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15/07/1999 | FRANCE | N°1999-692P

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15 juillet 1999, 1999-692P


DECISION

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 11 mai 1999, les policiers de la DDJP 92 de NANTERRE,

constataient que le nommé M X..., maintenu en salle de rétention administrative de NANTERRE, pendant le temps légal d'une procédure d'expulsion n'ayant pas abouti, n'était pas originaire du BANGLADESH, pays dont il s'était jusqu'alors déclaré ressortissant, l'arrêté de reconduite à la frontière lui ayant été notifié le 05 mai 1999, une

décision de refus de titre de séjour ayant été prise le 29 juin 1998 à la suite de la demande...

DECISION

La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant :

LE RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 11 mai 1999, les policiers de la DDJP 92 de NANTERRE,

constataient que le nommé M X..., maintenu en salle de rétention administrative de NANTERRE, pendant le temps légal d'une procédure d'expulsion n'ayant pas abouti, n'était pas originaire du BANGLADESH, pays dont il s'était jusqu'alors déclaré ressortissant, l'arrêté de reconduite à la frontière lui ayant été notifié le 05 mai 1999, une décision de refus de titre de séjour ayant été prise le 29 juin 1998 à la suite de la demande d'asile présentée.

M X... a précisé qu'il avait dit être de nationalité BANGLADESH car toute sa famille se trouvait dans ce pays.

Il a déclaré comprendre le français lors de son interrogatoire.

Lors de la comparution immédiate, il a bénéficié de l'assistance d'un interprète et prétendu qu'il ignorait sa véritable nationalité. Il a également déclaré que son retour au BANGLADESH n'était pas possible actuellement.

Son conseil avait sollicité l'annulation de la procédure en raison de l'absence d'interprète à l'occasion de son interrogatoire par les policiers.

C'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement frappé d'appel.

Devant la Cour, M X..., assisté d'un interprète, déclare :

- qu'il n'a pas compris les questions des policiers,

- qu'il ne peut valablement dire, au jour d'aujourd'hui, quelle est sa véritable nationalité, du fait de son statut d'apatride, aucun pays ne voulant le reconnaître comme l'un de ses ressortissants.

Son conseil a soulevé in limine litis un certain nombre d'exceptions tendant :

- à la nullité de l'interpellation dont a fait l'objet M X..., le contrôle d'identité dont il a fait l'objet n'étant pas conforme aux dispositions de l'article 78-2 du code de procédure pénale,

- à l'absence de procès-verbal de placement en garde à vue et de notification des droits le 5 mai 1999,

- à la nullité de l'arrêté de refus de séjour du 29 juin 1998 et de l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 05 mai 1999 et de l'arrêté de rétention du même jour,

- à l'interpellation du 11 mai 1999, dénuée de tout motif et donc arbitraire,

- à la nullité de la garde à vue du 12 mai 1999 et des auditions qui ont suivies, sans interprète.

Sur le fond, à titre subsidiaire, il fait solliciter la relaxe de M X..., les éléments constitutifs du délit n'étant pas réunis.

L'Avocat Général a souligné que la quasi-totalité des demandes de nullité étaient irrecevables, car soulevées pour la première fois en cause d'appel.

L'Avocat Général soutient que la procédure d'urgence est régulière. Sur le fond, l'Avocat Général sollicite la confirmation du jugement

entrepris.

SUR CE

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 385 alinéa 3 du code de procédure pénale, le tribunal statue sur les exceptions de nullité tirées de la méconnaissance d'une formalité substantielle et prononce la nullité si la méconnaissance de cette formalité a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne; que dans tous les cas, les exceptions de nullité devant être présentés avant toute défense au fond, elles ne peuvent être présentées pour la première fois devant la Cour d'appel, après un débat au fond devant le tribunal;

Considérant que M X... n'a soulevé devant le tribunal avant toute défense au fond, que la nullité tirée de l'absence d'interprète au cours de l'enquête préliminaire; que la règle énoncée plus haut s'applique à toutes les nullités même substantielles touchant à l'ordre public à l'exception de celles affectant la compétence et exclut qu'elles soient relevées d'office par la juridiction répressive;

Considérant en conséquence que la Cour ne doit examiner que la demande de l'appelant tendant à voir prononcer la nullité de la garde à vue du 12 mai 1999 et des auditions qui ont suivi sans interprète en violation des dispositions de l'article 63-1 du code de procédure pénale et de l'article 6 de la Convention Européenne des Droits de l'Homme;

Considérant que l'article 63-1 énonce que les informations

mentionnées au premier alinéa relatives aux droits du gardé à vue (prévenir un membre de sa famille, visite médicale, entretien avec un avocat) doivent lui être communiquées dans une langue qu'il comprend; Considérant par ailleurs que La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales énonce en son article 6 le droit pour toute personne avisée d'une infraction d'être informée dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui;

Considérant que la présente procédure a pour origine la "découverte" en salle de rétention administrative à NANTERRE, durant le temps légal d'une procédure d'expulsion n'ayant pas abouti, de ce que M X..., après audition par un membre désigné par l'autorité consulaire du BANGLADESH, serait apparu comme n'étant pas originaire de ce pays dont il s'était pourtant déclaré ressortissant;

Considérant que sur instructions du Parquet de NANTERRE, M X... a été placé en garde à vue le 11 mai à 17h35; que le procès verbal, lui notifiant cette mesure, rédigé à 18h20, mentionne qu'il comprend le français;

Considérant que M X... a été ensuite entendu par le même Lieutenant de Police M, de 18h25 à 18h35; que son audition pratiquée sans interprète, a été des plus succinctes, l'officier de police judiciaire ne paraissant pas subodorer la situation particulièrement complexe de M X... à partir du moment où ce dernier faisait état de sa nationalité pakistanaise;

Considérant que M X... a ensuite été assisté d'un interprète "bengali" devant le tribunal puis devant la Cour qui a pu se rendre compte de ce qu'il n'avait qu'une connaissance très rudimentaire de la langue française, qui ne lui permet pas de toute évidence pas permis de présenter sa situation administrative avec toutes les nuances qu'elle nécessite;

Considérant qu'il ressort en effet des pièces versées par l'appelant que ce dernier, né à DHAKA au BANGLADESH et appartenant à la communauté BEHARI pouvait être assimilé à un sujet pakistanais exilé au BANGLADESH dont il n'a pas la nationalité;

Considérant que M X..., au vu de son histoire personnelle particulièrement complexe, ne pouvait, en l'absence d'interprète bengali, donner valablement de précisions sur sa situation qui se révèle être celle d'un allogène BEHARI du BANGLADESH et non d'un ressortissant PAKISTANAIS dont il réclame en vain la nationalité;

Considérant que suivant l'article 171 du code de procédure pénale il y a nullité lorsque la méconnaissance d'une formalité substantielle prévue par l'article 63-1 du même code, a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne; que tel est le cas de l'espèce, M X... n'ayant pu valablement être interrogé sur les éléments constitutifs de l'infraction;

Considérant qu'il y a lieu en conséquence d'annuler l'ensemble des actes auxquels il a été procédé en garde à vue et de l'ensemble de la procédure;

***

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dit que l'absence d'interprète au cours de la garde à vue seule exception recevable en cause d'appel, constitue une violation d'une formalité substantielle portant atteinte aux intérêts de M X...,

Annule en conséquence les procès verbaux de la garde à vue et la procédure subséquente,

Renvoie M X... des fins de la poursuite,

Le tout en application des articles 63-1, 171 et 385 du code de procédure pénale,

Ordonne la mise en liberté de M X... s'il n'est détenu pour autre cause,

Et ont signé le présent arrêt Monsieur RIOLACCI, Président et Madame Y..., Greffier.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-692P
Date de la décision : 15/07/1999

Analyses

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Exception de nullité - Présentation - Moment.

En vertu de l'article 385, alinéa 3 du Code de procédure pénale, le tribunal statue sur les exceptions de nullité tirées de la méconnaissance d'une formalité substantielle et prononce la nullité si la méconnaissance de cette formalité a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne, sous réserve qu'elles aient été soulevées avant toute défense au fond devant le juge du premier degré

GARDE A VUE - Droits de la personne gardée à vue - Notification - Langue comprise par la personne gardée à vue - Interprète assermenté.

En application de l'article 63-1 du Code de procédure pénale, les informations relatives aux droits du gardé à vue doivent être délivrées à l'intéressé dans une langue qu'il comprend, et, en vertu de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, toute personne prévenue d'une infraction doit à plus bref délai et de manière détaillée être informée dans une langue qu'elle comprend de la nature et de la cause de la prévention portée à son encontre. L'absence d'interprète au moment de la garde à vue et des auditions subséquentes constitue une violation de cette formalité substantielle qui, en application de l'article 171 du Code de procédure pénale, entraîne la nullité de la garde à vue et de la procédure subséquente en ce qu'elle a porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne


Références :

N1Code de procédure pénale, article 385, alinéa 3
N2Code de procédure pénale, articles 63-1, 171, Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, article 6

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-07-15;1999.692p ?
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