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25/11/1999 | FRANCE | N°1997-960

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 novembre 1999, 1997-960


L'INSTITUT DE GESTION INTERNATIONAL AGRO-ALIMENTAIRE (dit I.G.I.A, ainsi qu'il sera ci-après désigné) est un établissement d'enseignement supérieur privé, ayant pour but de promouvoir l'enseignement et la recherche dans le domaine agro-alimentaire et la gestion des ressources naturelles, créé sous forme d'association de la loi de 1901, déclaré à la préfecture du Val d'Oise le 8 février 1978, avec, à l'origine, d'une part, deux écoles fondatrices, l'ECOLE SUPERIEURE DE SCIENCES ECONOMIQUES ET COMMERCIALES, dite E.S.S.E.C, et l'ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES INDUSTRIES AGRICOLES,

dite E.N.S.I.A., et, d'autre part, des entreprises agro-alimen...

L'INSTITUT DE GESTION INTERNATIONAL AGRO-ALIMENTAIRE (dit I.G.I.A, ainsi qu'il sera ci-après désigné) est un établissement d'enseignement supérieur privé, ayant pour but de promouvoir l'enseignement et la recherche dans le domaine agro-alimentaire et la gestion des ressources naturelles, créé sous forme d'association de la loi de 1901, déclaré à la préfecture du Val d'Oise le 8 février 1978, avec, à l'origine, d'une part, deux écoles fondatrices, l'ECOLE SUPERIEURE DE SCIENCES ECONOMIQUES ET COMMERCIALES, dite E.S.S.E.C, et l'ECOLE NATIONALE SUPERIEURE DES INDUSTRIES AGRICOLES, dite E.N.S.I.A., et, d'autre part, des entreprises agro-alimentaires et des organismes financiers.

Le 26 juin 1991, en raison de certaines divergences, l'E.S.S.E.C s'est retirée du conseil d'administration de l' I.G.I.A. selon les affirmations de cette dernière.

Le 30 octobre 1996, suivant la procédure à jour fixe, l'I.G.I.A. a fait assigner l'E.S.S.E.C en paiement de la somme de 9.475.000 francs, en réparation des agissements de concurrence déloyale dont l' E.S.S.E.C. se serait rendue coupable à son encontre et a demandé la publication du jugement à intervenir outre la somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles.

L'I.G.I.A., au soutien de sa demande, a fait valoir que depuis 1995, l'E.S.S.E.C, sous couvert de rapprochement, a essayé de prendre son contrôle afin de bénéficier de son unité pédagogique complète en matière agro-alimentaire et du savoir de ses professeurs. Dans ce contexte, six professeurs sur huit ont, par courrier collectif en date du 14 mai 1996, donné leur démission, ce que l' I.G.I.A. analyse comme un débauchage collectif.

L'E.S.S.E.C. s'est portée demanderesse reconventionnelle en faisant valoir que la présente procédure n'avait pour but que de permettre à

l'I.G.I.A. de tenter d'échapper à l'exécution d'un protocole en date du 20 novembre 1994 aux termes duquel il s'engageait à verser à l' E.S.S.E.C. une somme de 2.050.337 francs sur quatre années, refusant de régler la deuxième échéance du 20 novembre 1996. Elle a demandé la somme de un franc pour non respect dudit protocole, pareille somme pour atteinte à son image et 50.000 francs au titre des frais irrépétibles.

Par jugement en date du 21 janvier 1997, le tribunal de grande instance de PONTOISE a rejeté toutes les demandes formées par l'I.G.I.A. et l'a condamnée à payer à l' E.S.S.E.C. la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts pour atteinte à sa notoriété et à son image.

L'I.G.I.A. a formé appel et demande à la Cour de dire que l'E.S.S.E.C s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à son encontre. Elle demande, en réparation, l'allocation de la somme de 10.180.000 francs se décomposant comme suit :

- 5.200.000 francs au titre du manque à gagner à la suite de la désaffection des étudiants pour l'année 1996/1997,

- 275.000 francs au titre de la perte sur l'occupation des locaux de l'Institut polytechnique SAINT LOUIS,

- 3.300.000 francs au titre de la perte sur investissement de la formation des professeurs démissionnaires et de la rémunération de deux professeurs travaillant en réalité à mi-temps,

- 905.000 francs au titre de la perte des contrats de conseil en cours,

- 500.000 francs au titre de l'atteinte à l'image et à la réputation de l'I.G.I.A.

Elle demande encore la publication de la décision à intervenir et la somme de 50.000 francs au titre des frais irrépétibles.

L'I.G.I.A. conteste l'argumentation de l'E.S.S.E.C. qui, pour elle,

peut être ramenée à trois idées maîtresses :

- l'I.G.I.A. n'est pas une grande école et ne peut soutenir que l' E.S.S.E.C. a voulu lui faire concurrence,

- l'I.G.I.A. a perdu le Mastère spécialisé qui lui avait été accordé par la conférence des Grandes écoles et c'est à partir de cette période qu'a commencé son délin,

- l'I.G.I.A. est un département de l' E.S.S.E.C. et devait le rester. L'I.G.I.A. rappelle les éléments de fait et développe les moyens suivants :

- l'I.G.I.A. a un caractère original en tant que centre d'enseignement et repose sur un concept d'enseignement développé à partir de 1977 par Monsieur Bernard F..., professeur à l' E.S.S.E.C, susceptible de répondre aux besoins exprimés par un certain nombre d'entreprises du secteur agro-alimentaire en matière de formation de futurs cadres dans le domaine de la gestion, alors qu'aucun enseignement spécifique n'existait jusque là en France,

- l'I.G.I.A. a été fondée en 1978 avec le concours des milieux professionnels de l'agro-alimentaire dont la CAISSE NATIONALE DE CRÉDIT AGRICOLE sous la forme d'un établissement d'enseignement supérieur privé et les statuts d'une association,

- ses membres fondateurs étaient d'une part l'E.S.S.E.C, disposant de 20 % des voix, l'ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES INDUSTRIES AGRICOLES, disposant également de 20 % des voix et, d'autre part, des entreprises agro-alimentaires et des organismes financiers, donateurs, en vue de la fondation de chaires, et disposant de 60 % des voix,

- dans le lancement et le développement de l' I.G.I.A., le rôle de l'E.S.S.E.C a été admistratif, par fourniture de locaux et prise en charge de la comptabilité, et technique, consistant à permettre aux

étudiants de l'I.G.I.A. de suivre certains cours de l'E.S.S.E.C. pour réaliser une mise à niveau,

- les relations pédagogiques et financières des deux organismes ont été réglés, de 1978 à 1985, sur la base d'une convention en date du 13 juin 1983,

- le 15 mai 1985, pour des raisons de place, l'I.G.I.A. s'est installée dans d'autres locaux et l'E.S.S.E.C a pris en charge le montant des loyers, mais les liens ont alors commencé à se distendre, - en 1986, le CONSEIL GÉNÉRAL DU VAL D'OISE a marqué sa volonté de créer un pôle universitaire, et c'est ainsi qu'est née l'ASSOCIATION CENTRE POLYTECHNIQUE SAINT LOUIS, fondée le 11 décembre 1986 et dont le premier président a été Monsieur Jean DUPUIS, président de l' I.G.I.A.,

- le 31 décembre 1989 l'Union des associations du groupe E.S.S.E.C, dont l'I.G.I.A. faisait alors partie, a fusionné avec le groupe E.S.S.E.C. et l'I.G.I.A. a été exclu de ce regroupement,

- en 1991, alors que l'I.G.I.A. s'installait dans le nouveau centre polytechnique SAINT LOUIS, dans lequel elle avait investi 4.200.000 francs, il lui apparaissait de plus en plus infondé de rembourser à l'E.S.S.E.C. des coûts qu'il assumait lui-même et face à cette attitude, l'E.S.S.E.C brandit la menace de lui retirer le Mastère,

- le 8 mars 1991 le directeur général de l'E.S.S.E.C., Monsieur X..., a demandé à la conférence des grandes Ecoles d'annuler la demande de renouvellement du Mastère pour l'I.G.I.A., qu'elle avait présentée le 12 février 1991,

- dès lors, pour l' I.G.I.A. l'alternative était la suivante :

"choisir entre apporter ses excédents au Groupe ESSEC ou ne plus avoir le label Mastère, étant précisé que l'I.G.I.A. assumait son autonomie financière à l'aide de ses ressources propres",

- faute d'avoir réussi dans cette première manoeuvre, l'E.S.S.E.C. décida, le 26 juin 1991, de se retirer du conseil d'administration de l'I.G.I.A. et de dénoncer la convention de 1982,

- les comptes ont dû être arrêtés entre les deux organismes et à cette fin, une expertise comptable a été judiciairement ordonnée,

- à l'instigation du Rectorat, un rapprochement est intervenu et par accord transactionnel en date du 20 novembre 1994, il a été convenu que l'I.G.I.A. règlerait à l'E.S.S.E.C. la somme de 2.050.337 francs au titre de sa participation résiduelle aux frais de fonctionnement et ce, en quatre versements,

- ainsi, fin 1991, l'I.G.I.A. était installé au centre polytechnique SAINT LOUIS et n'avait plus de rapport de fonctionnement avec l'E.S.S.E.C,

- à partir de 1992, l'I.G.I.A. comme l'E.S.S.E.C, ont connu une baisse du nombre de leurs étudiants, conséquence de la crise économique, mais l'I.G.I.A. y remédiait en multipliant les consultations extérieures et en créant des universités agricoles à l'étranger,

- dans ce contexte, l' E.S.S.E.C a tenté de prendre le contrôle de l'I.G.I.A. forte des apports financiers publics, soutenue par certains enseignants de l' I.G.I.A. eux-mêmes sensibles à l'importance des subventions perçues par l' E.S.S.E.C,

- loin d'envisager un partenariat, éventuellement admissible, l'E.S.S.E.C, lors d'une réunion du conseil d'administration de l'I.G.I.A. en date du 11 décembre 1995, a proposé que l'E.S.S.E.C prenne le contrôle de l'I.G.I.A pour en assumer la direction avec éloignement des membres de l'ancienne direction et non engagement de reprise du personnel administratif.

C'est dans ce contexte que le 14 mai 1996 six professeurs sur les huit membres permanents de l'équipe pédagogique de l'I.G.I.A. ont

donné leur démission et que quelques jours plus tard l'E.S.S.E.C. diffusait auprès des étudiants de l'I.G.I.A. une note par laquelle leur était annoncé la création de l' E.S.S.E.C. I.M.I.A. : INSTITUT DE MANAGEMENT INTERNATIONAL AGRO-ALIMENTAIRE, ayant pour principaux professeurs les six démissionnaires de l' I.G.I.A.

L'appelante précise que les six enseignants concernés n'ont pas exécuté leur préavis.

Pareille attitude a entraîné la quasi disparition de l' I.G.I.A. pour la rentrée de novembre 1996, avec impossibilité de reconstituer le corps professoral, chute des inscriptions d'étudiants, ruptures des relations avec les gouvernements ou organismes étrangers ayant donné des missions à l'I.G.I.A.

L'E.S.S.E.C. a dans le même temps réclamé à l'I.G.I.A le paiement de la somme de 747.517 francs représentant l'échéance 1996 résultant de l'accord transactionnel du 20 novembre 1994 et l'I.G.I.A. a dû procéder au licenciement de partie de son personnel administratif. Trois personnes ont été immédiatement réembauchées par l'E.S.S.E.C.

En droit, l'appelante fait valoir que la démission de six enseignants sur huit n'est pas une co'ncidence mais le dernier moyen utilisé par l'E.S.S.E.C. pour l'acculer à la ruine, alors que les "arguments" avancés par l'E.S.S.E.C. sont dénués de toute crédibilité. Elle conteste particulièrement celui tendant à présenter l'I.G.I.A. comme un "département de l' E.S.S.E.C" et à remettre en cause ses qualités pédagogiques.

L'I.G.I.A. rappelle que l'attitude des professeurs démissionnaires est aussi ambiguù que l'est celle de l'E.S.S.E.C. puisqu'ils n'ont pas hésité à saisir les juridictions prud'homales de demandes de primes, relatives à certains travaux, mais aussi à soutenir qu'ils y avait eu lieu, à leur encontre, à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce que les juges du premier degré ont unanimement

rejeté.

L'appelante reproche aux premiers juges d'avoir estimé qu'elle aurait dû se rapprocher de l' E.S.S.E.C. et qu'elle ne pouvait reprocher aux professeurs d'avoir démissionné pour rejoindre cette dernière ; elle lui fait aussi grief d'avoir retenu que le débauchage reproché à l'E.S.S.E.C. n'était pas établi et que ce personnel avait des griefs à l'encontre de son employeur, sans évoquer ni retenir le contexte dans lequel les démissions étaient intervenues.

L'E.S.S.E.C. conclut à la confirmation du jugement et, subsidiairement, prie la Cour de dire que le préjudice allègué n'est nullement établi. Elle sollicite la somme de 50.000 francs au titre des frais irrépétibles.

Elle entend rétablir certains faits présentés par l'appelante, notamment sur les points suivants :

- jusqu'en 1991, l'I.G.I.A. faisait partie du groupe E.S.S.E.C. et un mastère était alors délivré par l'E.S.S.E.C. aux étudiants de l'I.G.I.A. alors que depuis 1991, l'I.G.I.A. n'appartient plus au groupe E.S.S.E.C.,

- en conséquence, depuis cette date, l'I.G.I.A. délivre un diplôme de 3ème cycle alors que l' E.S.S.E.C. délivre pour son programme le titre de Mastère spécialisé selon les normes de l'accréditation de la Conférence des Grandes écoles, conférence à laquelle l'E.S.S.E.C. appartient en sa qualité de grande école et non pas l'I.G.I.A.,

- en 1978 l'E.S.S.E.C. et l'E.N.S.I.A (Ecole Nationale Supérieure des Industries Agricoles et alimentaires) ont fondé l'I.G.I.A., sous la forme associative et la convention du 13 juin 1983 prévoyait, outre la mise à disposition de locaux par l'E.S.S.E.C., une intégration pédagogique très forte de l'I.G.I.A. dans le groupe E.S.S.E.C, dans la mesure notamment où l'article 1 de la convention dispose, sous le titre ENSEIGNEMENT, que "La politique d'enseignement de l'I.G.I.A.

est fondée sur le développement des connaissances d'économie et de gestion spécifique à l'agro-alimentaire et corrélativement à un recours direct à l'E.N.S.I.A. pour l'enseignement de la technologie des industries alimentaires et à l'E.S.S.E.C. pour l'enseignement de l'économie et de la gestion de base", l'article 1.3. prévoyant, en ce qui concerne l'exigence du niveau de base, que "les examens d'exemption sont accordés par les professeurs de l'E.S.S.E.C. qui, seuls, sont habilités à juger du niveau de base des étudiants dans ces disciplines générales",

- les cours assurés par l'E.S.S.E.C. dans la formation de l'I.G.I.A. étaient de 54,3 % pour l'année scolaire 1989-1990 et de 60 % pour l'année suivante,

- à partir de 1989, l'I.G.I.A. n'a pas quitté les locaux de l'E.S.S.E.C. à la demande de cette dernière mais sur décision de l'I.G.I.A. elle-même, et l'I.G.I.A. soutient vainement qu'elle a, en 1989, été exclue du groupe E.S.S.E.C.,

- la rupture des relations contractuelles est intervenue par la volonté unilatérale de l'I.G.I.A. qui ne voulait pas tenir compte des demandes de la conférence des grandes écoles dans l'organisation pédagogique du Mastère pas plus qu'elle ne se soumettait aux prescriptions édictées par la conférence de grandes écoles,

- dans ce contexte, le nombre des étudiants inscrits à l'I.G.I.A. est passé de 99 à 58 pour l'année 1992-1993 puis à 33 pour l'année 1992-1994 et enfin à 29 pour l'année 1995-1996,

- à partir de 1991 l'I.G.I.A. a donc subi une baisse importante de ses ressources et c'est ainsi qu'au terme d'une procédure judiciaire, la somme de 2.093.037 francs a été mise à la charge de l'I.G.I.A., somme due à l'E.S.S.E.C,

- après avoir investi en temps et financièrement dans l'I.G.I.A., l'E.S.S.E.C. a dû, après la rupture des relations, créer, en 1993, un

nouveau Mastère dénommé Mastère spécialisé en gestion des entreprises agro-alimentaires ou Mastère G.E.A.

A partir de ce rappel de l'historique des relations, l'E.S.S.E.C. estime qu'aucun acte de concurrence déloyale ne peut lui être reproché et développe les éléments suivants :

- l'E.S.S.E.C, en 1995, contrairement aux affirmations des appelantes, n'a jamais tenté de prendre le contrôle de l'I.G.I.A. et les propos attribués à Monsieur DUVAL, président de l'E.S.S.E.C, lors d'une réunion du 11 décembre 1995, n'ont jamais été tenus. Si Monsieur DUVAL a participé à la fin de la réunion, ce n'était que pour tenter un rapprochement des deux écoles, rapprochement que les enseignants de l'I.G.I.A. ont eux-mêmes souhaité, conscients qu'il s'agissait là de la seule solution de viabilité de l'I.G.I.A.,

- le 14 novembre 1995, sous l'égide du recteur de l'institut catholique de PARIS, une nouvelle réunion s'est tenue dans le même but de tenter un rapprochement entre l'I.G.I.A. et le groupe E.S.S.E.C ; une autre réunion a eu pareillement lieu le 7 décembre 1995, également en présence de Monsieur DUPUIS, président de l' I.G.I.A.,

- toujours dans le même but, un rendez-vous a eu lieu le 12 janvier 1996 à l'Institut polytechnique SAINT LOUIS, en présence de toutes les parties concernées, qui sont alors convenues "qu'il était de l'intérêt des parties présentes de trouver une solution intelligente aux problèmes posés par l'existence de deux programmes concurrents à l'E.S.S.E.C. et à l'Institut Polytechnique SAINT LOUIS, que le maintien de l'association I.G.I.A. est souhaitable ... qu'il était nécessaire dorénavant de construire et proposer un schéma",

- à l'issue de cette réunion un comité de projet a été créé et deux réunions eurent lieu le 13 février 1996 et le 12 mars 1996 mais les tentatives de rapprochement se sont soldées par un échec, fin mars

1996, dans la mesure où l'I.G.I.A. n'avait pas établi un schéma de propositions destinées à envisager la collaboration pour la rentrée 1996-1997,

- dans ce contexte, l'I.G.I.A., qui connaissait déjà des difficultés financières depuis son installation à l'Institut polytechnique SAINT LOUIS, a vu le nombre de ses inscriptions chuter et ses professeurs, depuis 1995, étaient dans une situation extrêmement délicate, n'étant pas totalement payés et sous la menace de licenciement, contraints d'engager des procédures judiciaires.

C'est dans ce contexte que les démissions litigieuses sont intervenues le 14 mai 1996.

Sur ce point, l'intimée précise que parmi les enseignants concernés, Monsieur G... avait été détaché par elle pour assurer la direction des programmes de l'I.G.I.A. et reprenait automatiquement ses fonctions au sein de l'E.S.S.E.C., en cas de démission de l'I.G.I.A.. En outre, trois des six démissionnaires ont été recrutés par l'Union de l'Association du groupe E.S.S.E.C. entre 1987 et 1989. L'E.S.S.E.C. souligne que les démissions sont motivées d'une part, par le non respect du plan de développement de l'I.G.I.A. à cinq ans au conseil d'administration du 18 novembre 1994 et l'absence de stratégie alternative assurant la fiabilité de l'I.G.I.A. pour les années à venir, et, d'autre part, par le non paiement des parts variables des salaires depuis 1993, ce qui constituait une violation des dispositions contractuelles.

En droit, l'E.S.S.E.C rappelle qu'aucune condamnation ne peut intervenir sur une "présomption de débauchage" et rien ne permet d'affirmer qu'elle serait à l'origine de l'attitude légitime et fondée des enseignants concernés.

Il convient, selon l'intimée, de souligner que certains professeurs ont fait acte de candidature auprès d'organismes extérieurs.

A titre subsidiaire, elle fait valoir que les sommes demandées en réparation du prétendu préjudice subi sont sans rapport ni mesure avec les faits invoqués : la baisse des étudiants était certaine et ancienne, dès avant les démissions, les sommes investies pour la formation des professeurs démissionnaires ne sont pas justifiées et les interruptions de contrat de formation en cours, qui résulteraient du départ des professeurs, ne sont pas plus établies.

L'E.S.S.E.C. demande la confirmation du jugement en ce qu'il lui a alloué la somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts pour atteinte à sa dignité, en sa qualité de grande école, internationalement reconnue. SUR CE,

Considérant qu'il ressort des écritures de l'appelante (pages 16 et suivantes de ses dernières conclusions) que les demandes de l'I.G.I.A. sont fondées sur des actes de concurrence déloyale dont l'E.S.S.E.C. se serait rendue coupable à son égard, caractérisés, dans un premier temps, par une tentative de prise de contrôle de l'I.G.I.A. et, après échec de cette première manoeuvre, par un débauchage massif de son personnel, principal capital de l' I.G.I.A. ;

Qu'il appartient à l'I.G.I.A. de rapporter la preuve des actes déloyaux qu'elle invoque ;

Que si le rappel très détaillé qui a été fait, de part et d'autre, des relations ayant existé entre les deux antagonistes, éclaire sur les liens juridiques et fonctionnels qui ont pu exister entre les parties, il convient d'écarter toute discussion concernant la perte du Mastère, perte résultant d'une décision de la conférence des Grandes Ecoles, non imputable à l' E.S.S.E.C et dont celle-ci a subi les conséquences tout autant que l'I.G.I.A., ainsi que cela ressort du rapport non contesté de Monsieur D... ; qu'au reste l'appelante évoque cet élément dans l'historique qu'elle fait des relations entre

l'E.S.S.E.C et elle-même et non à titre d'argument déterminant du présent litige ;

Considérant que tant à la suite de la perte de la possibilité pour l'I.G.I.A. de voir ses étudiants bénéficier du label Mastère, que du fait de l'installation de l'I.G.I.A. au sein de l'institut polytechnique SAINT LOUIS, que les relations entre les parties ont été fortement modifiées, sans que sur ce point encore, l'I.G.I.A. ne tente ni ne parvienne à dégager, de manière incontestable, des éléments susceptibles de caractériser un comportement fautif de la part de l'E.S.S.E.C. ;

Qu'il est tout aussi constant qu'à partir de 1992, l'I.G.I.A. a connu une baisse significative du nombre de ses étudiants, ce qu'elle ne conteste pas, attribuant ce phénomène, dont l'E.S.S.E.C. a été pareillement victime, à la conjoncture économique ;

Considérant, en ce qui concerne la tentative de prise de contrôle conduite par l'E.S.S.E.C. de manière évidente à partir de 1995, que l'appelante invoque le compte-rendu de son conseil d'administration du 11 décembre 1995 qui contient, notamment, un développement intitulé "PROPOSITION DU GROUPE E.S.S.E.C" rédigé dans les termes suivants "Monsieur DUVAL, président du directoire, est invité à rejoindre le conseil par Monsieur DUPUIS (président du conseil d'administration IGIA) et à faire les propositions du groupe E.S.S.E.C. Monsieur DUVAL propose aux administrateurs présents ou représentés, que l'E.S.S.E.C. prenne le contrôle de l'I.G.I.A. pour en assumer la direction et la gestion au sein du groupe, comme ce fut le cas dans le passé. Cette intégration suppose que les hommes qui ont assumé la direction de l'I.G.I.A. soient écartés. De plus, l'E.S.S.E.C. ne peut s'engager sur la reprise du personnel, particulièrement du personnel administratif. Enfin l'E.S.S.E.C. demande une garantie de passif" ;

Que cet exposé n'est suivi d'aucun compte-rendu des décisions qui ont eu lieu ni d'aucune mention d'une prise de position du conseil d'administration ;

Qu'il convient de ne pas donner à ce compte-rendu plus de force qu'il n'a, à savoir la relation d'événements par les membres du conseil d'administration de l'I.G.I.A., sans aucun contrôle de l'auteur de l'intervention faite au nom de l' E.S.S.E.C., alors que de nombreux éléments produits, postérieurs à ce compte-rendu, permettent d'établir que la situation était beaucoup plus délicate et complexe que ne l'affirme l'I.G.I.A. ; que cela ressort notamment d'une note établie en février 1995, par le personnel de l'I.G.I.A, à l'attention de son président et qui dès cette date, prenait la position suivante "il apparait aujourd'hui clairement que l'isolement institutionnel et académique handicape gravement le développement de l'I.G.I.A., compte-tenu de l'évolution récente du marché des 3èmes cycles. En outre, les difficultés de développement de l'IPSL se confirment et les écoles d'ingénieurs ne constituent pas le réservoir d'étudiants attendu. L'IPSL ne peut dont être un socle suffisamment solide pour y ancrer notre troisième cycle. Les négociations pour un rapprochement avec l'E.S.S.E.C., actuellement en cours, nous paraissent constituer un enjeu capital pour notre Institut. En effet, un partenariat avec l'E.S.S.E.C nous permettra .... Concernant cet accord de partenariat, nous estimons, conformément aux conclusions de la journée de réflexion du 28 mars validées par Monsieur Z... et présentées par celui-ci à B... RAOUL le 30 mars, qu'il n'existe à ce jour aucune stratégie alternative qui permette la viabilité de l'I.G.I.A., que pour cette raison tout doit être mis en oeuvre pour qu'un accord aboutisse dans des délais très brefs";

Que ce même document sous le titre "PERSONNEL ET RÉMUNÉRATION" contient les termes suivants "Aujourd'hui, un certain nombre

d'informations tendent à montrer que les rémunérations du personnel ne sont pas ou risquent de ne plus être assurées dans leur intégralité : certains membres du personnel risquent de se voir imposer un temps partiel qu'ils ne souhaitent pas, la rémunération de la part variable du salaire est remise en cause" ;

Que l'I.G.I.A., elle-même, a établi une note, en mars 1995, intitulée "Propositions pour une coopération entre l'I.G.I.A., l'E.S.S.E.C., les Ecoles de l'Enseignement supérieur de l'agro-alimentaire et des industries de la biologie, ainsi que leurs réseaux" ;

Considérant que les documents postérieurs confirment que la stratégie poursuivie alors, de concert entre les deux antagonistes d'aujourd'hui, était le rapprochement et nullement la prise de contrôle, déloyale, brutale et à terme destructrice pour l'I.G.I.A. ; que cela ressort des réunions organisées à l'initiative du Recteur d'Académie, Monsieur E..., les 14 novembre 1995 et 7 décembre 1995, dont les comptes-rendus précisent notamment que "La réunion a été organisée à l'initiative de Monsieur A..., dans le but d'étudier les possibilités de rapprochement de l'I.G.I.A. du groupe E.S.S.E.C., afin d'améliorer l'offre aux étudiants et aux entreprises, dans le domaine de l'agro-alimentaire" ou bien encore que "Le groupe E.S.S.E.C. est prêt à assumer la responsabilité de l'I.G.I.A. pour autant que : un arrêté des comptes dûment certifié soit réalisé à un moment donné, une lettre d'intention claire doit être établie au 31 janvier 1996, permettant la préparation en commun de la rentrée de septembre 1996" ;

Que d'autres réunions, visant toujours au rapprochement des deux organismes, ont eu lieu les 12 janvier 1996, 13 février 1996 et 8 mars 1996 alors que des contacts étaient pris entre les présidents de l'E.S.S.E.C., de l'I.G.I.A. et de l'Institut polytechnique SAINT LOUIS ; que notamment, le 23 juin 1995, Monsieur DUPUIS, président de

l'I.G.I.A., écrivait à Monsieur DUVAL, président de l'E.S.S.E.C., notamment en ces termes : "J'ai bien noté que le souhait de l'E.S.S.E.C. rejoignait le nôtre pour établir un accord de collaboration entre nos deux institutions" ;

Qu'il ressort de courriers échangés en juillet et septembre 1995, entre les mêmes présidents, que tout rapprochement impliquait qu'une solution soit apportée à deux problèmes auxquels l'I.G.I.A. était confronté : sa dette vis-à-vis de l'E.S.S.E.C et son implication au sein de l'Institut polytechnique SAINT LOUIS ;

Qu'il ressort clairement des pièces produites que, dans ce contexte, les enseignants de l'I.G.I.A. souhaitaient vivement le rapprochement avec l'E.S.S.E.C ; que cela ressort, notamment, de notes du 26 février 1996 et 9 mai 1996 et d'un compte-rendu des délégués du personnel en date du 31 mai 1996 ;

Considérant que l'ensemble de ces éléments établit clairement, non pas la volonté unique et déterminée de l'E.S.S.E.C., de reprendre, à son seul avantage, le "contrôle" de l'I.G.I.A., mais uniquement une tentative de solution recherchée, dans l'intérêt de l'enseignement supérieur en matière agro-alimentaire en général, et dans l'intérêt des enseignants et de l'I.G.I.A. lui-même, alors confronté à la perte du mastère, puis au contexte économique et à une situation financière difficile, renforcée par ses engagements pris au sein de l'Institut polytechnique SAINT LOUIS ;

Qu'ils permettent également de situer la lettre de démission du 14 mai 1996, de six enseignants de l'I.G.I.A., dans le contexte factuel véritable qui est le sien ; que cette lettre collective est ainsi rédigée :

"Face au non respect du plan de développement de l'I.G.I.A. à cinq ans présenté au conseil d'administration de l'I.G.I.A. du 18 novembre 1994, et en l'absence d'une stratégie alternative assurant la

viabilité de l'I.G.I.A. pour les années à venir, face au non paiement des parts variables des salaires depuis 1993, pour certains professeurs, qui constitue une violation du contrat de travail, Messieurs ... ont décidé de démissionner de l'I.G.I.A. à compter du 19 mai 1996" ;

Que le non respect, par l'I.G.I.A., de ses engagements contractuels financiers, à l'égard des professeurs, est établi de manière certaine par les procédures prud'homales initiées par les enseignants et qui ont donné lieu à condamnation de l'I.G.I.A. alors que l'absence de "stratégie alternative" ressort clairement des éléments qui précèdent et qui établissent les solutions vainement envisagées entre l'I.G.I.A et l'E.S.S.E.C, notamment à l'instigation et sous l'intervention du recteur E... ;

Que le fait allègué et non contesté, que les professeurs démissionnaires aient retrouvé un poste au sein de l'E.S.S.E.C, sans respect de leur préavis, se justifie tant à raison de la volonté et de la décision prise par l'E.S.S.E.C. de maintenir le développement de l'enseignement supérieur en matière agro-alimentaire que par la nécessité pour ces enseignants de préparer activement la rentrée 1996-1997 au sein de leur nouvelle structure ; qu'il convient, en outre, de relever qu'il est justifié d'offres de services, faites par les enseignants démissionnaires, à d'autres employeurs éventuels ;

Qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'appelante ne rapporte nullement la preuve des agissements de concurrence déloyale qu'elle invoque, tant au regard d'une prétendue volonté de prise de contrôle fautive qu'en ce qui concerne une éventuelle campagne de débauchage, conduite, orchestrée par l'E.S.S.E.C pour son seul profit et pour ruiner les possibilités d'action de l'I.G.I.A., après l'échec de toute tentative amiable de rapprochement ;

Qu'à bon droit les premiers juges ont rejeté la demande formée par

l'I.G.I.A. et ont fait droit à la demande reconventionnelle formée par l'E.S.S.E.C ;

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de cette dernière les frais irrépétibles exposés et que l'équité commande de lui allouer, à ce titre, la somme de 20.000 francs ; PAR CES MOTIFS, LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

RECOIT l'association INSTITUT DE GESTION INTERNATIONALE AGRO ALIMENTAIRE, dite I.G.I.A. en son appel,

L'EN DEBOUTE,

APRES ADJONCTION DE MOTIFS,

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y AJOUTANT,

CONDAMNE l'I.G.I.A. à payer à l'association ECOLE SUPERIEURE DES SCIENCES ECONOMIQUES ET COMMERCIALES, dite E.S.S.E.C., la somme de VINGT MILLE FRANCS (20.000 francs) au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

LE CONDAMNE aux entiers dépens et dit que Maître C... pourra recouvrer directement contre lui les frais avancés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Catherine Y...,

Colette GABET-SABATIER.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-960
Date de la décision : 25/11/1999

Analyses

CONCURRENCE DELOYALE OU ILLICITE - Faute - Manoeuvres dans le but de désorganiser une entreprise concurrente - Preuve non rapportée - /

Il appartient à celui qui fonde sa demande sur des actes de concurrence déloy- ale de rapporter la preuve des actes déloyaux qu'il invoque. Un institut d'enseignement supérieur spécialisé qui invoque une tentative de prise de con- trôle hostile par un groupe concurrent ainsi qu'un débauchage massif de son personnel, alors qu'il résulte clairement des éléments versés aux débats que le rapprochement litigieux ne visait pas tant à prendre le contrôle, mais consistait à proposer une solution dans l'intérêt de la branche d'enseignement concernée, de ses enseignants et de l'institut lui-même, lequel se trouvait confronté au retrait d'un mastère et à une conjoncture économique et financiè- re difficiles, ne rapporte pas la preuve d'agissements de concurrence déloyale conduits et orchestrés par son concurrent pour son seul profil et pour ruiner ses propres possibilités d'action après l'échec d'une tentative amiable de rappro- chement. De même, la circonstance qu'un groupe d'enseignants ait démissionné collectivement en dénonçant le non respect par l'institut employeur de son plan de développement, l'absence de stratégie alternative assurant sa viabilité, ou encore le non paiement des parts variables des salair- es depuis plusieurs années, pour retrouver ensuite des postes dans le groupe concurrent, dont ils étaient issus, se justifie en l'espèce, tant par la nécessité du groupe de maintenir un enseignement dans la branche concernée que par la nécessité pour les enseignats de préparer la rentrée universitaire, alors que la défaillance de l'institut les employant précédemment est établie


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-11-25;1997.960 ?
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