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15/04/1999 | FRANCE | N°1996-6516

France | France, Cour d'appel de Versailles, 15 avril 1999, 1996-6516


Le GARP a notifié à la société LES VERGERS DE NEUILLY une contrainte datée du 3 octobre 1994, par laquelle était réclamée à cette société une somme de 116.076,18 francs due au titre de contributions supplémentaires en application de l'article L.321-13 du code du travail, du fait du licenciement de deux salariés âgés de plus de cinquante ans, Monsieur X... et Monsieur Y..., respectivement âgés de 54 et 55 ans.

La société LES VERGERS DE NEUILLY ayant formé opposition à cette contrainte, le tribunal de grande instance de NANTERRE a, par jugement du 2 avril 1996 :


- validé ladite contrainte à hauteur de 116.076,18 francs, majoration compri...

Le GARP a notifié à la société LES VERGERS DE NEUILLY une contrainte datée du 3 octobre 1994, par laquelle était réclamée à cette société une somme de 116.076,18 francs due au titre de contributions supplémentaires en application de l'article L.321-13 du code du travail, du fait du licenciement de deux salariés âgés de plus de cinquante ans, Monsieur X... et Monsieur Y..., respectivement âgés de 54 et 55 ans.

La société LES VERGERS DE NEUILLY ayant formé opposition à cette contrainte, le tribunal de grande instance de NANTERRE a, par jugement du 2 avril 1996 :

- validé ladite contrainte à hauteur de 116.076,18 francs, majoration comprise,

- dit que s'appliquera sur cette somme une pénalité de 1,40 % par mois de retard à compter du quatrième mois suivant la date d'exigibilité et jusqu'à l'entier paiement,

- alloué au GARP une somme de 4.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Appelante de cette décision, la société LES VERGERS DE NEUILLY demande à la Cour, en l'infirmant et en statuant à nouveau, de débouter le GARP de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et de le condamner à lui verser la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le GARP, intimé, s'en rapporte à justice s'agissant du cas de Monsieur X..., eu égard à la production pour la première fois en cause d'appel du livre des entrées et des sorties du personnel, établissant que l'effectif de l'entreprise comprend moins de vingt personnes.

En ce qui concerne le cas de Monsieur Y..., le GARP conclut à l'irrecevabilité, comme nouveau en appel, du moyen pris de

l'application du septième cas d'exonération prévu à l'article L.321-13 du code du travail.

Il sollicite le rejet de l'ensemble des moyens soulevés par la société appelante, et la confirmation du jugement déféré en ce qui concerne la contribution supplémentaire due pour le licenciement de Monsieur Y..., outre le débouté de la demande fondée sur l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en l'absence de tout abus de droit lui incombant.

SUR CE, SUR LE CAS DE MONSIEUR X...

Considérant qu'il résulte de la production en appel du livre d'entrées et de sorties du personnel que l'effectif habituel de la société appelante comprend moins de vingt salariés ;

Qu'en outre, il est constant que le licenciement économique de Monsieur X..., intervenu le 21 mai 1993, satisfait à la condition d'exonération de cotisation prévue au 8° de l'article L.321-13 du code du travail, comme constituant la première rupture d'un contrat de travail intervenue au cours d'une même période de douze mois dans l'entreprise ;

Que dès lors, la société LES VERGERS DE NEUILLY soutient à juste raison que la cotisation de 36.767,28 francs (majoration comprise) appliquée par le GARP à l'occasion du licenciement de Monsieur X... n'est pas due, le jugement déféré devant être infirmé en ses dispositions contraires ; SUR LE CAS DE MONSIEUR Y...

Considérant que la société appelante invoque trois causes d'exonération pour échapper au paiement de la cotisation de 79.308,90 francs (majoration comprise) réclamée à l'occasion du licenciement de Monsieur Y..., intervenu pour cause économique le 30 juin 1993 ;

Qu'elle se prévaut tout d'abord de l'article L.321-13, 7° du code du travail, exonérant l'employeur de la cotisation s'agissant de "la rupture du contrat de travail d'un salarié qui était, lors de son

embauche, âgé de plus de cinquante ans et inscrit depuis plus de trois mois comme demandeur d'emploi, laquelle embauche est intervenue après le 9 juin 1992" ;

Que si elle est assurément recevable à invoquer ce moyen nouveau en appel, en application de l'article 563 du nouveau code de procédure civile, elle reconnaît néanmoins que Monsieur Y... était employé par une autre société, avant d'être embauché chez elle, et ne se trouvait pas inscrit comme demandeur d'emploi avant son embauche, de sorte qu'elle est malvenue à se prévaloir du texte dont il s'agit ;

Considérant que la société appelante se prévaut alors du libellé même de l'article L.321-13 du code du travail (énonçant que "toute rupture du contrat de travail d'un salarié d'un âge déterminé par décret ouvrant droit au versement de l'allocation d'assurance prévue à l'article L.351-21 entraîne l'obligation pour l'employeur de verser aux organismes visés à l'article L.351-21 une cotisation dont le montant est fixé par décret ...", qu'elle interprète en ce sens que la cotisation n'est due que lorsqu'il y a ouverture de droits concernant l'assurance chômage et versement d'au moins une allocation d'assurance chômage, d'où elle déduit que la cotisation afférente au licenciement de Monsieur Y... n'est pas due, celui-ci ayant repris une activité pendant la période de carence (expirant le 14 septembre 1993), comme ayant retrouvé un emploi le 13 septembre 1993 au sein de la société DARD ET FILS, de sorte qu'aucune allocation chômage ne lui a été versée ;

Que toutefois, une telle interprétation de l'article L.321-13 du code du travail revient à ajouter au texte une condition qu'il ne prévoit pas, ledit texte prenant seul en compte une situation qui permet l'ouverture de droits, à l'exclusion de la perception effective des allocations chômage, d'où il suit que sa demande d'exonération ne saurait non plus prospérer sur le fondement de ce moyen ;

Considérant que la Société appelante excipe enfin de l'alinéa 2 du 9° de l'article L.321-13 du code du travail, qui dispose que "toutefois, lorsque l'un des salariés visés à l'alinéa précédent est reclassé sous contrat à durée indéterminée dans les trois mois suivant l'expiration du délai-congé prévu aux articles L.122-5 et suivants, l'employeur peut demander aux organismes visés à l'article L.351-21 le remboursement du versement prévu au premier alinéa du présent article" ;

Qu'elle énonce que les conditions prévues à ce texte sont réunies, Monsieur Y... ayant été reclassé dans les délais impartis, peu important qu'il ait été embauché par une autre société ;

Mais considérant que le GARP objecte pertinemment que le texte vise le reclassement du salarié, et non pas une embauche par un autre employeur ;

Que Monsieur Y... n'ayant pas été "reclassé", mais embauché dans une tierce entreprise, postérieurement à son licenciement, la société appelante ne peut se prévaloir du texte dont il s'agit ;

Considérant qu'il convient dans ces conditions de valider la contrainte litigieuse s'agissant des cotisations dues à la suite du licenciement de Monsieur Y..., la société LES VERGERS DE NEUILLY devant de la sorte payer au GARP la somme de 79.308,90 francs, majoration de retard de 10 % incluse, le jugement déféré devant être infirmé en ses dispositions contraires ; SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES Considérant qu'il n'a pas lieu, en équité, de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Que le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a fait application de ce texte en faveur du GARP ;

Que succombant pour l'essentiel, la société LES VERGERS DE NEUILLY supportera les dépens de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

REOEOIT la société LES VERGERS DE NEUILLY en son appel ;

INFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a validé la contrainte litigieuse à hauteur de 116.076,18 francs, majoration comprise, et en ce qu'il a condamné la société LES VERGERS DE NEUILLY au paiement d'une somme de 4.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure ;

STATUANT A NOUVEAU,

VALIDE la contrainte à hauteur de la somme de SOIXANTE DIX NEUF MILLE TROIS CENT HUIT FRANCS QUATRE VINGT DIX CENTIMES (79.308,90 francs), majoration comprise ;

DEBOUTE le GARP de sa demande formée en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONFIRME le jugement déféré par le surplus ;

Y AJOUTANT,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE la société LES VERGERS DE NEUILLY aux dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Monsieur Gérard MARTIN, Conseiller,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-6516
Date de la décision : 15/04/1999

Analyses

LOIS ET REGLEMENTS - Interprétation - Interprétation stricte

Selon les dispositions de l'article L.351-13 du code de commerce, toute rupture du contrat de travail d'un salarié d'un âge déterminé par décret ouvrant droit à versement de l'allocation d'assurance, entraîne l'obligation pour l'employeur de verser aux organismes visés à l'article L.351-21 une cottisation dont le montant est fixé par décret. Dés lors que sous couvert d'interprétation il ne saurait être ajouté au texte une condition qu'il ne prévoit pas, un employeur ne peut prétendre s'éxonérer de la cotisation sus mentionnée en alléguant que celle-ci ne serait due que lorsque sont cumulativement réunis, l'ouverture des droits à l'assurance chômage et le versement effectif d'une allocation chômage.


Références :

Code du travail articles L.351-13 et L.351-21

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-04-15;1996.6516 ?
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