Madame Denise X... Y..., veuve Z..., est décédée sans héritier réservataire le 20 novembre 1994, en laissant un testament olographe en date du 31 décembre 1979, par lequel elle déclarait instituer pour légataire universel "la LIGUE CONTRE X... CANCER à VILLEJUIF".
En exécution d'une instruction générale de la Préfecture du Val-de-Marne, prescrivant l'interprétation judiciaire d'un tel testament dont le bénéficiaire n'est pas désigné sous sa dénomination exacte, l'A.R.C. a fait assigner la LIGUE NATIONALE FRANCAISE CONTRE X... CANCER devant le Tribunal de grande instance de CHARTRES, selon acte d'huissier du 3 juillet 1995, afin de s'entendre déclarer bénéficiaire du legs dont il s'agit.
Par jugement du 27 août 1996, le tribunal a :
- validé le testament olographe rédigé le 31 décembre 1979 par Madame X... Y... veuve Z... ;
- désigné l'association la LIGUE NATIONALE FRANCAISE CONTRE X... CANCER comme légataire universel habile à bénéficier de l'actif en dépendant ;
- ordonné l'envoi en possession à la LIGUE NATIONALE FRANCAISE CONTRE X... CANCER de l'actif dépendant de la succession de Madame X... Y..., sous la condition suspensive de l'autorisation préfectorale ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- dit que les dépens de l'instance seront employés en frais privilégiés de succession.
Appelante de cette décision, l'A.R.C. demande à la Cour, en l'infirmant et en statuant à nouveau, de dire que le legs universel dont il s'agit doit lui bénéficier à titre exclusif.
La LIGUE NATIONALE FRANCAISE CONTRE X... CANCER, intimée, conclut à la confirmation de la décision déférée.
SUR CE,
Considérant que l'A.R.C. soutient que les éléments d'interprétation tant intrinsèques qu'extrinsèques conduisent à retenir que la volonté de Madame X... Y... était de la désigner comme destinataire du legs litigieux, en testant en faveur de "la Ligue contre le cancer à VILLEJUIF" ;
Que selon elle, les termes "à VILLEJUIF" revêtent une importance
primordiale dans le cadre de l'interprétation intrinsèque, puisqu'ils faisaient partie de la dénomination de l'A.R.C. à l'époque du testament, à savoir "l'Association pour le développement de la recherche sur le cancer à VILLEJUIF", et qu'il est clair en tout cas que Madame X... Y... entendait tester en faveur d'une association oeuvrant contre le cancer à VILLEJUIF, étant rappelé que la LIGUE NATIONALE FRANCAISE CONTRE X... CANCER a son siège à PARIS ;
Que s'agissant des éléments d'interprétation extrinsèques, elle se prévaut de précédents judiciaires divers, l'ayant désignée comme la bénéficiaire de legs, dans des hypothèses analogues, et fait valoir qu'en l'espèce, la LIGUE NATIONALE FRANCAISE CONTRE X... CANCER ne justifie d'aucun élément extérieur lui permettant de se prévaloir de l'intérêt que la testatrice aurait pu lui porter de son vivant, d'où l'A.R.C. déduit que l'analyse des éléments extrinsèques aurait dû conduire le tribunal à la reconnaître comme la seule bénéficiaire du legs, et non pas à désigner en cette qualité la LIGUE, en interprétant à contrario les éléments d'interprétation extrinsèques et en leur conférant de la sorte une valeur négative ;
Qu'elle ajoute à cet égard que la jurisprudence dominante et récente en la matière décide que tout élément d'interprétation extrinsèque doit s'interpréter positivement en faveur de celui qui justifie de l'intérêt que lui portait le testateur de son vivant, et que tel est bien en l'espèce le cas de la concluante, qui justifie de cet intérêt ;
Considérant toutefois que dans l'interprétation des éléments extrinsèques qui lui sont soumis, s'agissant de rechercher la volonté de l'auteur d'un testament, aucune règle n'interdit au juge de leur conférer une valeur négative ;
Qu'en l'occurrence les premiers juges, après avoir retenu, par des motifs que la Cour adopte expressément, que les éléments intrinsèques du testament ne permettaient pas d'identifier l'A.R.C. comme le bénéficiaire désigné, et qu'en particulier l'utilisation de l'expression : "à VILLEJUIF" n'était pas un élément déterminant pour l'interprétation de la volonté de Madame X... Y..., ont pertinemment déduit du fait que la testatrice et son époux étaient membres de l'A.R.C. et qu'ils lui avaient fait des dons, que Madame X... Y... n'aurait pu commettre d'erreur dans la désignation de cette association, et que sa volonté n'était pas de désigner l'A.R.C. comme la bénéficiaire de son legs ;
Que dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS,
STATUANT publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
DECLARE l'A.R.C. recevable mais mal fondée en son appel ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
ORDONNE l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de succession, et dit qu'ils pourront être directement recouvrés conformément à l'article 699 du Nouveau code de procédure civile.
ARRET REDIGE PAR :
Monsieur Gérard MARTIN, Conseiller,
ET ONT SIGNE LA MINUTE DU PRESENT ARRET :
X... Greffier
X... Président
Catherine CONNAN
Colette GABET-SABATIER