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24/09/1999 | FRANCE | N°1997-5642

France | France, Cour d'appel de Versailles, 24 septembre 1999, 1997-5642


FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 1er avril 1993, La société DEMEURE, es-qualités de mandataire de Madame X..., a donné à bail divers locaux à usage commercial sis au 50, rue Félix FAURE à COLOMBES (92), à la SARL LE NORMANDIE, moyennant un loyer annuel de 50.000 Francs hors taxe et hors charges, afin d'y exploiter un bar brasserie.

Le 24 novembre 1994, la SARL LE NORMANDIE a cédé son fonds de commerce et son droit au bail à Monsieur Mohamed Y..., qui par acte en date du 12 juillet 1995 en faisait donation à Mademoiselle Nadia Y....
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FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 1er avril 1993, La société DEMEURE, es-qualités de mandataire de Madame X..., a donné à bail divers locaux à usage commercial sis au 50, rue Félix FAURE à COLOMBES (92), à la SARL LE NORMANDIE, moyennant un loyer annuel de 50.000 Francs hors taxe et hors charges, afin d'y exploiter un bar brasserie.

Le 24 novembre 1994, la SARL LE NORMANDIE a cédé son fonds de commerce et son droit au bail à Monsieur Mohamed Y..., qui par acte en date du 12 juillet 1995 en faisait donation à Mademoiselle Nadia Y....

Par acte d'huissier en date du 23 août 1996, Madame Ginette X... a fait citer devant le tribunal d'instance de COLOMBES Mademoiselle Nadia Y..., assignée à son domicile, afin de :

- la voir condamner à lui payer la somme de 43.263,59 Francs en principal, représentant l'arriéré locatif (créance portée à 75.398,93 Francs au 31 décembre 1996),

- prononcer la résiliation du bail et l'expulsion des occupants,

- fixer une indemnité d'occupation,

- condamner Mademoiselle Y... à lui payer la somme de 5.000 Francs à titre de dommages et intérêts.

Par jugement contradictoire en date du 4 mars 1997, le tribunal d'instance de COLOMBES a rendu la décision suivante :

- déclare la demande fondée,

En conséquence,

- constate la clause résolutoire incluse dans le contrat de location du 5 août 1993 est acquise au bénéfice du bailleur,

- dit que Mademoiselle Y... doit quitter les lieux occupés en vertu de ce contrat dans le délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision,

- dit que Mademoiselle Y... doit payer à Madame X... :

[* à titre de l'arriéré de loyers 75.398,93 Francs en deniers ou quittances,

*] en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile 1.900 Francs,

- fixe l'indemnité d'occupation due par la partie défenderesse au montant du loyer en cours (y compris les charges locatives afférentes) et fixe son point de départ à la date de la présente décision,

- dit que faute par la partie défenderesse de libérer les lieux dans le délai prescrit, il sera procédé à son expulsion, ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, et ce, avec si besoin est, le concours de la force publique et de tous serruriers requis,

- ordonne l'exécution provisoire du présent jugement,

- rejette le surplus des demandes,

- met les entiers dépens à la charge de Mademoiselle Y....

Mademoiselle Y... a relevé appel de cette décision le 1er juillet 1997. Parallèlement, par acte d'huissier en date du 9 novembre 1998, Madame X... a assigné Mademoiselle Y... devant le tribunal de commerce de NANTERRE et a formé une tierce opposition au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire de Mademoiselle Y... rendu le 3 septembre 1997.

Dans leurs dernières conclusions Mademoiselle Y... et Maître ACOU, assigné en intervention forcée devant la Cour de céans et intervenant volontaire en qualité de commissaire à l'exécution du plan, exposent que, contrairement aux allégations de Madame X..., elle n'est pas en liquidation judiciaire mais bénéficie, aux termes du jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE en date du 30 juillet 1998, d'un plan de redressement par voie de continuation prévu pour une durée de 8 ans ; qu'elle est donc parfaitement fondée à agir devant le Cour ;

que la date de l'appel étant antérieure au jugement d'ouverture de la procédure de redressement judiciaire, les effets de la décision dont appel sont suspendus, conformément aux dispositions de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en outre, le plan de redressement ayant prévu l'apurement de 100 % du passif, la procédure collective préserve l'intégralité des droits de Madame X....

Ils prient donc la Cour de :

Vu le bordereau des pièces annexé,

Vu les articles 47 alinéa 1 et 38 alinéa 1 de la loi du 25 janvier 1985,

- constater que Mademoiselle Y... a interjeté appel du jugement rendu le 4 mars 1997 par le tribunal d'instance de COLOMBES avant l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire,

- constater que Mademoiselle Y... n'est pas en liquidation judiciaire,

- constater que Madame Y... bénéficie d'un plan de redressement par voie de continuation qui prévoit l'apurement de l'intégralité du passif sur huit ans,

- constater que Madame X... a régulièrement déclaré sa créance,

En conséquence,

- débouter Madame X... de l'intégralité de ses demandes,

- réformer le jugement en date du 4 mars 1997,

- dire et juger que la clause résolutoire insérée au bail de Mademoiselle Y... n'est pas acquise,

- dire et juger que Madame X... percevra le montant de sa créance selon son rang dans le cadre de l'apurement du passif prévu par le plan de redressement,

- condamner Madame X... à lui verser une somme de 10.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner Madame X... aux dépens tant d'instance que d'appel qui seront recouvrés par Maître BINOCHE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions Madame X... fait valoir que l'appel interjeté par Mademoiselle Y... est irrecevable, celle-ci ayant été dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens à compter du jugement qui a prononcé sa mise en liquidation judiciaire et ce, conformément aux dispositions de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 ; qu'en outre Mademoiselle Y... ne conteste pas la réalité de sa créance ni son quantum -créance qui a d'ailleurs été fixée selon les prescriptions de l'article 48 de la loi précitée.

Elle demande donc à la Cour de :

- déclarer irrecevable Mademoiselle Y... en son appel,

- à titre subsidiaire, la dire mal fondée,

- la débouter de l'ensemble de ses fins et prétentions,

- confirmer la décision entreprise,

Et statuant à nouveau,

- condamner Mademoiselle Y... à payer à la concluante la somme de 30.000 Francs à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

- la condamner à lui payer la somme de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de la SCP BOMMART MINAULT, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Maître OUIZILLE, assigné en intervention forcée en qualité de représentant des créanciers de Mademoiselle Y..., selon acte signifié à domicile le 26 novembre 1997, n'a pas constitué avoué.

L'ordonnance de clôture a été signée le 3 juin 1999 et l'affaire appelée à l'audience du 25 juin 1999.

SUR CE LA COUR

Considérant que Mademoiselle Y... verse aux débats:

1) le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 28 avril 1998 qui a ouvert une procédure de redressement judiciaire sous le régime général à son bénéfice, maintenu Maître OUIZILLE en qualité

de représentant des créanciers et désigné Maître ACOU en qualité d'administrateur judiciaire, ce jugement visant celui rendu précédemment par le même tribunal, en date du 3 septembre 1997, qui avait ouvert une procédure de redressement judiciaire simplifiée au bénéfice de Mademoiselle Y...,

2) le jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 30 juillet 1998 qui lui a accordé un plan de redressement judiciaire par voie de continuation prévu pour une durée de 8 ans, maintenu Maître OUIZILLE en qualité de représentant des créanciers pendant le temps de la vérification des créances et désigné Maître ACOU en qualité de

commissaire à l'exécution du plan;

Considérant que par conséquent, contrairement à ce que prétend Madame X..., Mademoiselle Y... n'est pas en liquidation judiciaire et n'est donc pas dessaisie de l'administration de ses biens, de sorte qu'elle a qualité à poursuivre la procédure d'appel initiée par elle le 1er juillet 1997, antérieurement à l'ouverture de la procédure collective intervenue le 3 septembre 1997; que Mademoiselle Y... est donc recevable en son appel et ses demandes;

Considérant que néanmoins, il convient de donner acte à Maître ACOU de son intervention volontaire dans la procédure d'appel en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement;

Considérant que la résiliation du bail prononcée par le jugement déféré frappé d'appel n'était donc pas définitive au jour de l'ouverture de la procédure collective; que l'intimée ne démontre pas que Mademoiselle Y... aurait interjeté appel en fraude des droits de la bailleresse, laquelle a d'ailleurs régulièrement déclaré sa créance le 13 octobre 1997, pour un montant en principal de 98.998,26 Francs, entre les mains de Maître OUIZILLE;

Considérant que dès lors, eu égard aux décisions rendues par le tribunal de commerce dans le cadre de la procédure collective concernant Mademoiselle Y... et par application des dispositions des articles 47 alinéa 1 et 38 alinéa 1 de la loi du 25 janvier 1985, il convient de réformer le jugement déféré en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail commercial, afin de permettre à Mademoiselle Y... de continuer à exploiter le fonds de commerce conformément au jugement du 30 juillet 1998 lui accordant un plan de redressement par voie de continuation; qu'il y a lieu également de fixer le montant de la créance de loyers de Madame X... au montant retenu par le jugement déféré; faute de demande complémentaire à ce titre devant la cour, soit 75.398,93 Francs, en deniers ou quittances, somme arrêtée au 31 décembre 1996;

Considérant que Madame X... ne rapporte pas la preuve du caractère abusif de l'appel interjeté par Mademoiselle Y...; que la Cour la déboute de sa demande en paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive;

Considérant qu'il n'apparaît pas contraire à l'équité de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de l'instance;

Considérant que Mademoiselle Y..., locataire défaillante, sera condamnée aux entiers dépens d'instance et d'appel;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort:

Vu les jugements du tribunal de commerce de Nanterre en date du 20 avril 1998 et du 30 juillet 1998

Déclare recevable l'appel de Mademoiselle Y...;

Donne acte à Maître ACOU de son intervention volontaire dans la procédure d'appel en qualité de commissaire à l'exécution du plan de redressement;

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Et statuant à nouveau:

Dit n'y avoir lieu à acquisition de la clause résolutoire du bail;

Fixe le montant de la créance de loyers de Madame X... à la somme de 75.398,93 Francs, en deniers ou quittances, arrêtée au 31 décembre

1996;

Déboute les parties des fins de toutes leurs autres demandes;

Condamne Mademoiselle Y... à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP BOMMART MINAULT, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt:

Le Greffier,

Le Président,

B. TANGUY

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-5642
Date de la décision : 24/09/1999

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créancier - Poursuite individuelle interrompue - Instance en cours.

Un débiteur qui a initié une procédure d'appel antérieurement au jugement d'ouverture d'une procédure collective décidant d'un plan de redressement judiciaire par voie de continuation de l'exploitation n'est pas dessaisi de l'administration de ses biens et a, en conséquence, qualité pour poursuivre cette procédure ; il est donc recevable en son appel et en ses demandes

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Période d'observation - Créancier - Poursuite individuelle arrêtée - Action en justice - Action en résolution - Domaine d'application - Clause résolutoire.

La résiliation du bail prononcée par le jugement déféré frappé d'appel n'étant pas définitive au jour de l'ouverture de la procédure collective, et faute pour le bailleur d'établir que le locataire aurait interjeté appel en fraude de ses droits, il résulte des dispositions des articles 47 alinéa 1 et 38 alinéa 1 de la loi du 25 janvier 1985 que la clause résolutoire du bail commercial ne peut être acquise afin de permettre au locataire de continuer l'exploitation de son fonds conformément au jugement accordant un plan de redressement par voie de continuation


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-09-24;1997.5642 ?
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