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02/12/1999 | FRANCE | N°1999-4452

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 décembre 1999, 1999-4452


Monsieur X... et Madame Y... se sont mariés le 24 janvier 1987.

Le 14 janvier 1994 ils ont adopté un enfant prénommé Vincent, originaire du Brésil. Souhaitant réaliser une seconde adoption, ils ont sollicité et obtenu l'agrément de la D.A.S.S., le 21 décembre 1995.

Le 8 octobre 1997 les époux X... ont rempli et signé un questionnaire destiné à la MISSION DE L'ADOPTION INTERNATIONALE, dite M.A.I., près le MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES à PARIS, contenant, notamment, les questions et les réponses suivantes :

- "avez-vous eu recours à un intermédiaire

vietnamien ou autre pour la recherche de l'enfant et les formalités administratives...

Monsieur X... et Madame Y... se sont mariés le 24 janvier 1987.

Le 14 janvier 1994 ils ont adopté un enfant prénommé Vincent, originaire du Brésil. Souhaitant réaliser une seconde adoption, ils ont sollicité et obtenu l'agrément de la D.A.S.S., le 21 décembre 1995.

Le 8 octobre 1997 les époux X... ont rempli et signé un questionnaire destiné à la MISSION DE L'ADOPTION INTERNATIONALE, dite M.A.I., près le MINISTERE DES AFFAIRES ETRANGERES à PARIS, contenant, notamment, les questions et les réponses suivantes :

- "avez-vous eu recours à un intermédiaire vietnamien ou autre pour la recherche de l'enfant et les formalités administratives ä" - réponse "oui",

- "date, lieu et circonstances de votre premier contact avec cet intermédiaire ( de la France ou au Vietnam) ä" - réponse "1er mai 97 par fax de la France vers le Vietnam",

- "le cas échéant, date de transmission du dossier à l'intermédiaire ä" - réponse "10 mai 1997".

...,

- "veuillez indiquer le montant des frais engagés",.

Suit alors, sur l'imprimé la liste de différents frais exposés à titre de dons, de sommes versées à l'intermédiaire, question à laquelle les époux X... ont répondu à partir de prévisions.

Les époux X... se sont alors rendus, début octobre 1997, au Vietnam où ils ont rencontré l'intermédiaire contactée préalablement par fax et dont le nom figurait dans le questionnaire de la M.A.I. Celle-ci leur a soumis l'adoption de l'enfant NGUYEN Thi Bé née le 25 juillet 1997 de NGUYEN Thi Gai, âgée de 21 ans, et de père inconnu.

Le 2 juillet 1997 la mère a consenti à l'adoption de l'enfant "par des étrangers de manière définitive et sans émettre aucune

condition".

Après enquête, le 20 octobre 1997, le Comité populaire de la province de THAI NGUYEN a constaté que le consentement à l'adoption définitive restait entier et a prononcé l'adoption de l'enfant au VIETNAM, par les époux X.... La cérémonie de remise officielle de l'enfant a eu lieu à la suite de cette décision et, titulaires d'un visa pour eux-mêmes et l'enfant, les époux X... sont revenus en France, avec l'enfant, le 27 octobre 1997.

Le 5 décembre 1997 ils ont déposé une requête aux fins d'adoption auprès du tribunal de grande instance de VERSAILLES.

Par jugement en date du 6 mai 1999, le tribunal a fait droit à leur demande et dit que l'enfant se nommera désormais X... et se prénommera Chloé.

Le MINISTÈRE PUBLIC a interjeté appel de ce jugement qu'il prie la Cour d'infirmer sur le fondement des moyens et éléments suivants :

- le délai de séjour et de l'adoption a été exceptionnellement court, vingt trois jours, alors que le document remis par la M.A.I. prévoit un séjour d'environ trois mois,

- ce court délai s'explique par le recours à un intermédiaire privé qui a reçu la somme de huit millions de dôngs pour l'ensemble de ses interventions alors que le salaire mensuel moyen, au VIETNAM est d'environ 250.000 dôngs, soit 25 dollars, ce qui démontre le caractère purement lucratif de l'activité de Madame VU THI Z..., l'intermédiaire,

- l'enfant adoptée n'est pas une orpheline et sa mère a souscrit un acte de don huit jours après sa naissance,

- l'enfant a été prise en charge par les adoptants dès avant le 20 octobre, seule date légale de remise selon l'arrêté du Gouvernement de HANOI du 30 novembre 1994,

- le consentement de la mère ne peut être tenu pour libre et éclairé.

En réplique, Monsieur et Madame X... rappellent que l'adoption doit être prononcée dans les termes de l'article 353 du Code civil, en considération de l'intérêt de l'enfant, notion qui est demeurée totalement étrangère au MINISTÈRE PUBLIC. Ils font encore valoir qu'il existe en l'espèce une décision étrangère qui a constaté la validité du consentement de la mère biologique et qui a prononcé l'adoption, décision prise au terme d'un processus habituel et contraignant pour les adoptants par les autorités vietnamiennes et toute contestation de ce consentement se heurte à l'autorité reconnue de plein droit à cette décision. En ce qui concerne le recours à un intermédiaire, il a toujours été reconnu et déclaré par les adoptants, connu des autorités françaises et vietnamiennes sans que cette attitude soit contraire aux dispositions légales ou conventionnelles en vigueur. SUR CE,

Considérant qu'il est de droit constant, en droit français, que la loi de l'adoptant régit les conditions et les effets de l'adoption alors que la loi étrangère détermine les conditions du consentement et de la représentation de l'adopté ;

Que si la législation vietnamienne ne consacre qu'une adoption simple, il est tout aussi acquis, en droit français, que l'adoption plénière, en France, d'un enfant dont la loi d'origine prohibe cette institution, est possible à la condition que le représentant légal du mineur ait donné son consentement en pleine connaissance des effets attachés par la loi française à l'adoption : caractère complet et irrévocable, rupture du lien entre le mineur, sa famille d'origine et les autorités de tutelle de son pays d'origine ;

Qu'en outre, au VIETNAM le recours à un organisme agréé pour l'adoption n'est pas obligatoire et que la candidature est soumise au service judiciaire du COMITE POPULAIRE concerné, la décision

autorisant l'adoption étant une mesure administrative prise par ledit comité sans qu'aucun délai de rétractation du consentement donné par les parents ne soit légalement prévu ;

Considérant qu'en l'espèce, les différentes étapes administratives prévues au VIETNAM ont été respectées et reconnues tant par les autorités vietnamiennes, lors de la délivrance du visa de sortie, que par le Consulat de France au VIETNAM, par la délivrance aux adoptants de l'autorisation d'établissement en France, permettant l'obtention du visa d'entrée de l'enfant sur le territoire français ;

Considérant que le rôle du juge, dans le présent contexte, est donc de rechercher et de vérifier si les parents, habiles à donner le consentement à l'adoption, ont eu la conscience et la volonté de consentir à une adoption entraînant la rupture totale et irrévocable de tout lien entre l'enfant et sa famille biologique ;

Que la mère de l'enfant a donné son consentement le 2 août 1997 et que le 20 octobre 1997 il a été constaté que ce consentement était maintenu de manière expresse, en vue d'une mesure définitive et irrévocable ;

Que si le consentement clair et exprès, donné par une mère à l'adoption de son enfant, n'est, quelle que soit sa nationalité, que l'aboutissement d'une cruelle démarche prenant en considération, d'un côté des contraintes sociales, familiales ou économiques s'imposant à elle, et, de l'autre, une certaine résignation devant ce qu'elle est amenée à concevoir comme étant l'intérêt de l'enfant, il n'appartient pas au juge de porter une appréciation sur cette démarche, mais seulement de rechercher et de s'assurer que la décision finalement exprimée l'a été de manière pleinement volontaire et en pleine connaissance de toutes ses conséquences ;

Qu'en l'espèce, le consentement donné le 2 août 1997 a été réitéré le 20 octobre 1997 sous le contrôle des autorités vietnamiennes, dans

les formes et conditions exigées par ces dernières ; que le fait que le premier consentement ait été donné quelques jours après la naissance de l'enfant, s'il révèle l'état de détresse de la mère de l'enfant, ne se heurte à aucun obstacle légal au vietnam ;

Que le MINISTÈRE PUBLIC n'est pas fondé à affirmer, sans le démontrer, que le consentement donné par la mère de l'enfant n'a pas été libre et éclairé ;

Considérant que le MINISTÈRE PUBLIC invoque encore la brièveté du séjour des parents, au VIETNAM, et le recours fait à une intermédiaire ;

Mais considérant que nulle disposition vietnamienne concernant la durée du séjour des adoptants n'est légalement établie alors que durant le séjour, il est vrai très bref des adoptants, les autorités vietnamiennes ont effectué les enquêtes et réalisé toutes les formalités légales alors exigées par elles ;

Que pareillement le rappel d'un recours fait à une intermédiaire privée n'est pas opérant, dans la mesure où ce recours n'était pas interdit au VIETNAM, lors de l'adoption en cause, et que les autorités françaises en ont été parfaitement et loyalement avisées par les réponses très claires données par les adoptants, aux questions posées par la MISSION DE L'ADOPTION INTERNATIONALE ; que cette dernière se bornait alors de recommander aux candidats à l'adoption la plus grande prudence envers les intermédiaires, notamment privés, sans la prohiber ; que si des positions contraires ont été prises, postérieurement, elles ne sauraient justifier que soit déclarée illégale la procédure suivie par les époux X... en 1997 ;

Considérant qu'en l'état des éléments qui précèdent et des dispositions applicables au moment de l'adoption contestée, et dans l'intérêt de l'enfant, il convient de confirmer le jugement déféré en

toutes ses dispositions ; PAR CES MOTIFS,

LA COUR, statuant publiquement, après débats en chambre du conseil, contradictoirement et en dernier ressort,

DECLARE l'appel recevable,

LE DIT NON FONDE,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de grande instance de VERSAILLES le 6 mai 1999 qui a prononcé l'adoption plénière, par Monsieur Paul Amédée X... et Madame Marie Françoise Y..., épouse X..., de l'enfant NGUYEN Thi Be, née le 25 juillet 1997 - Commune Tan Khanh - district Phu Binh - Province Thai Nguyen (Vietnam) et dit que l'enfant se prénommera et nommera désormais Chloé Sophie X...,

LAISSE les dépens à la charge du MINISTÈRE PUBLIC.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Catherine CONNAN,

Colette GABET-SABATIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-4452
Date de la décision : 02/12/1999

Analyses

FILIATION - Filiation adoptive - Adoption plénière - Conditions - Consentement - Enfant étranger - Consentement exprès et éclairé des parents de l'adopté - Recherche nécessaire - /

Lorsque selon la loi personnelle d'un enfant, l'adoption constitue une décision administrative n'ouvrant légalement droit à aucun délai de rétractation du con- sentement donné par les parents, il appartient au juge non pas de porter une appréciation sur cette démarche mais seulement de rechercher et de s'assurer que la décision finalement exprimée l'a été de manière pleinement volontaire et en pleine connaissance de toutes ses conséquences. Or, il résulte des circon- stances de l'espèce, contrairement à ce qu'invoquait le Ministère Public, que l'ensemble de la procédure légalement organisée dans le pays d'orgine a été suivie et qu'ainsi le consentemnt donné par le réprésentant du mineur a été libre et éclairé.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-12-02;1999.4452 ?
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