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18/11/1999 | FRANCE | N°1997-21187

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 novembre 1999, 1997-21187


Monsieur X... a été engagé en qualité d'agent technique de contrôle le 5 janvier 1981 par la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE laquelle employait une centaine de salariés. Le 1er juillet 1992 il est devenu Responsable du service qualité.

En 1994 il percevait un salaire mensuel de base de 14 000 F plus une prime d'ancienneté de 1 322,45 F.

Par jugement rendu le 24 juin 1993 le tribunal de commerce de NANTERRE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE. Il a désigné Maître GOULLETQUER en qualité d'administrat

eur judiciaire et Maître BECHERET en qualité de représentant des créanciers. ...

Monsieur X... a été engagé en qualité d'agent technique de contrôle le 5 janvier 1981 par la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE laquelle employait une centaine de salariés. Le 1er juillet 1992 il est devenu Responsable du service qualité.

En 1994 il percevait un salaire mensuel de base de 14 000 F plus une prime d'ancienneté de 1 322,45 F.

Par jugement rendu le 24 juin 1993 le tribunal de commerce de NANTERRE a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE. Il a désigné Maître GOULLETQUER en qualité d'administrateur judiciaire et Maître BECHERET en qualité de représentant des créanciers.

Par jugement du 3 février 1994, le Tribunal de Commerce a adopté un plan de redressement par voie de cession au profit de la société STEINER laquelle s'engageait à reprendre 57 des 111 contrats de travail des salariés de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE. Il a nommé pour la durée du plan Maître GOULLETQUER commissaire à l'exécution du plan et a maintenu Maître BECHERET représentant des créanciers.

La société STEINER a créé la nouvelle société BRONZAVIA SA dont elle est devenue l'administrateur.

Le 18 février 1994, Maître GOULLETQUER es qualité d'administrateur judiciaire a licencié pour motif économique 54 salariés de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE, dont Monsieur X....

Celui-ci a accepté la convention de conversion qui lui était proposée. Il a demandé à bénéficier d'une priorité de réembauchage au sein de la société BRONZAVIA SA.

Le 27 mars 1994, il a saisi le Conseil des Prud'hommes de NANTERRE pour voir dire que son licenciement était nul et qu'en vertu de l'article L 122-12 du code du travail la société BRONZAVIA était

tenue de poursuivre son contrat de travail.

Il lui a demandé à titre subsidiaire de dire son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et de fixer sa créance au redressement judiciaire de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE à : - 150 000 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 150 000 F à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements.

Il lui a demandé à titre très subsidiaire de condamner Maître GOULLETQUER à payer cette indemnité et à titre encore plus subsidiaire de dire que l'ordre des licenciements n'a pas été respecté et de lui allouer une somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'article L 321-1-1 du code du travail.

Par jugement du 8 mars 1996, le Conseil des Prud'hommes l'a débouté de toutes ses demandes.

Pour dire valable le licenciement, le Conseil des prud'hommes a relevé que Maître GOULLETQUER, conformément à l'article 63 de la loi du 25 janvier 1985, après avoir informé et consulté le comité d'entreprise les 11 et 17 février 1994, avait envoyé la lettre de licenciement à Monsieur X... dés le 18 février 1994, soit dans mois du jugement du 3 février 1994 arrêtant le plan de redressement organisant la cession du fonds de commerce.

Pour rejeter la demande de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a retenu que la réalité du motif économique était suffisamment explicite dans le jugement du 3 février 1994 et que les difficultés économiques de la société étaient démontrées.

Pour débouter Monsieur X... de sa demande de dommages-intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements, il a relevé que celui-ci ayant accepté la convention de conversion qui lui avait été

proposée était mal fondé à contester cet ordre.

Monsieur X..., appelant, conclut à l'infirmation du jugement.

Il demande à la Cour à titre principal de constater la nullité de son licenciement et la violation de l'article L 122-12 alinéa 2 du code du travail et de condamner la société BRONZAVIA SA absorbée par la société STEINER BRONZAVIA à lui régler la somme de 150 000 F à titre de dommages-intérêts et celle de 7 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Il lui demande à titre subsidiaire de constater l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement et par conséquent de fixer sa créance au passif de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE à ce titre à hauteur de 150 000 F et de déclarer l'arrêt à intervenir opposable au CGEA ILE DE FRANCE OUEST.

Il lui demande à titre très subsidiaire de dire que son licenciement a été prononcé en violation des critères d'ordre des licenciements, de fixer sa créance au passif de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE à titre de dommages-intérêts pour non respect de l'ordre des licenciements à la somme de 150 000 F et de déclarer l'arrêt opposable au CGEA ILE DE FRANCE OUEST.

La SA STEINER BRONZAVIA venant aux droits de la société BRONZAVIA SA conclut au mal fondé de l'appel de Monsieur X... et demande à titre subsidiaire à être mise hors de cause.

Maître BECHERET, mandataire judiciaire, conclut à la confirmation du jugement et au rejet des demandes de Monsieur X....

L'AGS demande à la Cour de lui donner acte de son intervention volontaire accessoire à l'appui des prétentions du CGEA ILE DE FRANCE OUEST;

Le CGEA ILE DE FRANCE OUEST lui demande de confirmer le jugement entrepris, de débouter Monsieur X... de ses demandes, subsidiairement, de dire que l'AGS et le CGEA ne doivent pas leur

garantie à raison des dommages-intérêts pour préjudice moral et en raison de l'indemnité sollicitée sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et de dire que l'arrêt ne sera opposable à l'AGS que dans la limite des articles L 143-11-1 et suivants et D 143-2 du code du travail et dans la limite du plafond 4.

La société BRONZAVIA AERONAUTIQUE et Maître GOULLETQUER es qualité ne se présentent pas à l'audience du 20 octobre 1998 à laquelle ils ont été régulièrement convoqués. SUR CE

Sur la nullité du licenciement :

Considérant que l'article 63 de la loi du 25 janvier 1985 dispose que lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, ledit plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement, délai dans lequel les licenciements interviennent sur simple notification de l'administrateur, sans préjudice des droits de préavis prévus par la loi, les conventions ou accords collectifs du travail; qu'il ne peut être arrêté par le tribunal qu'après que le comité d'entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel ainsi que l'autorité administrative compétente ont été informés et consultés conformément aux dispositions des articles L 321-17, deuxième alinéa, et L 321-10 du code du travail;

Considérant que cet article déroge aux dispositions de l'article L 122-12 du code du travail lequel dispose que s'il survient une modification dans le situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise;

Considérant que l'article 64 du décret du 27 décembre 1984 précise que le jugement arrêtant le plan de cession indique le nombre de salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées;

Considérant qu'en l'espèce le jugement du 3 février 1994 renvoie au projet de la société STEINER contenu dans le rapport de l'administrateur judiciaire, projet auquel est annexée la liste des postes inclus dans la reprise de la société BRONZAVIA, et, par conséquent, par déduction, le nombre des salariés dont le licenciement est autorisé ainsi que les activités et catégories professionnelles concernées;

Considérant qu'il résulte du dossier que le comité entreprise a été consulté et informé du projet de reprise le 28 janvier 1994 soit avant l'audience du Tribunal de commerce ainsi que les 11 et 17 février 1994;

Considérant que le licenciement de Monsieur X... est intervenu moins d'un mois après le jugement arrêtant le plan de cession, soit dans le délai de l'article 63 de la loi du 25 janvier 1985;

Considérant que c'est donc à tort que celui-ci prétend que son licenciement est nul et que de ce fait son contrat a été repris par la société STEINER;

Sur la cause du licenciement :

Considérant que les motifs de son licenciement ont été exposés en ces termes à Monsieur X... dans la lettre de rupture du 18 février 1994 :

"Par jugement en date du 3 février 1994, ce même tribunal a adopté un plan de redressement par voie de cession au profit de la société STEINER.

Toutefois, ce plan ne prévoyant pas le maintien de la totalité des emplois, nous sommes contraints, après avoir informé et consulté le

Comité d'Entreprise, de vous notifier par la présente, la rupture de votre contrat de travail pour motif économique en application de l'article 63 de la Loi du 25 janvier 1985";

Considérant que cette lettre est suffisamment motivée pour permettre au salarié et aux juges de vérifier si les motifs qui y sont énoncés constituent ou non la cause réelle et sérieuse de Monsieur X...; Considérant qu'il résulte du dossier que le poste de celui-ci n'ayant pas été repris par la société STEINER a été supprimé;

Considérant que la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE n'ayant plus aucune activité du fait de sa cession, Maître GOULLETQUER ne pouvait reclasser Monsieur X... dans ladite société;

Considérant qu'il n'apparait pas du dossier que celle-ci ait appartenu à un groupe ou ait eu des filiales "in bonis"dans lesquelles il aurait pu tenter de reclasser celui-ci;

Considérant par ailleurs que Maître GOULLETQUER ne pouvait reclasser Monsieur X... au sein de la société STEINER ou au sein du groupe AUBERT ET DUVAL auquel appartenait celle-ci dans la mesure où l'article 62 de le loi du 25 janvier 1985 interdit d'imposer aux personnes exécutant le plan de cession de l'entreprise des charges autres que celles qu'elles ont souscrites au cours de l'élaboration dudit plan et que la société STEINER avait limité à 57 le nombre des contrats repris;

Considérant que Monsieur X... est mal fondé dans ces conditions à prétendre que son licenciement n'a pas de cause réelle et sérieuse; Sur les critères d'ordre des licenciements :

Considérant que l'article L 321-1-1 du code du travail qui précise que les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements doivent notamment prendre en compte les charges de famille et en particulier

celles des parents isolés, l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise, la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficiles et les qualités professionnelles appréciées par catégorie, impose à l'employeur de retenir la totalité des critères légaux et de ne privilégier l'un d'entre eux qu'à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères;

Considérant qu'il ressort du procès verbal du comité d'entreprise du 17 février 1994 que les seuls critères pris en compte pour fixer l'ordre des licenciements ont été la qualification professionnelle et la polyvalence;

Considérant toutefois qu'il n'apparait pas des pièces produites que si la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE avait pris en compte l'ensemble des critères définis par l'article L 321-1 Monsieur X... n'aurait pas été licencié étant observer que, selon la "liste du personnel repris et qualification" figurant au dossier aucun salarié ayant sa qualification n'a été repris;

Considérant qu'il convient dans ces conditions de limiter à la somme de 20 000 F les dommages-intérêts réparant le préjudice subi par Monsieur X... du fait du non respect de l'article L 321-1; PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Réforme le jugement en ce qu'il a débouté Monsieur Guy X... de sa demande de dommages-intérêts pour non-respect de l'ordre des licenciements;

Fixe à ce titre la créance de celui-ci au passif de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE à la somme de 20 000 F (VINGT MILLE FRANCS);

Confirme le jugement pour le surplus;

Y ajoutant,

Met hors de cause la SA STEINER BRONZAVIA;

Donne acte à l'AGS de son intervention volontaire accessoire à l'appui des prétentions du CGEA ILE DE FRANCE OUEST;

La déclare recevable;

Déclare le présent arrêt opposable à l'AGS dans la limite des articles L 143-11-1 et suivants et D 143-2 du code du travail et dans la limite du plafond 4;

Laisse les dépens à la charge de la société BRONZAVIA AERONAUTIQUE.

Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre, et Madame Y..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-21187
Date de la décision : 18/11/1999

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement économique

En vertu de l'article L122-12 du Code du travail, en cas de modification de la situation juridique de l'employeur, les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.L'article 63 de la loi du 25 janvier 1985, prévoit que lorsqu'un plan de redressement comporte des licenciements pour motif économique, ledit plan doit préciser les licenciements devant intervenir dans le délai d'un mois suivant le jugement et ce, sur simple notification de l'administrateur.Dès lors que l'article 63 précité déroge aux dispositions de l'article L 122-12 du code du travail et que l'article 64 du décret du 27 décembre 1984 précise que le jugement arrêtant le plan de cession indique le nombre et les catégories professionnelles d'appartenance des salariés dont le licenciement est autorisé, un salarié licencié dans le délai d'un mois après le jugement arrêtant un plan de cession n'est pas fondé à soutenir que son licenciement est nul et que son contrat de travail aurait été repris par le cessionnaire de l'entreprise


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-11-18;1997.21187 ?
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