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18/11/1999 | FRANCE | N°1997-3389

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 novembre 1999, 1997-3389


FAITS ET PROCEDURE

La Compagnie Générale de Développement Immobilier, dite COGEDIM, devenue aujourd'hui OGDI à la suite d'un changement de dénomination, est une société anonyme ayant son siège à LEVALLOIS PERRET (Hauts-de-Seine), spécialisée, avec ses filiales, dans la promotion immobilière.

Au 30 juin 1995, COGEDIM comptait environ quatre cents actionnaires et la répartition de son capital était la suivante :;

- Groupe PARIBAS

4.756.352 titres soit 77,4 %

- Institutionnels

1.203.377 titres soit 19,58 %

- Public

186.425

titres soit 3,02 %

dont 17.443 titres, soit 0,28 % détenus par Monsieur X... et 30.062 titres, soit 0,49 %...

FAITS ET PROCEDURE

La Compagnie Générale de Développement Immobilier, dite COGEDIM, devenue aujourd'hui OGDI à la suite d'un changement de dénomination, est une société anonyme ayant son siège à LEVALLOIS PERRET (Hauts-de-Seine), spécialisée, avec ses filiales, dans la promotion immobilière.

Au 30 juin 1995, COGEDIM comptait environ quatre cents actionnaires et la répartition de son capital était la suivante :;

- Groupe PARIBAS

4.756.352 titres soit 77,4 %

- Institutionnels

1.203.377 titres soit 19,58 %

- Public

186.425 titres soit 3,02 %

dont 17.443 titres, soit 0,28 % détenus par Monsieur X... et 30.062 titres, soit 0,49 % détenus par la société MINALCO dont le même Monsieur X... était le dirigeant.

Dès l'année 1993, l'activité de la société COGEDIM a été affectée par la crise immobilière et ladite société a affiché les résultats déficitaires ci-après : 1993 : 679,6 millions de francs pour des capitaux propres de 37 millions de francs. 1994 : 1.088 millions de francs pour des capitaux propres de 560 millions de francs.

Eu égard à cette situation, des mesures de redressement ont été envisagées et notamment l'octroi d'un prêt de 1 milliard de francs, porté ultérieurement à 2 milliards de francs par la banque PARIBAS, une augmentation de capital d'environ 300 millions de francs, l'émission d'un emprunt convertible de 299.992 millions de francs.

L'Assemblée Générale, qui s'est tenue le 22 juin 1994, délibérant en application de l'article 241 de la loi du 24 juillet 1966, a voté à l'unanimité la poursuite de l'activité, après avoir constaté que les

capitaux propres étaient inférieurs à la moitié du capital social après affectation des résultats de l'exercice 1993.

Le 05 mai 1995, le conseil d'Administration a annoncé qu'il avait demandé la suspension de la cotation en bourse du titre COGEDIM et a annoncé la mise en place du plan de recapitalisation selon les modalités suivantes :

[* affectation de la totalité des réserves existantes à l'apurement partiel du report à nouveau débiteur,

*] réduction de capital à zéro par annulation de la totalité des 6.146.154 actions composant le capital social, sous conditions suspensive d'une augmentation de capital ouverte à l'ensemble des actionnaires,

[* augmentation de capital en numéraire de 1.024.359.000 francs par émission de 10.243.590 actions au nominal avec droit préférentiel de souscription de 5 actions nouvelles pour trois anciennes,

*] nouvelle réduction du capital de 50 %, le nominal étant ramené à 50 francs.

Il était en outre précisé, dans le communiqué que, aux termes de ces opérations, la situation s'élèverait à 457 millions de francs pour un capital de 512 millions de francs mais que l'exercice 1995 serait à nouveau largement déficitaire du fait de la persistance de la crise immobilière.

Lors de l'Assemblée Générale Mixte qui s'était tenue le 30 juin 1995, le plan de recapitalisation a été adopté avec 5.855.147 voix pour et 50.740 voix contre, dont celles de Monsieur X....

Les opérations de souscription ont été ouvertes le 17 juillet 1995 et se sont achevées le 28 juillet 1995.

A l'issue de celles-ci, le groupe PARIBAS détenait 10.242.010 titres, soit 99,98 % et le public, dont Monsieur X..., 1.580 titres soit 0,02 %.

Par acte du 13 juillet 1995, Monsieur X... a assigné la société COGEDIM devant le juge des référés du Tribunal de Commerce de NANTERRE afin de voir suspendre les opérations de capitalisation adoptées lors de l'Assemblée Générale Mixte du 30 juin 1995.

Par ordonnance en date du 18 juillet 1995, confirmée par arrêt de cette Cour du 28 juillet 1995, la demande formée par Monsieur X... a été rejetée.

Parallèlement, et toujours par acte du 13 juillet 1995, Monsieur X... a saisi le Tribunal de Commerce de NANTERRE d'une instance au fond tendant à voir constater l'abus de majorité commis au seul profit du groupe majoritaire PARIBAS et à obtenir en conséquence, l'annulation des résolutions prises lors de l'Assemblée Générale Mixte du 30 juin 1995 et plus précisément les quatrième, cinquième, sixième, septième et huitième résolutions qui nuisent à l'intérêt des actionnaires minoritaires ainsi qu'à l'intérêt social de la COGEDIM dont la survie artificielle a été organisée au seul bénéfice du groupe PARIBAS.

Par ailleurs, et alors que l'assignation au fond ci-dessus évoquée avait été placée, Monsieur X... et d'autres personnes physiques, ex-petits actionnaires de la COGEDIM, ont porté plainte, dans le courant du mois de septembre 1995, avec constitution de partie civile, entre les mains du doyen des juges d'instruction de NANTERRE pour abus de biens sociaux, faisant valoir notamment que les mandataires sociaux de la COGEDIM auraient, lors de l'Assemblée Générale Mixte du 30 juin 1995, fait de leurs voix un usage contraire aux intérêts de la société pour favoriser le groupe PARIBAS.

L'action introductive au fond par Monsieur X... a donné lieu à trois jugements avant dire droit :

- le premier en date du 31 janvier 1996, rejetant la demande de désistement d'instance formée par Monsieur X..., mais omettant

de statuer sur la demande de sursis à statuer formée à titre subsidiaire par l'intéressé, sur le fondement de l'article 4 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale, - le deuxième, rectificatif, en date du 26 juin 1996, rejetant la demande de sursis à statuer précédemment évoquée, - le troisième, en date du 20 novembre 1996, rejetant une nouvelle demande de sursis à statuer déposée par Monsieur X..., motif pris qu'il aurait saisi le Premier Président de cette Cour d'une demande d'autorisation d'appel immédiat (requête rejetée entre temps).

Par ailleurs, par un quatrième jugement en date du 07 février 1997, le Tribunal de Commerce de NANTERRE, statuant au fond, a débouté Monsieur X... de ses prétentions.

Monsieur X... a relevé appel de l'ensemble de ces décisions par quatre déclarations séparées toutes reçues au greffe de la Cour le 05 mars 1997.

La Cour d'Appel de VERSAILLES, par un arrêt rendu le 10 septembre 1998, a ordonné la jonction des appels interjetés à l'encontre de ces différents jugements.

MOYENS DES PARTIES

A l'appui de son recours, Monsieur X..., renonçant à son désistement d'instance, fait principalement grief aux premiers juges d'avoir déclaré la demande de sursis à statuer irrecevable.

A cet égard, il fait valoir que le Tribunal de Commerce de NANTERRE ne pouvait pas fonder sa décision sur l'article 5 du Code de Procédure Pénale, dès lors que les dispositions dudit article, énonçant les conditions d'irrecevabilité de l'action pénale, relèvent de la compétence exclusive du juge pénal. Il ajoute à titre accessoire que, pour que la règle una via electa puisse trouver application, il est nécessaire qu'il y ait identité totale de parties, d'objet et de cause entre l'action civile et l'action

pénale.

Il prétend qu'au contraire, le Tribunal aurait dû faire application de l'article 4 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale, lequel impose aux juges de surseoir à statuer dès lors que la décision à intervenir sur l'action publique est susceptible d'influer sur celle qui sera rendue par la juridiction civile.

Il soutient à cet effet que l'action civile pour abus de majorité, fraude et excès de pouvoirs est dépendante de l'instance pénale en cours pour présentation de comptes annuels inexacts, abus des biens et du crédit, et usage des voix et des pouvoirs contraires aux intérêts de COGEDIM. Il estime qu'en raison de l'identité des faits allégués tant dans l'assignation que dans la plainte avec constitution de partie civile mettant en évidence le délit d'abus des voix et des pouvoirs des dirigeants de COGEDIM majoritairement issus des rangs de PARIBAS, principal actionnaire et bailleur de fonds, lors du vote de l'Assemblée Générale du 30 juin 1995, il est impératif de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale susceptible de caractériser l'abus de majorité commis par PARIBAS au détriment de COGEDIM et de ses actionnaires minoritaires.

Il demande, en conséquence, l'infirmation du jugement du 26 juin 1996 dans toutes ses dispositions et de tirer toutes les conséquences du sursis à statuer sur les jugements postérieurs des 20 novembre 1996 et 07 février 1997.

Monsieur X... reproche, à titre subsidiaire, aux juges consulaires d'avoir fait une appréciation inexacte des éléments fournis pour démontrer l'abus de majorité et la fraude à la loi commis par PARIBAS, actionnaire majoritaire, et d'avoir fondé son raisonnement sur des interprétations très contestables de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

Il considère, en premier lieu, que les résolutions adoptées le 30 juin 1995, contrairement à l'intérêt social de COGEDIM, ont été prises dans l'unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de ceux de la minorité entraînant ipso facto une rupture d'égalité entre les associés.

Il rappelle ainsi en préalable que l'article 241 de la loi du 24 juillet 1966 n'impose pas la réalisation d'un coup dit "d'accordéon" pour reconstituer des fonds propres et qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir proposé d'autres solutions lors de l'Assemblée Générale.

Mais il fait surtout valoir que l'opération ne satisfait aucunement l'intérêt commun des associés que les dirigeants de COGEDIM ont négligé au profit exclusif de l'actionnaire majoritaire, la banque PARIBAS, seule bénéficiaire de l'opération votée le 30 juin 1995.

Il prétend qu'au contraire le "coup d'accordéon" remet en cause la qualité et les droits d'actionnaire, sans qu'aucune indemnisation n'ait à aucun moment été proposée.

Il fait essentiellement valoir à cet effet que le maintien de la qualité d'actionnaire de COGEDIM était soumis à un nouvel effort financier ce qui constitue une augmentation de ses engagements. Or, il affirme que ce nouvel engagement en capital était fortement déconseillé au vu des documents fournis lors de la présentation de l'augmentation de capital (contexte conjoncturel, documents sociaux de COGEDIM, prospectus destiné à l'information du public de 1995, avis de la Commission des opérations de Bourse). Il fait également remarquer l'absence de mise en oeuvre d'une procédure d'alerte par les commissaires aux comptes prévue par l'article 230-1 de la loi du 24 juillet 1966.

Il soutient en second lieu que l'opération de réduction de capital à zéro a été adoptée en fraude du principe de l'égalité des

actionnaires, et du droit à l'information des associés minoritaires sur la réalité des pertes de COGEDIM.

Il considère en effet que les dirigeants de COGEDIM ont utilisé le mécanisme a priori licite de l'article 241 pour atteindre un but illicite, la sortie des minoritaires contre leur intérêt, éludant ainsi la règle de l'intérêt commun des associés de l'article 1833 du Code Civil.

Il ajoute également que les comptes de 1993 et 1994 ne permettaient pas de donner aux minoritaires une image sincère et véritable de la situation financière de COGEDIM au 22 juin 1994, lorsque les actionnaires ont été invités à se prononcer sur la poursuite de l'activité sociale, ainsi qu'au 30 juin 1995, date à laquelle l'opération de coup d'accordéon a été soumise au vote des actionnaires.

Il prétend en troisième lieu que les délibérations votées le 30 juin 1995 encourent la nullité pour excès de pouvoirs des dirigeants de COGEDIM dans l'unique dessein de favoriser PARIBAS.

Enfin, il conteste comme non fondées toutes les condamnations financières prononcées à son encontre que ce soit pour procédure abusive, abus de minorité ou au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Il sollicite, en conséquence, pour le cas où il ne serait pas fait droit à sa demande de sursis à statuer, l'infirmation des jugements des 20 novembre 1996 et 07 février 1997 en toutes leurs dispositions, et réclame à réclame à COGEDIM une indemnité de 400.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi que la condamnation de cette société aux entiers dépens.

*

La société COGEDIM, devenue OGDI, conteste en touts points l'argumentation de Monsieur X....

Elle demande au préalable que soit écarté la demande de désistement d'instance formée par Monsieur X... et ce en vertu de l'article 395 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Elle fait ensuite valoir que la demande en sursis à statuer est irrecevable en vertu de l'article 5 du Code de Procédure Pénale, seul applicable en l'espèce. Elle rappelle à cet effet que Monsieur X... a saisi le Tribunal de Commerce de NANTERRE avant de déposer plainte avec constitution de partie civile. Elle en déduit que, dans ces conditions, l'article 4 du Code de Procédure Pénale ne peut recevoir application en la présente instance.

Elle considère qu'en tout état de cause, la décision pénale n'est pas susceptible d'influer sur la solution de l'instance commerciale. Elle soutient à cet effet que les faits allégués dans la plainte n'ont aucun rapport avec la procédure commerciale. Elle ajoute que les demandes formées dans l'assignation commerciale et dans la plainte ont une finalité différente. Elle rappelle ainsi que la procédure commerciale intentée par Monsieur X... a pour unique objet d'obtenir l'annulation des délibérations de l'Assemblée Générale des actionnaires du 30 juin 1995 ayant décidé la recapitalisation de COGEDIM, alors que la procédure pénale a pour objet d'obtenir d'éventuelles condamnations pénales et une indemnisation éventuelle contre des personnes physiques.

Elle demande, en conséquence, la confirmation du jugement rendu le 26 juin 1996 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE.

La COGEDIM fait ensuite valoir que, contrairement aux allégations de Monsieur X..., toutes les délibérations de l'Assemblée Générale du 30 juin 1995 étaient parfaitement régulières en droit et en fait.

Elle soutient tout d'abord que toutes les informations relatives aux circonstances ayant imposé la recapitalisation de COGEDIM ont bien été transmise aux actionnaires.

Elle rappelle ensuite que le principe de la recapitalisation d'une société par réduction de son capital à zéro suivie d'une augmentation de capital est une opération licite en vertu des articles 71 et 241 de la loi du 24 juillet 1966.

Elle affirme que la réalisation du "coup d'accordéon", voté le 30 juin 1995, n'a donné lieu à aucun abus de majorité. Elle en veut pour preuve que la COB n'a critiqué ni le principe, ni les modalités de l'opération effectuée sur le capital de la COGEDIM.

Elle fait ainsi valoir que l'Assemblée Générale Mixte de la COGEDIM a voté à l'unanimité la poursuite de l'activité sociale, après avoir constaté que les capitaux propres étaient devenus inférieurs à la moitié du capital social. Elle en déduit, que compte tenu des circonstances, l'opération de recapitalisation de la COGEDIM, par ailleurs votée à une écrasante majorité des actionnaires, était nécessaire et parfaitement conforme à l'intérêt social de l'entreprise.

Elle ajoute que l'égalité des actionnaires et l'intérêt commun n'a pas été rompue puisqu'aucune charge supplémentaire n'a été imposée à certains d'entre eux et qu'ils ont conservé leur droit préférentiel de souscription à l'augmentation de capital.

Elle conclut en rappelant que l'opération de recapitalisation n'avait ni pour objet, ni pour effet de transférer tout ou partie des actifs de COGEDIM au Groupe PARIBAS.

Elle prétend ensuite que les opérations de recapitalisation n'ont pas été réalises en fraude des intérêts de Monsieur X....

Elle allègue qu'au contraire la demande d'annulation des résolutions

votées le 30 juin 1995 à une écrasante majorité, formée par Monsieur X... constitue un abus de minorité. Elle estime en effet que non seulement cette demande est contraire à l'intérêt social de la COGEDIM, mais qu'elle tend uniquement à favoriser les propres intérêts de Monsieur X... au détriment de ceux de l'ensemble des autres associés.

Elle sollicite, en conséquence, la confirmation du jugement rendu le 07 février 1997 mais elle porte la demande de condamnation de Monsieur X... en réparation du préjudice porté à l'image commercial de COGEDIM à la somme de 1.000.000 de francs.

Elle sollicite également la confirmation des jugements des 20 novembre 1996 et 07 février 1997 ayant condamné Monsieur X... en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

, sauf à se voir accorder, sur le même fondement, une indemnité complémentaire de 400.000 francs en couverture des frais qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel. MOTIFS DE LA DECISION

[* Sur le désistement d'instance

Considérant que Monsieur X... n'entend plus remettre en cause le jugement rendu le 31 janvier 1996 en ce qu'il a rejeté sa demande de désistement d'instance ; que cette décision sera confirmé de ce chef. *] Sur l'application de l'article 5 du Code de Procédure Pénale

Considérant qu'en vertu de l'article 5 du Code de Procédure Pénale, la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive.

Considérant que la société COGEDIM soutient que la demande de sursis à statuer de Monsieur X... est irrecevable au seul motif que l'action pénale est postérieure à l'action civile.

Considérant que l'assignation introductive de la présente instance a été signifiée le 13 juillet 1995 et que la consignation sur plainte

avec constitution de partie civile a été effectué le 02 octobre 1995 ; qu'il en résulte que l'instance commerciale était en cours lorsque la plainte a été déposée.

Mais considérant d'une part que l'article 5 du Code de Procédure Pénale énonce les conditions d'irrecevabilité de l'action pénale lorsqu'une action civile a été antérieurement engagée ; que, d'autre part, l'exception d'irrecevabilité ne peut être invoquée que devant la juridiction pénale et uniquement par le prévenu ; qu'en conséquence, l'article 5 du Code de Procédure Pénale est sans application à la présente instance commerciale.

* Sur l'application de l'article 4 du Code de Procédure Pénale

Considérant qu'en vertu de l'article 4 du Code de Procédure Pénale, l'action civile peut être exercée séparément de l'action publique, mais qu'il est toutefois sursis à statuer au jugement de cette action exercée devant la juridiction civile tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique lorsque celle-ci a été mise en mouvement ; qu'il s'infère de cette disposition que la règle de la triple identité d'objet, de cause et de parties n'est pas une condition d'application dudit article, comme elle l'est pour l'article 5 précité, et qu'il est de jurisprudence constante que le sursis à statuer doit être ordonné dès lors que la décision à intervenir sur l'action publique est susceptible d'influer sur celle qui sera rendue par la juridiction civile.

Considérant que Monsieur X... demande à la Cour de ce siège de prononcer l'annulation des résolutions 4, 5, 6, 7, 8 votées à l'Assemblée Générale Mixte de la COGEDIM du 30 juin 1995 pour abus de majorité, fraude et excès de pouvoirs, et que les plaignants devant la juridiction pénale, dont Monsieur X..., se sont constitués parties civiles pour présentation de comptes annuels exacts, d'abus de biens et du crédit, et d'usage de voix et des pouvoirs contraires

aux intérêts de la société COGEDIM, délits réprimé par l'article 437 de la loi du 24 juillet 1966.

Considérant que Monsieur X..., à l'appui de ses demandes, relate, dans le cadre des deux actions, le déroulement d'une politique stratégique de spoliation de la COGEDIM mise en place par la banque PARIBAS, actionnaire majoritaire et principal bailleur de fonds, via les dirigeants issus de ses rangs ; qu'il expose notamment que, le 1er octobre 1994, PARIBAS a mis en place au profit de la COGEDIM un prêt d'un milliard de francs au taux préférentiel de 1 % avec clause de retour à meilleurs fortune ; qu'elle a consenti un second prêt de deux milliards de francs aux mêmes conditions le 1er janvier 1995 ; que le 22 juin 1994, après avoir constaté que ses actifs nets étaient inférieurs à la moitié du capital social, l'Assemblée Générale Mixte de la COGEDIM a décidé à l'unanimité de poursuivre l'action sociale ; que lors de l'Assemblée Générale du 29 mars 1995 relative à la transformation de la société COGEDIM en société anonyme à Directoire et Conseil de Surveillance, il aurait été procédé au remplacement des structures dirigeantes par la nomination de dirigeants et d'administrateurs issus des rangs du Groupe PARIBAS ; que le 30 juin 1995, la COGEDIM a proposé de réduire le capital social à zéro avant une augmentation du capital pour reconstituer ses fonds propres ; qu'au vu du procès-verbal, les plaignants, dont Monsieur X..., important actionnaire minoritaire, ont désapprouvé le projet de recapitalisation au motif que la finalité des délibérations adoptées par l'Assemblée Générale du 30 juin 1995 était de permettre à la banque PARIBAS, ayant soutenu de manière abusive la COGEDIM, de réduire ses pertes au détriment de la société et de ses actionnaires minoritaires.

Considérant que Monsieur X... soutient encore que, dans le cadre des deux actions, d'une part, la présentation et la publication des

comptes annuels ne donneraient pas une image fidèle de la situation financière et du patrimoine de COGEDIM, tels que présentés lors des Assemblées Générales des 22 juin 1994 et 30 juin 1995 ; que d'autre part, et surtout, les dirigeants et les administrateurs de la COGEDIM auraient fait un usage des voix et des pouvoirs qu'ils possèdent ou disposent dans des conditions qu'ils savaient contraires aux intérêts de la COGEDIM pour favoriser les seuls intérêts de PARIBAS qu'ils représentaient directement ou indirectement.

Considérant que, dès lors que les conditions dans lesquelles est intervenu le vote du 30 juin 1995 relatif au projet de recapitalisation de COGEDIM sont susceptibles d'être remises en question par l'enquête pénale actuellement en cours, il y a lieu de considérer que l'instance pénale procède des mêmes faits que l'instance commerciale et que, sauf à aboutir à un risque de contrariété de décisions, le sursis à statuer s'impose à la présente Cour, comme le prévoit l'article 4 du Code de Procédure Pénale. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré du 31 janvier 1996 en ce qu'il a rejeté la demande de désistement d'instance formé par Monsieur Joseph X...,

INFIRME le jugement subséquent du 26 juin 1996 en ce qu'il a rejeté la demande de sursis à statuer formée par Monsieur Joseph X..., Statuant à nouveau, tous droits et moyens des parties réservés,

ORDONNE sur le fondement de l'article 4 alinéa 2 du Code de Procédure Pénale le sursis à statuer au fond jusqu'à l'aboutissement de la plainte pénale déposée par Monsieur Joseph X... entre les mains du Juge d'Instruction de NANTERRE pour présentation de comptes

annuels inexacts, d'abus de biens et de crédit, et d'usage de voix et des pouvoirs contraires aux intérêts de la société COGEDIM, devenue OGDI, délits réprimés par l'article 437 de la loi du 24 juillet 1966, RESERVE les dépens. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M.Thérèse GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-3389
Date de la décision : 18/11/1999

Analyses

PROCEDURE CIVILE - "Le criminel tient le civil en état" - Affaire pénale de nature à exercer une influence sur la solution du litige - Portée

Selon les dispositions de l'article 4 du code de procédure pénale, l'action civile peut être exercée séparemment de l'action publique, sauf à ce qu'il soit sursis à statuer au jugement de cette action en attente du jugement définitif concernant l'action publique. Le sursis à statuer doit être ordonné chaque fois que la décision à intervenir sur l'action publique est susceptible d'influer sur celle qui sera rendue par la juridiction civile. Tel est le cas lorsque les actions civile et pénale engagées par un actionnaire, contestent la politique stratégique de spoliation d'une société de promotion immobilière par une banque qui en est l'actionnaire majoritaire, ainsi que le fait pour les dirigeants de la société d'avoir fait usage, en connaissance de cause, de leurs pouvoirs dans des conditions contraires aux intérêts de cette société. Les conditions dans lesquelles la recapitalisation de la société a été adoptée étant susceptibles d'être remises en cause dans l'enquête pénale en cours.


Références :

Code de procédure pénale article 4

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : M. ASSIE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-11-18;1997.3389 ?
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