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21/05/1999 | FRANCE | N°1997-5179

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 mai 1999, 1997-5179


FAITS ET PROCEDURE

Suivant un jugement du tribunal d'instance de PUTEAUX en date du 18 janvier 1994 l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX, locataire de certains locaux dépendant de l'immeuble 30, rue Godefroy à PUTEAUX a été déchue du droit du maintien dans les lieux, cette décision étant confirmée par un arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES rendu le 2 juin 1995.

Les locaux ont été restitués le 7 juillet 1995 aux bailleurs, les consorts X... qui, par acte du 16 septembre 1996, ont assigné l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX en paiement d'une

somme de 841.707,10 Francs au titre des réparations locatives qu'ils es...

FAITS ET PROCEDURE

Suivant un jugement du tribunal d'instance de PUTEAUX en date du 18 janvier 1994 l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX, locataire de certains locaux dépendant de l'immeuble 30, rue Godefroy à PUTEAUX a été déchue du droit du maintien dans les lieux, cette décision étant confirmée par un arrêt de la cour d'appel de VERSAILLES rendu le 2 juin 1995.

Les locaux ont été restitués le 7 juillet 1995 aux bailleurs, les consorts X... qui, par acte du 16 septembre 1996, ont assigné l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX en paiement d'une somme de 841.707,10 Francs au titre des réparations locatives qu'ils estiment leur être dues, en vertu du bail du 11 décembre 1971 ayant lié les parties.

L'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX a répliqué que les dégradations des lieux loués sont la conséquence exclusive d'une vétusté due au défaut d'entretien par les bailleurs durant une trentaine d'années.

Subsidiairement, elle a conclu à l'allocation aux bailleurs de la somme de 83.583,90 Francs que Monsieur Y..., expert judiciaire, a proposé de mettre à la charge du preneur à titre de participation aux frais de remise en état. Elle a sollicité la condamnation des consorts X... à lui payer la somme de 15.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens incluant les frais d'expertise judiciaire.

Par jugement en date du 25 février 1997, le tribunal d'instance de Puteaux a rendu la décision suivante:

- condamne l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX à payer aux consorts X... la somme de 250.000 Francs,

- déboute les parties de toutes demandes, plus amples ou contraires,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civil,

- fait masse des dépens en y incluant le coût de l'expertise,

- condamne l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX à en supporter la moitié, l'autre étant à la charge des bailleurs.

Le 18 juin 1997, l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX, venant aux droits du "CMS de Puteaux", a interjeté appel.

Elle reproche tout d'abord au premier juge d'avoir admis la validité du bail conclu par les parties le 11 décembre 1972 au regard des dispositions de l'article 63 de la loi du 1er septembre 1948, alors que l'article 4 de ce bail, qui disposait que le preneur avait l'obligation d'exécuter tous travaux résultant des prescriptions administratives ou d'arrêtés ou ordonnances préfectorales, a eu pour effet de lui imposer indirectement un loyer excédant le prix légal.

Subsidiairement, elle conteste le montant de sa participation aux travaux de remise en état telle que fixée par le tribunal, en soulignant que l'expert a mentionné la vétusté probable des locaux au début du bail, a constaté que la vétusté actuelle résultait d'une utilisation normale des lieux et d'une usure inévitable et a fait observer que les travaux de peinture des menuiseries et des vitrines auraient dû être effectués à la diligence du syndic en même temps que le ravalement de la façade. Elle ajoute qu'il faut retenir, comme l'a fait Monsieur Y..., que l'exécution des travaux de remise en état était de toute manière indispensable pour permettre la relocation.

Elle demande à la Cour de:

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré valable la clause du bail du 11 décembre 1972 intitulée "entretien des lieux",

- voir en conséquence, les consorts X... mal fondés en toutes leurs demandes,

Subsidiairement,

- infirmer le jugement en ce qui concerne la condamnation de l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX au paiement d'une somme de 250.000 Francs et retenir l'estimation faite par l'expert

Y... soit 83.583,90 Francs,

- condamner les consorts X... à verser à l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX la somme de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître BINOCHE, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Les consorts X... répliquent que la clause contractuelle insérée à

l'article 4 du bail du 11 décembre 1972 ne constitue pas une majoration illicite du loyer, mais une répartition classique des travaux entre bailleur et preneur.

Concernant le montant des travaux de remise en état des lieux, ils font valoir que la locataire, entrée dans les lieux en 1943, ne rapporte pas la preuve de leur état à cette date et que les affirmations de l'expert à cet égard sont sans valeur probante; qu'il y a lieu à application de la présomption de l'article 1731 du code civil; qu'eux-mêmes ont respecté les obligations découlant de l'article 606 du code civil, puisqu'ils ont du effectuer la réfection complète de la verrière métallique située à l'arrière du local pour un montant de 432.925 Francs, alors que le preneur n'a rempli aucune de ses obligations d'entretien.

Ils forment appel incident, faisant grief au tribunal d'avoir retenu la somme forfaitaire de 250.000 Francs comme participation de l'association aux travaux, alors qu'en particulier, il ne pouvait, sans se contredire, considérer comme valable la clause du bail imposant au preneur d'exécuter tous travaux résultant des prescriptions administratives ou d'arrêtés ou ordonnances préfectorales et écarter le devis de réfection de l'électricité.

Ils soutiennent en outre que le non respect par le preneur de ses obligations leur a causé un préjudice manifeste, puisqu'ils ont revendu ce bien au prix de 910.000 Francs le 29 avril 1998, alors qu'il était déjà estimé 700.000 Francs dans un acte de partage du 17 décembre 1976, d'où leur demande de capitalisation annuelle des intérêts de droit à compter de l'assignation.

Ils demandent à la Cour de:

- débouter l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- recevoir les consorts X... en leur appel incident,

- en conséquence, confirmer le jugement du tribunal d'instance de PUTEAUX du 25 février 1997 en ce qu'il a condamné l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX à payer aux consorts X... les réparations locatives nécessaires pour l'immeuble du 30, rue Godefroy,

- infirmer la décision en ce qu'elle a fixé le montant des réparations locatives à la somme de 250.000 Francs,

- condamner l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX à verser aux consorts X... la somme de 841.707,70 Francs avec intérêts de droit à compter de l'assignation au titre des dégradations locatives,

- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts légaux à compter de l'assignation,

- condamner l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX à verser aux consorts X... la somme de 20.000 Francs par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître ROBERT, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 4 mars 1999 et l'affaire appelée à l'audience du 6 avril 1999.

SUR CE LA COUR

1) Sur la validité du bail du 11 décembre 1972 :

Considérant que l'article 4 de ce bail consacré à l'entretien des lieux rappelle d'abord que le preneur est tenu de jouir des lieux en bon père de famille et de les entretenir en bon état de réparations, ce qui est conforme aux articles 1728 et 1732 du code civil,; que le même article précise "réparations de toute nature, le bailleur n'étant tenu que des grosses réparations telles qu'elles sont définies par l'article 606 du code civil"; qu'il ajoute que le preneur, outre l'entretien des devantures, fermetures métalliques, vitrages ou chassis vitrés, grilles de protection ou encore cours et courettes, bétons translucides, chéneaux et descentes, devra exécuter les "travaux résultant de prescriptions administratives ou d'arrêtés ou ordonnances préfectorales"; qu'il s'agit à l'évidence d'une clause dérogatoire aux dispositions de l'article 1720 du code civil, lesquelles ne sont pas d'ordre public, donc parfaitement licite, comme prévoyant la répartition des travaux entre bailleur et preneur, selon des critères habituels dans les baux commerciaux, processionnels ou encore consentis à des associations comme en l'espèce;

Considérant que cette clause ne tend nullement à imposer au preneur un prix de location supérieur au prix licite résultant de l'application de la loi du 1er septembre 1948; que c'est donc à juste titre que le premier juge a écarté la sanction de nullité énoncée par l'article 63 de cette loi;

2) Sur le montant des travaux de remise en état des lieux mis à la charge du preneur :

Considérant qu'à défaut d'état des lieux initial, à l'entrée dans les lieux en 1943, le preneur est présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives en vertu de l'article 1731 du code civil;

Considérant que les constatations de l'expert judiciaire, Monsieur Y..., faites en 1996, quant à l'usure totale des peintures des vitrines et des revêtements de sol, ne peuvent suffire à démontrer que les lieux auraient été en mauvais état 53 ans plus tôt;

Considérant que l'association locataire ne justifie d'aucune réparation locative pendant toutes ces années d'occupation, afin de remplir son obligation d'entretien des locaux telle que définie par l'article 4 du bail ou même par l'article 1731 précité; que par conséquent, il convient de mettre à sa charge les travaux de remise en état nécessités par le non respect de ses obligations contractuelles;

Considérant qu'ainsi les travaux de peinture, tant intérieurs qu'extérieurs, que l'expert judiciaire estime indispensables pour la relocation des lieux, doivent être mis à la charge de l'appelante, pour le montant du devis présenté à l'expert, qui selon lui est "assez raisonnable", soit 379.513 Francs HT et 457.692,67 Francs TTC;

Considérant qu'en revanche, la réfection totale à neuf des installations électriques, estimée selon devis retenu par l'expert à 139.472 Francs HT, constitue une grosse réparation, dépassant même "les travaux résultant de prescriptions administratives ou d'arrêtés ou ordonnances préfectorales", tels que visés par l'article 4 du bail; que ces travaux doivent donc rester à la charge des bailleurs; Considérant que par ailleurs, il convient également de mettre à la charge du preneur, ainsi que l'a retenu l'expert dans ses conclusions, les frais de débarras des lieux et le coût de la démolition des menus ouvrages en briques ainsi que du meuble de bar,

évalués respectivement à 15.900 Francs et à 27.787 Francs hors taxes, selon devis annexés au rapport de Monsieur Y..., soit 19.175,40 Francs et 33.511,22 Francs TTC;

Considérant que par conséquent, le montant total des travaux de remise en état mis à la charge de l'appelante s'élève à la somme de 423.200 Francs HT et 510.379,20 Francs TTC, que la cour condamne l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX à payer aux consorts X..., outre les intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance;

Considérant qu'il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, mais seulement à compter de la demande, formulée pour la première fois par conclusions signifiées le 16 novembre 1998;

3) Sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer aux consorts X... la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier

ressort:

- CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions;

Et y ajoutant et réformant:

- CONDAMNE l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX venant aux droits du "CMS de Puteaux" à payer aux consorts X... la somme de 423.200 Francs HT (510.379,20 Francs TTC), au titre des travaux de remise en état des lieux, outre les intérêts au taux légal à compter de l'acte introductif d'instance, soit le 16 septembre 1996;

- ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, à compter du 16 novembre 1998;

- DEBOUTE L'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX venant aux droits du "CMS de Puteaux" des fins de toutes ses demandes;

- CONDAMNE l'ASSOCIATION CLUB SPORTIF MUNICIPAL DE PUTEAUX venant aux droits du "CMS de Puteaux" à payer aux consorts X... la somme de 8.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;

- LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par Maître ROBERT, avoué,

conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Et ont signé le présent arrêt:

Le Greffier,

Le Président,

M. H. Z...

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-5179
Date de la décision : 21/05/1999

Analyses

BAIL A LOYER (loi du 1er septembre 1948) - Prix - PRIX ILLICITE

La clause d'un bail consenti sous la loi du 1er septembre 1948, qui déroge aux dispositions de l'article 1720 du code civil, en prévoyant que le preneur devra exécuter "les travaux résultant de prescriptions administratives ou d'arrêtés ou ordonnances préfectorales", est parfaitement licite en ce qu'elle opère une répartition des travaux entre bailleur et preneur selon des critères habituels dans les baux commerciaux, professionnels ou consentis à des associations, les dispositions de l'article précité n'étant pas d'ordre public


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-05-21;1997.5179 ?
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