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11/05/1999 | FRANCE | N°1996-7361

France | France, Cour d'appel de Versailles, 11 mai 1999, 1996-7361


FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 26 mai 1986, la SCI DU 43 RUE HOUDAN (ci-après désignée la SCI ) a donné à bail à la société ALBERT THIEBAUT, pour une durée de neuf années commençant à courir à compter du 1er avril 1984, divers locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé 43 rue Houdan à SCEAUX (92330).

Suivant acte en date du 28 octobre 1992, la SCI a donné congé avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 1993, moyennant un loyer déplafonné annuel de 434.275 francs.

Les parties ne s'étant pas accor

dées sur le montant du nouveau loyer, le Juge des Baux Commerciaux du Tribunal de Grande ...

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte sous seing privé en date du 26 mai 1986, la SCI DU 43 RUE HOUDAN (ci-après désignée la SCI ) a donné à bail à la société ALBERT THIEBAUT, pour une durée de neuf années commençant à courir à compter du 1er avril 1984, divers locaux à usage commercial dépendant d'un immeuble situé 43 rue Houdan à SCEAUX (92330).

Suivant acte en date du 28 octobre 1992, la SCI a donné congé avec offre de renouvellement à compter du 1er avril 1993, moyennant un loyer déplafonné annuel de 434.275 francs.

Les parties ne s'étant pas accordées sur le montant du nouveau loyer, le Juge des Baux Commerciaux du Tribunal de Grande Instance de NANTERRE, après échange de mémoire et consultation de la Commission Départementale, a été saisi.

Par un premier jugement en date du 17 juillet 1995, ce magistrat a, avant dire droit, désigné Monsieur X..., avec mission habituelle en la matière et fixé le loyer provisionnel à un montant résultant de l'application des indices.

L'expert s'est régulièrement acquitté de sa mission et a déposé son rapport le 12 janvier 1996, concluant au déplafonnement du loyer.

Par un deuxième jugement en date du 06 juin 1996, le même magistrat a statué dans les termes ci-après :

Constate qu'il n'est pas démontré que les facteurs locaux de commercialité auraient varié d'une manière profitable pour l'activité de la société THIEBAUT.

Constate que les modifications concernant la surface commerciale sont intervenues en cours du bail à renouveler.

Dit que l'incidence de ces dites modifications devra être examinée lors du prochain renouvellement.

Dit en l'état n'y avoir lieu à déplafonnement.

Fixe à 54.697,97 francs le loyer dû par la société THIEBAUT à la SCI du 43 RUE HOUDAN à compter du 1er avril 1993 pour le renouvellement du bail sur les locaux sis 43 rue Houdan à SCEAUX.

Dit qu'en cas de différence entre le loyer provisionnel et le loyer présentement fixé, la société THIEBAUT devra verser la différence avec intérêts au taux légal.

Déboute la SCI du 43 RUE HOUDAN de sa demande de capitalisation.

Ordonne l'exécution provisoire.

Fait masse des dépens, et ce, y compris les frais d'expertise. Les partage par moitié entre la SCI du 43 RUE HOUDAN et la société THIEBAUT.

*

Appelante de cette décision, la SCI reproche au premier juge d'avoir mal apprécié les éléments de la cause.

Elle persiste à invoquer deux motifs de déplafonnement,à savoir une modification des caractéristiques propres du local, telle que visées à l'article 23-1 du décret du 30 septembre 1953, ayant eu pour effet d'augmenter la surface affectée à la vente ou à l'activité commerciale par rapport à la situation préexistence, ainsi qu'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité (articles 23-1 et 23-4 du décret) qui n'a pu, contrairement à l'opinion du Tribunal, que profiter au commerce considéré d'autant que le bail autorise les activités les plus larges.

Elle demande, en conséquence que, comme l'a proposé l'expert, le nouveau loyer soit fixé à 303.127 francs en principal à compter du 1er avril 1993.

Elle réclame également le paiement des intérêts de retard à compter du 13 juillet 1994, date de la notification de mémoire, ainsi que la possibilité de capitaliser lesdits intérêts, conformément à l'article

1154 du Code Civil. Elle sollicite, enfin, une indemnité de 20.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

La société ALBERT THIEBAUT s'oppose, pour sa part, point par point à l'argumentation adverse et conclut à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a ordonné un partage des dépens par moitié et elle demande que ceux-ci soient mis exclusivement à la charge de l'appelante. Elle lui réclame également une indemnité de 20.000 francs en couverture de ses frais. MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur le déplafonnement

Considérant que deux motifs de déplafonnements sont invoqués par le bailleur, à savoir une modification des caractéristiques propres des locaux et une évolution notable des facteurs locaux de commercialité ; que ces moyens seront successivement analysés.

a) Sur la modification des caractéristiques des locaux

Considérant que le premier juge a considéré que les aménagements réalisés par le preneur, incontestés et constatés par l'expert, qui se sont traduits par la transformation de la salle à manger visée au bail d'origine en bureau et par l'intégration d'une arrière-boutique à la surface de vente ouverte à la clientèle, constituaient des améliorations, au sens de l'article 23-3-2ème alinéa du décret, et que leur incidence ne pourrait être examinée que lors du prochain renouvellement.

Mais considérant que cette analyse ne saurait être suivie.

Considérant, en effet, que les aménagements dont s'agit ne consistent pas en une amélioration mais en une simple redistribution des locaux ayant eu pour effet d'entraîner une augmentation notable de la

surface de vente ou de faciliter l'exercice du commerce, de sorte que ces aménagements, qui ont permis au locataire au cours de bail écoulé d'augmenter ses activités purement commerciales, de toucher une clientèle plus large et de recevoir avec plus de facilité ses fournisseurs, constituent un motif de déplafonnement qui doit être immédiatement pris en compte ; que cela est d'autant moins contestable que la société locataire conteste avoir supprimé, comme il est prétendu par le bailleur, une cloison, ce qui montre si besoin était qu'il s'agit bien d'une simple redistribution des locaux à des fins d'amélioration de leur commercialité.

b) Sur l'évolution des facteurs locaux de commercialité

Considérant que l'expert a constaté, sans être utilement contredit, que le commerce dont s'agit était situé dans une rue centrale de SCEAUX, dotée d'une excellente commercialité, dans une partie ou toute circulation automobile est interdite.

Qu'il a également constaté, comme il résulte par ailleurs des pièces produites, que la construction à proximité, au cours du bail écoulé, de nouveaux immeubles a entraîné une notable augmentation de la clientèle potentielle.

Considérant que le premier juge a estimé néanmoins qu'il n'était pas justifié de l'incidence de cette modification sur le commerce de librairie-papeterie exercé par la société preneuse et a invoqué, par ailleurs, pour écarter le déplafonnement, des raisons économiques liées à l'implantation de grandes surfaces en périphérie, déduisant de là que la population du quartier se fournierait en grande surface et n'utiliserait les commerces de proximité qu'en "dépannage".

Mais considérant que ces allégations, reprises par la société intimée, et qui ne reposent que sur de simples hypothèses nullement étayées, ne pourront encore qu'être écartées ; qu'à cet égard, il sera tout d'abord observé que le centre commercial de VELIZY II, qui

est essentiellement visé, existe déjà depuis de nombreuses années et qu'il est situé à plusieurs kilomètres du commerce, objet du litige ; que, par ailleurs, celui-ci est situé dans une zone résidentielle, sans concurrence directe, et à proximité de plusieurs établissements scolaires ; que ledit commerce n'a donc pu ne pas profiter de l'important apport de population, doté de surcroît d'un pouvoir d'achat élevé, qui s'est installé à proximité d'autant que la destination la plus large prévue au bail lui permet de diversifier ses activités et de se spécialiser plus particulièrement dans les produits de "marques" qui ne sont pas toujours distribués en grande surface ; qu'il suit de là qu'à partir de ces considérations objectives qui doivent seules être prises en compte, le déplafonnement doit être également acquis, comme l'ont dit du reste deux décisions judiciaires pour des commerces situés dans la même zone d'achalandage, en raison d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité.

II - Sur le montant du nouveau loyer

Considérant que l'expert a retenu, pour la surface commerciale, en raison de l'excellente commercialité des locaux, un coefficient de pondération de 1 ; que ce coefficient n'est pas sérieusement remis en cause par la société locataire qui se borne à soutenir, sans la moindre justification, que la partie arrière de la boutique, alors que celle-ci forme une unité facilement accessible pour la clientèle, doit bénéficier d'une pondération inférieure ; que la Cour suivra donc l'expert sur ce point ; que, pour les autres parties du local, l'expert a également, en tenant compte de leur usage spécifique, appliqué une juste pondération ; que la Cour fera sienne cette appréciation en retenant une surface totale pondérée de 166,47 mètres carrés.

Considérant que l'expert a également proposé, en s'appuyant sur des

références indiscutables et modérées, de calculer le nouveau loyer sur les bases ci-après :

* Ensemble de la partie commerciale

274.675 francs

* Garage

7.200 francs

* Petite pièce au-dessus de la remise

2.304 francs

* Appartement

18.948 francs

----------------------------

* Soit un loyer total de

303.127 francs

Que la Cour, faisant sienne cette proposition, fixera le nouveau loyer à 303.127 francs par an en principal à compter du 1er avril 1993.

Considérant que la société locataire sera, par ailleurs, condamnée à payer les intérêts de droit au fur et à mesure des échéances, sur le différentiel du loyer.

Que la SCI sera, en outre, autorisée à capitaliser lesdits intérêts

de retard, conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code Civile, et ce, à compter du 13 décembre 1996, date de la première demande en justice formée par voie de conclusions.

III - Sur les autres demandes

Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de la SCI les sommes qu'elle a été contrainte d'exposer pour faire fixer judiciairement le nouveau loyer ; que la société ALBERT THIEBAUT sera condamnée à lui payer une indemnité de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

Considérant enfin que la société ALBERT THIEBAUT, qui succombe, supportera les entiers dépens exposés jusqu'à ce jour en ce compris les frais d'expertise. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- REOEOIT la SCI DU 43 HOUDAN A SCEAUX en son appel,

Y faisant droit pour l'essentiel, INFIRME en toutes ses dispositions le jugement déféré et statuant à nouveau,

- VU le rapport d'expertise déposé le 12 janvier 1996,

- DIT qu'il y a lieu à déplafonnement du loyer en raison d'une modification des caractéristiques des locaux loués et d'une évolution notable des facteurs locaux de commercialité,

- FIXE le nouveau loyer dû par la société ALBERT THIEBAUT SARL à compter du 1er avril 1993 à la somme de 303.127 francs par an et en principal,

- DIT que la société ALBERT THIEBAUT SARL sera tenue au paiement des intérêts de droit sur l'arriéré du loyer et au fur et à mesure de chacune des échéances,

- AUTORISE la SCI DU 43 RUE HOUDAN A SCEAUX à capitaliser les intérêts de retard, conformément à l'article 1154 du Code Civil, à compter du 13 décembre 1996, date de la première demande,

- CONDAMNE la société ALBERT THIEBAUT SARL à payer à la SCI DU 43 RUE HOUDAN A SCEAUX une indemnité de 8.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

- CONDAMNE également la société ALBERT THIEBAUT SARL aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais d'expertise, et autorise la SCP d'avoués BOMMART-MINAULT à en poursuivre directement le recouvrement, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET LE GREFFIER

LE PRESIDENT

M.T. GENISSEL

F. ASSIÉ


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7361
Date de la décision : 11/05/1999

Analyses

BAIL COMMERCIAL - Prix - Fixation du loyer du bail renouvelé - Plafonnement - Exceptions - Modification des éléments de calcul du loyer

La transformation dans un local commercial, d'une salle à manger en bureau et l'intégration d'une arrière boutique à la surface de vente ouverte au public ne constitue pas une amélioration des lieux loués au sens de l'article 23-3 du décret du 30 septembre 1953, mais une simple redistribution des locaux ayant eu pour effet d'entraîner une augmentation notable de la surface de vente ou de faciliter l'exercice du commerce et de permettre ainsi au preneur d'augmenter ses activités puremment commerciale en touchant une clientèle plus large; une telle modification tendant à l'amélioration de la commercialité des lieux loués consitue donc un motif de déplafonnement.


Références :

Décret du 30 septembre 1953 article 23-3

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-05-11;1996.7361 ?
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