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28/10/1999 | FRANCE | N°JURITEXT000006936408

France | France, Cour d'appel de Versailles, 28 octobre 1999, JURITEXT000006936408


FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 15 mai 1968, la SOCIÉTÉ DE GESTION INDUSTRIELLE ET MINIERE, aux droits de laquelle s'est trouvée la S.A. UNION INTERNATIONALE IMMOBILIERE et désormais la S.A. PARIMALL PARLY 2 a consenti à la S.A. AGENCE OCCIDENTALE DE VOYAGE aux droits de laquelle est venue la S.A. HAVAS VOYAGE, un bail sur un local à usage commercial dépendant du Centre Commercial PARLY 2 au CHESNAY (78) pour une durée de 12 ans à compter de la mise à disposition des lieux, le 11 juin 1969.

Le bail portant sur une surface approximative de

72 m qui est à destination d'agence de voyage, change, frêt et théâtre...

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 15 mai 1968, la SOCIÉTÉ DE GESTION INDUSTRIELLE ET MINIERE, aux droits de laquelle s'est trouvée la S.A. UNION INTERNATIONALE IMMOBILIERE et désormais la S.A. PARIMALL PARLY 2 a consenti à la S.A. AGENCE OCCIDENTALE DE VOYAGE aux droits de laquelle est venue la S.A. HAVAS VOYAGE, un bail sur un local à usage commercial dépendant du Centre Commercial PARLY 2 au CHESNAY (78) pour une durée de 12 ans à compter de la mise à disposition des lieux, le 11 juin 1969.

Le bail portant sur une surface approximative de 72 m qui est à destination d'agence de voyage, change, frêt et théâtre a été renouvelé à effet rétroactif au 11 juin 1981 pour une durée identique selon acte du 04 novembre 1982.

Le loyer a été déterminé dès l'origine selon un loyer fixe minimum annuel fixé en fonction de la surface prévisionnelle et, sauf

réajustement éventuel, à 28.000 francs indexé sur l'indice IV "Transports" dépendant de l'indice national des prix dits 259 articles série France entière et un loyer variable correspondant éventuellement à la différence entre le loyer fixe et un pourcentage de 0,30 % du chiffre d'affaires T.T.C. du preneur.

Lors du renouvellement, le loyer fixe minimum a été porté à 91.628,88 francs H.T. et indexé sur l'indice national du coût de la construction.

Par exploit en date du 21 avril 1993, la bailleresse a délivré congé à la locataire pour le 1er novembre 1993, moyennant un prix comportant le loyer variable tel que déterminé à l'origine, outre un loyer minimum garanti porté à 424.800 francs.

La société PARIMALL PARLY 2 a saisi le juge des baux commerciaux du Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES aux fins d'obtenir la fixation du loyer minimum garanti annuel à 432.000 francs et subsidiairement une expertise.

La société HAVAS VOYAGES s'est opposée à cette demande en faisant valoir que la clause de détermination du loyer échappait aux dispositions du décret du 30 septembre 1953.

Par jugement rendu le 26 novembre 1996, le magistrat a constaté l'accord des parties sur la durée de douze années du bail renouvelé, rappelé que la clause du loyer variable n'était régie que par la convention des parties, et qu'à défaut d'accord de ces dernières, cette clause était reconduite et ne peut subir aucune autre modification que celle résultant de l'indexation, dit que le bail était renouvelé à compter du 1er novembre 1993, aux clauses et conditions du bail expiré et aux conditions de loyer dérogatoires au décret du 30 septembre 1953 convenues au bail initial sous réserve des indexations, débouté la société PARIMALL PARLY 2 de sa demande et l'a condamnée aux dépens.

Appelante de cette décision, la société PARIMALL PARLY 2 soutient qu'en raison de la durée du bail supérieure à 9 ans et de sa destination, le loyer de renouvellement déplafonné doit être fixé à la valeur locative.

Elle fait état de la légitimité des clauses recettes dans les centres commerciaux constituant des unités de marché spécifiques.

Elle prétend que la commune intention des parties repose sur le maintien d'une structure binaire et non sur l'intangibilité des chiffres à l'intérieur de cette structure.

Elle estime que le loyer minimum garanti qui est la contrepartie de la jouissance des lieux, correspond à la valeur locative et doit être fixé par le juge à défaut d'accord entre les parties conformément aux dispositions de l'article 23 du décret du 30 septembre 1953 sauf à remettre en cause totalement l'équilibre économique de la convention.

Elle affirme que la jurisprudence évoquée par la locataire est étrangère à l'espèce et se prévaut d'une autre pour étayer sa thèse en contestant l'argumentation de la société locataire.

Elle indique que si la Cour devait admettre que la fixation du loyer échappe aux règles du décret de 1953, elle devrait interpréter la convention aux fins de déterminer la commune intention des parties lorsqu'elles ont contracté et devrait y procéder en application des articles 1156 et suivants et notamment de l'article 1160 en arguant d'un usage dans les centres commerciaux consistant à fixer les loyers minimum garantis de renouvellement en fonction des loyers constatés dans le centre commercial concerné.

Elle cite différentes références de loyers du centre à cet égard.

Elle réitère, en conséquence, ses demandes principales en fixation du loyer minimum garanti du bail renouvelé pour 12 ans à compter du 1er novembre 1993 à la somme de 432.000 francs par an, en règlement par la locataire des intérêts au taux légal depuis la date d'effet du

nouveau bail en vertu de l'article 1155 du Code Civil, capitalisés et subsidiaires tendant à la désignation d'un expert pour avis sur la valeur locative des lieux loués et l'octroi dans l'intervalle d'un loyer provisionnel de 380.000 francs.

Elle réclame, en outre, une indemnité de 50.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société HAVAS VOYAGES conclut à la confirmation du jugement déféré et à l'entier débouté de la société bailleresse, ainsi que subsidiairement à une expertise, en sollicitant dans tous les cas, une indemnité de 50.000 francs pour frais irrépétibles.

Elle oppose que le mécanisme de détermination du loyer exclut l'application des dispositions du statut des baux commerciaux relatives aux loyers et interdit au juge de fixer le loyer sur le fondement de celles-ci.

Elle précise que les clauses recettes valables en cours de bail comme à l'occasion du renouvellement reposent sur la seule volonté des parties et contiennent en elles-mêmes les modalités de détermination et d'évolution du loyer.

Elle ajoute que la commune intention des parties d'exclure les dispositions du décret du 30 septembre 1953 concernant les loyers s'est exprimée de manière claire et non ambiguù dans la clause de loyer du bail de 1968 et qu'aucun usage n'est susceptible de remettre en cause l'économie de la convention.

Elle fait valoir que la clause du bail en cause est semblable à celle soumise à la Cour de Cassation du 27 janvier 1999 et constitue non seulement un mode de détermination du loyer, mais aussi un mode d'évolution du loyer pour toute la durée des rapports contractuels.

Elle ajoute que la référence d'usage est inopérante dès lors qu'il n'est pas prouvé que l'interprétation par l'usage suppose une clause ambiguù et que l'article 1160 du Code Civil ne peut avoir pour effet de modifier l'économie du contrat.

Elle précise que le caractère indivisible du loyer fait obstacle à la fixation par le juge de l'un des éléments qui le compose.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 17 juin 1999.

*

MOTIFS DE L'ARRET

Considérant que sans être privées des règles statutaires en général, comme de celles particulières relatives au renouvellement, les parties ont le pouvoir de fixer librement le prix d'un bail commercial lors de sa conclusion et de déterminer conventionnellement les modalités selon lesquelles le loyer du bail renouvelé sera fixé dès lors que les dispositions de l'article 35 du décret du 30 septembre 1953 ne confèrent pas à celles des articles 23 et 23.9 un caractère impératif ;

Considérant notamment que les clauses stipulant comme en l'espèce, un loyer comprenant une partie fixe et une partie variable calculée à partir d'un pourcentage du chiffre d'affaires avec un minimum garanti sont valables ;

Considérant que la fixation du loyer renouvelé d'un tel bail échappe aux dispositions du décret du 30 septembre 1953 et doit s'opérer conformément à la volonté des parties, ces dernières ayant voulu ne pas soumettre leurs relations à cet égard à l'application des articles susvisés auxquels elles ont entendu déroger, comme la faculté leur en était réservée, en choisissant d'opter pour un procédé binaire de détermination du prix de la location commerciale dont la structure économique est étrangère à l'esprit comme à la lettre des prescriptions du statut concernant le loyer ;

Considérant que la force obligatoire d'un contrat exprimé par l'article 1134 du Code Civil ne peut être envisagée qu'au vu de la situation existant au moment où la convention a été conclue ;

Que le juge ne peut, sous prétexte d'interprétation, étendre et

modifier les stipulations claires et précises que renferment les conventions et les adapter à une solution nouvelle qui n'entrait pas dans les prévisions des parties à la date où elles ont contracté ;

Considérant qu'eu égard à la généralité des termes, au principe d'exclusion des dispositions statutaires concernant la fixation du loyer renouvelé d'un bail convenu selon une clause de loyer variable avec un minimum garanti précédemment défini par la Cour de Cassation le 10 mars 1993, en raison non pas de l'objet du bail, mais de sa teneur, son application ne pouvait être circonscrite aux seuls locaux monovalents alors qu'il était de surcroît parfaitement transposable à un local exploité dans une galerie marchande dépendant d'un centre commercial, les parties, à cet égard, dans les deux cas, poursuivant le même objectif de déterminer le loyer selon des critères économiques et manifestant la même volonté de le fixer en fonction des recettes du locataires, ainsi que cette formation de la Cour de ce siège a déjà eu l'occasion de l'estimer ;

Considérant qu'ultérieurement, la Cour de Cassation, en cassant l'arrêt du 27 janvier 1999 dont se prévaut la société PARIMALL, a confirmé entièrement sa position en matière, comme en l'espèce, de centres commerciaux dans un arrêt du 27 janvier 1999 ;

Considérant qu'un tel loyer échappant aux prescriptions du décret du 30 septembre 1953, la société PARIMALL n'est pas fondée à invoquer le déplafonnement du loyer quels qu'en soient les motifs ;

Considérant qu'aux termes des dispositions contractuelles déjà énoncées, la contribution financière locative est composée d'une part, d'un loyer variable correspondant à un pourcentage du chiffre d'affaires réalisé par le preneur, taxes comprises de 0,30 % et d'autre part, un loyer fixe minimum annuel indexé ;

Que ces modalités originaires de détermination du loyer ont été expressément reconduites par les parties lors du premier renouvellement du bail intervenu le 04 novembre 1982, à effet au 11 juin 1981, l'élément fixe du loyer ayant seulement été réévalué et assorti d'un autre indice d'indexation en sorte que celles-ci ont manifesté à deux reprises leur intention non ambiguù de s'y conformer ;

Considérant que contrairement aux affirmations de la bailleresse selon lesquelles le loyer minimum garanti reposerait sur la valeur locative, aucun renvoi, ni aucune référence à la valeur locative ne

figurent dans le contrat dès lors qu'elle ne saurait être déduite de l'unique prise en compte de la surface prévisionnelle qui ne saurait à elle seule répondre aux critères définissant ladite valeur locative énoncés à l'article 23 du décret du 30 septembre 1953 ;

Considérant ainsi que la volonté des parties clairement exprimée et réitérée a été de déterminer exclusivement le loyer sur des critères économiques non seulement pour la fixation d'origine mais aussi lors des renouvellements, et qu'en retenant, selon des stipulations non sujettes à interprétation, un mode de détermination particulier du loyer ne faisant aucune référence à la valeur locative, les parties ont nécessairement entendu déroger à ces dispositions légales ;

Considérant que la société PARIMALL ne saurait donc rechercher la fixation du loyer minimum garanti en fonction de la valeur locative, alors même qu'une telle solution aurait pour effet de vider de toute substance la clause de loyer variable par laquelle les parties ont décidé d'un commun accord de lier le montant du loyer aux recettes du locataire et aboutirait à ne faire courir aucun risque au bailleur, ce qui serait manifestement contraire à la volonté des parties qui ont entendu opérer de concert un pari économique qui ne saurait être ultérieurement remis en cause par la société bailleresse au seul réel motif de la non réalisation des résultats qu'elle escomptait lesquels constituaient l'enjeu aléatoire résultant de l'adoption d'un loyer

évalué sur des critères économiques qu'elle a non seulement agréés, mais pratiquement imposés à son cocontractant en tant que propriétaire de l'ensemble des locaux du Centre Commercial ;

Considérant que la société PARIMALL ne peut utilement invoquer le pouvoir reconnu au juge des loyers commerciaux en matière de fixation du prix du bail pour prétendre, en l'espèce, à la fixation du loyer minimum garanti selon la valeur locative au sens du décret du 30 septembre 1953, dès lors que ce pouvoir qui doit s'exercer dans le respect de la volonté clairement exprimée par les parties, ne saurait avoir pour objet de substituer un loyer classique pour partie au loyer financier qu'elles ont convenu, ni pour finalité de modifier l'économie du contrat qu'elles ont librement conclu ;

Que par ailleurs, en l'absence d'accord des parties une telle demande limitée au seul loyer minimum garanti tandis que la clause recettes continuerait à s'appliquer est contraire au principe de la fixation selon la valeur locative qui exclut en elle-même la détermination d'un loyer supérieur à cette valeur ;

Qu'en outre, le loyer ayant été déterminé selon deux composantes indivisibles, il serait antinomique d'appliquer les deux notions de valeur locative et de recettes simultanément, comme de soumettre une partie du loyer à l'appréciation judiciaire tout en laissant l'autre à celle des cocontractants dont la convention serait alors dénaturée

;

Considérant que la société PARIMALL n'est pas davantage fondée à alléguer, sous couvert d'interprétation, un usage en centre commerciaux, d'estimer le loyer minimum garanti à la valeur locative dès lors qu'outre que les caractères de généralité, d'ancienneté et de constance de nature à engendrer une règle coutumière ne sont pas démontrés et que la pratique des clauses recettes a été précisément instaurée dans les baux des centres commerciaux pour éviter les règles légales de fixation du loyer du bail renouvelé ;

Qu'en toute hypothèse, l'interprétation qui doit, dans le doute, s'effectuer en faveur du débiteur milite pour le maintien intégral de la structure économique du loyer connu et accepté par ce dernier ;

Considérant enfin que la société PARIMALL ne saurait enfin sérieusement confondre l'intangibilité de la convention avec la perpétuité alors que non seulement le loyer minimum garanti mais aussi le loyer variable évoluent par l'indexation, que les parties peuvent renégocier conventionnellement les termes du renouvellement et que la résiliation ou le congé permettent d'échapper aux incidences de la clause binaire ;

Considérant par conséquent, que le jugement déféré doit être entièrement confirmé ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à l'intimée une indemnité de 17.000 francs en vertu de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Que la société PARIMALL qui succombe en son appel et supportera les dépens n'est pas fondée en sa prétention au même titre.

* PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

- CONDAMNE la SA PARIMALL PARLY 2 à verser à la S.A. HAVAS VOYAGES une indemnité de 17.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- LA CONDAMNE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP GAS, Avoués, conformément à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET REDIGE PAR MADAME LAPORTE, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. Thérèse X...

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006936408
Date de la décision : 28/10/1999

Analyses

BAIL COMMERCIAL


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-10-28;juritext000006936408 ?
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