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18/11/1999 | FRANCE | N°1997-1095

France | France, Cour d'appel de Versailles, 18 novembre 1999, 1997-1095


FAITS ET PROCEDURE

La SARL SERAYET WYLD NEO 42 - SERAYET -, la SARL VISONS DE THIMORY et Madame Suzanne X... qui ont pour activité la fabrication et la commercialisation de produits de beauté ont participé à de nombreuses reprises à la Foire de PARIS.

Se prévalant de l'impossibilité d'obtenir la location d'un stand pour cette manifestation en 1995 et en 1996, elles ont assigné l'association reconnue d'utilité publique le Comité des Expositions de PARIS devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en réparation de leurs préjudices prétendus sur le fondement du

refus de vente prévu par l'article 36 de l'ordonnance n° 86.1243 du 1er ...

FAITS ET PROCEDURE

La SARL SERAYET WYLD NEO 42 - SERAYET -, la SARL VISONS DE THIMORY et Madame Suzanne X... qui ont pour activité la fabrication et la commercialisation de produits de beauté ont participé à de nombreuses reprises à la Foire de PARIS.

Se prévalant de l'impossibilité d'obtenir la location d'un stand pour cette manifestation en 1995 et en 1996, elles ont assigné l'association reconnue d'utilité publique le Comité des Expositions de PARIS devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE en réparation de leurs préjudices prétendus sur le fondement du refus de vente prévu par l'article 36 de l'ordonnance n° 86.1243 du 1er décembre 1986 et subsidiairement de l'article 1382 du Code Civil en raison des agissements discriminatoires dont elles auraient été victimes.

Par jugement rendu le 04 décembre 1996, cette juridiction a déclaré la société SERAYET irrecevable en ses demandes et débouté la société

VISONS DE THIMORY et Madame X... de toutes leurs prétentions, alloué au Comité des Expositions de PARIS une indemnité de 15.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et condamné les demanderesses aux dépens.

Les sociétés SERAYET et VISONS DE THIMORY ainsi que Madame X... ont relevé appel de cette décision.

La première estime son action recevable en affirmant avoir accompli avant la clôture des inscriptions les démarches pour obtenir la location d'un stand, en ayant effectué notamment une visite enregistrée au stage du Comité des Expositions de PARIS.

Elles font valoir que le Comité ne justifie pas de la nomenclature générale de la manifestation, ni des raisons objectives pour lesquelles il a admis les produits similaires fabriqués par les cinq exposants dont la présence a été constatée par huissier le 05 mai 1995 au sein de la Foire de PARIS, alors qu'il a exclu les leurs et qu'il s'est ainsi rendu coupable d'un refus de vente à leur détriment.

Elles soutiennent que le Comité a engagé, en tout état de cause, sa responsabilité en manquant à son obligation de répartir équitablement et loyalement les demandes d'inscription entre les différents salons et en opérant un choix discriminatoire à leur égard.

Elles font état du préjudice qu'elles ont consécutivement subi résultant des investissements réalisés en vain et des pertes de chiffres d'affaires.

Elles sollicitent donc chacune une somme de 250.000 francs à titre de dommages et intérêts et une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Comité des Expositions de PARIS conclut à la confirmation intégrale du jugement déféré sauf à y ajouter une indemnité de 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Après avoir procédé à un rappel de la règlementation applicable aux salons, il observe que la société SERAYET ne démontre pas son intérêt à agir à défaut d'avoir formulé une demande d'admission.

Il prétend que le refus de vente opposé à la société VISONS DE THIMORY et à Madame X... était pleinement justifié dès lors que leurs produits ne correspondaient pas à la nouvelle nomenclature du Salon du Jardin et de la Piscine de la Foire de PARIS 1995 dont il décide librement sans que celles-ci ne puissent se prévaloir d'un droit acquis, ni des frais engagés pour cette manifestation dans la mesure où elles ont été immédiatement informées de cette situation.

Il dément tout comportement discriminatoire de sa part en se référant pour l'essentiel aux motifs de la décision dont appel et en relevant que le constat d'huissier invoqué irrégulier comme exécuté à la requête de la société SERAYET dépourvue d'intérêt à agir est impropre selon lui à l'établir.

Il ajoute qu'en toute hypothèse, les appelantes ne rapportent pas la preuve des indications chiffrées qu'elles allèguent au titre de leurs préjudices en soulignant qu'elles ont participé à la Foire de PARIS en 1996.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 1999.

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant qu'aux termes de l'article 36.2 de l'ordonnance n°86.1243 du 1er décembre 1986, alors applicable, concernant le refus de vente ou de prestation de services qui constitue le fondement de la demande principale des appelantes : engage la responsabilité de son auteur et l'oblige à réparer le préjudice causé, le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou artisan de refuser de satisfaire aux demandes des acheteurs de produits ou aux demandes de prestations de service, lorsque ces demandes ne présentent aucun caractère anormal,

qu'elles sont faites de bonne foi et que le refus n'est pas justifié par les dispositions de l'article 10 ;

Considérant que les appelantes estiment subsidiairement que le Comité des Expositions de PARIS a engagé sa responsabilité en vertu de l'article 1382 du Code Civil, son refus de les accepter à la Foire de PARIS, étant selon elles constitutif d'une faute ;

Considérant, ainsi que tant les prétentions principales que subsidiaires des appelantes nécessitent une demande de participation à cette manifestation et un refus réel et patent opposé par le Comité qui a pour mission de l'organiser ;

Or considérant que la société SERAYET ne démontre pas avoir formalisé dans les délais auprès du Comité des Expositions de PARIS, une demande d'admission à la Foire de PARIS 1995, ni que celle-ci aurait été refusée ;

Qu'en effet, cette société ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir une telle requête de sa part, laquelle ne saurait résulter

des courriers par elle adressés au Directeur de l'Artisanat et au Maire de PARIS ;

Qu'en outre, le seul contact verbal avec un représentant du Comité au cours d'une visite de son gérant intervenue le 13 février 1995 dont la société SERAYET se prévaut et dont l'objet comme l'issue ne sont pas établis, n'a pas été suivi d'une demande formelle de sa part, ni à fortiori d'un refus exprimé par le Comité ;

Que la société SERAYET qui ne justifie donc pas d'un intérêt à agir a été déclarée, à juste titre, irrecevable en son action par le Tribunal ;

Considérant qu'il ressort des éléments produits que la société VISONS DE THIMORY et Madame X... ont formulé le 20 janvier 1995 une demande de participation au Salon de la Piscine de la Foire de PARIS 1995 ;

Qu'après avoir sollicité le 14 février 1995 une documentation commerciale sur leurs produits, le Comité des Expositions de PARIS leur a fait part, le 17 mars 1995, de son refus de les admettre à cette manifestation au motif que ceux-ci ne correspondaient pas à la nouvelle nomenclature du Salon du Jardin et de la Piscine ;

Considérant que ces deux appelantes ont exposé l'année précédente leurs produits cosmétiques et de beauté dans le cadre du "Salon Bleu Forme et Piscine" et qu'il est établi qu'en 1995, la nomenclature a été modifiée, la rubrique forme ayant disparu et un nouveau "Salon du Jardin et de la Piscine" ayant été créé ;

Considérant que le règlement général des manifestations commerciales approuvé par le Ministre chargé du Commerce en application de l'arrêté du 07 avril 1970 prévoit que les marchandises, produits ou services présentés doivent entrer dans la nomenclature des éléments admis à être exposés qui a été établie par l'organisateur et réserve à ce dernier la faculté d'adopter des dispositions nouvelles dans l'intérêt de la manifestation ;

Que le Comité des Expositions de PARIS qui, en qualité d'organisateur de la Foire de PARIS, bénéficiait de ces pouvoirs pouvait donc se prévaloir du motif évoqué dès lors que les demandes de la société VISONS DE THIMORY et de Madame X... ne répondaient pas aux conditions générales de participation à cette manifestation pour l'année 1995 ;

Considérant que toutefois un tel argument ne peut justifier son refus que si lesdites conditions sont les mêmes pour tous les candidats participants et ne présentent pas de caractère discriminatoire ;

Considérant que les appelantes invoquent à cet égard un constat d'huissier diligenté, le 05 mai 1995, à l'initiative de la société SERAYET dont l'intimée ne saurait remettre en cause la valeur probante à son encontre, dès lors que l'irrecevabilité des demandes de cette société concerne uniquement la présente instance et qu'elle a été régulièrement autorisée à y procéder sur sa requête jugée recevable et bien fondée, le 03 mai 1995, par le magistrat compétent lequel n'a pas circonscrit le domaine d'intervention de l'officier ministériel au seul Salon du Jardin et de la Piscine, mais l'a commis pour exécuter sa mission au sein de la "Foire de PARIS" ;

Considérant que l'huissier instrumentaire a relevé dans son procès verbal en date du 05 mai 1995 la présentation de produits de beauté dans cinq stands dénommés AVON, SORELIA INTEGRALES, CENTRE BIOLOGIQUE DE RECHERCHE MEDIATROPICAL et YVOMA ;

Que les explications fournies par le Comité des Expositions de PARIS pour tenter de justifier la présence de ces produits ne reposent que

sur ses propres dires sans être étayées d'un quelconque élément probant en sorte qu'elles ne sauraient être retenues tandis qu'il est établi que l'organisateur a admis à la Foire de PARIS 1995, les sociétés qui les commercialisent de manière discriminatoire par rapport à la société VISONS DE THIMORY et à Madame X... vendant des produits de la même catégorie qu'elle a exclues et s'est ainsi rendue coupable d'un refus de prestation de services au sens de l'article 36 alinéa 2 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 à leur encontre ;

Que le jugement déféré doit dès lors être infirmé de ce chef ;

Considérant que la société VISONS DE THIMORY et Madame X... ne justifient pas des investissements qu'elles auraient vainement effectués dans l'espoir de leur admission à la Foire de PARIS de 1995 ;

Qu'en revanche, n'ayant pu présenter leurs produits au cours d'une manifestation à laquelle elles avaient régulièrement participé auparavant elles ont subi une perte de chance certaine de chiffres d'affaires que la Cour estime devoir évaluer au vu de l'ensemble des éléments suffisants dont elle dispose à la somme de 30.000 francs pour chacune d'elle ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à Madame X... et à la société VISONS DE THIMORY une indemnité de 12.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Que le Comité des Expositions de PARIS qui succombe à titre principal en ses prétentions supportera les dépens des deux instances à concurrence des 3/4 et la société SERAYET dont la demande est irrecevable à hauteur d'un quart ;

* PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- INFIRME le jugement déféré sous réserve de sa dispositions concernant l'irrecevabilité des demandes de la SARL SERAYET WYLD NEO 42 ;

Et statuant à nouveau sur les autres chefs,

- DIT que le Comité des Expositions de PARIS a commis un refus de prestation de services à l'encontre de la SARL VISONS DE THIMORY et de Madame Suzanne X... ;

- LE CONDAMNE à leur verser à chacune 30.000 francs de dommages et intérêts et une indemnité de 12.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNE le Comité des Expositions de PARIS et la SARL SERAYET WYLD NEO 42 aux dépens des deux instances à concurrence respectivement de 3/4 et d'1/4 et AUTORISE les avoués des parties à recouvrer ceux d'appel conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET REDIGE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER qui a assisté au prononcé

LE PRESIDENT

M. Thérèse GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-1095
Date de la décision : 18/11/1999

Analyses

CONCURRENCE - Transparence et pratiques restrictives

Aux termes de l'article 36 2°, alors applicable, de l'ordonnance 86-1243 du 1er décembre 1986, relative à la liberté des prix et à la concurrence, et dès lors que le règlement général des manifestations commerciales approuvé par le Mi- nistre chargé du commerce, en application de l'arrêté du 7 avril 1970, prévoit que les marchandises, produits ou services présentés doivent entrer dans la nomenclature des éléments admis à être exposés établie par l'organisateur, réservant à ce dernier la faculté d'adopter des dsipositions nouvelles dans l'intérêt de la manifestation, l'organisateur d'une foire commerciale est fondé à rejeter la demande d'un exposant ne répondant pas aux conditions générales de participation telles que fixées pour la manifestation concernée, sauf à ce que les conditions soient les mêmes pour tous et que l'application de celle-ci ne présente pas de caractère discriminatoire. En l'occurrence, lorsqu'il résulte d'un constat d'huissier, régulièrement ordonné par le juge des référés, que l'organisateur d'une foire a admis l'exposition de produits de même catégorie que ceux commercialisés par l'entreprise non admise à exposer, la discrimi- nation ainsi opérée est constitutive d'un refus de prestation de service au sens de l'article 36 2° de l'ordonnance précitée


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-11-18;1997.1095 ?
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