La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/04/1999 | FRANCE | N°JURITEXT000006934639

France | France, Cour d'appel de Versailles, 09 avril 1999, JURITEXT000006934639


Monsieur Konabouré X..., ayant accepté une offre de prêt immobilier d'un montant de 490.000 francs, remboursable en 20 ans, formulée par la SOCIETE ANONYME DE CREDIT IMMOBILIER DES ENVIRONS DE PARIS (la S.A.C.I.E.P.), a adhéré le 28 juin 1990, par l'intermédiaire du courtier d'assurance, le G.M.R.A., au contrat d'assurance groupe crédit conclu par cet organisme prêteur avec la Compagnie d'Assurance sur la vie RHIN et MOSELLE - VIA, afin de bénéficier, notamment, d'une garantie en cas de chômage.

Ce contrat d'assurance collective a été repris par la S.A. ICD VIE.

M

onsieur Konabouré X... a connu une première période de chômage du 1er jan...

Monsieur Konabouré X..., ayant accepté une offre de prêt immobilier d'un montant de 490.000 francs, remboursable en 20 ans, formulée par la SOCIETE ANONYME DE CREDIT IMMOBILIER DES ENVIRONS DE PARIS (la S.A.C.I.E.P.), a adhéré le 28 juin 1990, par l'intermédiaire du courtier d'assurance, le G.M.R.A., au contrat d'assurance groupe crédit conclu par cet organisme prêteur avec la Compagnie d'Assurance sur la vie RHIN et MOSELLE - VIA, afin de bénéficier, notamment, d'une garantie en cas de chômage.

Ce contrat d'assurance collective a été repris par la S.A. ICD VIE.

Monsieur Konabouré X... a connu une première période de chômage du 1er janvier 1992 au 24 mai 1992, au cours de laquelle il a bénéficié de cette garantie ; il a ensuite travaillé du 25 mai 1992 au 15 octobre 1992 en exécution d'un contrat de travail à durée déterminée, conclu le 25 mai 1992 avec la Société RESCAL, et s'est vu refuser le bénéfice de l'assurance chômage au terme de ce contrat.

Le 17 février 1994, la S.A.C.I.E.P. l'a informé que, constatant un arriéré de 31.456,37 francs, elle déclarait cet incident de paiement à la BANQUE DE FRANCE aux fins d'inscription au fichier national des incidents de recouvrement des crédits aux particuliers (le F.I.C.P.). Monsieur Konabouré X... a saisi le Tribunal de Grande Instance de VERSAILLES aux fins de condamnation in solidum de la S.A.C.I.E.P. et du G.M.R.A. à prendre en charge les mensualités de remboursement du prêt, à réparer son préjudice moral, et à faire procéder sous astreinte à la mainlevée de l'incident de paiement signalé.

Le jugement du 23 septembre 1996 a : - débouté Monsieur Konabouré X... de ses demandes en paiement au titre de l'assurance chômage formées contre la S.A. S.A.C.I.E.P. et le G.M.R.A., - condamné la S.A. ICD VIE, laquelle était intervenue volontairement dans la

procédure, à prendre en charge les échéances du prêt immobilier du 16 octobre 1992 au 16 avril 1994, et à payer à Monsieur Konabouré X... la somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et celle de 4.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, outre les dépens, - condamné la S.A. S.A.C.I.E.P. à faire toutes diligences auprès de la BANQUE DE FRANCE pour la suppression du nom de Monsieur Konabouré X... du F.I.C.P. sous astreinte de 200 francs par jour de retard à l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, - ordonné l'exécution provisoire du jugement, - et débouté la S.A.C.I.E.P. et le G.M.R.A. de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La S.A. ICD VIE a régulièrement interjeté appel du jugement le 21 octobre 1996 ; elle sollicite l'infirmation du jugement en toutes ses dispositions, et la condamnation de Monsieur Konabouré X... à lui rembourser les sommes perçues à tort avec intérêts de droit à compter des versements effectués, ainsi que sa condamnation aux dépens.

Soutenant que l'article 1134 du Code Civil a été violé, elle fait valoir que les conditions du contrat d'assurance sont précisées sur le bulletin d'adhésion, qu'un extrait du contrat d'assurance groupe a été annexé à l'acte d'ouverture de crédit régularisé devant notaire et que l'article 140-4 du Code des Assurances est respecté, que l'exclusion liée au chômage est écrite de manière lisible et en caractères gras, et que cette clause, connue de Monsieur Konabouré X... et acceptée par lui, stipule clairement l'exclusion de toute garantie en cas de chômage à l'issue d'un contrat à durée déterminée ; elle expose qu'il n'est pas démontré en quoi cette clause aurait été imposée pour lui procurer un avantage excessif, dès lors que sa garantie s'applique si l'assuré se retrouve au chômage, sans

démission de sa part, à la fin d'un contrat à durée indéterminée ; et que la clause de limitation de la garantie à un maximum de 24 mensualités n'est pas plus abusive puisqu'il ne s'agit que d'une clause de style.

Monsieur Konabouré X... demande la confirmation du jugement, et la condamnation de la S.A. ICD VIE à lui payer la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure Civile.

Il fait observer qu'en contradiction avec les articles L 140-4 et L 112-4 du Code des Assurances, il ne lui a été remis qu'un simple extrait de la police d'assurance, et que les clauses d'exclusion de garantie, imprimées dans les mêmes caractères que le reste et sans mise en évidence, ne portent ni son paraphe, ni sa signature, et soutient que son attention n'a pas été spécialement attirée sur ces clauses qui lui sont, dès lors, inopposables.

Il soutient également que la clause d'exclusion de garantie en cas de chômage à l'issue d'un contrat à durée déterminée est abusive en ce qu'elle a pour conséquence de pousser l'assuré à rester au chômage et le pénalise dans ses efforts pour trouver un travail, et rappelle que la recommandation n° 90-01 du 10 novembre 1989 de la Commission des clauses abusives vise à remédier à la confusion volontairement entretenue entre les termes de l'assurance et les garanties réelles. L'instruction de l'affaire a été close le 11 février 1999. DISCUSSION ET MOTIFS DE L'ARRET

Attendu que l'arrêt sera contradictoire et en dernier ressort ; - Sur la garantie en cas de chômage :

Attendu que les clauses des polices d'assurance édictant des exclusions ne sont valables que si elles sont mentionnées en caractères très apparents, et qu'il incombe au souscripteur d'une

assurance de groupe de prouver qu'il a respecté son obligation de remise à l'adhérent d'une notice établie par l'assureur définissant les garanties, ainsi que le prescrivent les dispositions des articles 112-4 et 140-4 du Code des Assurances ;

Attendu que l'article L 132-1 du Code de la Consommation, dans sa rédaction résultant de la loi n° 78-23 du 10 janvier 1978 applicable au contrat litigieux, dispose que sont abusives et réputées non écrites les clauses, relatives à l'étendue des garanties, qui apparaissent imposées aux non professionnels ou consommateurs par un abus de la puissance économique d'un professionnel, et dont il résulte à son profit un avantage excessif ;

Attendu qu'en l'espèce l'extrait du contrat d'assurance groupe souscrit par la S.A.C.I.E.P., produit par la S.A. ICD VIE stipule : - au paragraphe I, sous le titre NATURE ET MONTANT DES GARANTIES : ...à compter du 91ème jour de Chômage, les Assureurs verseront une indemnité égale au montant des sommes dues à la S.A.C.I.E.P. sur les prêts garantis... l'indemnité en cas de Chômage sera versée tant que vous percevrez les prestations chômage ou les allocations de formation. Elle cessera dès que vous reprendrez toute nouvelle activité rémunératrice et au plus tard dans tous les cas, 15 mois après le début du chômage... En cas de plusieurs périodes de Chômage survenant pendant la durée d'un même prêt, le montant global des prestations versées par l'Assureur ne pourra excéder 24 mensualités de remboursement", - au paragraphe II, sous le titre ETENDUE DES GARANTIES : "Tous les risques de Décès, d'Invalidité Absolue et Définitive, d'Incapacité Temporaire ou d'Invalidité Permanente Totale et de Chômage sont couverts sauf ceux énumérés ci-après : * Chômage survenant après votre démission ou après l'expiration d'un contrat de travail de durée ferme".

Attendu que cette clause d'exclusion de garantie en cas de chômage

est imprimée avec les mêmes caractères que les autres conditions du contrat d'assurance, mais qu'elle figure dans un paragraphe homogène consacré dans son ensemble aux différents cas d'exclusion de garantie, et se trouve précédée d'un sous-titre " Pour le Chômage ", de sorte qu'il doit être considéré qu'elle est rédigée en caractères très apparents et conformes aux exigences de l'article L 112-4 dernier alinéa du Code des Assurances ;

Attendu que les parties produisent le bulletin individuel de demande d'admission signé par Monsieur Konabouré X... le 28 juin 1990, précisant " Je soussigné certifie que le dit Organisme m'a remis lors de la signature du présent bulletin, un résumé de contrat pour m'informer des modalités d'assurance. " ;

Attendu que la S.A. ICD VIE produit l'acte notarié d'ouverture de crédit, régularisé le 25 août 1990 entre la SOCIETE ANONYME DE CREDIT IMMOBILIER DES ENVIRONS DE PARIS et Monsieur Konabouré X..., mentionnant au titre III " L'emprunteur reconnaît qu'il lui a été remis un extrait de contrat, et il en accepte toutes les clauses et conditions le concernant " ;

Attendu qu'il en résulte que Monsieur Konabouré X... n'est pas fondé à soutenir que les clauses d'exclusion de garantie lui sont inopposables ;

Attendu que la clause litigieuse excluant la garantie en cas de chômage survenu à l'expiration d'un contrat de travail à durée ferme, combinée à la disposition qui limite la durée de la garantie, assimile, en les sanctionnant de la même manière, les efforts consentis par l'assuré en occupant un emploi fut-il précaire en cours de période de garantie, à une démission de son poste de travail, ou à son inaction prolongée ;

Attendu qu'elle a pour conséquence paradoxale d'interdire à un assuré chômeur d'occuper un emploi disponible de durée déterminée pendant

toute la période garantie, et porte ainsi atteinte à son droit fondamental au travail ;

Attendu qu'il est ainsi démontré que cette clause procure un avantage excessif à la S.A. ICD VIE ;

Attendu que, s'agissant d'un contrat d'adhésion, la clause litigieuse n'a pas fait l'objet d'une négociation individuelle, et qu'elle n'a pu qu'être imposée par l'assureur, professionnel averti, à un consommateur animé du souci d'obtenir son prêt ;

Attendu qu'en conséquence cette clause est abusive, et doit être réputée non écrite ;

Attendu que le nombre de mensualités remboursées est limité à 24 en cas de survenance de plusieurs périodes de chômage pendant la durée d'un même prêt, que la S.A. ICD VIE a déjà remboursé les mensualités correspondant aux échéances du prêt au cours de la première période chômage de l'assuré, soit du 1er janvier 1992 au 24 mai 1992, et qu'elle est donc tenue de prendre en charge l'intégralité des échéances du prêt pour la période du 16 octobre 1992 au 16 avril 1994 ; - Sur le préjudice moral :

Attendu qu'ainsi que les premiers juges l'ont relevé, la S.A. ICD VIE a varié dans ses explications du refus du bénéfice de la garantie ; qu'elle a d'abord, dans son courrier du 15 avril 1993 à la S.A.C.I.E.P., invoqué le fait que l'assuré avait repris une activité professionnelle pendant plus de deux mois, ce qui ne correspond à aucune stipulation contractuelle, pour invoquer ensuite, dans un courrier adressé à l'assuré le 19 août 1993, soit plus de dix mois après le début de la nouvelle période de chômage, le motif tiré de l'exclusion prévue en cas de chômage après un contrat à durée ferme, soit un motif contrecarrant tous ses efforts pour retrouver un emploi ;

Attendu que les mensualités impayées se sont accumulées, entraînant un signalement d'incident de paiement à la BANQUE DE FRANCE avec inscription de cet emprunteur au F.I.C.P. ;

Attendu que l'attitude de l'assureur constitue une résistance abusive, et ouvre droit à Monsieur Konabouré X... à une réparation de son préjudice moral ;

Qu'en conséquence la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a condamnée la S.A. ICD VIE au paiement de la somme de 5.000 francs à titre de dommages et intérêts ;

Attendu que la S.A. ICD VIE sera condamnée aux dépens d'appel, et que l'équité commande qu'elle soit condamnée au paiement de la somme complémentaire de 7.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

Attendu qu'étant tenue aux dépens, la S. A. ICD VIE sera déboutée de sa propre demande sur ce fondement ; PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme la décision entreprise, y ajoutant,

Condamne la S.A. ICD VIE aux dépens d'appel qui seront recouvrés par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, Avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Condamne la S.A. ICD VIE à payer à Monsieur Konabouré X... la somme complémentaire de 7.000 francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Arrêt prononcé par Monsieur FALCONE, Président,

Assisté de Monsieur Y..., Greffier Divisionnaire,

Et ont signé le présent arrêt,

Monsieur FALCONE, Président,

Monsieur Y..., Greffier Divisionnaire.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006934639
Date de la décision : 09/04/1999

Analyses

PROTECTION DES CONSOMMATEURS


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-04-09;juritext000006934639 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award