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14/09/1999 | FRANCE | N°1996-21785

France | France, Cour d'appel de Versailles, 14 septembre 1999, 1996-21785


LES FAITS, LA PROCEDURE ET LES MOYENS DES PARTIES

Monsieur François X... a été engagé le 1er mars 1967 par la Société COULTRONICS France en qualité d'agent technique de production et de maintenance.

Il a connu une ascension importante dans sa carrière devenant, à partir de 1990, Chef du Service Social, attaché au Directeur des Ressources Humaines, assisté d'une secrétaire, avec une rémunération mensuelle brute de 20.500 F.

Il a été membre titulaire du Comité d'Entreprise de 1969 à 1990, secrétaire de 1971 à 1986 et secrétaire adjoint de 1987 à 1990

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Compte-tenu des fonctions exercées à partir de 1990, il siégeait alors au Comité d'...

LES FAITS, LA PROCEDURE ET LES MOYENS DES PARTIES

Monsieur François X... a été engagé le 1er mars 1967 par la Société COULTRONICS France en qualité d'agent technique de production et de maintenance.

Il a connu une ascension importante dans sa carrière devenant, à partir de 1990, Chef du Service Social, attaché au Directeur des Ressources Humaines, assisté d'une secrétaire, avec une rémunération mensuelle brute de 20.500 F.

Il a été membre titulaire du Comité d'Entreprise de 1969 à 1990, secrétaire de 1971 à 1986 et secrétaire adjoint de 1987 à 1990.

Compte-tenu des fonctions exercées à partir de 1990, il siégeait alors au Comité d'Entreprise comme représentant la Direction, ayant un mandat de représenter Brian Y..., le Directeur Général.

C'est alors que le 9 mars 1992, il a été désigné par l'Union des syndicats CFTC de la Métallurgie-Ile de France, délégué syndical CFTC.

En avril 1992, la société COULTRONICS a décidé de procéder à une restructuration impliquant la suppression du service dénommé "ESSO", Européen Support Service Opération (service de pièces détachées), comprenant environ 65 à 80 employés alors que la société employait au total environ 300 employés.

Bien que n'ayant aucun rapport avec ce service, Monsieur X... a été inclus dans la procédure de licenciement économique qui s'en est suivie.

Le 21 avril 1992, l'employeur a saisi l'Inspecteur du Travail d'une demande d'autorisation de licenciement le concernant.

Par décision du 13 mai 1992 celui-ci, après enquête contradictoire, ayant estimé qu'il n'était pas établi que l'emploi occupé par Monsieur X... ait été supprimé par l'effet du licenciement

collectif et que la mesure envisagée ne paraissait pas sans lien avec l'opinion qu'il avait émise sur certains aspects de la politique de gestion des ressources humaines, opinion confirmée par sa désignation comme délégué syndical, a refusé l'autorisation de licenciement de celui-ci.

Le 24 mai 1992, les représentants du personnel ont écrit à Monsieur Brian Y... une lettre collective en rappelant que le Comité d'Entreprise avait émis un vote défavorable au licenciement de Monsieur X..., que ce dernier exerçait d'importantes fonctions en assurant les relations avec les institutions représentatives du personnel et avec les institutions de retraite et en ayant la responsabilité du domaine de la prévoyance, des mutuelles, des prêts et des fonds communs de placement, de sorte que ses fonctions ne pouvaient être supprimées du seul fait des licenciements envisagés.

Cette lettre ajoutait qu'un recours contre la décision de rejet de l'Inspecteur du Travail lui paraîtrait un acharnement dirigé contre Monsieur X... que les signataires demandaient à voir maintenir dans l'entreprise.

En Juillet 1992, il a été remis à Monsieur X... un projet manuscrit de protocole transactionnel offrant à celui-ci, outre un préavis non travaillé de 6 mois avec les congés payés et le 13ème mois y afférents, une indemnité de licenciement de 376.182 F des dommages-intérêts de 156.000 F au titre du plan social, une indemnité amiable de 246.600 F représentant 12 mois de salaires, enfin une indemnité dite "out-placement" de 60.000 F en cas de reprise d'activité avant le 1er octobre 1993.

Ce protocole prévoyait que Monsieur X... quitterait l'entreprise le 30 septembre 1992.

Après son retour de vacances, Monsieur X... a signé le 31 août 1992 un protocole conforme au projet sus-visé.

Le 18 septembre 1992, la société COULTRONICS a demandé pour la seconde fois à l'Inspecteur du Travail d'autoriser le licenciement de Monsieur X... au motif que le poste occupé par Monsieur X... était supprimé dans le cadre des licenciements économiques enclenchés en Mai 1992.

Par décision du 5 octobre 1992, l'Inspecteur du Travail a rejeté cette demande en indiquant que :

- cette demande ne comportait pas d'élément nouveaux à l'exception d'une proposition de reclassement de l'intéressé, impliquant une modification substantielle de son contrat de travail, refusée par celui-ci, et alors que l'emploi du salarié n'était pas supprimé et pouvait, tout au plus, être réduit du fait de la réduction des effectifs des salariés.

Le 19 octobre 1992, la société COULTRONICS a présenté un recours gracieux contre cette seconde décision, recours ayant abouti le 10 novembre 1992 à une décision de rejet de l'Inspecteur du Travail, lequel a précisé que l'accord transactionnel ne pouvait remettre en cause la protection d'ordre public instituée en faveur des salariés protégés.

La société COULTRONICS France n'a exercé ni recours hiérarchique devant le Ministre concerné, ni recours contentieux devant la juridiction administrative.

Malgré l'existence de ces refus, l'employeur a maintenu sa position et a notifié le 21 novembre 1992 à Monsieur X... que son licenciement avait pris effet le 1er octobre 1992 qu'il n'aurait pas à travailler le préavis expirant le 31 mars 1993 et que la clause de non concurrence contractuelle était dénoncée.

Le contrat de travail a pris fin le 31 mars 1993.

En exécution du protocole d'accord du 31 août 1992, Monsieur X... a perçu :

- ses salaires sur la base de 18.000 F,

- le prorata de l'indemnité de 13è mois,

- les indemnités compensatrices de congés payés,

- diverses primes pour 1992 et 1993,

- une indemnité conventionnelle de licenciement de

373.171,50 F,

- l'indemnité "plan social" en dédommagement du

licenciement économique collectif, soit

179.303 F,

- une indemnité de dommages-intérêts pour

préjudice, paiement additionnel et transaction

spéciales, soit 246.600 F,

- 60.000 F en contrepartie de sa preuve d'avoir

trouvé un emploi avant le 1er octobre 1993 à

titre de complément de dommages-intérêts liés

au plan social.

Après avoir demandé, à l'amiable, sa réintégration verbalement en Avril 1993, Juin 1994 et Juin 1995, puis par lettre du 21 juillet 1995, Monsieur X... a saisi le Conseil de Prud'hommes de MONTMORENCY le 17 juillet 1995 en demandant sa réintégration sous astreinte de 1.000 F par jour de retard et une indemnité de procédure de 10.000 F.

Par conclusions ultérieures, il a demandé :

- la nullité de son licenciement et sa réintégration sous astreinte par la société COULTRONICS,

- une indemnité équivalente au paiement des salaires dus entre le 1er

avril 1993 et le 29 janvier 1996 (717.500 F) ainsi que des dommages-intérêts pour réparation de son préjudice moral et matériel (250.000 F),

- que ces sommes pouvaient être compensées avec celles reçues de la société COULTRONICS au titre du protocole d'accord (859.074 F),

- une indemnité de procédure de 10.000 F.

Par un jugement rendu le 15 mai 1996, le Conseil de Prud'hommes, ayant estimé que Monsieur X..., au long passé syndical, avait conscience de l'irrégularité du licenciement et que son consentement n'avait pas été surpris, et qu'ainsi le droit à réintégration a été définitivement éteint par la transaction, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes.

Monsieur X... a interjeté appel de cette décision.

Parallèlement à cette procédure, après une plainte "du chef de délit d'entrave au libre exercice du droit syndical prévu et réprimé par l'article L 481.2 du Code du Travail" déposée par Monsieur X... et par le syndicat CFTC, Monsieur Jean-Pierre Z... et Monsieur Brian Y..., respectivement Président du Conseil d'Administration et Administrateur de la SA COULTRONICS France, ont été cités devant le Tribunal de Grande Instance de PONTOISE pour avoir, notamment, licencié irrégulièrement un délégué syndical en procédant à son licenciement malgré une décision de refus de l'Inspection du Travail, au préjudice du syndicat CFTC et de Monsieur X...

Par un jugement en date du 13 mai 1998, le Tribunal a retenu la culpabilité des deux prévenus. Ceux-ci ont interjeté appel.

Saisie par Monsieur X... dans le cadre de la procédure prud'homale, la Cour d'Appel de VERSAILLES a rendu le 12 novembre 1998, à la demande de la société COULTRONICS, un arrêt du sursis à statuer jusqu'à intervention de la décision de la juridiction pénale.

Sur les appels relevés par Messieurs Z... et Y... de la décision correctionnelle susvisée, un arrêt prononcé par la Cour d'Appel de VERSAILLES le 24 mars 1999 retenant qu'en l'absence d'une autorisation de l'Inspecteur du Travail, le licenciement ne pouvait intervenir sous la forme d'une négociation, que Monsieur X... ne pouvait avoir renoncé par avance aux dispositions d'ordre public découlant de son mandat en signant, même librement, une transaction antérieure au licenciement, qu'il n'existait aucune autorisation tacite de l'Inspecteur du Travail, a confirmé le jugement entrepris tant sur la déclaration de culpabilité à l'encontre des deux prévenus que sur l'action civile.

C'est en cet état que l'affaire revient devant cette chambre sociale. Monsieur X... reprend ses demandes de première instance. Il demande :

- l'annulation de son licenciement et la condamnation de la société COULTRONICS à le réintégrer sous astreinte de 1.000 F par jour,

- une indemnité équivalente aux salaires qui auraient dû lui être versés entre le 1er avril 1993 et la date de l'arrêt, soit, déduction faite des sommes perçues au titre de la transaction, 559.135 F,

- le paiement de 300.000 F de dommages-intérêts au titre de la réparation de son préjudice matériel et moral,

- une indemnité de procédure de 20.000 F.

Il expose que :

- La Cour d'Appel de VERSAILLES, statuant en matière correctionnelle, confirmant la décision des premiers juges, a reconnu le caractère illicite de son licenciement et l'absence de portée de la transaction intervenue entre son employeur et lui-même,

- La société intimée, elle-même, dans sa demande de sursis a statuer, avait relevé que les deux instances avaient le même objet et que la

procédure prud'homale était subordonnée à la décision pénale à venir, - En vertu du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal, le 15ème Chambre sociale de la Cour d'Appel doit donc tirer toutes conséquences de la condamnation par la juridiction répressive de Messieurs Z... et Y... du chef d'entrave à l'exercice des fonctions d'une délégué syndical par licenciement irrégulier.

A titre surabondant, Monsieur X... plaide la nullité de son licenciement. Il soutient que :

- Le caractère d'ordre public des dispositions régissant le licenciement des salariés protégés rend illicite tout autre mode de rupture même négocié,

- En l'absence d'autorisation de l'Inspecteur du Travail, son licenciement ne pouvait dont être prononcé, même en passant par la voie de la négociation,

- la société n'ayant exercé aucun recours contre des décisions de l'Inspecteur du Travail, celles-ci étaient devenues définitives, si bien que son licenciement n'a pu valablement prendre effet.

A titre subsidiaire, Il entend démontrer la nullité du protocole du 31 août 1992 et il fait valoir que :

- Le caractère d'ordre public des dispositions sur le licenciement des salariés protégés s'oppose à la rupture négociée du contrat de travail et l'exception de transaction ne peut être retenue pour s'opposer à la réintégration, conséquence naturelle de la nullité de son licenciement,

- Le protocole signé en août 1992 visait à faire échec à des dispositions d'ordre public et sa cause était, par conséquent illicite,

- A la date de la signature du protocole, il n'avait pas encore été licencié et en signant une transaction antérieure à son licenciement,

il ne pouvait valablement renoncer par avance aux dispositions d'ordre public destinées à protéger son mandat peu important que le principe du licenciement ait été décidé par l'employeur au moment de la régularisation de la transaction,

- Il conteste formellement avoir rédigé le protocole, dont la version versée aux débats est écrite de la main de Monsieur A..., Directeur des Ressources humaines de la société alors que son accord a été obtenu sous les pressions et que, pour l'amener à négocier son départ, la société lui a confisqué dès le mois de mai 1992 l'essentiel de ses prérogatives professionnelles, alors même que l'intégralité de ses fonctions subsistaient, elle l'a donc mis dans l'impossibilité d'exercer normalement son mandat de délégué syndical en s'abstenant de lui fournir un local syndical et un panneau d'affichage, et en lui donnant un bureau vitré, attenant à celui de son supérieur hiérarchique,

- La réalité de ces pressions est établie par les attestations versées aux débats, et a été reconnue par le Tribunal Correctionnel et par la Cour d'Appel,

- L'attestation du Docteur B..., faisant état d'une "pression psychologique soigneusement entretenue ayant contribué à faire signer un protocole d'accord à Monsieur X..." ne saurait être écartée des débats au seul motif que le Docteur B... n'était ni médecin traitant, ni médecin du travail ; en effet le Docteur B... a eu à connaître en sa qualité de médecin des répercussions sur la santé de Monsieur X... et de sa famille de son conflit avec son employeur, - Il conteste avoir disposé d'un délai suffisant pour accepter la transaction,

- Le fait qu'il ait attendu deux ans et trois mois pour saisir la juridiction prud'homale ne saurait apporter valeur libératoire au

protocole,

- Il a en effet entrepris diverses démarches pour demander sa réintégration par voie amiable dès son départ de l'entreprise, et dès que la direction de la société lui a laissé entendre qu'elle pourrait revenir sur sa décision, et qu'il a compris qu'il n'en serait rien lorsqu'il a appris qu'un poste de cadre avait été créé à la Direction de Ressources Humaines un an et un jour après son départ,

- Cette circonstance est confirmée par les conclusions de la société, qui, pour s'opposer à la demande de réintégration de Monsieur X..., indique que son poste a été supprimé, ce qui démontre qu'il ne l'était pas au moment du licenciement,

- La direction ne l'a pas convoqué aux réunions du Comité d'Entreprise, alors qu'il en était devenu membre de droit, les effectifs de la Société étant passé en dessous du seuil de 300 salariés,

- Elle n'a pas davantage consulté le comité d'entreprise sur son licenciement ; ces faits révèlent son intention de nuire,

- La transaction ne peut donc avoir aucun effet libératoire,

- Il a droit à sa réintégration au moins dans un poste équivalent.

La société COULTRONICS, quant à elle, demande à la Cour de confirmer purement et simplement le jugement rendu par les premiers juges. Elle expose que :

- Monsieur X... a participé à la rédaction de l'accord du 31 août 1992,

- Le protocole d'accord manuscrit du 6 juillet 1992 a été rédigé par Monsieur X... lui-même, et il a contresigné, avec la Direction des Ressources Humaines, le 10 juillet 1992 le montant projeté de la transaction (de l'ordre de 900.000 F),

- Il a participé également, à la saisine de l'administration en s'associant au recours gracieux formé le 10 juillet 1992,

- Il a bénéficié d'un temps de réflexion tout à fait suffisant, la négociation "officielle" s'étant déroulée du 6 juillet 1992 au 31 août 1992,

- Il a attendu trois ans pour saisir la juridiction prud'homale,

- L'attestation du Docteur B..., datée du 5 février 1995, et donc bien postérieure aux faits, doit être rejetée, son auteur n'étant ni médecin traitant, ni médecin du travail, ni médecin expert,

- La Cour ne peut donc considérer que le consentement de Monsieur X... a été vicié,

- La suppression, depuis six ans, du poste de Monsieur X..., ainsi que la profonde restructuration subie par la société font obstacle à la réintégration de Monsieur X...,

- En tout état de cause, le droit à réintégration de Monsieur X... est définitivement éteint par la transaction conclue entre lui-même et son employeur, en vue de réparer tant les conséquences du licenciement lui-même que celles de son irrégularité,

- Subsidiairement, la réalité et le montant du préjudice résultant, pour Monsieur X... de la rupture de son contrat, ne sont pas établis avec certitude, et à défaut de justification précise et détaillée de sa perte de revenu, il y a lieu de considérer que son préjudice a été compensé par l'indemnité transactionnelle qui lui a été versée.

La société COULTRONICS France conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes de Monsieur X... et, à titre subsidiaire, à la compensation

La société COULTRONICS France conclut à la confirmation du jugement entrepris, au rejet des demandes de Monsieur X... et, à titre subsidiaire, à la compensation entre les sommes dues par elle et les indemnités déjà versées par elle au titre de la transaction.

SUR QUOI, LA COUR, - Sur l'autorité de la chose jugée et l'annulation

du licenciement -

Considérant qu'il est constant que la chose jugée au pénal est opposable à tous ceux qui participent au procès prud'homal en sorte qu'il n'est pas possible qu'une juridiction statuant en matière sociale remette en question ce qui a été définitivement, nécessairement et certainement décidé par le juge pénal sur l'existence des faits qui forment la base commune des actions sociale et pénale, sur la qualification de ces faits et sur la culpabilité de celui auxquels ces faits sont reprochés ;

Considérant qu'en l'espèce la décision de la Cour d'Appel du 24 mars 1999 a statué sur le fond de l'action publique, et est définitive ;

Que cet arrêt, sur les circonstances du fait, a rappelé que les règles d'ordre public applicables en matière de licenciement des salariés protégés rendaient illicite toute rupture, même négociée, autre que le licenciement régulier autorisé par l'administration compétente ;

Qu'en l'absence d'autorisation de l'Inspecteur du Travail, il a donc été jugé que le licenciement ne pouvait intervenir sous la forme d'une négociation et que le salarié ne pouvait être considéré comme ayant renoncé, par avance, aux dispositions d'ordre public découlant de son mandat en signant, même de façon éclairée et libre de tout passion, une transaction antérieure au licenciement ;

Qu'il a donc été jugé que la transaction invoquée était sans portée sur la constitution des infractions reprochées et le principe de culpabilité des prévenus ;

Considérant qu'ainsi les énonciations de la décision pénale concernant l'illicé'té du licenciement d'un délégué syndical au mépris des règles d'ordre public de protection des salariés protégés, en présence d'une transaction antérieure au licenciement, sont des causes certaines et nécessaires de cette décision, c'est à dire des

soutiens nécessaire du dispositif, et ont l'autorité de la chose jugée ;

Que ces constatations s'imposent dorénavant à la juridiction prud'homale ;

Qu'il s'ensuit qu'en signant une transaction antérieure au licenciement et même si ses fonctions exercées de longue date au sein du Comité d'Entreprise lui permettaient de donner un consentement éclairé, Monsieur X... ne pouvait renoncer aux dispositions d'ordre public instituant la protection de son mandat ;

Qu'en présence de cette protection exceptionnelle et exorbitante du droit commun édictée par les articles L 412.18 et L 412.19 du Code du Travail, il était interdit à l'employeur de poursuivre la résiliation du contrat de travail sans autorisation de l'Inspecteur du Travail, et ce, même en utilisant la voie négociée ;

Que la sanction d'un licenciement opéré sans autorisation administrative est son annulation ;

Qu'il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée et qu'il y a donc lieu de déclarer nul le licenciement de Monsieur X... ; - Sur les conséquences de la nullité du licenciement -

Considérant que l'annulation du licenciement emporte, pour le salarié, le droit à réintégration dans son emploi, ou bien, si cet emploi n'existe plus ou n'est pas vacant, dans un emploi équivalent comportant le même niveau de rémunération, la même rémunération et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial ;

Que l'employeur ne peut être libéré de son obligation que s'il existe une impossibilité absolue à la réintégration encore si la transaction avait réglé les conséquences pécuniaires de la rupture du contrat de travail après le licenciement ;

Que la société COULTRONICS France n'établit ni l'impossibilité d'une réintégration, ni l'existence d'un licenciement antérieur à la

transaction ;

Qu'en effet la transaction a été signée le 31 août 1992 et que le licenciement est intervenu le 21 novembre 1992 ;

Que Monsieur X... n'a pu en outre donner son plein accord amiable à la rupture qu'il savait engagée dès le mois d'Avril 1992 et ne faire que régler, par la transaction, un licenciement dont le caractère inéluctable était acquis, pour un salaire de son niveau, considéré comme acquis, alors que, le licenciement étant engagé dans des conditions contraires à la protection légale, il apparaît des attestations produites que Monsieur X... était l'objet d'une forme de rétrogradation et de pressions diverses de nature lui à enlever la perception tant de la portée de cette transaction que du caractère définitif du licenciement ;

Qu'il convient, en conséquence, d'ordonner la réintégration de Monsieur X... ; - Sur les conséquences financières de la réintégration -

Considérant que Monsieur X... a droit à une indemnité représentant la perte de salaire subie depuis le licenciement après déduction des salaires et indemnités de chômage perçues pendant la période en cause ;

Considérant que la société COULTRONICS reconnaît que Monsieur X... a perdu 402.953,20 F au titre des salaire (soit 1.164.553,20 F, salaires qui auraient été perçus - 761.600 F, salaires perçus réellement de 1993 à 1998) mais qu'elle dit que les sommes reçues au titre de l'indemnité de licenciement (376.182 F), de dommages-intérêts (156.000 F), d'indemnité transactionnelle (246.000 F) et d'out-placement (60.000 F) correspondant à 838.182 F, compensent largement le préjudice ;

Mais considérant qu'il ne peut être contesté qu'en considération des revalorisations de salaire qu'il aurait obtenues au sein de la SA

COULTRONICS, la perte brute de salaire de Monsieur X... aurait été du 1er avril 1993 au 31 décembre 1998 de : Coultronics reconstitués (indice des salaires Ministère du Travail)

Assedic puis Employeur

PERTE 1993 246.600 1994 252.500 1995 257.800 1996 262.800 1997 270.500 1998 277.500

151.144 118.979 125.776 129.365 144.963 156.026

95.456 F 133.521 F 132.024 F 133.435 F 125.537 F 121.474 F Soit

741.447 F

Que la société COULTRONICS ne conteste pas les autres chefs de pertes d'avantages divers y compris la prime de fidélité COULTER de 1.000 dollars par an sur 30 ans et la perte d'avantages COULTRONICS de 15.000 F par an ;

Qu'en revanche, la perte d'abondement de 10.000 F par an n'est pas expliquée ;

Que le décompte du préjudice s'établit donc comme suit : Pertes du 1er avril 1993 au 31 décembre 1998 : - Perte Salaires

741.447,00 F - Perte CNAV

24.630,00 F - Perte IRNIS

55.004,00 F - Perte CRICA

73.664,00 F - Perte Regime Prévoyance/Santé (1.000 F/mois

69.000,00 F - Perte Avantages Coultronics (15.000 F/an)

90.000,00 F - Prime de Fidélité Coulter (1.000 $/an de 1967 à 1997)

180.000,00 F Sous-total

1.233.745,00 F - Remboursement Totalité Transaction : A déduire

- 859.074,00 F Pertes

374.671,00 F

Considérant qu'il convient de condamner la société COULTRONICS France

à payer cette somme de 374.671 F à Monsieur X... en réparation de son préjudice ; - Sur l'indemnité de procédure -

Considérant qu'il est conforme à l'équité d'allouer à Monsieur X... une indemnité de 15.000 F au titre de l'article 700 du NCPC pour les frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et au cours de la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

INFIRME en toutes ses dispositions de jugement entrepris,

DIT nul le licenciement de Monsieur X...,

ORDONNE sa réintégration,

CONDAMNE la SA COULTRONICS à payer à Monsieur X... la somme de 374.671 F (trois cent soixante quatorze mille six cent soixante et onze francs) à titre de dommages-intérêts,

CONDAMNE la SA COULTRONICS à payer à Monsieur X... une indemnité de 15.000 F (quinze mille francs) au titre de l'article 700 du NCPC, LAISSE à la société COULTRONICS la charge des dépens.

ET ont signé le présent arrêt Monsieur LESEIGNEUR C..., par suite de l'empêchement de Madame D..., faisant fonction de Président, et Mademoiselle E..., Greffier.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-21785
Date de la décision : 14/09/1999

Analyses

REPRESENTATION DES SALARIES - Délégué syndical - Licenciement - Mesures spéciales - Autorisation de l'inspecteur du Travail - Annulation par le ministre du Travail - Réintégration - Réintégration du salarié dans son emploi - Effet

l'annulation du licenciement emporte, pour le salarié, le droit à réintégration dans son emploi, ou bien, si cet emploi n'existe plus ou n'est pas vacant, dans un emploi équivalent comportant le même niveau de rémunération, la même rémunération et les mêmes perspectives de carrière que l'emploi initial ;


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-09-14;1996.21785 ?
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