COUR D'APPEL DE
E.D. VERSAILLES - o - JLG/KP REPUBLIQUE FRANOEAISE AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS Arrêt n°
Le VINGT MAI MIL NEUF CENT QUATRE
VINGT DIX NEUF du 20.05.1999
la Cour d'Appel de VERSAILLES, 12ème Chambre, 1ère Section
a rendu l'arrêt CONTRADICTOIRE suivant,
prononcé en AUDIENCE PUBLIQUE R.G. n°5328/96
la cause ayant été débattue en AUDIENCE PUBLIQUE
le DIX MARS MIL NEUF CENT QUATRE VINGT DIX NEUF
devant : AFFAIRE :
Monsieur GALLET, Président Société C.G.E.C.
magistrat rapporteur en application de l'article 786 du Nouveau Code de
Procédure Civile, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, assisté
C/
de Madame LE X..., Greffier Entreprise Chagnaud
Le magistrat rapporteur en a rendu compte à la Cour, celle-ci étant
composée de :
Monsieur GALLET, Président Appel d'un jugement
Madame TOUTAIN, Conseiller rendu le 15.03.1996
Monsieur RAFFEJEAUD, Conseiller par le TC de Nanterre
(1ère chambre)
et ces mêmes magistrats en ayant délibéré conformément à la Loi,
Le Président ayant avisé les avocats des parties que l'arrêt serait rendu
le 06.05.1999, prorogé au 20.05.1999
DANS L'AFFAIRE ENTRE
LA SOCIETE C.G.E.C. Copie certifiée
ayant son siège 7/9 rue Cambronne, 75015 PARIS conforme
Expédition
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux exécutoire
domiciliés en cette qualité audit siège délivrée le :
à :
APPELANTE - SCP Jullien Lecharny Rol
CONCLUANT par la SCP KEIME GUTTIN, avoués près la - SCP KEIME GUTTIN Cour d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Maître LHUMEAU, avocat au Barreau de PARIS
ET
L'ENTREPRISE CHAGNAUD, (S.A.),
ayant son siège 202 quai de Clichy à CLICHY (92110)
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité
audit siège
INTIMEE
CONCLUANT par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoués près la Cour
d'Appel de VERSAILLES
PLAIDANT par Maître PERRAULT, avocat au Barreau de PARIS 5 RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Par acte sous-seing privé en date du 1er octobre 1989, la société
CHAGNAUD, titulaire d'un marché d'entreprise générale pour la construction d'un lycée à Rosny-sous-Bois pour le compte du Conseil Régional de l'Ile-de-France, a confié en sous-traitance aux sociétés COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISES DE CHAUFFAGE (C.G.E.C.) et CROISEES-PLAST, les lots chauffage, ventilation et plomberie sanitaire pour la première, et les lots menuiseries extérieures et occultations pour la seconde. Invoquant des retards et désordres, elle s'est refusée à régler ses sous-traitants.
Par jugement rendu le 15 mars 1996, le tribunal de commerce de NANTERRE a constaté le désistement de la société CROISEES-PLAST, a déclaré irrecevables les demandes de la société C.G.E.C. à l'encontre de la société CHAGNAUD, et a condamné la société C.G.E.C. à payer à la société CHAGNAUD la somme de 8.000,00 frs en application de l'article 700 du NCPC. Le tribunal s'est fondé sur les stipulations contractuelles selon lesquelles "l'entrepreneur principal est dégagé de toute obligation de paiement vis-à-vis du sous-traitant à concurrence des sommes dont le paiement direct par le maître de l'ouvrage est prévu au présent contrat", pour considérer que la société C.G.E.C. est irrecevable à agir contre la société CHAGNAUD.
Par conclusions signifiées le 22 août 1996, la société C.G.E.C., appelante, soutient que la société CHAGNAUD ne peut se retrancher derrière la procédure de paiement direct pour échapper à ses propres obligations contractuelles et au paiement des sommes dont un rapport judiciaire a établi qu'elles étaient dues. Elle invoque précisément ce rapport d'expertise pour mettre en compte les sommes qu'elle revendique au titre des travaux qu'elle a effectués. Elle demande à la cour de :
- Vu le rapport d'expertise de M. Y...,
- infirmer purement et simplement le jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE du 15 mars 1996 dans toutes ses dispositions,
- recevoir à la société CGEC en son appel à l'encontre de la société CHAGNAUD,
- la déclarer recevable et fondée,
Statuant à nouveau,
- dire et juger qu'elle est recevable à solliciter la condamnation de la société CHAGNAUD au paiement des sommes ci-après,
En conséquence,
- rejeter l'exception d'incompétence ou d'irrecevabilité qui sera soulevée par la société CHAGNAUD,
En conséquence,
- condamner la société CHAGNAUD à lui payer la somme en principal de 163.021,39 frs,
- outre une somme de 7.798,05 frs correspondant aux intérêts dûs sur la somme de 49.800,00 frs versée le 4 mars 1992 au titre du marché à la CGEC,
- outre les intérêts de retard dus sur la somme de 163.021,39 frs et qui se décompose d'une part pour la période allant du 31 août 1990 au 15 février 1991 à un intérêt au taux d'escompte de 9,50 % + 1 %, soit une somme de 7.798,05 frs HT, auxquels s'ajouteront les intérêts de droit du 16 février 1991 à la date de complet paiement par la société CHAGNAUD des sommes dues à la CGEC,
- dire que les intérêts sur ces sommes porteront eux-mêmes au même taux dès lors qu'ils seront dus depuis plus d'une année par application de l'article 1154 du Code Civil,
- 50.000,00 frs à titre de dommages et intérêts par application de l'article 1153 du code civil,
- 20.000,00 frs HT, soit 23.720,00 frs TTC par application de l'article 700 du NCPC,
- condamner la société CHAGNAUD aux entiers dépens de première
instance et d'appel, qui comprendront notamment les frais d'expertise qui s'élèvent à une somme de 78.626,94 frs TTC, dépens dont distraction au profit de la SCP KEIME-GUTTIN, Avoués près la Cour d'Appel de VERSAILLES qui en assurera le recouvrement conformément aux dispositins de l'article 699 du NCPC.
Par conclusions signifiées le 5 mai 1998, la société ENTREPRISE CHAGNAUD rappelle que le marché est un marché de travaux publics pour lequel le sous-traitant a été agréé, et invoque les stipulations contractuelles pour soutenir que la procédure de paiement direct est obligatoire, de sorte que le tribunal administratif de PARIS est seul compétent pour connaître des demandes de la société C.G.E.C.. Elle soulève l'incompétence du tribunal de commerce de NANTERRE et prétend que la société C.G.E.C., qui devait diriger son action contre le maître de l'ouvrage, est irrecevable à agir contre elle. Elle demande à la cour de :
1- sur l'incompétence,
- constater que le tribunal de commerce n'a pas soulevé son incompétence au profit du Tribunal Administratif de PARIS,
statuant à nouveau,
- dire et juger que le tribunal de commerce est incompétent, et que le litige relève de la compétence du Tribunal Administratif de PARIS, 2- sur l'irrecevabilité ou, à tout le moins, le mal fondé des demandes :
- confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de NANTERRE en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes de la société CGEC à l'encontre de la société ENTREPRISE CHAGNAUD,
y ajoutant,
- dire et juger que les mêmes demandes sont mal fondées,
- condamner la société CGEC au paiement d'une somme de 30.000,00 frs
au titre de l'article 700 du NCPC,
- la condamner à tous les dépens, dont distraction au profit de la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, Avoués aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC.
La procédure a été clôturée par une ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 15 décembre 1998 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 10 mars 1999. SUR CE, LA COUR :
Considérant que le contrat de sous-traitance conclu entre la société CHAGNAUD et la société COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISES DE CHAUFFAGE, toutes deux personnes morales de droit privé, est un contrat de droit privé, même s'il est relatif à l'exécution d'un marché de travaux publics ;
Qu'il s'ensuit que le tribunal de commerce de NANTERRE était compétent pour connaître du litige qui oppose ces sociétés à l'occasion de l'exécution de ce contrat ;
Considérant que, par des motifs pertinents que la cour adopte, le tribunal a exactement relevé que, conformément à l'article 1134 du Code civil, la société C.G.E.C. est irrecevable en sa demande en paiement de la somme de 163.021,39 frs, outre les intérêts, à l'encontre de la société CHAGNAUD, au titre du marché de sous-traitance, dès lors qu'il n'est pas contesté que l'article 9-24 des conditions générales du contrat de sous-traitance prévoit que "l'entrepreneur principal est dégagé de toute obligation de paiement vis-à-vis du sous-traitant à concurrence des sommes dont le paiement direct par le maître de l'ouvrage est prévu au présent contrat", que les conditions particulières précisent que "les sommes faisant l'objet du paiement direct sont les situations mensuelles", et qu'il n'est pas justifié ni même allégué que la somme réclamée ne relève pas du paiement direct ;
Qu'il importe peu que l'expert judiciaire ait relevé, par une
appréciation purement technique exclusive d'une appréciation juridique, que la société CHAGNAUD reste devoir à la société C.G.E.C. la somme litigieuse ; qu'en effet, si, en principe, l'institution, dans les marchés passés par l'État, les collectivités locales, les établissements et entreprises publics, d'un paiement direct du sous-traitant par le maître de l'ouvrage, dans les conditions du titre II de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, n'a pas pour effet de décharger l'entrepreneur principal de son obligation contractuelle au paiement des travaux réalisés, née du contrat de sous-traitance, la clause, ci-dessus rappelée, que ce contrat contient, en l'espèce, constitue une délégation parfaite en raison de laquelle la société C.G.E.C., créancière, a expressément déchargé sa débitrice, la société CHAGNAUD ; que cette délégation, acceptée par le maître de l'ouvrage, est exclusive de toute action en paiement contre l'entrepreneur principal pour les créances qui en sont l'objet ; que la société C.G.E.C. ne peut tirer argument de certains paiements effectués par la société CHAGNAUD, dont l'affectation n'est d'ailleurs pas précisée, dès lors que cette société était tenue de régler elle-même à la sous-traitante la part des travaux ne relevant pas du paiement direct ;
Qu'il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris ; Considérant que l'équité commande que la société CHAGNAUD n'ait pas à assumer l'intégralité des frais irrépétibles qu'elle a dû exposer dans la procédure d'appel ; que la cour est en mesure de fixer à 15.000,00 frs la somme que la société C.G.E.C. devra lui payer à ce titre ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- DÉCLARE recevable l'appel interjeté par la société COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISES DE CHAUFFAGE à l'encontre du jugement rendu le 15 mars 1996 par le tribunal de commerce de NANTERRE,
- LE DIT mal fondé,
- DIT que le tribunal de commerce de NANTERRE était compétent pour connaître du litige opposant les parties,
- CONFIRME le jugement entrepris,
- Y AJOUTANT,
- CONDAMNE la société COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISES DE CHAUFFAGE à payer la somme de 15.000,00 frs (QUINZE MILLE FRANCS) à la société CHAGNAUD, en application de l'article 700 du NCPC,
- LA CONDAMNE aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, conformément à l'article 699 du NCPC,
- DÉBOUTE les parties de leurs autres conclusions contraires ou plus amples.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier
Le Président M. LE X...
J.L. GALLET 12ème chambre A - Délibéré du 20/05/1999 RG N°5328/96 Sté CGEC (Scp Keime-Guttin) c/ Entreprise CHAGNAUD (Scp Jullien-Lécharny-Rol)
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
- DÉCLARE recevable l'appel interjeté par la société COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISES DE CHAUFFAGE à l'encontre du jugement rendu le 15 mars 1996 par le tribunal de commerce de NANTERRE,
- LE DIT mal fondé,
- DIT que le tribunal de commerce de NANTERRE était compétent pour connaître du litige opposant les parties,
- CONFIRME le jugement entrepris,
- Y AJOUTANT,
- CONDAMNE la société COMPAGNIE GENERALE D'ENTREPRISES DE CHAUFFAGE à payer la somme de 15.000,00 frs (QUINZE MILLE FRANCS) à la société CHAGNAUD, en application de l'article 700 du NCPC,
- LA CONDAMNE aux dépens, qui pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN-LECHARNY-ROL, conformément à l'article 699 du NCPC,
- DÉBOUTE les parties de leurs autres conclusions contraires ou plus amples.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : Le Greffier
Le Président M. LE X...
J.L. GALLET 0 Arrêt 1996-5328 1 20 mai 1999 2 CA Versailles 3 12 A , Présidence : M. J-L. GALLET, Conseillers :
Mme. Y Toutain, M. A. Raffejeaud. 4 1) Contrats et obligations, Qualification, Contrat conclu entre personnes morales de droit privé, Effets et Compétence, Compétence matérielle, Tribunal de commerce, Contestation relative à un marché de travaux publics, Contrat conclu entre deux personnes morales de droit privé 2) Contrat d'entreprise, Sous-traitant, Rapports avec l'entrepreneur principal, Action en paiement, Clause contractuelle dégageant l'entrepreneur principal, Portée 1) Un contrat de sous-traitance conclu entre deux personnes morales de droit privé est un contrat de droit privé, même s'il est relatif à l'exécution d'un marché de travaux publics. Il s'ensuit que le tribunal de commerce saisi du litige opposant les parties à l'occasion de l'exécution de ce contrat était compétent pour en connaître. 2) Dès lors qu'il n'est pas contesté qu'aux termes d'une clause du marché de sous-traitance conclu entre les parties " l'entrepreneur principal est dégagé de toute obligation de paiement vis à vis du sous traitant à concurrence des sommes dont le paiement direct par le maître d'ouvrage est prévu au présent contrat (en l'espèce des situations mensuelles)", c'est à bon droit que les premiers juges relèvent, qu'en application de l'article 1134 du code civil, un sous traitant est irrecevable à demander paiement à l'entrepreneur principal de sommes dont il n'est pas justifié, ni même allégué, qu'elles ne relèvent pas du paiement direct. A cet égard, la circonstance qu'une expertise judiciaire, par une appréciation technique exclusive d'appréciation juridique, ait relevé que l'entrepreneur principal est redevable de la somme dont le sous traitant poursuit le recouvrement importe peu, puisque la clause précitée, acceptée par le maître d'ouvrage, a emporté délégation parfaite par laquelle le sous-traitant, créancier, a expressément
déchargé son débiteur, l'entrepreneur principal, de toute action en paiement à son encontre, et ce, même si, en principe, dans les marchés passés par l'Etat, les collectivités locales et les établissements ou entreprises publics, le paiement direct du sous-traitant par le maître d'ouvrage, dans les conditions du titre II de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, n'a pas pour effet de décharger l'entrepreneur principal de son obligation au paiement des travaux réalisés. * * *