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24/09/1999 | FRANCE | N°1996-9981

France | France, Cour d'appel de Versailles, 24 septembre 1999, 1996-9981


FAITS ET PROCEDURE,

Le 9 Décembre 1995, Monsieur X... a acquis auprès de l'établissement EUROPUR un appareil de type ADIONIC EXPORT, moyennant le prix de 13.000 francs.

Estimant que cet appareil ne remplissait pas les fonctions pour lesquelles il l'avait acquis, Monsieur X..., par déclaration au greffe en date du 20 juin 1996, a fait convoquer Madame Y... et les Etablissements EUROPUR devant le tribunal d'Instance de PONTOISE aux fins de voir prononcer la résiliation de la vente pour vice du consentement.

Il a fait valoir qu'il a été abusé lors de l'achat car on

lui avait garanti que l'appareil litigieux enlevait le tartre accroché a...

FAITS ET PROCEDURE,

Le 9 Décembre 1995, Monsieur X... a acquis auprès de l'établissement EUROPUR un appareil de type ADIONIC EXPORT, moyennant le prix de 13.000 francs.

Estimant que cet appareil ne remplissait pas les fonctions pour lesquelles il l'avait acquis, Monsieur X..., par déclaration au greffe en date du 20 juin 1996, a fait convoquer Madame Y... et les Etablissements EUROPUR devant le tribunal d'Instance de PONTOISE aux fins de voir prononcer la résiliation de la vente pour vice du consentement.

Il a fait valoir qu'il a été abusé lors de l'achat car on lui avait garanti que l'appareil litigieux enlevait le tartre accroché aux parois des canalisations en raison d'essais effectués par le laboratoire de l'Ecole Nationale des Arts et Métiers, alors que ceux-ci n'ont porté que sur le détartrage de l'eau en circulation.

Madame Franca Y... représentée par Monsieur Y... s'est opposée aux demandes de Monsieur X... et a sollicité le versement des sommes de 2.000 francs à titre de dommages et intérêts et de 1.500 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement contradictoire en date du 12 novembre 1996, le tribunal d'Instance de PONTOISE a rendu la décision suivante : - dit que la vente du 9 décembre 1995 entre les établissements EUROPUR et Monsieur X... Christian est entachée d'un vice de consentement, En conséquence, dit ladite vente nulle et non avenue, - condamne Madame

DION et EUROPUR à payer à Monsieur Christian X... la somme de 13.000 Francs avec intérêts au taux légal à compter du 9 décembre 1995, - condamne Madame Y... aux entiers dépens.

Le 20 novembre 1996, Madame Y... exerçant son activité sou l'enseigne "EUROPUR" a relevé appel de cette décision.

Elle reproche à la décision entreprise d'avoir ainsi statué et fait valoir qu'il y a lieu de surseoir à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pénale diigentée par Monsieur X....

En outre, elle soutient que son appel est recevable en application de l'article 40 du Nouveau Code de Procédure Civile, en soulignant que la demande en résiliation présente un caractère indéterminé et que les décisions du tribunal d'Instance saisi par voie de déclaration au greffe ne sont pas nécessairement rendues en dernier ressort.

Elle allègue que la vente n'est entachée d'aucun vice du consentement, aux motifs que Monsieur X... ne rapporte pas la preuve des propos qu'il avance et que l'appareil litigieux est parfaitement conforme à sa destination.

Elle souligne que la notice d'information montre bien que le détartrage des canalisations n'est pas la principale caractéristique de l'appareil et que les essais réalisés par la société d'études et de recherches de l'Ecole Nationale Supérieure d'Arts et Métiers établissent que l'appareil vendu rempli parfaitement sa fonction d'empêcher les sels minéraux contenus dans l'eau de se déposer dans les canalisations. Elle ajoute que la plainte déposée par Monsieur X... auprès de la Direction Départementale de la Consommation et

des fraudes a été classée sans suite.

En conséquence, elle soutient que Monsieur X..., acheteur avisé et compétent, regrette son achat pour des questions de prix et non en fonction des qualités de l'objet vendu.

Enfin, elle fait observer que, contrairement aux allégations de Monsieur X..., elle a bien la qualité de constructeur du matériel qu'elle commercialise et sollicite le versement de la somme de 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conséquent, Madame Y... demande à la Cour de : - ordonner le sursis à statuer, compte tenu de la procédure pénale en cours, A titre subsidiaire, voir déclarer l'appel de Madame Y... recevable et bien fondé, - constater que la vente du 9 décembre 1995 survenue entre Madame Y... exerçant sous l'enseigne Etablissements EUROPUR, et Monsieur X... n'est entachée d'aucun vice de consentement, En conséquence, infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 1996, - débouter Monsieur X... de ses demandes, fins et conclusions, - condamner Monsieur X... à verser à Madame Y... la somme de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, société titulaire d'un office d'avoués conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur X..., intimé, réplique que la demande de sursis à statuer de Madame Y... est irrecevable, puisqu'il n'est pas établi qu'une

action publique ait été mise en oeuvre.

En revanche, il conclut à l'irrecevabilité de l'appel, le jugement entrepris ayant été rendu en dernier ressort.

A titre subsidiaire, il allègue que son consentement a été vicié en soulignant que l'appareil litigieux n'est pas conforme à l'usage attendu qui est de nettoyer les canalisations comme l'atteste le rapport d'enquête de la direction de PARIS du 6 mai 1997 ; que Madame Y... a méconnu son obligation d'information et de conseil prévue à l'article 1147 du Code civil .

Il ajoute que cette dernière n'a pas la qualité de constructeur du matériel qu'elle commercialise ; qu'elle a bien été informée des plaintes qu'il a déposées, en soulignant que celle déposée à la Direction Départementale de la Concurrence de la consommation et de la répression des fraudes a été transmise après enquête au parquet de PONTOISE.

Par conséquent, Monsieur X... demande à la Cour de : - dire et juger la demande de sursis à statuer sollicitée par Madame Y... exerçant sous l'enseigne EUROPUR irrecevable et mal fondée, - dire et juger Madame Y... exerçant sous l'enseigne EUROPUR irrecevable en son appel par application des dispositions des articles 34 du Nouveau Code de Procédure Civile et R.321-1 du Code de l'organisation judiciaire, A titre subsidiaire : - dire et juger Madame Y... exerçant sous l'enseigne EUROPUR irrecevable et subsidiairement mal fondée en toutes ses demandes fins et conclusions, - l'en débouter, - confirmer dans toutes ses dispositions le jugement rendu le 12 novembre 1996 par le tribunal d'instance de PONTOISE, Y ajoutant,

s'entendre condamner Madame Y... exerçant sous l'enseigne EUROPUR à payer à Monsieur X... la somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - la condamner aux dépens de première instance et de ceux d'appel dont distraction, pour ces derniers, au profit de la SCP BOMMART-MINAULT, avoués à la Cour, en vertu des dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 6 mai 1999 et l'affaire plaidée à l'audience du 25 juin 1999.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur la demande de sursis à statuer,

Considérant que Monsieur X... communique la copie de la plainte qu'il a adressée le 16 août 1996 au Procureur de la République de PONTOISE, afin de dénoncer les Etablissements EUROPUR pour publicité trompeuse et présentation d'arguments faux et trompeurs, ainsi que du courrier adressé par lui au directeur de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ; que néanmoins, à défaut de constitution de partie civile, cette plainte n'a pas mis en mouvement l'action publique ; que si une enquête a bien été menée par la Direction de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, dont le rapport daté du 16 juillet 1997 est également communiqué par l'intimé, aucune suite judiciaire n'a été donnée à ce jour à la plainte de Monsieur X..., ainsi que

l'indique le Procureur de la République de PONTOISE, dans son courrier en réponse à un nouveau courrier de l'intimé du 8 janvier 1999 ; que par conséquent, faute de mise en mouvement de l'action publique, la règle selon laquelle le criminel tient le civil en l'état n'a pas à s'appliquer ; qu'il n'y a donc pas lieu de surseoir à statuer ;

2) Sur la recevabilité de l'appel,

Considérant qu'il est constant que les demandes tendant à faire constater la nullité d'un acte ou à faire prononcer sa résiliation sont indéterminées et donc susceptibles d'appel en vertu de l'article 40 du nouveau code de procédure civile ; que par conséquent, nonobstant le fait qu'elle ait été introduite par la voie de la déclaration au greffe, -qui selon l'article 847-1 du même code n'est possible que lorsque le montant de la demande n'excède pas le taux en dernier ressort du tribunal d'instance, ce qui exclut les demandes indéterminées-, la demande de Monsieur X..., initialement intitulée "résiliation de l'achat d'un appareil antitartre électronique de 13.000 Francs", est indéterminée et susceptible d'appel ; que l'appel formé par Madame Y... est donc recevable ;

3) Sur la demande de nullité du contrat,

Considérant qu'aux termes de l'article 1110 du Code civil, l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet ;

Considérant que sur la brochure publicitaire de l'appareil ADIONIC, il est indiqué que celui-ci "par un traitement électronique de l'eau calcaire charge d'une même polarité positive les particules des sels minéraux. Les particules se repoussant entre elles, ne peuvent plus former de tartre à l'intérieur des canalisations. De plus, elles entraînent le tartre existant provoquant ainsi un détartrage progressif des canalisations" ; que selon cette présentation sans ambigu'té, l'appareil ADIONIC a deux propriétés essentielles, empêcher le tartre de se former à l'intérieur des canalisations et faire disparaître progressivement le tartre existant ;

Considérant que c'est au vu de cette brochure que Monsieur X... a acquis l'appareil ADIONIC au salon nautique et de la piscine le 9 décembre 1995 ; que l'appelante ne démontre pas qu'une information

différente aurait été donnée à l'acheteur, pour minimiser la portée de la brochure concernant le détartrage ; que seule la fiche technique "Fonctions et effets d'ADIONIC" précise que si celui-ci "garantit un effet à 100 % en ce qui concerne la diminution du dépôt calcaire", "l'effet de nettoyage est d'environ 10 % des dépôts existants" ; que Madame Y... en sa qualité de professionnelle tenue à une obligation d'information et de conseil, n'établit pas que cette fiche technique ait été remise antérieurement à la signature du bon de commande ;

Considérant que dans sa lettre du 15 décembre 1995 adressée à EUROPUR pour demander l'annulation de la vente intervenue 6 jours plus tôt, Monsieur X... déclare que c'est à la suite de la lecture, une fois de retour chez lui, de cette fiche technique et du compte rendu d'essais pratiqués par la SERAM qu'il a compris que la réaction de ionisation se faisait uniquement dans la chambre de traitement de l'eau, mais que faute de ionisation dans les tuyauteries elles-mêmes, l'enlèvement du tartre ne pouvait s'y produire ; que Madame Y... ne justifie pas que ces éléments précis et techniques aient été exposés à l'acheteur, lequel au vu de la brochure (et certainement des explications orales du vendeur), a cru légitimement acquérir un appareil permettant non seulement de dissoudre le calcaire de l'eau mais aussi de détartrer les canalisations, ce qui a déterminé son consentement ainsi qu'il l'a expliqué dans son courrier du 15 décembre adressé au vendeur, mais aussi dans sa plainte pénale ;

Considérant que l'erreur commise par Monsieur X... sur l'une des fonctions attribuées à l'appareil ADIONIC constitue une erreur sur une qualité substantielle de la chose, déterminante de son consentement; que par conséquent, il y a lieu d'annuler le contrat litigieux, en raison de l'erreur qui a vicié le consentement de Monsieur X... ;

Considérant que la Cour confirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;

4) Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Monsieur X... la somme de 7.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

DIT n'y avoir lieu à sursis à statuer ;

DECLARE recevable l'appel de Madame Y... ;

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

ET Y AJOUTANT :

DEBOUTE Madame Y..., exerçant son activité sous l'enseigne EUROPUR, des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Madame Y... à payer à Monsieur X... la somme de 7.000

Francs (SEPT MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP BOMMART MINAULT, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier qui a assisté

Le Président, au prononcé,

B. TANGUY

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-9981
Date de la décision : 24/09/1999

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Erreur - Erreur sur la substance

Aux termes de l'article 1110 du Code civil "l'erreur n'est une cause de nullité de la convention que lorsqu'elle tombe sur la substance même de la chose qui en est l'objet". Lorsque l'acquisition d'un système de traitement de l'eau a eu lieu au vu d'une brochure publicitaire vantant, sans ambigu'té, deux propriétés essentielles de l'appareil, l'une préventive contre le dépôt de tartre, l'autre curative de détartrage, alors que la fiche technique de l'appareil ne garantit l'effet de nettoyage qu'à concurrence d'un très faible pourcentage, il appartient au vendeur, professionnel tenu à une obligation d'information et de conseil, d'établir qu'une information différente aurait été donnée à l'acheteur, notamment en rapportant la preuve que la fiche technique minimisant la portée de la brochure publicitaire, aurait été remise antérieurement à la signature du bon de commande. En l'occurrence, dès lors qu'au soutien de sa demande d'annulation de la vente, l'acheteur fait valoir avoir cru légitimement acquérir un appareil qui, outre un effet préventif, permettait de détartrer les canalisations, ce qui a déterminé son consentement, cette erreur commise par l'acheteur sur l'une des fonctions attribuées à l'appareil litigieux, constitue une erreur sur une qualité substantielle de la chose justifiant l'annulation du contrat litigieux et peut être invoquée par lui


Références :

Code civil, article 1110

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-09-24;1996.9981 ?
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