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21/05/1999 | FRANCE | N°1997-4695

France | France, Cour d'appel de Versailles, 21 mai 1999, 1997-4695


FAITS ET PROCEDURE,

Par acte d'huissier en date du 3 septembre 1996, Monsieur X... a fait assigner devant le tribunal d'instance d'ASNIERES, la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION dite "M.F.D" aux fins de la voir condamner au paiement, avec exécution provisoire, des sommes de 30.000 Francs au titre de dommages-intérêts et de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses prétentions, il a fait valoir que la SA "M.F.D", en lui adressant deux lettres attestant qu'il était l'heureux gagnant d'un chèque de 35.000 Francs e

t d'un combiné télévision-magnétoscope, lots qu'il n'a jamais reçu...

FAITS ET PROCEDURE,

Par acte d'huissier en date du 3 septembre 1996, Monsieur X... a fait assigner devant le tribunal d'instance d'ASNIERES, la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION dite "M.F.D" aux fins de la voir condamner au paiement, avec exécution provisoire, des sommes de 30.000 Francs au titre de dommages-intérêts et de 5.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

A l'appui de ses prétentions, il a fait valoir que la SA "M.F.D", en lui adressant deux lettres attestant qu'il était l'heureux gagnant d'un chèque de 35.000 Francs et d'un combiné télévision-magnétoscope, lots qu'il n'a jamais reçus, s'était rendue coupable d'un message trompeur et devait voir sa responsabilité engagée sur le fondement de l'article 1382 du Code civil.

La SA "M.D.F" a conclu au débouté des demandes de Monsieur X... en faisant valoir qu'elle n'avait commis aucune faute et que les différents documents adressés à Monsieur X..., dont il connaissait très bien le fonctionnement, ne permettaient pas de conclure avec certitude au gain par ce dernier du prix de 35.000 Francs. En outre, elle a soutenu que Monsieur X... ne rapportait pas la preuve d'un quelconque préjudice.

Par jugement contradictoire en date du 30 janvier 1997, le tribunal d'instance d'ASNIERES a rendu la décision suivante : Vu l'article 1382 du Code civil : - condamne la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION à payer à Monsieur Francis X... la somme de 30.000 Francs à titre de dommages-intérêts, - assortit la présente décision de l'exécution provisoire, - déboute les parties du surplus de leurs

prétentions, - condamner la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION aux dépens.

Le 9 mai 1997, la SA "M.F.D" a relevé appel de cette décision.

Elle fait valoir les arguments développés en première instance.

Par conséquent, la SA "M.F.D" demande à la Cour de : - déclarer recevable et bien fondée la SA "M.F.D" de son appel, Y faisant droit, - dire et juger la SA "M.F.D" n'avoir commis aucune faute, - constater l'absence de tout préjudice, - infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, - débouter Monsieur X... de toutes ses demandes fins et conclusions, - condamner Monsieur X... à payer la somme de 6.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur X... aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON avoués, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur Jean-Michel Y... ès-qualités de liquidateur amiable de la SA "M.F.D", intervenant volontaire, demande à la Cour de : Vu l'Assemblée Générale Extraordinaire en date du 18 août 1997 : - donner acte à Monsieur Jean-Michel Y... de ce qu'il constitue la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, titulaire d'un office d'avoués près la Cour d'appel de VERSAILLES et fait élection de domicile en son étude, 38, rue d'Angiviller à VERSAILLES (78000), - déclarer Monsieur Y... ès-qualités de liquidateur à la liquidation amiable de la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION, bien fondé en son intervention volontaire, - lui adjuger le bénéfice des conclusions régularisées par la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION, - statuer ce que de droit

concernant les dépens.

Monsieur X..., intimé, reprend également les arguments développés en première instance.

Par conséquent, Monsieur X... demande à la Cour de : - déclarer la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION "M.D.F" aussi irrecevable que mal fondée en son appel, - confirmer, en toutes ses dispositions, le jugement entrepris, - condamner la SA "M.F.D" à payer à Monsieur Francis X... une somme de 10.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner la SA "M.F.D" aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jean-Yves ROBERT, avoué à la Cour, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 4 février 1999 et l'affaire plaidée à l'audience du 8 avril 1999.

SUR CE, LA COUR,

Considérant que la SA MAISON FRANCAISE DE DISTRIBUTION dite "M.F.D", société de vente par correspondance dont Monsieur Francis X... est un client, lui a adressé deux lettres d'accroche publicitaire ;

Considérant que la première lettre intitulée "GRAND JEU "M.D.F", signée du responsable de la remise des prix, est libellée en ces termes "Bravo Monsieur X..., vous avez gagné le plus gros chèque au grand jeu "M.F.D" ; qu'elle souligne "Monsieur X... je vous confirme que votre numéro personnel a bien été tiré au sort ce vendredi 23 février" ; qu'elle précise également "pour recevoir votre

argent c'est très simple, retournez après l'avoir complétée, votre demande de prix" (sous votre bon de commande...) ; qu'elle comporte un post-scriptum "j'insiste, vous n'avez pas gagné le lot de consolation mais bien le plus gros chèque mis en jeu" ;

Considérant qu'au verso de cette lettre, figure le règlement du "TIRAGE DE FEVRIER 1996" ; qu'il est prévu à l'article 6 l'attribution d'un lot sous la forme d'un chèque de 35.000 Francs ; que les articles 8 et 9 précisent qu'est déclarée gagnante la personne dont le numéro aura été tiré au sort avant l'envoi des documents et que, durant sa période de validité, le jeu tirage de février pourra être diffusé et présenté avec des appellations et des présentations différentes ;

Considérant également que Monsieur X... a reçu une deuxième lettre faisant état d'un jeu intitulé "JEU DES 6 BOULES ROUGES" ainsi rédigée "avez-vous les six boules gagnantes dans la couleur tirée au sort par Maître BAILLET ; Si oui, toutes nos félicitations, vous avez gagné le plus beau des cadeaux mis en jeu" ; que l'enveloppe qui accompagnait la lettre contenait six boules rouges et les six bons numéros correspondant au gain d'un combiné TV magnétoscope d'une valeur de 3.990 francs ;

Considérant que la SA "M.F.D" estime qu'elle n'a commis aucune faute, en raison de l'existence de règlements de jeux explicites que les consommateurs étaient invités à lire ; que sa seule obligation était la délivrance des lots ;

Considérant toutefois, s'agissant de la première accroche promotionnelle, que sa présentation était de nature à favoriser la

confusion entre es deux jeux LE GRAND JEU "M.F.D" et TIRAGE DE FEVRIER 1996 offrant chacun, selon un mode de distribution différent, la perspective d'un gain de 35.000 Francs ;

Considérant de plus, que les termes utilisés, désignaient personnellement et solennellement Monsieur X... en qualité de "gagnant du plus gros chèque", à l'issue d'un tirage au sort réalisé le 23 février ; qu'il était, en outre, précisé que l'envoi du chèque avait été approuvé par le service de jeux, l'huissier de justice et le service financier ;

Que cette dernière mention ne pouvait que laisser croire légitimement à Monsieur X... qu'il était effectivement l'heureux gagnant d'un gros lot, et non, comme tente désormais de l'expliquer la SA "M.D.F", potentiellement bénéficiaire d'un chèque d'au moins quatre francs et définitivement bénéficiaire d'un chèque de cinq francs une fois terminée la distribution ;

Considérant que le message ainsi délivré était de nature à induire en erreur un consommateur moyen normalement intelligent et avisé ;

Considérant que Monsieur X... a subi un préjudice direct et certain constitué par la vaine croyance de l'acquisition d'une somme conséquente ;

Considérant, en outre, s'agissant de la deuxième accroche publicitaire, que le message délivré à Monsieur X... pouvait lui laisser penser que la couleur des boules avait déjà été tirée au sort par l'huissier, qu'il s'agissait de la couleur rouge et que, partant il était l'heureux gagnant du plus beau des cadeaux mis en jeu ;

Qu'en présentant ainsi de façon affirmative la simple éventualité d'un gain, la SA "M.F.D" a commis une faute de nature à engager sa responsabilité, dès lors que Monsieur X..., destinataire d'un message personnalisé, subit un préjudice moral certain et direct lié sa déception de n'être pas le bénéficiaire du gros lot ;

Considérant, en conséquence, qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en condamnant la SA "M.D.F" sur le fondement de l'article 1382 du Code civil à réparer le dommage subi par Monsieur X..., en lui versant la somme de 30.000 Francs à titre de dommages et intérêts ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu de condamner également la SA "M.F.D" qui succombe en cause d'appel à la somme de 3.000 Francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile tout en la déboutant de sa demande de ce chef ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

DONNE acte à Monsieur Jean-Michel BONNET de son intervention volontaire en qualité de liquidateur amiable de la SA "M.F.D" et l'y reçoit ;

RECOIT l'appel de la SA "M.F.D" mais LE DECLARE infondé ;

CONFIRME en tous points le jugement entrepris et Y AJOUTANT :

CONDAMNE la SA "M.F.D" à payer la somme de 3.000 Francs (TROIS MILLE FRANCS) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LA CONDAMNE aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés par Maître Jean-Yves ROBERT, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier,

Le Président, Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-4695
Date de la décision : 21/05/1999

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Loteries publicitaires - Organisateur - Annonce personnalisée d'un gain - Caractère équivoque

Une société de vente par correspondance qui, par un message personnalisé adressé à un particulier, présente de façon affirmative la simple éventualité d'un gain a commis une faute de nature à engager sa responsabilité sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Elle est tenue réparer le préjudice moral certain et direct lié à la déception du destinataire de n'être pas le bénéficiaire du gros lot


Références :

Code civil, article 1382

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-05-21;1997.4695 ?
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