Né à BRAZZAVILLE (Congo) le 3 juin 1960, Monsieur Ruben Antonin X... est entré en France le 8 novembre 1985 en qualité de résident temporaire et y a effectué ses études jusqu'en 1990, époque à laquelle il a obtenu un diplôme d'études supérieures en matière scientifique.
Il s'est depuis lors maintenu en France où il a exercé des fonctions d'enseignement.
Après avoir été autorisé, le 24 novembre 1994, à souscrire une déclaration de réintégration dans la nationalité française, en application de l'article 153 ancien du code de la nationalité française (dans la rédaction de la loi du 9 janvier 1973), Monsieur X... a signé sa déclaration le 28 juin 1995, mais s'est vu notifier un refus d'enregistrement par le tribunal d'instance de DREUX le 8 septembre 1995, au motif que sa déclaration était irrecevable , comme tardive, pour avoir été signée plus de six mois après l'autorisation de souscrire.
Monsieur X... a, dans ces conditions, saisi le Tribunal de Grande Instance de CHARTRES, selon acte initial du 22 décembre 1995, en vue de s'entendre déclarer recevable en sa demande d'enregistrement de la
déclaration de nationalité française.
Par jugement du 10 décembre 1997, le Tribunal a :
- constaté que le récépissé prévu par l'article 1043 du nouveau code de procédure civile a été délivré,
- annulé la décision rendue le 8 septembre 1995 par le tribunal d'instance de DREUX, déclarant irrecevable comme tardive la déclaration souscrite le 28 juin 1995,
- dit que cette déclaration ne peut être enregistrée, Monsieur X... n'ayant pas, à sa date, transféré en France sa résidence de nationalité ;
- rejeté en conséquence cette déclaration ,
- condamné Monsieur X... aux entiers dépens.
Appelant de cette décision, Monsieur X... demande à la Cour, de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la déclaration dont il s'agit ne peut être enregistrée, au motif que le concluant n'avait pas transféré, à la date de cette déclaration, sa résidence de nationalité,
- le déclarer fondé en sa demande de réintégration dans la nationalité française,
- dire que le service central de l'Etat-Civil de NANTES dressera son acte de naissance, en application de l'article 98 du code civil,
- confirmer le jugement déféré pour le surplus.
Le MINISTÈRE PUBLIC, intimé, conclut à la confirmation de la décision entreprise et demande en conséquence à la Cour de constater
l'extranéité de Monsieur X....
SUR CE,
SUR LA RECEVABILITE DE LA DEMANDE
Considérant que la loi n°93-933 du 22 juillet 1993 qui a abrogé l'article 153 du code de la nationalité française prévoit en son article 53 que les personnes qui ont sollicité l'autorisation de souscrire la déclaration de réintégration dans la nationalité française prévue audit article 153 peuvent y procéder dans un délai de 6 mois à compter de la date de notification de cette autorisation ;
Qu'en l'occurrence, ainsi que l'a retenu le tribunal et comme le soutient justement le MINISTÈRE PUBLIC, il ne résulte pas du dossier la preuve que Monsieur X... ait été personnellement touché par la lettre du 2 décembre 1994, l'informant de l'autorisation de souscrire la déclaration de réintégration dans la nationalité française prévue à l'article 153 du code de la nationalité française, telle que donnée le 24 novembre 1994 par le Ministre des affaires sociales, de la
santé et de la ville ;
Qu'il convient donc de retenir que le délai de six mois prévu à l'article 53 sus-mentionné n'a commencé à courir que le 24 avril 1995, jour où Monsieur X... s'est présenté au greffe du tribunal d'instance de DREUX et s'est vu notifier l'autorisation dont il s'agit ;
Qu'il suit de là que la déclaration souscrite le 28 juin 1995 par Monsieur X... a bien été enregistrée dans le délai de six mois prévu à l'article 53 de la loi du 22 juillet 1993, et qu'elle est par conséquent recevable ;
SUR LE FOND
Considérant que la réintégration dans la nationalité française prévue à l'article 153 du code de la nationalité est subordonnée à la condition que le déclarant, préalablement à sa déclaration, ait établi son domicile en France ;
Que le domicile dont il s'agit, au sens de la jurisprudence interprétative de ce texte, s'entend d'une résidence effective, présentant un caractère stable et permanent co'ncidant avec le centre des attaches familiales et des occupations ;
Qu'en l'occurrence, pour rejeter la demande de Monsieur X..., les premiers juges ont retenu que celui-ci est célibataire et en même
temps le père d'un enfant naturel né le 30 avril 1992 qu'il a reconnu et qui vit au Congo avec sa mère, Madame Kibangou Y..., de nationalité nigérienne, d'où ils ont déduit que Monsieur X... avait conservé dans son pays d'origine des membres de sa famille proche ;
Mais considérant que ces circonstances, en l'absence d'autres éléments, ne sont pas en réalité de nature a faire présumer que Monsieur X... aurait entendu effectivement fixer le centre de ses attaches familiales à l'étranger, antérieurement à la déclaration litigieuse ;
Qu'aucune conséquence ne peut en effet être tirée du seul fait de la reconnaissance par Monsieur X... de l'enfant né d'une mère de nationalité étrangère, installée hors le territoire français ;
Que de façon plus générale, l'absence de liens familiaux en France, s'agissant d'un célibataire, n'est pas significative de sa volonté de refuser l'établissement de tels liens en France, et ne saurait donc être retenue en elle-même dans l'appréciation de la condition tirée de l'exigence d'un domicile de nationalité ;
Qu'il est constant que depuis la fin de ses études, en 1990, Monsieur X... est toujours demeuré en France, où il a régulièrement exercé
des activités d'enseignement dans le domaine des mathématiques, de la chimie et des sciences physiques, avant d'être nommé maître auxiliaire au L.P. Gilbert Courtois de DREUX, le 5 juillet 1996, et qu'il apparaît en conséquence que le centre des intérêts professionnels et des occupations de l'appelant se trouvait effectivement en France, bien avant l'époque de sa déclaration ;
Qu'il convient dans ces conditions, en infirmant le jugement entrepris en ses dispositions contraires, de déclarer Monsieur X... bien fondé en sa demande de réintégration dans la nationalité française ;
PAR CES MOTIFS,
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
RECOIT Monsieur X... en son appel,
INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit que la déclaration tendant à la réintégration dans la nationalité française souscrite le 28 juin 1995 par Monsieur X... ne peut être enregistrée faute par ce dernier d'avoir transféré à cette date, en France, sa résidence de nationalité, en ce qu'il a rejeté en conséquence ladite déclaration et en ce qu'il a mis les entiers dépens à la charge du demandeur,
STATUANT à NOUVEAU,
DECLARE Monsieur X... bien fondé en sa demande de réintégration dans la nationalité française,
DIT que les dépens de première instance seront à la charge de l'Etat français,
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus,
Y AJOUTANT,
DIT qu'il sera procédé conformément à l'article 98 du code civil,
DIT que les dépens d'appel seront à la charge de l'Etat français.
ARRET REDIGE PAR :
Monsieur Gérard MARTIN, Conseiller
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :
Le Greffier,
Le Président,
Catherine CONNAN
Colette GABET-SABATIER