La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/1999 | FRANCE | N°1999-952P

France | France, Cour d'appel de Versailles, 03 juin 1999, 1999-952P


DECISION La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant: RAPPEL DES FAITS Le 14 septembre 1997, Virginie R, demeurant à ä, âgée de 18 ans et demi déposait plainte auprès du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de CHARTRES à l'encontre de C J, alors officier de police judiciaire, adjoint au Commandant de la brigade territoriale de la gendarmerie nationale de (ressort) pour des faits d'agression sexuelle et de violation de domicile. L'enquête diligentée par l'Inspection Technique de la Gendarmerie

Nationale rapportait les informations ci-après : - Le 11 septembr...

DECISION La Cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, jugeant publiquement, a rendu l'arrêt suivant: RAPPEL DES FAITS Le 14 septembre 1997, Virginie R, demeurant à ä, âgée de 18 ans et demi déposait plainte auprès du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de CHARTRES à l'encontre de C J, alors officier de police judiciaire, adjoint au Commandant de la brigade territoriale de la gendarmerie nationale de (ressort) pour des faits d'agression sexuelle et de violation de domicile. L'enquête diligentée par l'Inspection Technique de la Gendarmerie Nationale rapportait les informations ci-après : - Le 11 septembre 1997 aux environs de onze heures, le chef C J proposait de ramener la jeune fille à son domicile avec le véhicule CLIO de service. Arrivés sur les lieux, tous deux se rendaient au sous-sol de la maison où demeure avec ses parents Virginie R. Selon celle-ci, le chef C J lui prétextait alors devoir vérifier à nouveau l'état d'une porte extérieure, laquelle avait été fracturée au cours de l'année 1996, l'affaire n'ayant pas été élucidée. Mais, aux dires de C J, Virginie R l'aurait invité à venir voir son lapin nain et il aurait accepté. Rapidement, le chef J posait la main sur la cuisse de la jeune fille, tentait de l'embrasser et de la caresser, en lui disant à plusieurs reprises: "j'ai envie, j'ai envie". Il la caressait ainsi sur la poitrine et, après lui avoir fait glisser une bretelle de sa robe, passait sa main sous celle-ci et lui caressait le sexe par-dessus le slip. Au bout de quelques minutes, le chef C J quittait la maison, en précisant "je reviendrai". Virginie R fait état de son absence totale de consentement et de l'expression très claire de celui-ci par des cris ou des gestes. C J était placé en garde à vue le 20 octobre 1997 et entendu par les soins d'un officier de police judiciaire de l'inspection technique. Au cours des vingt quatre premières heures de garde à vue, C J indiquait qu'il ne s'était rien passé entre Virginie

R et lui-même, à l'exception de la "visite domiciliaire" pour cause d'enquête antérieure. A l'occasion de sa prolongation de garde à vue , il donnait des faits eux-mêmes une version quasiment identique à celle de Virginie R, mais affirmait que cette dernière était consentante voire qu'elle avait été à l'initiative de leurs étreintes. C J maintenait cette version lors de l'information judiciaire, tant à l'occasion de son interrogatoire de première comparution qu'aux interrogatoires ultérieurs. A l'issue de l'information, C J était renvoyé devant le tribunal correctionnel pour avoir : - à ä, le 11 septembre 1997, en tout cas dans l'arrondissement judiciaire de CHARTRES, et depuis temps non couvert par la prescription, commis par surprise, contrainte ou violence, une agression sexuelle autre que le viol sur la personne de Virginie R, avec cette circonstance que l'infraction a été commise par une personne ayant abusé de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. Devant le Tribunal la partie civile et le prévenu ont maintenu leurs déclarations antérieures, Virginie R ajoutant toutefois que, paralysée par la peur, elle avait "rendu un baiser à son agresseur pour qu'il parte". C'est dans ces conditions qu'a été rendu le jugement frappé d'appel. A l'audience de la Cour, la partie civile confirme ses déclarations précédentes. Par conclusions déposées le 6 octobre 1999, son conseil demande: - infirmer la décision entreprise, - condamner le prévenu à telle peine qu'il plaira à la Cour, Statuant sur les présentes conclusions de partie civile, - dire qu'elles sont recevables et fondées, - condamner C J à payer à Virginie R la somme de 25 000 francs à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi, - le condamner en tous les dépens. Le Ministère Public requiert la confirmation du jugement. Le prévenu confirme ses déclarations antérieures, précisant qu'il avait donné une première version mensongère parce qu'il avait honte de s'être mis dans cette

situation un mois après son mariage. Il indique qu'il a fait l'objet d'une sanction disciplinaire et d'un retrait d'habilitation de sa qualité d'officier de police judiciaire. Il demande la confirmation du jugement. MOTIFS DE LA DECISION Considérant que les appels, interjetés dans les formes et délais légaux, sont recevables; Considérant que l'attitude de la jeune fille et celle du militaire, immédiatement après les faits, s'expliquent parfaitement si l'on admet la version de la partie civile mais deviennent peu compréhensibles si l'on retient les explications du prévenu; qu'en effet, moins de trois heures après la scène en question, Virginie R s'est présentée au Commissariat de police, puis y est revenue deux heures plus tard accompagnée de son père, tandis que C J, informé de cette démarche par les policiers, téléphonait à plusieurs reprises au Commissariat pour implorer les enquêteurs de dissuader la jeune fille de porter plainte; que les explications laborieuses du prévenu pour convaincre d'une dénonciation calomnieuse ne résistent pas à l'examen, les investigations ayant montré que la plaignante n'avait préalablement aucune raison particulière d'en vouloir à ce gendarme, l'intéressée affirmant d'ailleurs que, si le militaire avait présenté des excuses, elle n'aurait sans doute pas déposé plainte, ce qui ne va guère dans le sens du chantage dont se plaint le prévenu; Considérant que la version de la partie civile est confortée par les déclarations de D H, témoin extérieur à l'affaire, qui semble d'ailleurs ne plus être en très bons termes avec Virginie R et n'a donc aucune raison de fournir un témoignage de complaisance, qui a attesté du trouble de la victime après les faits, précisant qu'il lui semblait que "quelque chose de grave s'était passé"; Considérant enfin que la crédibilité de Virginie R, qui, de toute évidence, n'avait aucun intérêt à déclencher une procédure longue et fort pénible pour elle, est attestée par l'expertise à laquelle la

plaignante a été soumise; Considérant qu'il est absolument évident que la différence d'âge entre Virginie R et C J, ainsi que le statut social de ce dernier, ne pouvaient que faire naître un sentiment de contrainte chez une telle jeune fille; qu'en outre, le fait que le prévenu ait agi en uniforme, après avoir emmené la victime dans un véhicule de la Gendarmerie, caractérise la circonstance aggravante d'abus d'autorité; qu'au vu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera infirmé et le prévenu déclaré coupable des faits reprochés; Considérant que, si la gravité de ces faits ne doit certainement pas être sous-estimée, les agissements du prévenu peuvent s'analyser comme ayant été commis dans un regrettable moment d'égarement, ce qui n'impose pas, au vu des renseignements recueillis sur l'intéressé et des sanctions disciplinaires dont il a d'ores et déjà fait l'objet, que celui-ci soit définitivement écarté de ses fonctions professionnelles; qu'en conséquence, la Cour estime devoir prononcer à l'égard du prévenu la peine de 3 mois d'emprisonnement avec sursis, cette condamnation n'étant pas mentionnée au bulletin N° 2 du casier judiciaire de l'intéressé; Considérant que le préjudice subi par la partie civile recevra réparation par l'octroi de la somme de 5000 F à titre de dommages-intérêts; Considérant qu'il serait inéquitable que la partie civile ait à assumer les frais irrépétibles qu'elle a dû engager dans la procédure d'appel; que la Cour est en mesure de fixer à 3000 F la somme que le prévenu devra lui payer en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale; PAR CES MOTIFS La Cour, statuant contradictoirement, - déclare les appels recevables; - infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau :

Sur l'action publique - déclare C J coupable des faits qui lui sont reprochés; - le condamne à 3 mois d'emprisonnement avec sursis; - dit que cette condamnation ne sera pas mentionnée au bulletin N° 2 du casier judiciaire de l'intéressé; Sur l'action civile - reçoit

Virginie R en sa constitution de partie civile; - condamne C J à lui payer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 5 000 F; - condamne C J à payer, en application de l'article 475-1 du code de procédure pénale, la somme de 3000 F à Virginie R; - déboute les parties de leurs conclusions contraires ou plus amples. L'avertissement prévu par l'article 132.29 du Code pénal a été donné au condamné. En application des articles 132.29 à 132.39, 222.22, 222.27, 222.28 du Code pénal. Et ont signé le présent arrêt Monsieur RIOLACCI, Président et Madame DANTONEL, F.F.Greffier. LE GREFFIER, LE PRESIDENT Décision soumise à un droit fixe de procédure (art.1018A du code des impôts) 800 francs


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1999-952P
Date de la décision : 03/06/1999

Analyses

AGRESSIONS SEXUELLES - Autres agressions sexuelles - Eléments consti

Le fait que l'auteur d'une agression sexuelle ait agi en uniforme, après avoir emmené la victime dans un véhicule de service, caractérise l'abus d'autorité, circonstance aggravante de l'infraction


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-06-03;1999.952p ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award