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01/07/1999 | FRANCE | N°1996-3235

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 juillet 1999, 1996-3235


COUR D'APPEL DE VERSAILLES

E.D. - JLG/KP - REPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS Arrêt n°

Le PREMIER JUILLET

MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF du 01.07.1999

la Cour d'Appel de VERSAILLES, 12ème Chambre, 1ère Section

a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant,

prononcé en AUDIENCE PUBLIQUE R.G. n° 3235/96

la cause ayant été débattue en AUDIENCE PUBLIQUE

le DOUZE MAI

MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF

devant : AFFAIRE :

Monsieur GALLET, Président SA LOGIREP HLM

magistrat rapporteur en

application de l'article 786 du Nouveau Code de

Procédure Civile, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, assisté C/

...

COUR D'APPEL DE VERSAILLES

E.D. - JLG/KP - REPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS Arrêt n°

Le PREMIER JUILLET

MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF du 01.07.1999

la Cour d'Appel de VERSAILLES, 12ème Chambre, 1ère Section

a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant,

prononcé en AUDIENCE PUBLIQUE R.G. n° 3235/96

la cause ayant été débattue en AUDIENCE PUBLIQUE

le DOUZE MAI

MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF

devant : AFFAIRE :

Monsieur GALLET, Président SA LOGIREP HLM

magistrat rapporteur en application de l'article 786 du Nouveau Code de

Procédure Civile, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, assisté C/

de Madame LE GRAND, Greffier Sté Civile Foncière 95

Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la Cour, celle-ci étant

composée de :

Monsieur GALLET, Président Appel d'un jugement

Madame TOUTAIN, Conseiller rendu le 23.02.96

Monsieur RAFFEJEAUD, Conseiller par le TGI de Nanterre

(7ème chambre- 1ère section)

et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la Loi,

Le Président ayant avisé les avocats des parties que l'arrêt serait rendu

le 24.06.1999 prorogé au 01.07.1999

DANS L'AFFAIRE ENTRE

LA SOCIETE LOGIREP HLM (S.A.),

ayant son siège 127, rue Gambetta à SURESNES (92150)

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés

en cette qualité audit siège

APPELANTE

CONCLUANT par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN,

avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES

PLAIDANT par Maître VATIER, avocat au Barreau de PARIS Copie certifiée conforme

Expédition exécutoire délivrées le

à :

Scp Lambert-Debray-Chemin

Scp Lissarrague-Dupuis

ET

LA SOCIETE CIVILE FONCIERE 65,

ayant son siège 50 avenue des Champs Elysées, à PARIS (75008)

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité

audit siège

INTIMEE

CONCLUANT par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; Associés, avoués

près la Cour d'Appel de VERSAILLES

PLAIDANT par Maître URSINGHER du Cabinet CONFINO, avocat au

Barreau de PARIS 5 RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société CIVILE FONCIERE 65 a, suivant acte sous seing privé en date du 15 mars 1990, donné à bail commercial à la société d'H.L.M. LOGIREP la totalité d'un immeuble sis à PUTEAUX, 25 rue Auguste Blanche, pour une durée de 9 ans, à compter du 1er janvier 1990. Par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 1995, adressée à l'attention d'un collaborateur de la bailleresse, la société LOGIREP a informé celle-ci qu'elle "donnait congé à l'expiration de la période triennale en cours, soit le 31 décembre 1995".

Estimant que ce congé, qui n'avait pas revêtu la forme d'un acte extra-judiciaire prévu par le bail, était nul, la société CIVILE FONCIERE 65 a, par acte d'huissier du 11 octobre 1995, assigné à jour fixe la société LOGIREP pour voir dire nul et inopposable le congé notifié le 12 avril.

Par jugement rendu le 23 février 1996, le tribunal de grande instance de NANTERRE a déclaré nul et de nul effet le congé délivré le 12 avril 1995 par la société LOGIREP, et a condamné celle-ci à payer à la société CIVILE FONCIERE 65 la somme de 15.000,00 frs en application de l'article 700 du NCPC.

Le tribunal, se fondant sur l'article 1134 du code civil, a considéré que le fait pour la société bailleresse de s'être abstenue d'attirer l'attention de son cocontractant dans un délai lui ouvrant une possibilité de régularisation sur le non respect des formes

contractuellement convenues et conformes à la loi, ne peut en aucun cas entrer dans le devoir de coopération et de renseignements invoqué par la société LOGIREP comme incombant à tout contractant de bonne foi. Il a ajouté que ce devoir ne peut se concevoir que dans le cadre des conditions de fond de l'exécution du contrat et non dans celui d'une obligation générale de conseil juridique à son partenaire, d'autant plus inconcevable en l'espèce que les deux parties en cause sont toutes deux des professionnelles de l'immobilier.

Par conclusions signifiées le 23 mai 1996, le 13 janvier 1999 et le 25 février 1999, la société LOGIREP, appelante, fait valoir qu'il eût été loyal de la part de la société CIVILE FONCIERE 65 de faire connaître à la société LOGIREP, à la réception du congé, qu'elle le considérait nul. Elle indique que l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 ne prévoit pas la nullité comme sanction de l'inobservation de la formalité de la notification par acte extra-judiciaire, ajoutant que seul le droit commun de la procédure civile a vocation à s'appliquer et que la société CIVILE FONCIERE 65 est dans l'impossibilité de démontrer un intérêt légitime à invoquer la nullité. Elle invoque l'article 114 alinéa 2 du NCPC qu'elle considère applicable à tout acte d'huissier, et dénie l'existence d'un grief pour la société CIVILE FONCIERE 65, informée du congé. Elle soutient encore que la formalité d'un acte d'huissier ne peut être exigée à peine de nullité, dès lors que le nouveau code de procédure civile prévoit que la notification en la forme ordinaire se fait par lettre recommandée. Elle conteste toute reconnaissance implicite de la nullité du congé. Elle fait valoir que la société CIVILE FONCIERE 65 a manqué à l'obligation de loyauté en s'abstenant de toute protestation à la réception du congé qui lui a été adressé par lettre recommandée et que la mauvaise foi de cette société la prive du droit de soulever la nullité du congé. Elle prétend que la

société CIVILE FONCIERE 65 a également manqué à son obligation de coopération, en précisant que l'information qu'elle devait donner à sa cocontractante concerne le fond de l'exécution du contrat, la considération que les parties soient toutes deux des professionnelles étant sans incidence. Elle en déduit que la notification du congé est régulière. Subsidiairement, elle invoque le préjudice que lui a causé la mauvaise foi de la société CIVILE FONCIERE 65 et dont elle réclame la réparation. Elle demande à la cour de :

- réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 23 février 1996 par le Tribunal de Grande Instance de Nanterre,

Vu les articles 1134 et 1135 du Code civil,

Vu l'article 114 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Vu les articles 651 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile, - dire et juger qu'en opposant à LOGIREP qui avait notifié son congé plus de deux mois avant la date prévue par le contrat, le défaut de régularisation dudit congé, le lendemain de la date d'expiration du délai de notification, la Société Civile Foncière a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi ses engagements à l'égard du preneur, et se prévaut de mauvaise foi d'une irrégularité qui ne lui fait pas grief,

En conséquence,

- dire et juger que la notification du congé du 12 avril 1995 pour le 31 décembre 1995 par LOGIREP sous la forme recommandée avec accusé de réception, est régulière,

- condamner la Société Civile Foncière 65 à payer à LOGIREP une somme de 30.000,00 frs au titre de l'article 700 du NCPC,

Subsidiairement, à supposer que la Cour confirme le jugement en ce qu'il a considéré que le congé notifié par lettre recommandée avec accusé de réception par la Société LOGIREP était nul et non avenu,

- dire et juger que la mauvaise foi de la Société Civile Foncière 65 dans l'exécution de ses obligations contractuelles, a causé un préjudice important à la Société LOGIREP, qui justifie la condamnation de la bailleresse à des dommages et intérêts équivalents à trois années de loyer annuel, soit la somme totale de 10.481.060,00 frs,

- la condamner en conséquence à lui payer une somme de 10.481.060,00 frs,

- adjuger pour le surplus, à la société LOGIREP, le bénéfice de ses précédentes écritures,

- statuer comme précédemment requis quant aux dépens.

Par conclusions récapitulatives et en réplique signifiées le 6 avril 1999, la société CIVILE FONCIERE 65 expose que la société LOGIREP se soumet, sans en interjeter appel, aux décisions de référé qui la condamnent régulièrement à payer les loyers afférents à la période triennale litigieuse et lui a fait délivrer un nouveau congé pour le 31 décembre 1998. Elle rappelle que la sanction des dispositions de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953, article qui est d'ordre public, est la nullité du congé irrégulier, laquelle peut être invoquée par le bailleur, sans avoir à prouver un intérêt légitime à cette nullité ni un grief. Elle soutient que les dispositions de l'article 114 du NCPC sont inapplicables, le congé n'étant pas un acte de procédure, et que la substitution d'une lettre recommandée à un acte extrajudiciaire ne constitue pas un vice de forme au sens de ce texte, de même que sont inapplicables les dispositions du nouveau code de procédure civile sur la forme des notifications. Elle conteste tout manquement à l'obligation de loyauté en indiquant ne faire qu'user de son droit de contester l'usage irrégulier par sa locataire d'un mécanisme légal, d'autant que la société LOGIREP, professionnelle de l'immobilier, n'a pas elle-même respecté le bail.

Elle conteste pareillement tout manquement à une obligation de coopération, soulignant ne pas devoir être le conseil de sa locataire, elle-même professionnelle, censée, comme tout un chacun, ne pas ignorer la loi. Elle fait observer que la société LOGIREP forme pour la première fois en appel sa demande de dommages et intérêts, dès lors irrecevable, et, en tout cas, elle conteste tout fait fautif qui soit à l'origine d'un prétendu préjudice. Elle demande à la cour de :

- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de Grande Instance de NANTERRE le 23 février 1996 en toutes ses dispositions,

- par application de l'article 564 du nouveau code de procédure civile, dire irrecevables les demandes nouvelles formées par la société LOGIREP dans ses conclusions du 25 février 1999,

- condamner la société LOGIREP à lui payer la somme de 40.000,00 frs sur le fondement de l'article 700 du NCPC,

- condamner la société LOGIREP aux entiers dépens qui comprendront ceux de première instance et d'appel, qui pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE-DUPUIS etamp; Associés, Avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.

La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 13 avril 1999, et l'affaire a été évoquée à l'audience du 12 mai 1999. SUR CE, LA COUR :

Considérant que la demande, présentée pour la première fois devant la cour par la société LOGIREP, en indemnisation de son préjudice causé par l'exécution de mauvaise foi des obligations contractuelles de la société CIVILE FONCIERE 65, est l'accessoire, la conséquence ou le complément de sa défense, soumise au premier juge, tendant à voir débouter sa bailleresse de sa demande en nullité du congé qui lui a été notifiée par lettre recommandée avec accusé de réception et à voir juger régulière cette notification, au motif que la demanderesse

a manqué à son obligation d'exécution de bonne foi du contrat de bail conclu entre elles ;

Que, conformément à l'article 566 du NCPC, elle est donc recevable ; Considérant qu'il est constant que le contrat de bail conclu, le 15 mars 1990, entre les parties stipule, en son article 3, que "le présent bail est consenti et accepté pour une durée de neuf années entières..Il cessera dans les conditions fixées par la législation sur les baux à usage commercial, industriel ou artisanal. Le preneur aura la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale en avisant le bailleur par acte extra-judiciaire, signifié au plus tard six mois avant l'expiration de la période en cours." ; que la société LOGIREP a, par lettre recommandée avec accusé de réception, adressée, le 12 avril 1995, à la société CIVILE FONCIERE, à l'attention de M. X..., donné congé pour la fin de la période triennale en cours, soit le 31 décembre 1995, date à laquelle elle a effectivement quitté les lieux et restitué les clés ;

Qu'il ressort de la combinaison des articles 3-1 et 35 du décret du 30 septembre 1953, auquel est soumis le bail liant les parties, que les dispositions de l'article 5 du même texte sont d'ordre public et que le congé qui n'est pas donné par acte extra-judiciaire est nul ; Que la substitution d'une lettre recommandée avec accusé de réception à l'acte extra-judiciaire imposé par les dispositions impératives dudit article 5, qui affecte la validité du congé, ne constitue pas un vice de forme entachant un acte de procédure, au sens de l'article 114 du NCPC, dont les dispositions sont, dès lors, inapplicables ; qu'il s'ensuit que celui qui peut invoquer la nullité du congé n'a pas à rapporter la preuve d'un grief ou d'un intérêt légitime ; que sont pareillement inapplicables les règles du nouveau code de

procédure civile relatives à la notification des actes en la forme ordinaire auxquelles déroge expressément le texte ci-dessus évoqué ; Qu'il s'ensuit que le congé donné par la société LOGIREP, par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 12 avril 1995, est nul et de nul effet ;

Mais considérant que, selon l'article 1134 alinéa 3 du code civil, "elles les conventions légalement formées doivent être exécutées de bonne foi" ;

Considérant, en l'espèce, que la société CIVILE FONCIERE 65, qui a reçu la notification du congé donné par la société LOGIREP, en une forme irrégulière, plus de deux mois et demi avant la date limite pour y procéder, a manqué aux obligations de loyauté et de bonne foi édictées par le texte ci-dessus évoqué, en ne signalant pas cette irrégularité à sa locataire qui aurait pu y remédier et en revendiquant abusivement les conséquences juridiques de cette irrégularité ; que ce manquement est d'autant plus certain que, comme elle le reconnaît elle-même, dans son courrier du 27 juillet 1995, son préposé, destinataire du congé, "en bon connaisseur de la chose immobilière et plus particulièrement des baux commerciaux", a immédiatement constaté l'irrégularité formelle, considérant la notification "comme étant un courrier de courtoisie et d'information" qu'il a simplement classé au dossier ; que, compte tenu de la qualité de professionnelle de la société LOGIREP, elle a pu, dès la réception du congé, constater ou supposer que cette irrégularité procédait d'une simple erreur et non pas d'une faute volontaire de sa cocontractante ; qu'ainsi, ayant connaissance de l'erreur commise par sa locataire et étant elle-même apte, en raison de sa compétence en la matière, à en mesurer la portée, son abstention, qui s'apparente à la réticence dolosive, révèle l'exploitation abusive qu'elle a voulu

en faire, en méconnaissance de son obligation de coopération et d'information qu'elle se devait de mettre en oeuvre, et au détriment de l'équilibre contractuel et du caractère commutatif du contrat que les parties ont eu en vue, en fonction de leur commune intention ; que cette attitude est illustrée par le fait que, dès le 27 juillet 1995, en réponse à une lettre du 21 juillet 1995 de la société LOGIREP qui lui avait fait part de sa surprise "d'apprendre de sa part, le lendemain de la date d'expiration du préavis, qu'elle entendait se prévaloir de la nullité du congé" et lui avait demandé de "considérer le congé comme régulier et valable", la société CIVILE FONCIERE 65 s'est refusée à toute régularisation, en prétendant n'avoir eu connaissance que "tout dernièrement" de la lettre recommandée "qui se voulait être un congé", tout en reconnaissant que son préposé avait "fait une exacte interprétation juridique" du document reçu, dont il n'est pas vraisemblable qu' "en bon connaisseur de la chose immobilière", il n'ait pas informé sa direction, d'autant que, comme elle le prétend sans le démontrer, il n'aurait pas été un destinataire habilité ; que, pour dénier le caractère fautif de son comportement, la société CIVILE FONCIERE 65 ne peut utilement tirer argument de ce que l'erreur commise par la société LOGIREP constitue une méconnaissance de l'article 5 du décret du 30 septembre 1953 et des stipulations du contrat de bail que celle-ci ne pouvait ignorer, dès lors que le respect de ses propres obligations contractuelles aurait permis à son auteur de réparer cette erreur et de restaurer l'intégrité du rapport contractuel ; que la qualité de professionnelles de l'immobilier des deux parties est sans incidence sur l'existence des obligations de bonne foi et de loyauté, inhérentes à tout engagement contractuel, comme l'énonce l'article 1134 alinéa 3 du code civil, ci-dessus rappelé ;

Que la mauvaise foi et le manque de loyauté de la société CIVILE

FONCIERE 65, découlant du caractère fautif de son abstention et du caractère abusif de l'invocation de la nullité du congé, sont soulignés par les conséquences disproportionnées qui en résultent pour la société LOGIREP dont l'obligation à s'acquitter des loyers pour toute la période triennale suivante alors qu'elle a quitté les locaux le 31 décembre 1995, ne peut être regardée comme la contrepartie d'une prestation ni comme la réparation d'un préjudice purement éventuel ; qu'à cet égard, la société CIVILE FONCIERE 65 ne prétend pas et, en tout cas, ne démontre pas que l'exécution de ses obligations de bonne foi et de loyauté aurait nui à ses intérêts puisque, d'une part, elle disposait d'un délai de six mois pour trouver un nouveau locataire, et que, d'autre part, elle conteste que le montant du loyer payé par la société LOGIREP ait excédé la valeur locative, de sorte qu'elle n'avait pas à redouter l'inoccupation des locaux ni la conclusion d'un nouveau bail avec un nouveau locataire à des conditions nettement moins favorables ;

Que, dans ces conditions, l'abstention de la société CIVILE FONCIERE 65 à informer la société LOGIREP de l'irrégularité de son congé, suivie de l'exercice abusif de son droit à se prévaloir de la nullité du congé, sont constitutifs d'une faute génératrice d'un préjudice correspondant aux trois années de loyers que la société locataire a été amenée à payer, soit le montant incontesté de 10.481.060,00 frs ; qu'il convient, en conséquence, de dire qu'elle sera tenue de payer ce montant à la société LOGIREP, à titre de dommages et intérêts ;

Considérant que l'équité ne commande pas l'application de l'article 700 du NCPC ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- DÉCLARE recevable l'appel interjeté par la société LOGIREP à

l'encontre du jugement rendu le 23 février 1996 par le tribunal de grande instance de NANTERRE,

- LE DIT bien fondé,

- INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LOGIREP à payer à la société CIVILE FONCIERE 65 la somme de 15.000,00 frs (QUINZE MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens,

- CONFIRME le surplus du jugement,

- DÉCLARE recevable la demande d'indemnisation formée devant la cour par la société LOGIREP,

- DÉCLARE la société CIVILE FONCIERE 65 entièrement responsable du préjudice souffert par la société LOGIREP,

- CONDAMNE la société CIVILE FONCIERE 65 à payer à la société LOGIREP la somme de 10.481.060,00 frs (DIX MILLIONS QUATRE CENT QUATRE-VINGT-UN MILLE SOIXANTE FRANCS), à titre de dommages et intérêts,

- CONDAMNE la société CIVILE FONCIERE 65 aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui, en ce qui concerne ceux d'appel, pourront être recouvrés directement par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN, conformément à l'article 699 du NCPC,

- DÉBOUTE les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples. ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier

Le Président M. LE GRAND

J.L. GALLET 12ème chambre A - Délibéré du 01/07/1999 RG N°3235/96 Sté LOGIREP HLM (Scp Lambert-Debray-Chemin) c/ Sté Civile Foncière 95 (Scp Lissarrague-Dupuis)

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- DÉCLARE recevable l'appel interjeté par la société LOGIREP à l'encontre du jugement rendu le 23 février 1996 par le tribunal de grande instance de NANTERRE,

- LE DIT bien fondé,

- INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société LOGIREP à payer à la société CIVILE FONCIERE 65 la somme de 15.000,00 frs (QUINZE MILLE FRANCS) en application de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux dépens,

- CONFIRME le surplus du jugement,

- DÉCLARE recevable la demande d'indemnisation formée devant la cour par la société LOGIREP,

- DÉCLARE la société CIVILE FONCIERE 65 entièrement responsable du préjudice souffert par la société LOGIREP,

- CONDAMNE la société CIVILE FONCIERE 65 à payer à la société LOGIREP la somme de 10.481.060,00 frs (DIX MILLIONS QUATRE CENT QUATRE-VINGT-UN MILLE SOIXANTE FRANCS), à titre de dommages et intérêts,

- CONDAMNE la société CIVILE FONCIERE 65 aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui, en ce qui concerne ceux d'appel, pourront être recouvrés directement par la SCP LAMBERT-DEBRAY-CHEMIN, conformément à l'article 699 du NCPC,

- DÉBOUTE les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier

Le Président M. LE GRAND

J.L. GALLET 0 Arrêt 1996-3235 1 1 juillet 1999 2 CA Versailles 3 12 A, Présidence : M. J-L. GALLET, Conseillers : Mme Y. Toutain, M. A. Raffejeaud. 4 1) Bail commercial, Congé, Forme, Acte extra- judiciaire, Inobservation, Nullité 2) Contrats et obligations, Exécution, Bonne foi, Bail commercial, Congé irrégulier, Portée 1) Il résulte de la combinaison des articles 3-1 et 35 du décret du 30 septembre 1953, relatif aux baux commerciaux, que les dispositions de l'article 5 du même texte, afférentes au congé, sont d'ordre public et qu'un congé qui n'est pas donné par acte extra-judiciaire est nul. Il s'ensuit que la substitution d'une lettre recommandée avec accusé de réception à l'acte extra-judiciaire prévu par l'article 5 précité affecte la validité du congé et ne constitue pas, au sens de l'article 114 du NCPC, un vice de forme entachant un acte de procédure dont le prononcé de la nullité serait subordonné à la preuve, par celui qui l'invoque, d'un grief ou d'un intérêt légitime. En l'occurrence, le congé donné par un locataire, par simple lettre recommandée avec accusé de réception est nul et de nul effet. 2) Les conventions légalement formées doivent, en vertu de l'article 1134 alinéa 3 du code civil " être exécutées de bonne foi ". Un bailleur, professionnel de l'immobilier, qui reçoit notification du congé donné par son locataire en forme irrégulière,

plus de deux mois avant la date limite pour y procéder, qui s'abstient, en connaissance de cause, de signaler à celui-ci l'irrégularité à laquelle il aurait pu être remédié et qui revendique ensuite les conséquences juridiques de ladite irrégularité, manque aux obligations de loyauté et de bonne foi édictées par l'article 1134 précité et son invocation de la nullité du congé a un caractère abusif que soulignent les conséquences disproportionnées qui en résultent pour le locataire, obligé de s'acquitter des loyers pour la période triennale suivante pour des locaux qu'elle a quittés, alors que le bailleur ne prétend, ni ne démontre que l'exécution de ses obligations de bonne foi et de loyauté aurait nui à ses intérêts. Il s'ensuit que l'abstention du bailleur et l'exercice abusif de son droit à se prévaloir de la nullité du congé sont constitutifs d'une faute génératrice d'un préjudice correspondant aux trois années de loyers que le locataire a été amené à payer, qu'il convient, en conséquence, de fixer les dommages et intérêts dus par le bailleur à ce même montant. * * *


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-3235
Date de la décision : 01/07/1999

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Congé - Forme - Acte extrajudiciaire - Inobservation - Nullité

Il résulte de la combinaison des articles 3-1 et 35 du décret du 30 septembre 1953 que les dispositions de l'article 5 du même texte sont d'ordre public et que le congé qui n'est pas donné par acte extrajudiciaire est nul. Toutefois, un bailleur, professionnel de l'immobilier, qui reçoit notification du congé donné par son locataire en forme irrégulière, plus de deux mois avant la date limite pour procéder à la régularisation, et s'abstient, en connaissance de cause, de signaler à celui-ci cette irrégularité, manque aux obligations de loyauté et de bonne foi édictées par l'article 1134 du code civil et, de ce fait, sa demande en nullité du congé a un caractère abusif


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-07-01;1996.3235 ?
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