FAITS ET PROCEDURE
La cour est saisie d'un appel interjeté le 19 juin 1998 par Madame X... à l'encontre d'un jugement du tribunal d'instance de VANVES en date du 12 mars 1998.
La banque SOFINCO a formé un incident aux fins de voir déclarer cet appel irrecevable.
Par ordonnance d'incident en date du 24 décembre 1998, le conseiller de la mise en état a déclaré irrecevable comme tardif, l'appel interjeté par Madame X... et l'a condamnée à payer à la banque SOFINCO la somme de 1.500 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens d'appel.
Le 7 janvier 1999, Madame X... a présenté une requête afin de déférer cette ordonnance à la cour.
Elle soutient que l'acte de signification du jugement en date du 6 mai 1998 est irrégulier; qu'en effet, l'huissier instrumentaire s'est contenté de remplir des cases préimprimées pour justifier de la confirmation du domicilie, sans indiquer pourquoi la signification à la personne de Madame X... n'a pas été effectuée, ni même tentée; que par ailleurs, la signification faite à Monsieur et Madame X..., résulte d'un acte unique, alors que la formule cochée dans le préimprimé indique seulement (au singulier) : "L'intéressé est absent", de sorte que l'absence de Madame X... n'est pas régulièrement établie; qu'enfin, il n'est pas justifié qu'un avis de passage a été laissé à son domicile, ni même que la lettre simple lui a été adressée.
La requérante fait valoir que cette irrégularité lui a causé un grief indiscutable, celui de ne pouvoir faire valoir ses moyens en appel.
Elle demande à la cour de :
Vu les dispositions de l'article 914 alinéa 2 du nouveau code de procédure civile,
Vu les dispositions de l'article 693 du nouveau code de procédure civile,
Renvoyant aux articles 653 à 658 du même code,
1°) déclarer nulle et de nul effet la signification du jugement rendu le 12 mars 1998 par le tribunal d'instance de VANVES effectuée par exploit de la SCP BOULITROP SALMON PREUX, huissiers de justice associés à CHARTRES, à l'encontre de Madame X... en date du 6 mai 1998;
2°) constater, en conséquence, que cette signification irrégulière et totalement nulle et n'a pu faire courir le délai d'appel à l'encontre de la requérante et qu'elle lui cause grief;
3°) déclarer, en conséquence, recevable l'appel interjeté par Madame X... à l'encontre de la décision susvisée par déclaration au greffe en date du 19 juin 1998;
4°) infirmer l'ordonnance déférée et décharger la concluante de toutes condamnations,
5°) condamner la banque SOFINCO au paiement au profit de la concluante d'une somme de 5.000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
6°) condamner la banque SOFINCO aux dépens de procédure d'incident d'irrecevabilité devant le conseiller de la mise en état et aux dépens de la présente procédure de déféré, dont le recouvrement sera effectué pour ceux la concernant par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
La banque SOFINCO réplique que l'impossibilité de la signification à personne est caractérisée par l'absence de Madame X..., dûment mentionnée par l'huissier instrumentaire, lequel a vérifié la réalité de son domicile; qu'il est également précisé sur l'acte de signification qu'un avis de passage a été laissé et que la lettre
simple prévue par l'article 658 du nouveau code de procédure civile lui a été adressée.
Elle demande à la cour de :
- déclarer mal fondé le déféré introduit par Madame X...,
- confirmer en tous points l'ordonnance déférée,
Y ajoutant,
- condamner Madame X... à lui payer la somme de 5.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,
- condamner Madame X... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP DELCAIRE BOITEAU, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 23 mars 1999.
SUR CE LA COUR
Considérant que le jugement déféré a été signifié "en mairie", à chacun des époux X... par acte du 6 mai 1998; que cet acte fait foi jusqu'à inscription de faux, des mentions portées par l'huissier instrumentaire, officier ministériel, concernant les diligences qu'il déclare avoir accomplies;
Considérant que l'acte de signification critiqué comporte deux colonnes concernant chacun de ses destinataires; que l'huissier a visé Monsieur et Madame dans l'encadré "Remise en mairie"; qu'en ce qui concerne les circonstances rendant impossible la remise à personne ou à son domicile, il est précisé "l'intéressé est absent"; que cette précision, portée sous les deux mentions Monsieur et Madame, s'applique nécessairement à chacun des destinataires de l'acte pris séparément; qu'il ne peut être tiré argument de l'emploi du seul masculin, lequel malgré les efforts de certain(e)s pour
modifier la grammaire demeure le genre grammatical dominant; que la circonstance de l'absence du destinataire de l'acte, constatée par l'huissier, justifie l'impossibilité de le signifier à sa personne;
Considérant que l'huissier indique avoir vérifié l'adresse de Madame X... en relevant que son nom figurait sur la boîte aux lettres et en interrogeant un voisin; que ces précisions établissent que l'huissier a accompli la diligence relative à la vérification du domicile du destinataire de l'acte, même si le nom n'est pas précisé; Considérant qu'enfin figure sur l'acte litigieux, en caractères imprimés, la mention qu'un avis de passage a été laissé ce même jour au domicile conformément à l'article 656 du nouveau code de procédure civile et que la lettre prévue conformément à l'article 658 du nouveau code de procédure civil, a été adressée avec copie de l'acte, le jour ouvrable suivant, que cette mention justifie de l'accomplissement de ces diligences;
Considérant qu'il est également précisé sur l'acte que l'huissier l'a ensuite remis à la mairie du domicile;
Considérant que dans ces conditions, Madame X... n'établit pas l'irrégularité de l'acte de signification en date du 6 mai 1998; que son appel régularisé le 19 juin 1998 est donc tardif; que par conséquent, la cour confirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions;
Considérant qu'eu égard à l'équité il y a lieu d'allouer à la banque SOFINCO la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
- CONFIRME en son entier l'ordonnance déférée;
Et y ajoutant :
- CONDAMNE Madame X... à payer à la banque SOFINCO la somme de 3.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile;
- LA CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP DELCAIRE BOITEAU, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER
LE PRESIDENT M-H. EDET
A. CHAIX