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11/05/1999 | FRANCE | N°1996-7734

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 mai 1999, 1996-7734


FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 21 juin 1988, Monsieur Hervé LE X... s'est porté cofidéjusseur à hauteur de 450.000 francs en principal, outre frais et accessoires, en garantie d'un crédit à moyen terme consenti par la BANQUE NATIONALE DE PARIS "B.N.P." à la SARL BOURBON dont il était porteur de parts.

La société BOURBON ayant été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 24 janvier 1995, la B.N.P. a régulièrement déclaré sa créance au passif de cette société et mis les cofi

déjusseurs en demeure de lui régler ladite somme.

Cette mise en demeure n'ayant...

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 21 juin 1988, Monsieur Hervé LE X... s'est porté cofidéjusseur à hauteur de 450.000 francs en principal, outre frais et accessoires, en garantie d'un crédit à moyen terme consenti par la BANQUE NATIONALE DE PARIS "B.N.P." à la SARL BOURBON dont il était porteur de parts.

La société BOURBON ayant été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du Tribunal de Commerce de VERSAILLES en date du 24 janvier 1995, la B.N.P. a régulièrement déclaré sa créance au passif de cette société et mis les cofidéjusseurs en demeure de lui régler ladite somme.

Cette mise en demeure n'ayant pas été suivie d'effet, la B.N.P. a saisi le Tribunal de Commerce de VERSAILLES d'une action en paiement.

Par jugement en date du 16 février 1996, dont il n'est pas contesté qu'il soit passé en force de chose jugée, la juridiction précitée a condamné solidairement et indivisiblement les cofidéjusseurs, à payer à la B.N.P. la somme de 170.863,52 francs en principal avec intérêts calculés au taux de 11,30 % l'an à compter du 27 septembre 1993 et jusqu'à parfait paiement, ordonné la capitalisation des intérêts de retard conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civil, condamné les mêmes au paiement de la somme de 7.500 francs à titre de dommages et intérêts et d'une indemnité du même montant au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Se prévalant d'un acte de cession de parts au profit de Madame Y... intervenu le 24 juin 1991 et d'un engagement pris le même jour par les époux Y... de se substituer à toutes les cautions ou, à défaut, de contre-garantir lesdites cautions, Monsieur LE X... a saisi le Tribunal de Commerce de VERSAILLES pour obtenir la garantie desdits époux Y... au titre de toutes les condamnations qui pouvaient être mises à sa charge en exécution du jugement du 16 février susvisé.

Par jugement en date du 05 juin 1996 auquel il est renvoyé pour plus ample exposé des éléments de la cause, le Tribunal a fait droit à la demande présentée par Monsieur LE X... et a condamné en outre les époux Y... à payer à ce dernier une indemnité de 5.000 francs au

titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Appelants de cette décision, les époux Y..., reprenant et développant leur argumentation de première instance, soutiennent que l'acte de cession de parts du 24 juin 1991 dont se prévaut Monsieur LE X... serait nul en raison des manouvres dolosives dont ils ont été victimes, ce qui entraînerait, par voie de conséquence, la nullité de l'acte de contre-garantie de caution.

A cet égard, ils se prévalent essentiellement de l'existence d'un important passif qui ne leur aurait pas été révélé lors de leur engagement.

Subsidiairement, ils estiment que même si l'acte de cession de parts était tenu pour valable, l'acte de contre-garantie de caution serait nul dès lors qu'il ne satisfait pas aux exigences des articles 1326 et 2015 du Code Civil et que, plus particulièrement, il ne précise pas le montant de la dette cautionnée.

Plus subsidiairement encore, ils demandent que soit constatée la caducité de la contre-garantie dès lors que le cédant n'a pas fait constater, comme le prévoyait l'acte en question, l'impossibilité de substitution de cautions et demandé le maintien de la contre-garantie jusqu'à l'échéance normale de l'acte de cautionnement initial donné par Monsieur LE X....

Pour l'ensemble de ces moyens, ils concluent au débouté des prétentions adverses et réclament à Monsieur LE X... une indemnité de 10.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Monsieur LE X... réfute point par point l'argumentation adverse et conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, sauf à se voir allouer une indemnité complémentaire de 10.000 francs en couverture des frais qu'il a été contraint d'exposer devant la Cour.

*

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur la nullité pour dol de l'acte de cession

Considérant que les époux Y... soutiennent qu'après la cession de parts, il est apparu, notamment lors de l'établissement des comptes de l'année 1990 qu'ils ont été autorisés à différer par ordonnance du Président du Tribunal de Commerce, une importante dette sociale qu'ils n'avaient pas envisagé lors de l'acquisition des parts ; que, par ailleurs et à la même période, une notification du redressement leur a été notifiée par les services fiscaux au titre de la T.V.A. et de l'impôt sur les bénéfices ; que, des négociations ont dû, en outre, être entreprises pour régler une arriéré de cotisations U.R.S.A.F.F. ; qu'ils déduisent de là que, avant même la cession, la société BOURBON était dans une situation irrémédiable compromise, ce que leur a caché Monsieur LE X... en leur cédant des parts ;

Mais considérant que le dol ne se présume pas et doit être prouvé ; qu'il appartient aux appelants notamment d'établir que, non seulement Monsieur LE X..., qui n'était porteur que de 70 parts, leur a volontairement caché la situation réelle de la société BOURBON, mais aussi qu'il était réellement informé de ladite situation et notamment de celle d'un passif fiscal, pesant potentiellement à la date de la cession sur la société, étant observé que la cession d'une entreprise en difficulté n'est pas à elle seule suffisante à établir l'existence d'un vice du consentement ;

Or considérant que force est de constater que la preuve de l'existence d'une réticence dolosive imputable à Monsieur LE X... n'est pas suffisamment rapportée en l'espèce ;

Considérant en effet qu'il sera tout d'abord observé que Monsieur LE X... a cédé les 70 parts qu'il possédait à Madame Y... pour un prix de 70 francs, ce qui laisse supposer que ladite Madame Y... et son

époux, commun en biens qui est intervenu à l'acte de cession, savaient nécessairement, eu égard à la modicité du prix de cession que la société BOURBON n'était pas dans une situation florissante ; que cela est d'autant plus acquis que l'acte stipulait que "le cédant (Monsieur LE X...), en sa qualité d'associé, n'est pas responsable des irrégularités comptables et juridiques, de l'absence de comptabilité ou de formalités juridiques, comme de tout passif existant ou se déclarant ultérieurement, étant précisé que Monsieur Thierry Z... souscrit par acte séparé, un acte de garantie au profit du cessionnaire" ;

Considérant par ailleurs que l'irrégularité alléguée des comptes sociaux n'est pas démontrée ; qu'à cet égard, il sera observé qu'une enquête d'office mise en ouvre fin 1991 a été radiée le 23 décembre 1991, ce qui montre qu'à cette date, même si la société BOURBON connaissait quelques difficultés de trésorerie que les consorts Y... ne pouvaient ignorer, comme il a été dit précédemment, ladite société n'était pas, comme il est prétendu en situation virtuelle de cessation de paiements, étant observé que le jugement ouvrant une procédure collective à l'encontre de la société BOURBON a été prononcé le 24 juin 1995, soit quatre ans après la cession, de sorte que la relation de cause à effet entre cette procédure collective et la prétendue mauvaise qualité des comptes sociaux invoqués aujourd'hui ne résiste pas à l'analyse ; que dans ces conditions et faute pour les époux Y... d'établir l'existence d'une quelconque

réticence dolosive ou dissimulation imputable à Monsieur LE X..., l'action en nullité de l'acte de cession sera rejetée ;

* Sur la nullité de l'acte de contre-garantie

Considérant que les consorts Y... prétendent que l'acte intitulé "contre-garantie de caution" qu'ils ont souscrit le même jour que l'acte de cession serait nul pour ne point respecter les formalités exigées par les dispositions combinées des articles 1326 et 2015 du Code Civil ;

Mais considérant que l'acte dont s'agit ne s'analyse pas en un acte de caution ou en un mandat de se porter caution pour le compte d'un tiers, mais en un simple engagement pris par le cessionnaire de se substituer à Monsieur LE X... et autres associés dans leur engagement de caution envers la B.N.P., ou à défaut, de contre-garantir ces derniers ; qu'il en résulte que les formalités précitées n'avait pas

lieu de s'appliquer à un tel acte lequel, en tout état de cause, décrit avec précision, toutes les caractéristiques essentielles du prêt cautionné, de sorte que les époux Y... doivent être tenus pour parfaitement informés de l'étendue et de la portée de leur engagement de substitution de caution et de contre-garantie ;

* Sur la caducité de l'acte de contre-garantie

Considérant que l'acte de contre-garantie sus évoqué stipule :

(que) Monsieur et Madame Y... s'engagent à se substituer, ou à défaut à contre-garantir irrévocablement Messieurs Richard Z..., Michel GANDOIS, Thierry Z..., Thierry BRANGER et Monsieur LE X... de toute mise en jeu de leur caution personnelle, et ce en cas de défaillance de la SARL BOURBON, pour quelque cause que ce soit ;

(que) néanmoins les soussigné (Monsieur et Madame Y...) s'engagent à faire les démarches nécessaires et présenter les garanties suffisantes pour substituer leur caution personnelle à celle des Messieurs Richard Z..., Michel GANDOIS, Thierry Z..., Thierry

BRANGER et Monsieur LE X..., dans un délai de 90 jours ;

(que) à défaut d'un impossibilité de substitution d'une ou plusieurs de ces cautions, impossibilité dûment constatée par les cédants par lettre recommandée avec accusé de réception dans un délai de 48 heures à compter de la notification du refus, la contre-garantie sera maintenue jusqu'à l'échéance normale des cautions données ;

Considérant que les appelants soutiennent que la mise en ouvre de la contre-garantie était subordonnée à la notification pour les cédants dans un délai de 48 heures de l'impossibilité de substitution de caution ; qu'ils en déduisent que cette "condition suspensive" n'ayant pas été levée par Monsieur LE X..., l'engagement est devenu caduc ;

Mais considérant que la notification susévoquée présuppose que les époux Y... aient effectué préalablement, comme ils s'y étaient engagés, toutes démarches utiles auprès de l'établissement bancaire

et qu'ils aient eux-mêmes notifié à Monsieur LE X... un refus d'acceptation de la substitution émanant du créancier ; que, force est de constater qu'il n'est nullement justifié d'une telle démarche qui conditionnait la suivante ; qu'il suit de là que, conformément à la commune intention des parties manifestée clairement en début de l'acte, les époux Y..., faute de justifier d'une quelconque démarche pour substituer leur caution à celle de Monsieur LE X..., doivent leur contre-garantie à ce dernier au titre de l'engagement de caution dont le caractère certain a été consacré par le jugement du 16 février 1996, et ce dès lors que ledit Monsieur LE X... n'a pas été mis en mesure, du seul fait des époux Y..., de respecter le formalisme prévu à l'acte pour la mise en ouvre de la contre-garantie qui n'en demeure pas moins acquise irrévocablement comme en dispose le premier alinéa de l'acte précité qui traduit, comme il a été, la commune intention des parties ;

Considérant que, dans ces conditions, le jugement déféré qui a fait une juste appréciation des éléments de la cause, sera confirmé en toutes ses dispositions ;

[* Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à Monsieur LE X... la charge des frais qu'il a été contraint d'exposer devant la Cour ; que les époux Y... seront condamnés à lui payer une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutent à celle déjà accordée au même titre par le Tribunal ;

Considérant enfin que les époux Y..., qui succombent, supporteront les entiers dépens exposés à ce jour ;

*] PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT les époux Y... en leur appel ;

- MAIS DIT cet appel mal fondé ;

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Y ajoutant,

- CONDAMNE les appelants à payer à Monsieur LE X..., une indemnité complémentaire de 5.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

- CONDAMNE également les appelants aux entiers dépens et autorise la

SCP d'Avoués FIEVET-ROCHETTE-LAFON, à poursuivre directement le recouvrement de la part la concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M. Thérèse A...

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7734
Date de la décision : 11/05/1999

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol.

Le dol ne se présume point et doit être prouvé. Dès lors que la cession d'une entreprise en difficulté n'est pas à établir l'existence d'un vice du consentement, il appartient à un acquéreur de parts sociales qui allègue d'un dol d'établir que le cédant lui a volontairement caché la situation réelle de la société objet de la cession. Lorsque la modicité du prix de cession est telle qu'elle implique nécessairement que le cessionnaire savait que la situation de la société en cause n'était pas florissante, que de surcroît l'acte de cession stipulait que le cédant "n'est pas respons- able des irrégularité comptables et juridiques de l'absence de comptabilité ou de formalités juridiques comme de tout passif existant ou se déclarant ultérieurement", le cessionnaire ne saurait se prévaloir d'une irrégularité des comptes sociaux, en l'occurrence non démontrée alors qu'au surplus la cessation de paiement entraînant la liquidation n'est intervenue que quatre ans après la cession, pour prétendre établir l'existence d'une quelconque réticence dolosive ou dissimulation imputable au cessionnaire

CAUTIONNEMENT - Caractère.

Un acte de "contre garantie caution" par lequel une personne s'engage à se substituer à une caution, ou, à défaut d'accord de la personne garantie, à contre garantir ladite caution à raison des engagements contractés à ce titre, ne s'analyse pas en un acte de caution ou en mandat de se porter caution pour le compte d'un tiers. Il s'ensuit que les formalités exigées par les dispositions combinées des articles 1326 et 2015 du code civil n'ont pas lieu de s'appliquer à l'acte de contre garantie qui, en reprenant les caractéristiques essentielles du prêt, a tenu parfaitement informé son signataire de la portée de l'engagement souscrit


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-05-11;1996.7734 ?
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