Il a sollicité la condamnation de la S.A.U.R à lui verser la somme de 10.000 francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et 7.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement contradictoire en date du 7 octobre 1997, le tribunal

d'instance de CHARTRES a rendu la décision suivante : - rejette le moyen de nullité invoqué par Monsieur X... Jean-Robert, - condamne Monsieur X... Jean-Robert à verser à la S.A.U.R les sommes de : et 3.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, à titre d'indemnité de procédure. - rejette toute autre demande, - condamne Monsieur X... Jean-Robert aux dépens.

Monsieur X... a interjeté appel de cette décision le 6 novembre 1997.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur X... demande à la Cour de : - déclarer Monsieur X... recevable et fondé en son appel, Y faisant droit, - infirmer la décision entreprise, Statuant à nouveau, - déclarer nulles et de nul effet les opérations d'expertise de la SAGEP, - déclarer la S.A.U.R irrecevable et en tous cas mal fondée en ses diverses demandes fins et conclusions, - condamner la S.A.U.R à payer à Monsieur X... : la somme de 10.000 francs à titre d'indemnité pour frais non compris dans les dépens, - condamner la S.A.U.R aux dépens de première instance et d'appel, en ceux compris les frais d'expertise ainsi que les dépens dont le montant sera recouvré par la SCP DELCAIRE etamp; Y... conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La S.A.U.R demande à la Cour de : - déclarer Monsieur Jean Robert X... autant irrecevable que mal fondé en son appel, - l'en débouter ainsi que de toutes ses demandes, fins et conclusions, - confirmer partiellement le jugement rendu le 7 octobre 1997 par le tribunal d'instance de CHATEAUDUN, Statuant à nouveau, - condamner Monsieur X... à payer à la S.A.U.R : la somme

de 6.369,04 francs au titre des factures de montage et démontage des compteurs, procès-verbaux, étalonnage, la somme de 10.000 francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés, pour ceux la concernant, par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 7 octobre 1999 et l'affaire plaidée à l'audience du 26 octobre 1999.

SUR CE LA COUR,

I/ Considérant, en Droit, que la nullité des opérations d'expertise judiciaire est régie par les dispositions de l'article 175 du nouveau code de procédure civile qui renvoie à la nullité des actes de procédure, c'est à dire notamment aux articles 112 à 116, et en particulier 114 alinéa 2, dudit code ;

Considérant d'abord qu'il est reproché à l'expert judiciaire Monsieur Z... de ne pas avoir respecté l'article 233 du nouveau code de procédure civile, étant constant que le juge des référés, dans son ordonnance du 16 juillet 1996 a désigné comme expert la société SAGEP ; qu'en application de l'article 233 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, lorsque le technicien désigné est une personne morale, son représentant légal soumet à l'agrément du juge le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, au sein de celle-ci et en son nom, l'exécution de la mesure ; qu'il est certes constant que cette procédure d'agrément n'a pas été suivie en l'espèce, mais qu'il demeure que Monsieur X... et son avocat Maître Philippe MERY n'ont jamais ignoré que c'était Monsieur Z... qui était chargé d'assurer l'exécution de cette mesure d'instruction au nom de la SAGEP,

puisque, notamment dès le 5 novembre 1996, Maître MERY écrivait au président du tribunal de grande instance chargé du contrôle des expertises en visant expressément "Monsieur Z... de la SAGEP" sans formuler aucune réserve ni critique sur la qualité à agir de ce technicien, ni sur un quelconque motif de récusation contre lui ; que par la suite tout au long de cette expertise, ni Monsieur X... ni son avocat n'ont invoqué les dispositions de l'article 233 du nouveau code de procédure civile et n'ont jamais contesté la qualité à agir de Monsieur Z... au nom de la société SAGEP ; qu'aucun grief n'a donc été causé à Monsieur X..., de ce chef, en vertu de l'article 114 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, et que l'appelant est débouté de sa demande en nullité ;

Considérant, de plus que devant la Cour, pour la première fois, l'appelant argue de ce que Monsieur Z... n'aurait pas prêté serment devant la cour alors que loi n°71- 498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires permet en son article 1 (ainsi que l'article 232 du nouveau code de procédure civile) aux juges, en matière civile, de désigner en qualité d'expert toute personne de leur choix, et que le décret n°74- 1184 du 31 décembre 1974 (modifié par le décret n° 85-1389 du 27 décembre 1985) n'impose pas cette formalité de la prestation de serment qu'elle n'est pas davantage prévue par les articles 232 à 263 du nouveau code de procédure civile ; qu'en outre, Monsieur X... n'explicite même pas et ne démontre pas le grief, au sens de l'article 114 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile, que lui aurait causé cette prétendue omission, et qu'il est donc débouté de ces moyens de ce chef ;

Considérant enfin que l'appelant et son conseil avaient certes adressé une lettre au président du tribunal de grande instance, en vertu des articles 167 et 168 du nouveau code de procédure civile pour lui signaler une difficulté relative à une reprise de possession

du compteur litigieux qui aurait été faite par la S.A.U.R, mais qu'à aucun moment le magistrat n'a fait savoir que l'expertise était "à présent sans objet" selon la formule employée d'autorité par l'avocat Maître MERY dans sa lettre du 5 novembre 1996 ; que bien au contraire cette expertise a été maintenue par le magistrat le 25 novembre 1996 à 17 heures 10 par voie d'un fax envoyé aux parties, et que, comme prévu, la réunion d'expertise a donc eu lieu le 26 novembre 1996, sans que Monsieur X... et son avocat ne s'y présentent ; qu'eux seuls portent donc la responsabilité de cette non participation à cette réunion, et qu'il est patent, aux termes même de leur lettre du 5 novembre 1996, que dès cette date, ils avaient pris la décision unilatérale de considérer que, selon eux, cette expertise était "donc à présent sans objet" ;

Considérant qu'aucune cause de nullité ne peut donc être soulevée de ce chef et que le principe du contradictoire a été respecté ;

Considérant enfin que Monsieur X... fait état de sa réclamation du 5 novembre 1996 mais qu'il est constant que cette lettre était adressée au président chargé du contrôle des expertises et qu'elle ne constituait donc pas un "dire", au sens de l'article 276 du nouveau code de procédure civile, adressé à l'expert et auquel celui-ci aurait à répondre en vertu de cet article ; qu'en ce qui concerne la lettre du 11 décembre 1996, adressée à l'expert, qu'elle pouvait certes être considérée comme un "dire" et qu'il est exact que l'expert n'en parle pas dans son rapport et n'indique pas quelle suite il lui avait donnée ; qu'il demeure cependant que cette omission n'a en rien causé un quelconque grief à Monsieur X..., puisque sa lettre ne contenait aucun élément d'appréciation d'ordre technique ; et qu'en réalité, cette réclamation visait plus directement le magistrat chargé du contrôle des expertises qui avait été saisi d'une difficulté, dès le 5 novembre 1996, mais qui n'avait

pas décidé d'annuler la réunion prévue pour le 26 novembre 1996 ; que là encore, le principe du contradictoire a été respecté et que ce "dire" du 11 décembre 1996 ne doit donc donner lieu à aucune nullité, alors surtout que les dispositions de cet article 276 du nouveau code de procédure civile qui ne sont pas d'ordre public ne sont pas expressément sanctionnées par la nullité (article 114 alinéa 1 du nouveau code de procédure civile) ;

Considérant que l'appelant est donc également débouté de ses moyens de ce chef, et qu'en définitive, le rapport d'expertise est déclaré exempt de toute cause de nullité et qu'il est donc retenu comme régulier et valable ; que le jugement est confirmé de ce chef et que l'appelant est débouté de son dernier moyen, vague et injustifié, selon lequel il y aurait eu une "partialité de l'expert" ;

II/ Considérant quant au fond, qu'en droit, en vertu de l'article 1315 alinéa 2 du code civil, il incombe à l'abonné Monsieur X... d'établir le fait ayant produit l'extinction de son obligation de payer ses redevances d'eau à la société S.A.U.R ; et qu'il est certain qu'une telle preuve n'est pas rapportée par l'intéressé qui se borne à faire état d'un "quantum extravagant" réclamé par cette société, mais sans davantage démontrer qu'il y avait eu des anomalies dans le fonctionnement de son compteur qui n'était pas défectueux ; que bien au contraire, l'expert judiciaire a exactement retenu que le compteur d'eau de Monsieur X... ne présentait aucune anomalie sur le mécanisme totalisateur, que ce soit une usure excessive, ou un dépôt anormal ou un défaut de construction, et que donc, cet appareil a fonctionnement mécanique simple et facilement observable pouvait être réputé fiable ; que le technicien a conclu en indiquant que :

"la probabilité est donc très grande pour que le volume affiché sur le dispositif indicateur, à savoir 5.603 mètres cubes, résulte d'un passage d'eau de volume équivalent (aux erreurs près de mesurages,

soit quelques pour cent), eau ayant alimenté l'installation privative de l'abonné et donc ses divers besoins" ;

Considérant que l'appelant ne fait valoir aucun moyen d'ordre technique pour combattre ces constatations précises et ces conclusions pertinentes de l'expert et qu'il s'est toujours borné à prétendre que la consommation d'eau de sa résidence secondaire en 1995 avait augmenté de 213% par rapport à celle de 1993, mais qu'il ne précise pas quelles ont été les conditions d'occupation des lieux en 1993, 1994 et 1995 ; qu'il est bien évident, en effet, que cette consommation d'eau a pu normalement augmenter dans des proportions notables si de nombreuses personnes ont séjourné longtemps dans les lieux, ou s'il y a eu, par exemple, installation d'une piscine ou d'un système d'arrosage automatique ;

Considérant que l'appelant ne fait donc pas la preuve qui lui incombe en vertu de l'article 1315 alinéa 2 du code civil et qu'il est par conséquent débouté des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ; que le jugement est donc confirmé ;

Considérant que la Cour, y ajoutant, compte tenu de l'équité, condamne Monsieur X... à payer à la société S.A.U.R. la somme de 6.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour ses frais irrépétibles en appel ;

Considérant, de plus, que la SA "S.A.U.R" est en droit de réclamer la somme justifiée de 6.369,04 francs correspondant aux factures de montage et de démontage des compteurs, aux frais de procès verbal et aux frais d'étalonnage ; que Monsieur X... est donc condamné à payer cette somme ;

Considérant que, certes, Monsieur X... succombe en son appel, mais qu'il n'est pas pour autant démontré qu'il aurait fait preuve de mauvaise foi ou d'un "acharnement procédural" comme le soutient la société intimée qui est donc déboutée de sa demande en paiement de

20.000 francs de dommages-intérêts de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

Vu le rapport de l'expert judiciaire Monsieur Z... (société SAGEP) du 4 décembre 1996 ;

DEBOUTE Monsieur Jean-Robert X... des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

CONFIRME le jugement déféré ;

ET Y AJOUTANT :

CONDAMNE Monsieur X... à payer à la SA "S.A.U.R." la somme de 6.369,04 francs (SIX MILLE TROIS CENT SOIXANTE NEUF FRANCS QUATRE CENTIMES) de frais, ainsi que la somme de 6.000 francs (SIX MILLE FRANCS) de frais irrépétibles en appel, en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

DEBOUTE la Société S.A.U.R. de sa demande en paiement de 20.000 francs de dommages-intérêts ;

CONDAMNE Monsieur X... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP d'avoués JULLIEN-LECHARNY-ROL conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt : Le greffier,

Le Président, B. TANGUY

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-9742
Date de la décision : 03/12/1999

Analyses

MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Expert - Mission - Exécution.

Selon l'article 233, alinéa 2, du nouveau Code de procédure civile, lorsque le technicien désigné est une personne morale, son représentant légal doit soumettre au juge le nom de la ou des personnes physiques qui assureront, en son nom, l'exécution de la mesure. En l'espèce, lorsque tout au long des opérations d'expertise, une partie n'a à aucun moment critiqué la qualité de la personne physique chargée de leur réalisation à agir au nom de la personne morale, ni formulé un quelconque motif de récusation à son encontre, cette partie ne peut invoquer aucun grief tiré du non-respect des dispositions de l'article 233 précité et doit être déboutée de sa demande en nullité de l'expertise

MESURES D'INSTRUCTION - Expertise - Expert.

Une partie ne peut invoquer au soutien de sa demande de nullité de l'expertise l'absence de prestation de serment de l'expert devant la cour d'appel, dès lors que, d'une part, les juges civils peuvent, conformément à l'article 1er de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relatif aux experts judiciaires, désigner en qualité d'expert toute personne de leur choix et que, d'autre part, ni le décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974 relatif aux experts judiciaires, ni le nouveau Code de procédure civile n'imposent cette formalité

MESURES D'INSTRUCTION - Caractère contradictoire - Expertise - Convocation des parties.

L'absence d'une partie aux opérations d'expertise n'affecte pas le principe du contradictoire, dès lors que celle-ci, dûment convoquée, a pris la décision unilatérale de ne pas assister à une expertise qu'elle jugeait sans objet

MESURES D'INSTRUCTION - Expertise.

Ne constitue pas un dire au sens de l'article 276 du nouveau Code de procédure civile la lettre adressée par une partie au magistrat chargé du contrôle des expertises

MESURES D'INSTRUCTION - Expertise.

Les dispositions de l'article 276 du nouveau Code de procédure civile, qui ne sont pas d'ordre public, n'étant pas expressément sanctionnées par la nullité, l'absence de réponse de l'expert à un dire formulé par une partie n'emporte pas la nullité de l'expertise


Références :

N 1 nouveau Code de procédure civile, article 233, alinéa 2
N 2 loi n° 71-498 du 29 juin 1971, article 1er
N 4 nouveau Code de procédure civile, article 276
N 5 nouveau Code de procédure civile, article 276
décret n° 74-1184 du 31 décembre 1974

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-12-03;1997.9742 ?
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