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09/09/1999 | FRANCE | N°JURITEXT000006935930

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 septembre 1999, JURITEXT000006935930


FAITS ET PROCEDURE

Monsieur Maurice X..., aujourd'hui décédé et aux droits duquel sont venus Monsieur et Madame Y..., ses légataires universels, était propriétaire de locaux commerciaux situés 56 rue Victor Hugo à BOIS COLOMBES, loués, suivant bail en date du 05 juin 1984, pour une durée de 3, 6, 9 années commençant à courir à compter du 1er septembre 1984, à la société NEW-CAR INTERNATIONAL.

Suivant acte en date du 27 février 1989 auquel est intervenu Monsieur X..., la société M.A. AUTOMOBILES est devenue cessionnaire du bail consenti à l'origine à la soc

iété NEW-CAR INTERNATIONAL précitée.

Suivant acte en date du 16 novembre 1990, ...

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur Maurice X..., aujourd'hui décédé et aux droits duquel sont venus Monsieur et Madame Y..., ses légataires universels, était propriétaire de locaux commerciaux situés 56 rue Victor Hugo à BOIS COLOMBES, loués, suivant bail en date du 05 juin 1984, pour une durée de 3, 6, 9 années commençant à courir à compter du 1er septembre 1984, à la société NEW-CAR INTERNATIONAL.

Suivant acte en date du 27 février 1989 auquel est intervenu Monsieur X..., la société M.A. AUTOMOBILES est devenue cessionnaire du bail consenti à l'origine à la société NEW-CAR INTERNATIONAL précitée.

Suivant acte en date du 16 novembre 1990, la société M.A. AUTOMOBILES a fait assigner Monsieur X... devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE pour voir prononcer la résiliation du bail aux torts du bailleur et condamner celui-ci à lui payer la somme de 300.000 francs à titre de dommages et intérêts ainsi que celle de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant actes des 24 février et 20 mars 1992, Monsieur X... a fait délivrer à la société M.A. AUTOMOBILES deux commandement visant la clause résolutoire.

En réplique, la société M.A. AUTOMOBILES a, par acte du 09 avril 1992, assigné Monsieur X... devant le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE pour voir prononcer la nullité des deux commandements susvisés et condamner le bailleur à lui payer 50.000 francs de dommages et intérêts et 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Suivant acte en date du 19 novembre 1993, Monsieur X... a donné congé à la société M.A. AUTOMOBILES pour le 31 août 1994, avec refus de renouvellement et de paiement d'une indemnité d'éviction, pour motifs graves et légitimes.

Suivant acte du 16 mai 1994, la société M.A. AUTOMOBILES a assigné Monsieur X... devant le même Tribunal de Grande Instance de NANTERRE pour voir :

[* dire qu'aucun motif grave et légitime ne justifie le refus de renouvellement du bail notifié le 19 novembre 1993 pour le 31 août 1994,

*] condamner Monsieur X... à payer une indemnité d'éviction de 2.000.000 francs et 20.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

[* subsidiairement, ordonner une expertise permettant de fixer le montant de l'indemnité d'éviction.

*]

Par jugement contradictoire du 16 novembre 1994, le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, 7ème chambre, 2ème section, statuant sur les instances introduites par assignations des 16 novembre 1990 et 09 avril 1992 a, notamment :

[* donné acte à Monsieur X... de son acquiescement à la demande de résiliation du bail présentée par la société M.A. AUTOMOBILES, par acte du 16 novembre 1990, et de son acceptation de verser à ladite société la somme de 300.000 francs à titre de dommages et intérêts,

*] condamné en tant que de besoin Monsieur X... à payer ladite somme de 300.000 francs,

ordonné l'expulsion de la société M.A. AUTOMOBILES dans un délai de

trois mois à compter de la signification du jugement,

[* ordonné la main-levée du séquestre des loyers ordonnée par décision du juge des référés en date du 17 avril 1992 et dit que le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats des HAUTS-DE-SEINE se libèrera des sommes consignées au profit de Monsieur X..., dès paiement par celui-ci de la somme de 300.000 francs mise à sa charge.

*] débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions en date du 05 janvier 1995, la société M.A. AUTOMOBILES a néanmoins maintenu les termes de sa dernière assignation en date du 16 mai 1994 prétendant que sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction aurait un fondement différent de celui des dommages et intérêts qui lui ont été alloués par le jugement du 16 novembre 1994, Monsieur X... concluant pour sa part à l'irrecevabilité et subsidiairement au mal fondé des prétentions adverses.

[*

Par jugement en date du 02 février 1996, la 7ème chambre, 1ère section, du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, saisie de ce dernier litige, a "débouté" la société M.A. AUTOMOBILES de ses prétentions et l'a condamnée à payer à Monsieur X... la somme de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, motif pris que le jugement du 16 novembre 1994, passé en force de chose jugée "ayant fait droit à l'acquiescement de Monsieur X... à la demande de résiliation du bail et de dommages et intérêts présentée par la société M.A. AUTOMOBILES, cette dernière ne peut demander d'indemnité d'éviction".

*]

Appelante de cette décision, la société M.A. AUTOMOBILES persiste à soutenir que l'indemnisation qu'elle a reçu dans le cadre du jugement du 16 novembre 1994 visait seulement à réparer le trouble de jouissance qu'elle a subi du fait du comportement fautif du bailleur et non à indemniser la perte de son droit au bail. Elle ajoute que le bailleur ne justifie d'aucun motif grave et légitime susceptible de faire échec à son droit à indemnité d'éviction et elle soutient à cet égard qu'il suffit de se référer aux pièces des débats pour constater que Monsieur X... a mis tout en oeuvre pour l'empêcher d'exploiter normalement son fonds et la contraindre à quitter les lieux. Elle fait également valoir que l'acquiescement de Monsieur X... à la demande de condamnation à des dommages et intérêts pour trouble de jouissance est à lui seul de nature à caractériser l'absence de motif grave et légitime. Elle demande, en conséquence, à nouveau que l'indemnité d'éviction à laquelle elle est en droit de prétendre soit fixée à 2 millions de francs, ou que, subsidiairement soit ordonnée avant dire droit une mesure d'expertise. Elle réclame également au bailleur une indemnité de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

Les époux Y..., venant comme il a été dit aux droits de Monsieur X... décédé depuis le prononcé du jugement déféré, font valoir en réplique que la demande d'indemnité d'éviction formée par la partie adverse est irrecevable comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée comme l'a dit à bon droit le tribunal, et ils concluent à la confirmation sur ce point du jugement entrepris. A titre subsidiaire, et pour le cas ou la Cour en déciderait autrement, ils estiment qu'ils caractérisent suffisamment en l'espèce des motifs graves de refus de renouvellement sans indemnité d'éviction et ils concluent au

débouté des prétentions émises de ce chef par la société M.A. AUTOMOBILES. En tout état de cause, ils demandent que cette dernière soit condamnée à lui payer la somme de 50.000 francs à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, outre une indemnité complémentaire de 25.000 francs en couverture des frais qu'ils ont été contraint d'exposer devant la Cour.

Enfin, il convient de noter que, postérieurement à l'ordonnance de clôture, la société M.A. AUTOMOBILES a déposé des écritures tendant à la réouverture des débats, motif pris que son conseil étant décédé en cours d'instance, son successeur n'a pas été en mesure de répliquer utilement aux dernières écritures prises par les époux Y..., et que la Cour, a décidé de joindre l'incident au fond, comme en fait foi l'extrait du plumitif d'audience. MOTIFS DE LA DECISION

[* Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

Considérant que le Conseil de la société M.A. AUTOMOBILES est décédé le 12 octobre 1998 ; que, eu égard à ces circonstances, la clôture, initialement prévue pour le 22 octobre 1998, a fait l'objet de deux reports et n'est intervenue finalement que le 21 janvier 1999 ; qu'il s'ensuit que la société M.A. AUTOMOBILES, toujours représentée par son avoué, a disposé d'un délai de plus de trois mois pour réorganiser sa défense ; que, de surcroît, son nouveau conseil a obtenu un report de la date des plaidoiries pour préparer son dossier ; que, dans ces conditions, il n'existe pas en la cause un motif grave, au sens de l'article 784 du Nouveau Code de Procédure Civile, justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture.

*] Sur le fond

Considérant que le droit au renouvellement du bail, et en cas de refus du bailleur, sa contrepartie, à savoir le droit à indemnité d'éviction, ne peuvent être invoqués que par le titulaire d'un bail relevant du champ d'application du décret du 30 septembre 1953.

Considérant que, comme le révèle le jugement en date du 16 novembre 1994, dont il est acquis qu'il est passé en force de chose jugée, Monsieur X... a donné son acquiescement à la demande de résiliation du bail et de dommages et intérêts présentée par la société M.A. AUTOMOBILES ; qu'il suit de là que cette dernière n'est plus, par l'effet de cette décision, titulaire à ce jour d'un bail commercial et que, indemnisée dans les limites de sa demande du préjudice subi du fait de la résiliation, elle a épuisé les droits qu'elle aurait pu faire valoir envers le bailleur, sur un autre fondement, s'il n'avait pas été mis judiciairement sur sa demande, un terme aux relations contractuelles ; que c'est donc à bon droit que le premier juge a déclaré irrecevable la demande en paiement d'une indemnité d'éviction maintenue par la société M.A. AUTOMOBILES, celle-ci n'ayant plus désormais qualité pour agir à l'encontre du bailleur sur le fondement du décret précité du 30 septembre 1953.

Considérant que les époux Y..., qui viennent aux droits de Monsieur X..., ne justifient cependant pas que l'action engagée à leur encontre par la société M.A. AUTOMOBILES, qui a pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de ses droits, ait dégénéré en abus de procédure ; qu'ils seront déboutés de la demande de dommages et intérêts qu'ils forment de ce chef ; que, de même, eu égard aux circonstances particulières du litige, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en la cause de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; que le jugement déféré sera infirmé, mais seulement en ce qu'il a alloué, sur le fondement de l'article 700 précité, une indemnité de 8.000 francs à Monsieur X...

Considérant enfin que la société M.A. AUTOMOBILES qui succombe, supportera les entiers dépens exposés à ce jour. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT la SARL M.A. AUTOMOBILES en son appel,

- MAIS dit celui-ci pour l'essentiel mal fondé,

- CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a dit irrecevable la demande en paiement d'une indemnité d'éviction formée par la SARL M.A. AUTOMOBILES,

- L'INFIRME en ce qu'il a condamné la SARL M.A. AUTOMOBILES à payer à Monsieur Maurice X..., aux droits duquel se trouvent aujourd'hui les époux Y..., une indemnité de 8.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et dit n'y avoir lieu en la cause à application dudit article,

- REJETTE la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée par les mêmes époux Y...,

- CONDAMNE la SARL M.A. AUTOMOBILES, qui succombe dans l'exercice de son recours, aux entiers dépens exposés à ce jour et autorise la SCP d'avoués LEFEVRE-TARDY à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT M.T. GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006935930
Date de la décision : 09/09/1999

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Domaine d'application - Qualité du preneur - Conditions

Seul le titulaire d'un bail relevant du décret du 30 septembre 1953 peut invoquer un droit au renouvellement de son contrat ou un droit au paiement d'une indemnité d'éviction. Dés lors qu'un jugement passé en force de chose jugée a constaté l'acquiescement du bailleur à la demande de résiliation et d'indemnisation du locataire, ce preneur n'est plus titulaire d'un bail commercial et ne dispose donc plus des droits issus du décret de 1953.


Références :

Décret du 30 septembre 1953

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-09-09;juritext000006935930 ?
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