FAITS ET PROCEDURE
Par jugement en date du 14 décembre 1995, le tribunal de commerce de NANTERRE a prononcé dans un litige opposant Maître SEGUI ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL GAM, et Monsieur et Madame X..., d'une part, à la SARL FRANCAISE DE RANGEMENTS (S.F.R.) et la société KAZED, d'autre part.
Par cette décision, cette juridiction a débouté les demandeurs de leur demande d'annulation d'un contrat de franchise mais, en raison de fautes précontractuelles, a condamné la société S.F.R. à payer à Maître SEGUI ès- qualités la somme de 226.885,66 francs H.T. et a débouté la société S.F.R. de sa demande reconventionnelle. Elle a, par ailleurs, mis la société KAZED hors de cause et a débouté les époux X... de leur demande de dommages intérêts.
La société S.F.R. a interjeté appel de cette décision.
Elle a été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de NANTERRE en date du 21 mai 1997.
Maître OUIZILLE a été désigné mandataire liquidateur.
Il est intervenu volontairement et a déclaré se désister, ès-qualités, de l'appel interjeté par la société S.F.R. Il faisait valoir que ce désistement n'avait pas à être accepté en l'absence de toute demande reconventionnelle valablement formée antérieurement à son intervention.
Il soulignait qu'en effet aucune demande reconventionnelle n'avait été formée dans l'assignation qui lui avait été délivrée le 8 août 1997, sur laquelle il ne s'était, d'ailleurs, pas constitué. Le "dispositif" de l'assignation ne comporte, selon Maître OUIZILLE, aucune demande. Cet acte est donc nul et n'a pu valablement le mettre en cause.
La mise en cause de Maître OUIZILLE n'ayant pas été effectuée valablement, l'instance demeurait, selon lui, suspendue de plein droit. Dès lors les conclusions "comportant appel provoqué" du 27 novembre 1997, signifiées avant qu'il n'intervienne volontairement le 6 mars 1998 ne sauraient avoir eu d'effet puisque, pendant la suspension de la procédure, aucun acte ne peut être valablement accompli.
Dès lors, Maître OUIZILLE considérait que le désistement qu'il avait exprimé en intervenant volontairement était parfait et n'avait pas besoin d'être accepté.
Sur ce point, Maître SEGUI ès-qualités et les époux X... s'opposaient à ce désistement, faisant valoir qu'ils avaient assigné Maître OUIZILLE en reprise d'instance le 8 août 1997 puis l'avaient réassigné le 30 septembre. Ces assignations, et spécialement la première, rappellent les causes du jugement, la procédure pendante devant la cour et l'objet de la demande. Elles sont dès lors régulières. La prétendue nullité dont se prévaut Maître OUIZILLE n'a, surabondamment, pas causé de grief puisque celui-ci a constitué avoué.
En outre, ils soulignaient qu'avant notification contenant appel incident, ils avaient réassigné Maître OUIZILLE, à personne, le 30 septembre 1997.
Ils précisaient encore qu'en toute hypothèse, la nullité de tout acte de procédure est couverte, en application de l'article 112 du nouveau code de procédure civile, lorsque celui qui l'invoque a, postérieurement à l'acte critiqué, fait valoir des défenses au fond. Tel est le cas de Maître OUIZILLE qui a fait valoir des défenses au fond en soulevant l'extinction de leur créance.
En tout état de cause, Maître SEGUI et les époux X... soulignaient qu'ils avaient pris soin de notifier leurs conclusions comportant appel incident à Maître OUIZILLE par acte en date du 27 novembre 1997, notification qui ne peut être affectée par l'irrégularité alléguée de l'acte du 8 août.
Dans ces conditions, ils considéraient que les dispositions de l'article 401 du nouveau code de procédure civile, sur lesquelles Maître OUIZILLE se fondait pour estimer que son désistement n'avait pas à être accepté, ne pouvaient conduire à la solution qu'il avançait.
La société KAZED estimait de son côté que le désistement de Maître OUIZILLE était parfait.
Maître SEGUI et les époux X... ayant perdu leur qualité d'intimé du fait du désistement de Maître OUIZILLE étaient dès lors dépourvus de qualité pour régulariser un appel provoqué à l'encontre de la société KAZED.
Elle demandait en conséquence à la cour de constater son dessaisissement.
Par arrêt avant dire droit en date du 2 juillet 1998, la cour de ce siège a observé que la société S.F.R. avait interjeté appel du jugement rendu le 14 décembre 1995 par le tribunal de commerce de NANTERRE par déclaration au greffe de la cour de ce siège en date du 1er février 1996 et avait été mise en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de NANTERRE en date du 21 mai 1997, Maître OUIZILLE étant désigné mandataire liquidateur.
La cour a ensuite relevé qu'entre et le 21 mai 1997, date de mise en liquidation judiciaire de S.F.R., Maître SEGUI et les époux X... avaient constitué avoué mais n'avaient pas conclu et que la société KAZED n'avait, quant à elle, constitué avoué que le 18 juillet 1997.
Par application de l'article 369 du nouveau code de procédure civile, l'instance avait été interrompue par l'effet du jugement qui avait prononcé la liquidation judiciaire de l'appelante, la société S.F.R. L'instance pouvait alors être reprise soit volontairement soit par
voie de citation, comme il est dit à l'article 373 du nouveau code de procédure civile.
La cour a ensuite observé que selon l'article 401 du nouveau code de procédure civile le désistement, sans réserves, d'appel n'a besoin d'être accepté que si la partie à l'égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente et estimé qu'en conséquence, il y avait lieu de rechercher, pour prononcer sur la recevabilité de l'appel incident de Maître SEGUI et des époux X..., si cet appel avait été régulièrement formé avant que l'appelant principal ne se soit désisté de son recours, la solution de cette question dépendant du point de savoir si Maître OUIZILLE avait été régulièrement attrait en la procédure avant qu'il n'intervienne volontairement.
Sur ce point, la cour a relevé que l'assignation délivrée à Maître OUIZILLE le 8 août 1997 avait été délivrée selon les modalités ainsi précisées par l'huissier significateur : "remis à la personne morale : Maître OUIZILLE Patrick à Madame SANTOS Manuella secrétaire ainsi déclarée" et que Maître OUIZILLE n'était pas une personne morale.
La cour a alors observé qu'à supposer même qu'une signification à une personne physique puisse valablement être qualifiée de signification "à personne morale" (et qu'ainsi l'erreur contenue dans l'acte du 8 août soit génératrice non d'une inexistence, mais d'une simple nullité), elle ne saurait, par application des dispositions de l'article 655 précité, être faite à domicile que si la signification à la personne elle même s'avère impossible.
Elle a enfin relevé que Maître OUIZILLE n'avait pas constitué avoué sur la signification qui avait été faite, dans les conditions qui venaient d'être dites, le 8 août 1997. Dès lors, que si cet acte était entaché de nullité, cette nullité était ainsi susceptible d'avoir causé un grief.
Les parties n'ayant pas conclu sur l'existence et la régularité de l'assignation du 8 août 1997, au regard de ces éléments, la cour a, par application de l'article 16 du nouveau code de procédure civile, réouvert les débats pour leur permettre de conclure sur ce point et sur les conséquences qui pourraient découler d'une inexistence ou d'une nullité de cette assignation.
Ensuite de cet arrêt, Maître OUIZILLE a conclu, le 7 avril 1999, en faisant valoir que l'assignation du 8 août 1997 est inexistante et dès lors insusceptible de régularisation. En tout état de cause, si l'inexistence n'était pas retenue, les irrégularités affectant l'acte du 8 août 1997 constitueraient une fin de non-recevoir qui peut être invoquée à tout moment.
A supposer qu'une régularisation soit possible, la réassignation du 30 septembre 1997 ne saurait avoir eu cet effet, ni l'acte du 8 août, ni celui du 30 septembre ne comportent de motivation.
Maître SEGUI et les époux X... ne sauraient non plus soutenir qu'ils pouvaient former un appel provoqué par voie de notification de conclusions ; la mise en cause de Maître OUIZILLE n'ayant pas été effectuée valablement, la procédure est restée suspendue de plein droit.
Dès lors le désistement de Maître OUIZILLE est parfait et il n'importe à cet égard que la société S.F.R. ne se soit pas, elle même, désistée, compte-tenu des dispositions de l'article 152 de la loi du 25 janvier 1985.
Au demeurant, cet argument invoqué pour la première fois après l'arrêt de réouverture limitée des débats ne saurait être admis.
Subsidiairement, Maître OUIZILLE estime que la créance alléguée est éteinte. En toute hypothèse, en demandant que leur créance soit fixée au montant de la condamnation de première instance, les époux X... ont acquiescé à cette décision. Il demande condamnation des époux X... à lui payer la somme de 50.000 francs de dommages intérêts pour procédure abusive.
Encore plus subsidiairement, Maître OUIZILLE estime que l'exploitation de la franchise de VINCENNES était rentable et qu'il ne peut être reproché à la société S.F.R. la moindre divulgation de savoir faire.
Il demande en conséquence à la cour de dire qu'il n'a pas été valablement mis en cause et de lui donner acte de son désistement d'appel.
Subsidiairement, il demande de dire que Maître SEGUI ès-qualités et les époux X... ont acquiescé au jugement, de constater que la société KAZED n'a formé aucune demande contre lui.
A titre plus subsidiaire, il demande de dire que les demandes dirigées contre lui sont mal fondées et de condamner les époux X... à lui payer 50.000 francs de dommages intérêts pour procédure abusive.
Maître SEGUI ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL GAM et les époux X... estiment que la cause de nullité éventuelle de l'acte du 8 août 1997 ne saurait ni être invoquée, par application de l'article 113 du nouveau code de procédure civile, ni entraîner l'annulation de l'acte, en l'absence de grief.
En premier lieu, en effet, Maître OUIZILLE n'a pas soulevé la nullité aujourd'hui alléguée en premier lieu. Il avait soulevé un autre moyen de nullité fondé sur une prétendue méconnaissance de l'article 56 du nouveau code de procédure civile.
En outre, l'erreur commise par l'huissier est une erreur matérielle grossière que Maître OUIZILLE a pu rectifier de lui-même, l'acte ayant été remis à son domicile, à une personne habilitée, l'huissier ayant été dans l'impossibilité de le remettre à l'intéressé lui-même. Maître OUIZILLE ne saurait tenter de tirer avantage de n'avoir pas constitué avoué dans les délais impartis.
La réassignation de Maître OUIZILLE du 30 septembre 1997 est, par ailleurs, régulière.
S'agissant des actes subséquents à l'acte du 8 août, la réassignation du 30 septembre 1997 couvre, le cas échéant, la nullité éventuelle de l'assignation du 8 août.
La notification des conclusions d'appel incident, en date du 27 novembre 1997, ne peut être affectée par l'éventuelle nullité de l'acte du 8 août, en étant entièrement indépendante.
La société S.F.R. a, par ailleurs, un droit propre à agir en matière de vérification de créance. A l'origine, la société S.F.R. avait, seule, interjeté appel. Le fait qu'elle fasse l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire ne lui fait pas perdre sa qualité d'appelante et son droit propre à agir et contester la créance des intimés. L'article 152 de la loi du 25 janvier 1985 est inapplicable puisqu'il ne s'agit ni d'administrer ni de disposer du patrimoine du débiteur, mais de déterminer une partie du passif. Dès lors, à défaut de désistement de sa part, le désistement de Maître OUIZILLE n'est pas parfait.
Maintenant leur appel incident, Maître SEGUI ès-qualités et les époux
GUILLAUMIN font valoir que le contrat de franchise est nul pour indétermination de la chose et du prix mais aussi pour dol.
A cet égard, la société S.F.R. a sciemment caché des éléments particulièrement importants -éléments que précisent, de façon développée, les intimés- pour la prise de décision (ce qu'elle avait, d'ailleurs, déjà fait).
Subsidiairement, la société S.F.R. a commis une faute précontractuelle, comme l'ont retenu les premiers juges, même s'ils n'en ont pas tiré toutes les conséquences.
Le contrat signé était, en réalité, vide de substance. La réitération d'une réussite n'existait pas, la société S.F.R. n'était pas propriétaire de la marque "les as du placard" non plus que d'une licence d'exploitation, le savoir faire n'a pas été exclusivement réservé aux franchisés et il y a eu défaut d'assistance et de publicité.
Les intimés s'estiment bien fondés à mettre directement en cause la socité KAZED qui soutenait abusivement la société S.F.R. et s'est livrée au pillage du savoir faire de sa filiale.
En conséquence, Maître SEGUI ès-qualités demande fixation de sa créance sur la société S.F.R. à 59.300 francs de remboursement du droit d'entrée (en conséquence de la nullité), et 1.006.174,10 francs (pour les redevances) et condamnation de la société KAZED au paiement des mêmes sommes, fixation de sa créance sur la société S.F.R. à 718.340,40 francs de remboursement de factures et condamnation de la société KAZED au paiement de la même somme, fixation de a créance sur la société S.F.R. à 1.082.991,50 frais (frais de publicité) et condamnation de la société KAZED au paiement de la même somme.
Subsidiairement il demande de fixer sa créance à 347.697 francs de report du report négatif à nouveau et de condamner la société KAZED au paiement de la même somme, Monsieur X... demande que sa créance soit fixée à 412.732 francs et que la société KAZED soit condamnée au paiement de la même somme, Madame X... demande que
sa créance soit fixée à 1.097.910 francs et que la société KAZED soit condamnée au paiement de la même somme.
Ils demandent en outre condamnation de la SARL KAZED à leur payer à chacun 15.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société KAZED estime irrecevable l'appel provoqué de Maître SEGUI et des époux X....
L'acte du 8 août 1997 et la réassignation du 30 septembre sont inexistants
.
Quant à leur contenu, le premier ne contient aucune précision
permettant à son destinataire de comprendre qu'une demande de reprise d'instance est formée à son égard et le second ne constitue nullement une "réassignation", se référant seulement au premier.
S'agissant des conditions de leur délivrance, les mentions de l'acte du 8 août montrent qu'il n'a jamais été délivré à Maître OUIZILLE, personne physique et son inexistence ne peut être régularisée par l'acte du 30 septembre.
Dès lors, la suspension de l'instance n'a pas cessé jusqu'au désistement de Maître OUIZILLE qui y a mis fin.
A titre subsidiaire, les actes des 8 août et 30 septembre 1997 sont nuls.
A titre très subsidiaire, la société KAZED sollicite la réouverture des débats sur le fond. En toute hypothèse, l'action dirigée contre elle est dépourvue de tout fondement. Il en a d'ailleurs déjà été
jugé ainsi, dans des espèces similaires.
La société KAZED demande condamnation de Maître SEGUI et des époux X... à lui payer 150.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
*
SUR CE LA COUR
Attendu que l'assignation délivrée à Maître OUIZILLE le 8 août 1997 l'a selon les modalités ainsi précisées par l'huissier significateur:
"remis à la personne morale: Maître OUIZILLE Patrick à Madame SANTOS Manuella secrétaire ainsi déclarée" ;
Attendu que Maître OUIZILLE n'est pas une personne morale ;
Attendu que les modalités de signification suivies ont été celles de la signification à une personne morale (signification "à personne" remise à une personne habilitée) et non celles de la signification à une personne physique (qui auraient, notamment, pu être signification à une personne présente compte-tenu de l'impossibilité de trouver le destinataire lui-même) ;
Attendu qu'une telle signification, effectuée à une personne qui n'existe pas et qui, en tout cas, n'est pas et ne saurait être Maître OUIZILLE -les personnes physiques et les personnes morales étant des êtres juridiques radicalement distincts- n'est pas opposable à Me OUIZILLE; que celui-ci est fondé à se prévaloir de l'inopposabilité de cet acte en tout état de cause;
Attendu que cet acte inopposable ne lui a pas été rendu opposable par l'intervention de l'acte improprement qualifié de "réassignation" du 30 septembre 1997 ; qu'il appartiendra, le cas échéant, aux intimés de tirer toutes conséquences de cet état de fait du point de vue de la responsabilité de l'huissier qui a effectué la signification du 8 août 1997 ;
at de fait du point de vue de la responsabilité de l'huissier qui a effectué la signification du 8 août 1997 ;
Attendu que Maître OUIZILLE n'a pas constitué avoué sur la signification qui avait été faite, dans les conditions qui venaient d'être dites, le 8 août 1997 mais est intervenu volontairement par conclusions du 6 mars 1998, par lesquelles il s'est désisté de l'appel ;
Attendu que cette intervention volontaire a mis fin à la suspension de l'instance qui résultait, par application de l'article 369 du
nouveau code de procédure civile, du jugement qui avait prononcé la liquidation judiciaire de l'appelante, la société S.F.R. ;
Attendu que la société S.F.R., dessaisie de l'administration et de la disposition de ses biens n'avait pas à se désister de son recours, le désistement effectué par Maître OUIZILLE, ès-qualités, étant parfait dès lors que, lorsqu'il est intervenu, aucune demande n'avait valablement été effectuée ;
Attendu dans ces conditions qu'il échet de constater le désistement de Maître OUIZILLE ès-qualités et l'extinction de l'instance ;
Attendu que l'équité s'oppose à condamnation sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
* PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement et contradictoirement,
- CONSTATE le désistement parfait, par Maître OUIZILLE, ès-qualités, de l'appel interjeté le 1er février 1995 par la société S.F.R.,
- DIT n'y avoir lieu à condamnation sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- CONDAMNE Maître OUIZILLE ès-qualités aux dépens,
- ADMET les SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL et LISSARAGUE-DUPUIS et Associés, Avoués, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
ARRET REDIGE PAR MONSIEUR MARON, CONSEILLER PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET
LE GREFFIER
LE PRESIDENT
M. Thérèse GENISSEL
F. ASSIÉ