FAITS ET PROCEDURE
Suivant acte sous seing privé en date du 24 juillet 1991, Monsieur Alain X..., Madame Véronique Y... son épouse, Monsieur Roger X... et Madame Liliane Z... son épouse, ci-après désignés, les consorts X..., se sont irrévocablement engagés à céder à la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et à Monsieur Yannick A..., lesquels se sont engagés irrévocablement à acquérir, les actions et parts sociales qu'ils détenaient dans la SA SODIOS et les SARL CD915, TS, RR et BB, le prix de cette cession étant fixé à la somme forfaitaire de 43 millions de francs, de laquelle devait être déduit ou ajouté le résultat comptable consolidé desdites sociétés, arrêté au 30 juin 1991.
Les dispositions essentielles du protocole d'accord du 24 juillet 1991 peuvent être ainsi résumées.
L'article 3 de la convention précisait les conditions d'établissement des situations comptables devant être arrêtées au 30 juin 1991. Il y était également mentionné que lesdites situations comptables seraient dressées par Monsieur Daniel B..., expert-comptable, et feraient l'objet d'un audit réalisé par Monsieur VAN DEN C....
L'article 4, relatif aux modalités de paiement de prix, prévoyait que le prix convenu serait payable à concurrence de 20.000.000 francs dès le 24 juillet 1991, le solde devant être réglé dans les 15 jours de l'accord des parties sur les situations comptables de référence dressées à la date du 30 juin 1991. Il était prévu également que, à compter du 30 septembre 1991, ce solde serait augmenté d'un intérêt de 10 % l'an. Enfin, le solde du prix était stipulé payable en tout état de cause au cédant au plus tard le 31 décembre 1991.
Il était par ailleurs prévu à l'article 5 une clause de garantie de passif, étant précisé que cette garantie ne pourrait plus être mise en jeu après le 31 décembre 1994.
Enfin, l'article 10 de la convention prévoyait le remboursement, au plus tard le 31 octobre 1991, des comptes courants créditeurs ouverts au nom des cédants dans les livres des sociétés dont les titres étaient cédés.
Conformément au protocole d'accord, Messieurs B... et VAN DEN C... ont établi les situations comptables au 30 juin 1991 devant permettre de déterminer le prix de cession. Ces documents ont fait ressortir une situation nette négative de 14.886.000 francs.
La société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... ont alors estimé sur la base de cette situation comptable, le prix de cession à 28.165.697 francs et, suite à un règlement effectué le 24 juillet 1991 entre les mains des cédants à hauteur de 20.179.788 francs, que le solde se chiffrait à 7.985.909 francs, ladite somme ayant été "séquestrée" le 27 décembre 1991, à hauteur de 8 millions de francs, dans les mains de la société ADECO.
Contestant la situation comptable arrêtée dans les conditions susévoquées, les consorts X... ont chargé la société d'expertise comptable THEMIS de déterminer la situation réelle des sociétés cédées au 30 juin 1991.
A l'issue de la mission confiée, la société THEMIS a estimé que le résultat net comptable consolidé exprimait un bénéfice de 4.930.000 francs.
C'est dans ces conditions qu'un désaccord est né entre les parties sur la détermination du résultat comptable consolidé des sociétés SODIOS, CD915, TS, RR et BB et que les consorts X... ont assigné, par actes des 7 et 11 octobre 1994, la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A..., pour obtenir paiement de la somme de 23.000.000 francs, représentant selon eux le solde du prix convenu, celle de 5.462.500 francs représentant les intérêts au taux conventionnel de 10 % l'an à compter du 1er octobre 1991 jusqu'au 15
mars 1994, celle de 4.930.000 francs représentant les résultats comptables consolidés au 30 juin 1991 et celle de 15.631.000 francs au titre d'un arriéré de ristourne, soit au total, la somme de 49.023.500 francs, sauf à parfaire.
La société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A..., après avoir rappelé que le prix établi par Monsieur B... et audité par Monsieur VAN DEN C... ne pouvait plus être remis en cause par application de l'article 1592 du Code civil, ont demandé à titre reconventionnel la condamnation des consorts X... au paiement d'une somme de 8.521.263 francs, outre les intérêts à hauteur de 10 % au 30 juin 1994, soit 11.077.642 francs, au titre de la garantie de passif inscrite dans l'acte du 24 juillet 1991. *
Par jugement en date du 16 janvier 1997, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal de Commerce de PONTOISE a statué dans les termes ci-après : - déclare les consorts X... recevables à agir ; - déclare que Monsieur Daniel B... et Monsieur VAN DEN C... ne sont pas tiers au sens de l'article 1592 du Code Civil ; - condamne à titre provisionnel, solidairement la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... à la somme de 8.000.000 francs assortie des intérêts contractuels au taux de 10 % à compter du 1er octobre 1991 ; - ordonne l'exécution provisoire de la condamnation provisionnelle ci-dessus prononcée ; - déclare la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... mal fondés en leur demande reconventionnelle tendant à la condamnation des consorts X... à leur payer la somme de 8.521.263 francs au titre de l'article 5 du protocole d'accord du 24 juillet 1991 ; - avant dire droit, désigne Madame SAINTE D..., demeurant à 18 rue Bacon 75017 PARIS, en qualité d'expert, laquelle pourra retirer, dès acceptation de sa mission ou se faire adresser par le Greffe de ce Tribunal contre récépissé, les
documents et dossiers des parties, par application des dispositions de l'article 268 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - dit que l'expert désigné aura pour mission de se faire communiquer par les parties, par tous moyens et voies de droit, les documents de la cause ; en cas de carence des parties, d'en informer le Juge chargé du contrôle des mesures d'instruction, en conformité de l'article 275 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - de se rendre sur place, d'entendre tous sachants ; - d'établir le montant des résultats comptables consolidé de la société SODIOS et des sociétés "CD915", "TS", "RR" et "BB", résultat incluant les ristournes, boni, excédents et autres indemnités tels que précisé à l'article 3 de l'acte du 24 juillet 1991 ; - de faire les comptes entre les parties ; - de constater, le cas échéant, la conciliation des parties et dans ce cas, d'en faire rapport sur le champ au Tribunal ; - dit qu'avant d'accepter sa mission, l'expert désigné pourra consulter au Greffe les dossiers des parties, par application des dispositions de l'article 268 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - dit que par application des dispositions de l'article 278 du Nouveau Code de Procédure Civile, l'expert pourra recueillir l'avis d'un autre technicien dans une discipline distincte de la sienne ; - dit que l'expert devra commencer ses opérations à compter du jour où il aura reçu notification par le Greffe, de la consignation de la provision ci-dessous fixée et ce, conformément à l'article 267 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - dit que l'expert devra informer Monsieur le Juge chargé du contrôle des mesures d'instructions de l'avancement de ses opérations et des difficultés qui feraient obstacle à l'accomplissement de sa mission ; - dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert désigné, il sera pourvu d'office à son remplacement par ordonnance de Monsieur le Juge chargé du contrôle des mesures d'instruction ; - dit que l'expert devra
déposer au greffe le rapport de ses opérations, en trois exemplaires, dans le délai de 6 mois, à compter du jour de la notification par le Greffe de la consignation de la provision à valoir sur sa rémunération ; - fixe à 50.000 francs le montant de ladite provision que les consorts X... devront consigner au Greffe de ce Tribunal au plus tard dans un délai de 30 jours du présent jugement ; - dit qu'à défaut de consignation dans ledit délai, le Juge chargé du contrôle des Expertises constatera la caducité de la mesure sauf par l'une des parties à agir en conformité de l'article 271 in fine du Nouveau Code de Procédure Civile ; - dit que la présente décision d'expertise n'est susceptible d'appel que sur autorisation de Monsieur le Premier Président conformément aux dispositions de l'article 272 du Nouveau Code de Procédure Civile ; - réserve les autres demandes accessoires des parties et les dépens en fin de cause. *
Appelants de cette décision, la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A..., font grief aux premiers juges d'avoir mal apprécié les faits de la cause et les règles de droit qui leurs sont applicables.
Ils rappellent tout d'abord, les conditions dans lesquelles est intervenu le protocole de cession de parts sociales et d'actions et soulignent longuement la situation économique désastreuse dans laquelle se trouvaient, selon eux, les sociétés CD915, SODIOS, BB, RR et TS avant le 24 juillet 1991.
Ils soutiennent ensuite, que contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal, les parties ont entendu, conformément aux dispositions de l'article 1592 du Code Civil, donner mission à un tiers de leur choix, Monsieur B..., de fixer le prix définitif des titres en fonction de la situation comptable des sociétés concernées au 30 juin 1991 et ce, même si l'article 1592 susvisé n'est pas expressément
visé dans le protocole d'accord du 24 juillet 1991. Ils ajoutent que toute autre analyse reviendrait à dénaturer la convention qui traduit la volonté des parties, à savoir celle de confier, comme il a été dit, la détermination du prix définitif de la cession à un professionnel, étranger à la convention et choisi d'un commun accord. Ils font également valoir que la présence d'une clause de conciliation dans le protocole du 24 juillet 1991 n'est pas de nature à écarter, contrairement encore à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'application de l'article 1592 du Code Civil, dès lors que, subsiste toujours, même en cas de détermination du prix par un tiers, une possibilité de contestation, notamment en cas d'une erreur grossière commise par ce tiers.
Ils déduisent de là, la détermination du prix à laquelle l'expert-comptable désigné a procédé en vertu de l'article 1592 du Code Civil, s'impose aux parties et aux juges, et qu'elle n'est plus susceptible d'être remise en cause, ajoutant que la mesure d'expertise ordonnée judiciairement en première instance est par voie de conséquence dépourvue de fondement.
Ils entendent également invoquer à leur profit la clause de garantie de passif figurant à l'article 5 du protocole du 24 juillet 1991.
A cet égard, ils soutiennent que les parties sont convenues que toutes les dettes qui se révéleraient entre la date des bilans de référence et le 31 décembre 1994 seraient garanties et que les consorts X... doivent dans ces conditions être condamnés in solidum à leur payer la somme de 11.077.642 francs au titre de la garantie de passif, outre les intérêts de droit depuis le 30 juin 1994, même si leur demande à ce titre a été formée après le 31 décembre 1994.
Ils prétendent aussi, qu'ils ne sauraient être tenus du paiement des
intérêts contractuels de 10 % à compter du 1er octobre 1991, alléguant que le règlement du solde du prix effectué le 26 décembre 1991 entre les mains, soit d'un séquestre désigné par les parties, soit du mandataire des cédants, est en tout état de cause libératoire.
Enfin, ils demandent la restitution de toutes les sommes versées au titre de l'exécution provisoire et le paiement de 30.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi que la condamnation aux entiers dépens des consorts X... *
Les consorts X..., intimés, contestent en tout point l'analyse de la situation économique des sociétés SODIOS, CD915, RR, BB et TS faite par la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... qu'ils estiment par ailleurs dénuée d'intérêt en la cause, dès lors que le litige porte sur l'interprétation de dispositions contractuelles permettant de déterminer le solde du prix devant leur revenir au titre de la cession de leurs parts dans les sociétés concernées, et non sur la valeur des sociétés cédées.
Ils soutiennent aussi que, comme l'a dit à bon droit le Tribunal, ils n'ont jamais entendu abandonner la détermination du prix des titres cédés à un tiers. Ils en veulent notamment pour preuve les correspondances émanant de la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... dans lesquelles ces derniers les invitaient à faire connaître leurs observations sur le travail effectué par les experts-comptables.
Ils se réfèrent aussi à la procédure d'arbitrage prévue dans la convention du 24 juillet 1991 en cas de contestation sur la détermination du prix, incompatible selon eux avec l'application de l'article 1592 du Code Civil.
Ils estiment également que les experts-comptables désignés pour établir la situation comptable des sociétés cédées ne peuvent en
aucun cas être qualifiés de tiers au sens de l'article 1592 du Code Civil, cette qualité nécessitant une indépendance totale à l'égard de l'acheteur et du vendeur qui, à l'évidence n'existe pas en l'espèce. Dans l'hypothèse où néanmoins l'article 1592 du Code Civil serait dit applicable par la Cour, ils font valoir que les résultats de l'expertise judiciaire entre-temps effectuée démontrent que les experts-comptables ont commis une erreur grossière justifiant que lesdites situations comptables ne puissent être retenues pour la détermination du prix.
A titre plus subsidiaire encore, ils estiment que les experts-comptables désignés ne pouvaient pas établir la situation comptable des sociétés cédées avec exactitude.
En ce qui concerne la garantie de passif, ils rappellent que, aux termes même de la convention, celle-ci devait être mise en ouvre avant le 31 décembre 1994, ce qui n'a pas été le cas en la cause, de sorte que toute demande de ce chef est désormais irrecevable.
Ils soutiennent aussi que la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... ne rapportent pas la preuve que les compléments de charge et/ou insuffisances d'actifs n'ont pas été comptabilisés, pas plus qu'ils n'établissent leurs montants, et qu'ils relèveraient de la garantie de passif.
De même, et en tout état de cause, ils estiment que les intérêts conventionnels de 10 % demandés ne sont pas dus au titre de la clause de garantie de passif.
Ils précisent également qu'ils n'ont jamais donné leur accord pour le versement des 8 millions de francs entre les mains d'un tiers, et n'ont jamais signé de convention de séquestre.
Ils concluent en conséquence à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf à se voir allouer une indemnité de 50.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et à voir les dépens exposés à ce jour mis entièrement à la charge des appelants.
MOTIFS DE LA DECISION
* Sur la détermination du prix de cession des titres
Considérant que la Cour est principalement saisie d'un litige relatif à l'interprétation de dispositions contractuelles permettant de déterminer l'éventuel complément de prix devant revenir aux cédants au titre de la cession de leurs parts sociales et actions détenues dans les sociétés SODIOS, CD915, BB, RR et TS ;
Considérant qu'en vertu des articles 1591 et 1592 du Code civil, le prix de vente doit être déterminé et désigné par les parties mais qu'il peut cependant être laissé à l'arbitrage d'un tiers ; qu'il s'infère de ces dispositions que le prix de cession ne peut être fixé à dire d'expert que si les parties en conviennent expressément sans aucune réserve ou restriction ;
Considérant que la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... soutiennent que les parties ont convenu de charger un tiers afin de déterminer le prix de vente des titres détenus par les consorts X... ;
Mais considérant tout d'abord que les parties n'ont pas entendu se référer expressément à l'article 1592 du Code Civil pour déterminer le prix des titres cédés dans l'acte du 24 juillet 1991 ; qu'il apparaît au contraire à l'analyse des stipulations contractuelles qu'elles sont convenues de fixer elles-mêmes le prix définitif de vente en fonction de la situation comptable des différentes sociétés au 30 juin 1991 ;
Considérant en effet, que le protocole d'accord du 24 juillet 1991,
dans ses stipulations relatives au prix, prévoit les points suivants :
Article 3 - PRIX DES TITRES CEDES
"Le prix total des actions de la société SODIOS, et des parts sociales des sociétés "CD915, TS, RR et BB", est forfaitairement arrêté, de convention expresse entre les parties, à la somme de quarante trois millions de francs, de laquelle somme sera déduit ou ajouté le résultat comptable consolidé des dites sociétés tel qu'il résultera de leurs résultats comptables arrêtées au 30 juin 1991.
...
Les situations comptables dont s'agit seront dressées par Monsieur Daniel B... (Sté CGEC) Expert Comptable, demeurant à PARIS, 111/113 Rue de Neuilly.
De convention expresse entre les parties, ces situations comptables feront l'objet d'un audit qui sera réalisé par Monsieur VAN DEN C..., Expert Comptable à DURY (Somme), 15 Avenue Paul Claudel."
Article 4 - MODALITES DE PAIEMENT DU PRIX
...
"Si des contestations s'élèvent, relativement à l'établissement de ces bilans et à la détermination du prix des titres par application des dispositions ci-dessus, elles seront définitivement réglées par
la procédure d'arbitrage organisée ci-après."
Article 11 - CLAUSE DE CONCILIATION-EXPERTISE
"Pour toutes contestations qui s'élèveraient entre les parties relativement à l'interprétation et à l'exécution des présentes, les Soussignés s'engagent à soumettre leur différend, préalablement à toute instance judiciaire, à des conciliateurs, chacune des parties en désignant un, sauf le cas où elles se mettraient d'accord sur le choix d'un conciliateur unique. Ce ou ces conciliateurs s'efforceront de régler les difficultés qui leur seront soumises et de faire accepter par les parties une solution amiable, dans un délai maximum de trois mois à compter de leur désignation."
Considérant qu'il en résulte, sauf à dénaturer les clauses claires et précises de la convention, que la mission de Monsieur B... était limitée à l'établissement des comptes des différentes sociétés afin de déterminer leurs situations au 30 juin 1991 et que l'audit de Monsieur VAN DEN C... avait pour seul objet de vérifier et contrôler les comptes ainsi arrêtés devant servir de référence à la détermination du prix et non, à défaut de stipulation expresse dans ce sens, de déterminer le prix ; que cela est d'autant moins contestable que les parties se sont réservées expressément la possibilité de contester ces comptes, même en l'absence d'erreur grossière, et qu'elles ont prévu à cet effet, la mise en ouvre d'une procédure de conciliation incompatible avec l'application de l'article 1592 et démontrant leur commune volonté d'arrêter elles-mêmes le prix définitif de la cession ;
Considérant de surcroît, que le tiers, au sens de l'article 1592 du Code Civil, doit être un mandataire indépendant des deux parties ;
Or considérant que, si Messieurs B... et VAN DEN C... ont été
choisis d'un commun accord, il n'a pas été précisé dans l'acte qu'ils avaient la qualité de tiers au sens de l'article 1592 du Code Civil ; qu'en outre et surtout, il apparaît des pièces produites aux débats que Monsieur B..., représentant le cabinet CGEC, est l'expert-comptable de la centrale d'achat SCAPNOR du Groupe LECLERC, et Monsieur VAN DEN C..., l'expert-comptable de la centrale d'achat SCAPEST du groupe LECLERC ; que dans ces conditions, en raison des liens étroits existant entre la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION, Monsieur Yannick A... et le Groupe LECLERC, les mandataires désignés ne peuvent avoir la qualité de tiers au sens de l'article 1592 du Code Civil ;
Considérant qu'il s'ensuit que les dispositions contractuelles révèlent, sans aucune ambigu'té que les parties n'ont pas entendu confier la détermination du prix à un tiers et que, contrairement aux allégations de la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION de Monsieur Yannick A..., les résultats des situations comptables établies par les experts-comptables ne s'imposent pas au juge ; que le jugement déféré sera dès lors confirmé en ce qu'il a dit que Monsieur Daniel B... et Monsieur VAN DEN C... ne sont pas tiers au sens de l'article 1592 du Code Civil et ordonné en l'état des contestations élevées, une expertise en vue d'établir les comptes entre les parties ;
* Sur l'application de la clause de garantie de passif
Considérant que le protocole d'accord du 24 juillet 1991, relatif à la garantie de passif, contient les dispositions suivantes :
Article 5 - ACTIF ET PASSIF SUPPLEMENTAIRES-CLAUSE DE GARANTIE
"Tout passif social non déclaré mais existant à la date des bilans de référence pris en considération pour la détermination du prix, ou
tout passif ayant une cause antérieure à cette date et qui se révèlerait ultérieurement, entraîneront pour les cédants, à titre de dommages et intérêts, le versement d'une indemnité égale au préjudice financier net subi par le cessionnaire, la présente garantie ne devant en aucun cas, aboutir au versement d'une somme supérieure ou inférieure à la modification nette et définitive de l'actif net figurant aux bilans de référence.
...
Le cessionnaire préviendra les cédants de toutes vérifications de la société par une Administration Fiscale et Sociale afin qu'ils puissent, par un mandataire commun choisi parmi eux et assisté ou non d'un conseil, intervenir dans la discussion de toutes réclamations qui pourraient être faites à cette occasion.
Aucun passif supplémentaire, au sens du présent article, ne devra être acquitté sans que les cédants en soient préalablement avisés et sans qu'ils aient disposé d'un délai d'UN MOIS à compter de cette information pour justifier du règlement ou du caractère non fondé de la dette.
...
La garantie résultant des présentes dispositions ne s'éteint que par
la prescription légale applicable aux dette concernées. Mais en tout état de cause, elle ne pourra plus être mise en jeu après le 31 décembre 1994."
Considérant que la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... soutiennent que, pour la mise en oeuvre de la garantie de passif, il importe de déterminer quand une dette sera révélée et sera couverte par la garantie, et non de savoir si le bénéficiaire de la clause a notifié au cédant avant le 31 décembre 1994 son intention de se prévaloir de la garantie ; qu'ils estiment en conséquence que l'application de la clause de garantie de passif conduit à une diminution du prix de cession d'un montant total de 8.521.262 francs, auquel il convient d'ajouter les intérêts au taux de 10 % l'an, soit 2.556.379 Francs au 30 juin 1994.
Mais considérant que l'article 5 de la convention du 24 juillet 1991 précise clairement les conditions de mise en ouvre de la garantie de passif; qu'il appartenait à la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... d'agir pour tout passif survenu après la cession mais dont l'origine est antérieure, dans les formes et les délais prévus, c'est-à-dire avant le 31 décembre 1994 ; que la seule production de courriers en date des 19 mai 1992 et 14 janvier 1993 informant les consorts X... d'un contrôle URSSAF et d'un redressement fiscal ne vaut pas mise en jeu de la garantie de passif au titre des dispositions de l'article 5 du protocole d'accord qui fait la loi des parties ; qu'en conséquence, il n'y a pas lieu à garantie ;
* Sur le paiement des intérêts contractuels sur le solde du prix
Considérant que le protocole d'accord du 24 juillet 1991, relatif aux intérêts conventionnels, contient les dispositions suivantes :
Article 4 - MODALITES DE PAIEMENT DU PRIX
"Le prix des titres cédés sera payable de la façon suivante :
le 24 juillet 1991, à concurrence de vingt millions de francs
Le solde sera payé comptant, dans les 15 jours de l'accord des parties sur les situations comptables de référence dressées à la date du 30 juin 1991.
Ce solde de prix ne portera pas d'intérêt jusqu'au 30 septembre 1991. Passé cette date, il portera intérêt au taux de 10 % l'an, payable en même tant que le capital.
En tout état de cause, le solde du prix sera payable aux cédants, au plus tard, le 31 décembre 1991"
Considérant que la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... soutiennent que le solde du prix a été versé le 26 décembre 1991 à hauteur de 8 millions de francs entre les mains d'un séquestre amiablement désigné par les parties, Maître GOUPIL de la société SADECO, dans le respect des termes de protocole du 24 juillet 1991 en raison d'un désaccord entre les parties sur le prix ; que dans ces conditions, le règlement effectué entre les mains du séquestre est libératoire du paiement du prix ; qu'ils ne sauraient ainsi être tenus des intérêts au taux conventionnel de 10 % l'an depuis le 1er octobre 1991 ;
Mais considérant d'une part que le protocole d'accord du 24 juillet
1991 ne prévoit pas de séquestre éventuel, ni de possibilité pour les cessionnaires de consigner le solde du prix ; que d'autre part, l'acte de caution de la Banque Parisienne de Crédit en date du 27 décembre 1991, produit par la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A..., faisant mention que les sommes cautionnées sont entre les mains d'un séquestre, ne constitue pas davantage une preuve de l'existence d'une convention de séquestre ;
Considérant également qu'en tout état de cause, le versement de fonds auprès d'un séquestre n'a pas pour effet, sauf convention contraire, d'arrêter le cours des intérêts, dès lors que les sommes séquestrées sont indisponibles et qu'elles n'ont pas quitté le patrimoine du cessionnaire ; qu'en conséquence, les intérêts contractuels au taux de 10 % à compter du 1er octobre 1991, applicables sur le solde du prix des titres, sont de droit ;
[* sur les autres demandes
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des consorts X... les frais exposés devant la Cour pour parvenir au paiement du prix de vente des titres cédés ; que la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... seront condamnés à leur payer une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
Considérant enfin que la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A..., qui succombent en toutes leurs prétentions, supporteront les entiers dépens d'appel ; *] PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- RECOIT la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... en leur appel,
Mais dit celui-ci mal fondé,
- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré,
- DEBOUTE en conséquence la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur A... de toutes leurs demandes,
- CONDAMNE solidairement la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... à payer aux consorts X... une indemnité de 20 000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
- CONDAMNE également la société SAINT HERBLAIN DISTRIBUTION et Monsieur Yannick A... aux entiers dépens d'appel et AUTORISE la SCP d'avoués GAS, à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER
LE PRESIDENT M. Thérèse E...
F. ASSIÉ