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16/04/1999 | FRANCE | N°1997-535

France | France, Cour d'appel de Versailles, 16 avril 1999, 1997-535


FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 4 février 1981 la société SAGE a sous loué à la société CINEMA DES QUATRES TEMPS divers locaux à usage commercial situés au CENTRE COMMERCIAL DES QUATRE TEMPS et appartenant à la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE.

Par acte d'huissier en date du 5 avril 1995 la société CINEMA DES QUATRES TEMPS a fait citer la société SAGE devant le tribunal d'instance de PUTEAUX afin d'obtenir la condamnation du bailleur à prendre toutes les dispositions utiles afin d'éviter les nuisances sonores en provenance de la di

scothèque exploitée par la société ARISTO CLUB, elle-même locataire de la SC...

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé en date du 4 février 1981 la société SAGE a sous loué à la société CINEMA DES QUATRES TEMPS divers locaux à usage commercial situés au CENTRE COMMERCIAL DES QUATRE TEMPS et appartenant à la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE.

Par acte d'huissier en date du 5 avril 1995 la société CINEMA DES QUATRES TEMPS a fait citer la société SAGE devant le tribunal d'instance de PUTEAUX afin d'obtenir la condamnation du bailleur à prendre toutes les dispositions utiles afin d'éviter les nuisances sonores en provenance de la discothèque exploitée par la société ARISTO CLUB, elle-même locataire de la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE, sous astreinte de 2.000 Francs par jour ; la désignation d'un expert pour examiner les travaux ; la condamnation de la société SAGE à lui payer la somme de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts, celle de 11.860 Francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par acte d'huissier en date du 8 juin 1995, la SAGE a fait assigner la société ARISTO CLUB afin de voir constater l'absence de preuve des nuisances phoniques subies par la société CINEMA DES QUATRES TEMPS ; subsidiairement, dire et juger la société ARISTO CLUB entièrement responsable des nuisances sonores et la condamner à la garantir de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre ; condamner la société ARISTO CLUB à lui payer la somme de 10.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Devant le premier juge la société SAGE a sollicité le prononcé de la nullité du bail la liant à la société CINEMA DES QUATRES TEMPS faute de stipulation d'un loyer sérieux ; elle a, en outre, demandé l'allocation d'une indemnité d'occupation de 5.000.000 Francs par an et celle de 15.000 Francs au titre de l'article 700 du nouveau code

de procédure civile.

La société ARISTO CLUB a conclu au débouté des demandes de la société SAGE et de la société CINEMA DES QUATRES TEMPS contestant sa responsabilité eu égard aux troubles phoniques.

La société CINEMA DES QUATRES TEMPS s'est opposée à la demande de nullité du bail.

La SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE a sollicité sa mise hors de cause.

Par jugement contradictoire en date du 22 octobre 1996 le tribunal d'instance de PUTEAUX a rendu la décision suivante :

- déboute la société SAGE de ses demandes de nullité du contrat de bail, d'expulsion et d'indemnité d'occupation,

- ordonne une mesure d'expertise et commet pour y procéder Monsieur X..., expert, demeurant 8, place Royale 7800 VERSAILLES avec la mission de :

* se rendre sur les lieux loués à la société CINEMA DES QUATRE TEMPS et à la société ARISTO CLUB,

* vérifier si l'exploitation du cinéma est gênée par des nuisances sonores. Dans l'affirmative, décrire ces nuisances, notamment quant à leur intensité; en rechercher les causes; préciser en particulier si elles résultent ou non de la configuration physique des lieux, de leurs caractéristiques techniques, ou d'un usage anormal d'autre locaux loués,

* définir les mesures techniques propres à faire cesser les désordres; en chiffrer le coût,

- dit que l'expert devra déposer son rapport écrit au greffe du tribunal de céans avant le 1er mars 1997,

- dit que la société CINEMA DES QUATRE TEMPS versera au régisseur d'avances du tribunal de céans une consignation de 2.500 Francs à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce, avant le 1er décembre

1996,

- ordonne une autre mesure d'expertise et commet pour y procéder Monsieur Y..., expert, demeurant 5, rue Louis Armand à ASNIERES, avec la mission de :

[* se rendre sur les lieux loués à la société ARISTO CLUB et à la société CINEMA DES QUATRE TEMPS,

*] vérifier la réalité des désordres dont se plaint la société ARISTO CLUB; les décrire; en rechercher les causes et les responsabilités encourues,

- définir les mesures propres à y remédier et en chiffrer le coût,

- dit que l'expert devra déposer son rapport écrit au greffe du tribunal de céans avant le 1er mars 1997,

- dit que la société ARISTO CLUB versera au régisseur d'avances du tribunal de céans une consignation de 2.500 Francs à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce, avant le 1er décembre 1997,

- dit que les deux experts devront dans la mesure du possible, effectuer leurs opérations d'expertise, ensemble et confronter leurs conclusions avant de dresser leurs rapports définitifs,

- sursoit à statuer sur les autres demandes,

A l'appui de son appel interjeté le 12 décembre 1996 la société SAGE fait valoir que le contrat de bail commercial litigieux est un contrat aléatoire dont l'exécution est rendue impossible par l'impossibilité de paiement du loyer, qu'en conséquence le contrat est, selon elle, dépourvu de cause et doit donc être annulé ; que, par ailleurs, ledit contrat est en outre affecté d'un vice du consentement reposant sur une erreur et entraînant la nullité de la convention par application de l'article 1110 du code civil ; qu'en vertu de la nullité du contrat la société CINEMA DES QUATRES TEMPS est occupante sans droit ni titre et doit donc être expulsée ; qu'il convient de fixer l'indemnité d'occupation à la somme de 5.000.000 de

Francs.

En conséquence elle prie la Cour de :

- infirmer le jugement rendu par le tribunal d'instance de PUTEAUX le 22 octobre 1996, en ce qu'il a débouté la société SAGE de ses demandes de nullité de contrat de bail, d'expulsion et d'indemnité d'occupation,

Et statuant à nouveau,

- dire et juger que le bail ayant pris effet le 9 août 1992 dont est bénéficiaire le société CINEMA DES QUATRE TEMPS est entaché de nullité,

- en conséquence, constater que la société CINEMA DES QUATRE TEMPS est occupant sans droit ni titre,

- ordonner l'expulsion de la société CINEMA DES QUATRE TEMPS et celle de tous occupants de son chef des lieux loués au centre commercial LES QUATRE TEMPS, Parvis de la Défense 92800 PUTEAUX, avec le concours de la force publique si besoin est,

- dire et juger que la société CINEMA DES QUATRE TEMPS est redevable depuis le 9 août 1992, jusqu'à la date de libération effective des locaux, d'une indemnité d'occupation,

- fixe ladite indemnité au montant annuel HT de 5.000.000 de Francs, - condamner la société CINEMA DES QUATRE TEMPS au paiement de la somme de 15.000 Francs par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- condamner la société CINEMA DES QUATRE TEMPS en tous les dépens,

- dire que ceux d'appel pourront être recouvrés directement par la SCP LISSARRAGUE DUPUIS ET ASSOCIES, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

La société CINEMA DES QUATRES TEMPS expose que la demande en nullité

du contrat formée par la société SAGE et qui repose non pas sur l'absence ou l'indétermination du prix, mais sur l'absence d'aléa, est prescrite par application de l'article 1304 du code civil, le bail en date du 9 août 1980 ayant été renouvelé aux mêmes conditions le 9 août 1992 ; subsidiairement sur le fond, elle fait valoir que le bail a été dès l'origine, un contrat aléatoire par la volonté commune des parties et qu'il échappe donc à toute action en nullité pour vileté ou absence de loyer.

En conséquence, elle prie donc la Cour de :

- dire et juger que le bail litigieux constitue un contrat aléatoire avec toutes conséquences de droit,

- dire et juger que la demande en nullité du bail du 9 août 1992 - qui postule que soit admise la nullité de celui du 9 août 1980 - le second n'étant que la reproduction du premier - est prescrite par application de l'article 1304 du code civil, ce texte étant applicable sinon à une demande en nullité fondée sur l'indétermination du loyer, du moins à une demande fondée sur le prétendu défaut d'aléa,

- subsidiairement, déclarer ladite demande mal fondée pour les motifs développés ci-dessus, faisant corps avec le présent dispositif,

- débouter, en conséquence, la société appelante de ses écritures à toutes fins qu'elles comportent,

Encore plus subsidiairement, et pour le cas où par impossible la cour jugerait à la fois non prescrite et bien fondée la demande en nullité du bail,

- dire et juger que cette nullité est imputable à la société bailleresse, rédactrice du bail-type et de la clause relative au loyer, laquelle a agi en qualité de locataire de la SCI DU CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE, partie au bail, promoteur de l'ensemble de l'opération immobilière et commercial et ayant le même représentant

légal,

- condamner, en conséquence, la société SAGE à payer à la société CINEMA DES QUATRE TEMPS l'ensemble des préjudices de toute nature qu'elle subirait si la nullité du bail était admise,

- dire et juger que ces préjudices comprendraient en particulier la valeur de ses investissements et de son fonds de commerce d'exploitation d'un complexe si la nullité du bail était admise,

- nommer tel expert qu'il plaira à la cour de désigner avec mission d'évaluer tous préjudices subis par la concluante du fait de la nullité du bail et en particulier la valeur du fonds de commerce crée par elle et exploité dans les locaux, objet du bail,

- condamner dès à présent et par provision la société SAGE à payer à la société CINEMA DES QUATRE TEMPS une indemnité de 30.000.000 de Francs à valoir sur l'indemnité définitive à arbitrer par la cour au vu du rapport de l'expert,

- dire que la société concluante aura le droit de se maintenir en jouissance jusqu'au paiement effectif de l'indemnité définitive, en raison du lien de connexité entre cette jouissance et ladite indemnité,

- en toute hypothèse, condamner la société appelante à payer à la concluante la somme de 30.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel dont le recouvrement pourra être poursuivi par la SCP FIEVET ROCHETTE LAFON, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Dans ses conclusions signifiées le 15 janvier 1999 la société CINEMA DES QUATRES TEMPS prie la Cour de :

- adjuger à la concluante le bénéfice de ses précédentes écritures,

Y ajoutant,

A titre subsidiaire, et pour le cas où par impossible la cour ferait

droit à la demande en nullité de la clause litigieuse,

- dire et juger que la décision de la cour aurait un caractère constitutif et pas seulement déclaratif et que par voie de conséquence, elle ne prendrait effet qu'à partir de l'arrêt à intervenir et non à compter rétroactivement du 9 août 1992,

- dire et juger en conséquence que dans l'hypothèse envisagée à titre subsidiaire, et en tant que de besoin, les rapports locatifs entre les parties resteront régis par la clause litigieuse jusqu'au prononcé de l'arrêt à intervenir,

- dire et juger que toujours dans l'hypothèse envisagée, la nullité de la clause litigieuse n'entraînerait pas celle du bail dans son intégralité, alors qu'il est constant que cette nullité serait exclusivement imputable à la bailleresse,seule rédactrice du bail, ce qui interdit à la bailleresse, au besoin à titre de sanction de la responsabilité par elle encourue, de tirer de la nullité contestée de la clause litigieuse la nullité du bail dans son ensemble,

- dire et juger que la demande de la bailleresse qui avait la possibilité de contester la validité de la clause à l'occasion du renouvellement - ce qu'elle s'est abstenue de faire - en sollicitant la fixation du loyer du bail renouvelé à la valeur locative par application des dispositions du décret du 30 septembre 1953, sauf à se heurter aux moyens de défense de la concluante, revient en définitive, à revenir sur la fixation du loyer du renouvellement en application de la clause contractuelle et à provoquer sa fixation à la valeur locative,

- dire et juger cette demande prescrite en application de l'article 33 D 1953,

- statuer ce que précédemment requis quant aux dépens.

La société SAGE réplique que sa demande de nullité du contrat n'encourt aucune prescription dès lors que la nullité a été soulevée

au moyen d'une exception de nullité. Elle s'oppose par ailleurs aux autres demandes formulées par la société CINEMA DES QUATRE TEMPS et prie la cour de :

- déclarer irrecevable et mal fondée la société CINEMA DES QUATRE TEMPS en son appel incident,

- en conséquence, la débouter de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

- adjuger de plus fort à la société SAGE l'entier bénéfice de ses précédentes écritures.

La société civile immobilière du CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE, visée dans l'acte d'appel, n'a pas été assignée et aucune demande n'a été formulée contre elle. Elle n'est donc pas partie à l'instance et d'appel sera rendu contradictoirement.

L'ordonnance de clôture a été signée le 4 mars 1999 et l'affaire plaidée à l'audience du 16 mars 1999.

SUR CE LA COUR I)

Considérant qu'en vertu des articles 1738 et 1759 du code civil, la tacite reconduction du bail originaire du 4 février 1981, intervenue le 9 août 1992, a donné naissance à un nouveau contrat de bail, et que l'action en nullité de ce nouveau bail engagée devant le tribunal d'instance par la SARL SAGE, le 14 novembre 1995, l'a donc été dans le délai de 5 années prévue par l'article 1304 du code civil ; qu'aucune forclusion n'est donc encourue, de ce chef, et que l'action est par conséquent déclarée recevable ;

Considérant que, de plus, cette action en nullité de ce bail est expressément fondée sur une prétendue absence d'un prix convenu, et ce au visa express des articles 1706 et 1728 alinéa 2 du code civil, et qu'à aucun moment, il n'a été explicitement soutenu par la SARL SAGE, ni démontré par elle, que son consentement aurait été, d'une quelconque manière vicié, pour cause d'erreur, de dol ou de violence,

qui représentent les seuls cas ou doit s'appliquer la prescription quinquennale de l'article 1304 du code civil ; II)

Considérant, quant au fond, que le prix du loyer du contrat de bail dont s'agit a été librement stipulé entre les parties qui ont contracté en toute connaissance de cause ; que notamment, la SARL SAGE qui est une professionnelle de l'immobilier et de la location immobilière et commerciale, a expressément stipulé un loyer sérieux et dont la définition précise qui correspond à l'esprit même de ce contrat dans ce vaste ensemble commercial des "QUATRE TEMPS", est la suivante :

ARTICLE IV : "Loyer"

Cet article est libellé comme suit :

"Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer annuel HT dont le montant sera proportionnel à la recette guichet. Ce loyer sera déterminé dans les conditions suivantes :

a) Loyer principal :

- pour une fréquentation annuelle inférieure à 650.000 entrées payantes, le preneur n'aura pas à verser de loyer au bailleur,

- pour une fréquentation annuelle comprise entre 650.000 et 780.000 entrées payantes, le loyer sera égal à 2,55 % de la recette guichet totale,

- pour une fréquentation annuelle supérieure à 780.000 entrées payantes, le loyer sera égal à 5,1 % de la recette guichet totale.

b) Loyer complémentaire :

Au-delà de 884.000 entrées payantes par an, le loyer sera majoré de 0,50 Francs par entrée supplémentaire.

c) Indexation du loyer complémentaire :

Le loyer complémentaire tel que défini ci-dessus sera indexé :

* à chaque date anniversaire de la date de première exploitation, les parties convenant pour l'application de cette clause, de retenir

comme date théorique d'ouverture, la date du 4 mars 1981,

* en fonction de la variation constatée sur le prix moyen du billet des neuf salles de cinéma, en comparant le prix moyen du billet pour la première année d'exploitation et le prix moyen du billet pour les années suivantes à la date anniversaire considérée.

Le prix moyen sera déterminé par application de la formule suivante :

R

P = -

E P : Prix moyen du billet pour l'ensemble des neuf salles R :

Recette totale guichet des neuf salles pour une année d'exploitation, E : Nombre d'entrées totales des neuf salles pour une année d'exploitation".

Considérant que ces termes clairs et précis ne nécessitent aucune interprétation et qu'ils démontrent à l'évidence que dès l'origine, en 1981, puis au moment de la reconduction du bail, en 1992, cette opération librement convenue a correspondu à un passé économique, indissociablement lié à la création de l'ensemble commercial des "QUATRE TEMPS" qui a donné lieu à des délivrances de locaux bruts de béton et qui devaient être aménagés entièrement par les preneurs, lesquels, manifestement, concluaient des contrats aléatoires, au sens de l'article 1964 du code civil, qui édicte que :

"Le contrat aléatoire est une convention réciproque dont les effets, quant aux avantages et aux pertes soit pour toutes les parties, soit pour l'une ou plusieurs d'entre elles, dépendant d'un événement incertain" ;

Considérant que lors de la conclusion de ce contrat et lors de sa reconduction de 1992, la SARL SAGE qui est une professionnelle de

l'immobilier et de la location, était parfaitement en mesure d'étudier et de prévoir les entrées attendues dans ces salles de cinéma, mais que cet événement demeurait bien incertain pour les deux parties - sauf à supposer que le preneur -exploitant aurait délibérément voire frauduleusement refusé des entrées pour ne pas atteindre les chiffres prévus, ce qui n'est pas soutenu par l'appelante - ; qu'il y a donc eu un événement incertain (le nombre d'entrées dans les salles) dont dépendait l'avantage que les deux parties pourraient retirer de ce contrat, et que cet aléa qui n'a rien de potestatif permet de définir ce contrat comme étant aléatoire, au sens de l'article 1964 ; qu'en Droit, aucune lésion ne peut être invoquée dans les contrats aléatoires, et que de plus, il est rappelé qu'il a été ci-dessus souligné qu'aucun vice du consentement, au sens des articles 1109 à 1117 du code civil n'était invoqué ;

Considérant, en définitive, que l'aléa clairement et librement défini dans cette convention a représenté aussi la cause, au sens de l'article 1108 du code civil, des obligations synallagmatiques souscrites par les parties et que contrairement à ce que prétend l'appelante, il n'est aucunement établi que l'exécution de ce contrat serait impossible, qu'il y aurait impossibilité avérée d'un paiement du loyer et que donc, selon elle, ce bail se trouverait sans cause ; que l'aléa ci-dessus défini ne conduit pas à une absence de prix, mais que bien au contraire, le loyer qui a été clairement défini avec une grande précision par des professionnels, est un loyer objectivement convenu qui ne peut être qualifié de vil ou de non sérieux, ou de non effectif ; qu'à l'époque, de la conclusion de ce bail et lors de sa reconduction, l'aléa existait et qu'il était toujours envisagé et reconnu par les parties ; que cet aléa subsiste, à ce jour, et que si, certes, il est exact que les chiffres d'entrée

admis par les cocontractants apparaissent aujourd'hui comme ayant été trop optimistes, il demeure cependant que les seuils expressément stipulés peuvent être encore atteints ;

Considérant qu'aucune nullité n'affecte donc ce contrat aléatoire ;

Considérant, enfin, qu'en dernier et en quelques lignes d'une argumentation très succincte (conclusions du 10 avril 1997 - cote 4 du dossier de la cour, page 10, 3 derniers paragraphes), l'appelante évoque une "erreur" qui aurait "porté sur la valeur" et que donc, selon elle, il y aurait un vice du consentement, au sens de l'article 1110 du code civil ; que cette argumentation est rejetée au regard de la motivation ci-dessus développée qui a retenu que ce contrat aléatoire, représentant un pari économique et librement souscrit par deux professionnels, était exclusif de toute notion de lésion ou d'erreur sur la valeur ; que ce moyen est donc également écarté et qu'aucune nullité n'est encourue de ce chef ;

Considérant que la SARL SAGE est par conséquent déboutée des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ; que le jugement déféré est confirmé ; III)

Considérant que la cour, y ajoutant, compte-tenu de l'équité, condamne la SARL SAGE à payer à la "SA CINEMA DES QUATRE TEMPS" la somme de 15.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant que la demande de nullité du bail et toutes les autres demandes accessoires formulées par l'appelante étant rejetées, il n'y a plus lieu d'analyser les diverses demandes subsidiaires formées par la SA "CINEMA DES QUATRE TEMPS" qui deviennent toutes sans objet ;

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

- CONSTATE que la SCI "CENTRE COMMERCIAL DE LA DEFENSE" n'a pas été

assignée devant la Cour, que personne n'a conclu à son égard, et qu'elle n'est donc pas partie dans cette instance ;

- DEBOUTE la SARL SAGE des fins de son appel et de toutes les demandes que celui-ci comporte ;

- CONFIRME le jugement déféré ;

Et y ajoutant :

- CONDAMNE la SARL SAGE à payer à la SA "CINEMA DES QUATRE TEMPS" la somme de 15.000 Francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

- CONSTATE que toutes les demandes subsidiaire de la SA intimée sont sans objet ;

- CONDAMNE la SARL SAGE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre elle par la SCP d'avoués FIEVET ROCHETTE LAFON, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET : LE GREFFIER

LE PRESIDENT M-H. EDET

A. CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-535
Date de la décision : 16/04/1999

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Contrat aléatoire - Définition

Un bail conclu entre des professionnels moyennant un loyer annuel proportionnel à la recette du locataire et comprenant un seuil en deçà duquel aucun loyer n'est dû constitue un contrat aléatoire, au sens de l'article 1964 du Code civil. Et, dès lors que, sauf fraude du preneur, la recette dont dépend l'avantage que les deux parties ont retirer du contrat, a un caractère incertain, et que l'aléa clairement et librement défini par les parties constitue la cause des obligations synallagmatiques souscrites par les parties, au sens de l'article 1108 du Code civil, la circonstance que les seuils définis se révèlent trop optimistes, sans être pour autant impossibles à atteindre, n'est pas de nature à entacher de nullité ce contrat aléatoire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-04-16;1997.535 ?
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