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18/11/1999 | FRANCE | N°1997-21145

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 novembre 1999, 1997-21145


Monsieur X... a été engagé en qualité de technicien de laboratoire le 23 février 1981 par la société FRANCIS GAMICHON laquelle relève de la convention collective de la photographie professionnelle.

Il a eu ultérieurement la qualification de tireur filtreur.

Par lettre du 25 février 1994 il a été licencié pour motif économique. Il lui a été rappelé dans cette lettre qu'il avait la possibilité d'adhérer à la convention de conversion qui lui avait été proposée et que son adhésion avant le 10 mars entrainerait, en application de l'article L 321-6 du code du

travail, rupture de son contrat d'un commun accord, ladite rupture prenant effet le...

Monsieur X... a été engagé en qualité de technicien de laboratoire le 23 février 1981 par la société FRANCIS GAMICHON laquelle relève de la convention collective de la photographie professionnelle.

Il a eu ultérieurement la qualification de tireur filtreur.

Par lettre du 25 février 1994 il a été licencié pour motif économique. Il lui a été rappelé dans cette lettre qu'il avait la possibilité d'adhérer à la convention de conversion qui lui avait été proposée et que son adhésion avant le 10 mars entrainerait, en application de l'article L 321-6 du code du travail, rupture de son contrat d'un commun accord, ladite rupture prenant effet le 10 mars. Monsieur X... a accepté la convention de conversion qui lui avait été proposée.

Par lettre datée du 9 mars 1994, il a réclamé le paiement à son employeur de primes de panier.

Le 10 mars 1994 il a signé un reçu pour solde de tout compte.

Par lettre du 30 mars 1994 la société GAMICHON, en réponse à son courrier du 9 mars 1994, lui a indiqué que la prime de panier était incorporée dans son forfait.

Monsieur X... percevait en 1994 un salaire mensuel de base de 13 800 F outre une prime d'ancienneté qui s'élevait à 847,13 F au mois de février 1994.

L'entreprise employait plus de 10 salariés.

Le 26 mai 1994 Monsieur X... a saisi le Conseil des Prud'hommes de NANTERRE pour voir condamner son ancien employeur à lui payer la somme de 47 651,13 F à titre de primes de panier, outre les intérêts de droit.

A défaut de conciliation, l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement qui s'est déclaré en partage de voix.

A l'audience du 3 mai 1996, placée sous la présidence du juge départiteur, Monsieur X... a demandé au Conseil des prud'hommes de: - lui déclarer inopposable le reçu pour solde de tout compte, - condamner la société FRANCIS GAMICHON à lui payer les sommes suivantes:

- 87 622,08 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 47 744,48 F à titre de primes de panier,

- 4 774,48 F à titre de congés payés y afférent,

- 5 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société FRANCIS GAMICHON s'est opposée à ces demandes et a formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 13 septembre 1996, le Conseil des Prud'hommes, statuant en départage, a débouté Monsieur X... de sa demande visant à faire constater que le reçu pour solde de tout compte qu'il avait signé lui était inopposable, a déclaré irrecevables pour cause de forclusion les demandes en paiement de primes de panier et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et a débouté chaque partie de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Pour déclarer opposable à Monsieur X... le reçu pour solde de tout compte signé le 10 mars 1994, le Conseil des prud'hommes a retenu que ledit reçu pouvait être valablement signé le jour où le salarié quittait effectivement l'entreprise, ce qui était le cas en l'espèce.

Pour déclarer irrecevables pour cause de forclusion les demandes en paiement de primes de panier et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, il a relevé que le reçu pour solde de tout compte n'avait pas été dénoncé dans les 2 mois de sa signature et qu'il prévoyait que la somme versée au salarié valait "paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements et indemnités de toute nature dus à l'exécution et à la cessation du contrat de travail", ce qui incluait les primes de panier, accessoires du salaire et l'indemnité se fondant sur l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.

Monsieur X..., appelant, soutient que le reçu pour solde de tout compte signé avant son départ effectif de l'entreprise ne lui est pas opposable et qu'en toute hypothèse il n'a aucun effet libératoire pour la société en ce qui concerne les primes réclamées dans la mesure où lors de la signature dudit reçu cette question des primes n'avait pas été envisagée.

Il conteste par ailleurs le motif économique allégué par son employeur et fait observer que la lettre de licenciement étant dépourvue de toute motivation, le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Il soutient en outre que la suppression de poste alléguée n'a pas été démontrée et que la société FRANCIS GAMICHON pouvait procéder à son reclassement.

Il estime enfin que l'indemnité de panier à laquelle ses horaires lui donnaient droit ne lui a jamais été réglée.

Il demande donc à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de dire ses demandes recevables et de condamner la société GAMICHON à lui payer les sommes suivantes: - 47 744,48 F à titre de primes de paniers, - 4 774,44 F à titre de congés payés y afférent, - 87 622,08 F à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de

procédure civile.

Il lui demande à titre subsidiaire de dire que le reçu ne peut avoir d'effet libératoire pour la prime de panier, en conséquence, de condamner la société FRANCIS GAMICHON à lui payer les sommes de: - 47 744,48 F à titre de primes de paniers, - 4 774,44 F à titre de congés payés y afférent, - 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société FRANCIS GAMICHON réplique que Monsieur X... n'ayant pas contesté dans le délai de 2 mois de sa signature le reçu pour solde de tout compte qui portait sur tous les éléments de rémunération et les conséquences pécuniaires de la rupture est forclos en son action. Elle soutient à titre subsididaire que le licenciement a une cause réelle et sérieuse et que les primes de paniers étaient incluses dans le salaire de Monsieur X....

Elle demande en conséquence à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré Monsieur X... forclos en son action, en tout état de cause de déclarer celui-ci irrecevable et mal fondé en ses demandes, de l'en débouter et de le condamner à lui payer une somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE

Sur la recevabilité des demandes :

Considérant que Monsieur X... a signé son reçu pour solde de tout compte le 10 mars 1994 après avoir accepté la convention de conversion qui lui avait été proposée et le jour de son départ effectif et défintitif de l'entreprise;

Considérant que n'étant plus sous la dépendance de son employeur au moment de cette signature, il est mal fondé à prétendre que le reçu signé le 10 mars 1994 ne lui est pas opposable;

Considérant que ledit reçu prévoyait que la somme de 47 803,86 F

était versée au salarié en "paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et à la cessation de mon contrat de travail";

Considérant qu'un reçu ne peut avoir d'effet libératoire qu'à l'égard des éléments de rémunération nommément désignés et dont le montant peut être déterminé au moment de la rupture;

Considérant que les termes dans lesquels est rédigé le reçu du 10 mars 1994 ne permettent pas de déterminer les éléments de rémunération qu'il visait et notamment s'il visait ou non les primes de panier réclamées par Monsieur X... par lettre du 9 mars 1994;

Considérant que la demande de paiment de primes de panier de celui-ci est donc recevable;

Considérant par ailleurs que l'existence et le montant d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse étant incertains, seule une transaction signée après le licenciement et comportant des concessions réciproques des parties aurait pu empêcher Monsieur X... d'agir en justice pour demander une telle indemnité; Considérant que la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est donc également recevable;

Sur le licenciement :

Considérant que le motif de son licenciement a été exposé en ces termes à Monsieur X... dans la lettre de rupture du 25 février 1994:

"Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique, votre poste de laborantin (équipe de nuit) étant supprimé.

Après examen, il n'a pas été possible de procéder à votre reclassement.

Nous vous rappelons que vous avez la possibilité d'adhérer à une

convention de conversion. Vous devez vous prononcer avant le 10 mars 1994 (...).

Si le 10 mars au plus tard vous n'avez pas fait connaître votre adhésion à la convention ....

En revanche votre adhésion à la convention de conversion avant le 10 mars entraînerait en application de l'article L 321-6 du code du travail rupture de votre contrat de travail d'un commun accord. Cette rupture prendrait effet le 10 mars";

Considérant que les dispositions de l'article L 122-14-2 du code du travail étant applicables au salarié qui adhére à une convention de conversion et dont le licenciement a été décidé, la lettre notifiant au salarié son licenciement tout en lui proposant une convention de conversion doit être motivée;

Considérant que la lettre de licenciement pour motif économique doit mentionner les raison économiques prévues par l'article L 321-1 du code du travail et leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail;

Considérant que la lettre du 17 février 1994 ne mentionne pas les raisons économiques pour lesquelles le poste de laborantin de Monsieur X... était supprimé;

Considérant que l'employeur n'étant pas fondé à invoquer pour justifier la rupture du contrat de son salarié de motifs autres que ceux énoncés dans la lettre de licenciement, le licenciement de Monsieur X..., en l'absence de motif précis énoncé dans la lettre du 17 février 1994, est réputé sans cause réelle et sérieuse;

Considérant qu'il y a lieu dans ces conditions de condamner la société FRANCIS GAMICHON à payer à Monsieur X... une somme de 87 622,08 F en application de l'article L 122-14-4 du code du travail;

Sur les primes de panier :

Considérant qu'il résulte de l'attestation de Monsieur Y...,

directeur de production missionné pour négocier avec Monsieur X... le passage de celui-ci à l'équipe de nuit, ainsi que de celle de Monsieur LE Z..., technico commercial, délégué du personnel à l'époque où une équipe de nuit a été formée, qu'il avait été convenu avec Monsieur X... lors du passage de celui-ci à l'équipe de nuit que les primes de panier seraient incluses dans sa rémunération;

Considérant que le fait que Monsieur Y... soit associé au sein de la société FRANCIS GAMICHON et que Monsieur Z... n'ait pas assisté aux négociations avec Monsieur X... ne suffit pas à faire perdre auxdites attestations leur caractère probant;

Considérant que l'intégration des primes de panier au salaire de Monsieur X... est confirmée par l'augmentation du salaire de base de celui-ci lequel est passé de 8 150 F à 12 000 F entre le mois d'avril et le mois de mai 1990 sans que le coefficient et la qualification de celui-ci aient changé;

Considérant que la demande de paiement de primes de panier et de congés payés y afférent sera donc rejetée;

Sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que l'équité commande de laisser à chaque partie la charge des frais engagés pour faire valoir ses droits devant le Conseil des Prud'hommes puis la Cour;

Considérant qu'il n'y aura pas lieu à application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile; PAR CES MOTIFS

La COUR,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Réforme le jugement;

Déclare les demandes recevables;

Condamne la société FRANCIS GAMICHON à payer à Monsieur X... la somme de 87 622,08 F (QUATRE VINGT SEPT MILLE SIX CENT VINGT DEUX FRANCS ET HUIT CENTIMES) à titre d'indemnité pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse;

Déboute les parties de toute autre demande;

Ordonne le remboursement par la société FRANCIS GAMICHON aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de trois mois;

Condamne ladite société aux dépens.

Et ont signé le présent arrêt, Madame BELLAMY, Président de Chambre, et Madame A..., Greffier.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-21145
Date de la décision : 18/11/1999

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Reçu pour solde de tout compte

Un reçu pour solde de tout compte signé par un salarié le jour de son départ effectif et définitif de l'entreprise lui est opposable, puisque celui-ci n'est plus sous la dépendance de son employeur, maisl'effet libératoire dudit reçu n'a lieu qu'à l'égard des éléments de rémunération nommément désignés dont le montant est déterminable au moment de la rupture.Un reçu énonçant que la somme versée l'est " en paiement des salaires, accessoires du salaire, remboursements et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et à la cessation du contrat de travail " ne permet pas de déterminer les éléments de rémunération visés, notamment, s'il vise ou non une prime de panier litigieuse


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-11-18;1997.21145 ?
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