La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/1999 | FRANCE | N°1995-3203

France | France, Cour d'appel de Versailles, 02 avril 1999, 1995-3203


FAITS ET PROCEDURE,

Le 28 février 1994, Madame X... a fait assigner Monsieur Y... devant le tribunal d'instance de RAMBOUILLET.

Madame X... a exposé que courant décembre 1991, elle a confié son véhicule Peugeot 205 GT à Monsieur Y... aux fins de réparation, lequel a proposé l'échange du moteur avec un moteur d'occasion et le remplacement des deux cardans ; que les travaux ont été effectués pour un montant forfaitaire de 6.500 Francs, réglés par Madame X... par chèque du 21 décembre 1991 ; que de nouvelles défectuosités s'étant révélées en janvier 1992, ell

e est retournée plusieurs fois au même garage et y a toujours rencontré Monsieur ...

FAITS ET PROCEDURE,

Le 28 février 1994, Madame X... a fait assigner Monsieur Y... devant le tribunal d'instance de RAMBOUILLET.

Madame X... a exposé que courant décembre 1991, elle a confié son véhicule Peugeot 205 GT à Monsieur Y... aux fins de réparation, lequel a proposé l'échange du moteur avec un moteur d'occasion et le remplacement des deux cardans ; que les travaux ont été effectués pour un montant forfaitaire de 6.500 Francs, réglés par Madame X... par chèque du 21 décembre 1991 ; que de nouvelles défectuosités s'étant révélées en janvier 1992, elle est retournée plusieurs fois au même garage et y a toujours rencontré Monsieur Y... ; que malgré ses interventions, gratuites, il n'a pas été porté remède aux malfaçons ; qu'elle s'est adressée à sa compagnie d'assurance qui a provoqué un premier rendez-vous d'expertise, au cours duquel il s'est avéré que le véhicule était dangereux à l'utilisation ; qu'elle a alors appris que le garage Y... n'existait plus ; que, lors du second rendez-vous d'expertise, pour lequel Monsieur Y... avait été convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception, c'est la Société S.M.R.A., installée dans les lieux à la place du garage Y..., qui a répondu et a accepté de prendre en charge la totalité de la remise en état, terminée en mai 1993 ; que ce n'est qu'à cette date, qu'elle a pu reprendre son véhicule immobilisé depuis début 1992, d'où un préjudice certain résultant de la privation de jouissance ; qu'en particulier, pendant cette période, elle a refusé

des offres d'emploi nécessitant l'usage d'un véhicule personnel.

Elle a fait valoir que Monsieur Y... en est responsable pour avoir entretenu une confusion entre ses agissements personnels et ceux du garage qu'il exploitait précédemment; qu'elle-même est fondée à invoquer les dispositions de l'article 1116 du Code civil et le caractère dolosif de l'attitude de Monsieur Y... ; que le prononcé de la nullité du contrat n'est pas exclusif de l'exercice par la victime de manoeuvres dolosives d'une action en responsabilité délictuelle pour obtenir réparation du préjudice qu'elle a subi.

Elle a donc demandé au tribunal de :

- prononcer la nullité du contrat de réparation passé entre Madame X... et Monsieur Y... pour la remise en état de son véhicule et ce, par application des dispositions des articles 1116 et 1117 du Code civil, - déclarer Madame X... recevable et bien fondée en son action en réparation du préjudice qu'elle a subi sur le fondement des dispositions de l'article 1382 du Code civil, - condamner Monsieur Y... à lui payer de ce chef la somme de 25.000 Francs à titre de dommages et intérêts avec intérêts de droit, - ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir, - condamner le défendeur à lui payer la somme de 5.000 Francs par application des dispositions

de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux dépens, - s'entendre enfin le même condamner en tous les dépens.

Monsieur Y..., régulièrement cité à la mairie de son domicile certifié certain, n'a pas comparu ni fait comparaître pour lui.

Par jugement en date du 3 mai 1994, le tribunal d'instance de RAMBOUILLET a rendu la décision suivante :

Vu les articles 1116, 1117 et 1382 du Code civil : - condamne Monsieur Y... à payer à Madame X... la somme de 20.000 Francs à titre de dommages-intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la date de signification du présent jugement, - avec exécution provisoire, nonobstant appel et sans caution outre 3.500 Francs en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - le condamne aux dépens.

Le 20 mars 1995, Monsieur Y... a interjeté appel.

Monsieur Y... affirme que contrairement à ce qu'a retenu le premier

juge, il n'a jamais agi en son propre nom en cette affaire; que s'il est vrai qu'il était sous le coup d'une liquidation judiciaire lors de la réparation du véhicule de Madame X..., il a agi pour rendre service à son futur employeur, la Société S.M.R.A., dont il a été par la suite l'employé et qui existait bien alors. Il souligne que de nombreuses correspondances ont été adressées tant par Madame X..., la MATMUT son assureur et la S.E.C, expert, pour tenir la société S.M.R.A. informée du déroulement des opérations d'expertise ou pour solliciter la reconnaissance de sa responsabilité dans les problèmes survenus sur le véhicule; qu'ainsi tant Madame X..., que son assureur et l'expert ont reconnu qu'il avait agi en sa qualité de subordonné de la société S.M.R.A.; qu'il ne saurait être déclaré personnellement responsable du préjudice subi par Madame X... du fait de l'immobilisation du véhicule.

Il demande à la Cour de :

- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Statuant à nouveau, - débouter Madame X... de toutes ses demandes, fins et conclusions, - la condamner en tous les dépens dont le recouvrement sera directement poursuivie par Maître TREYNET, avoué à la Cour, conformément aux dispositions de la loi sur l'aide juridictionnelle.

Madame X... fait valoir que Monsieur Y..., qui exerçait depuis le 1er octobre 1987, en son nom personnel, une activité de réparation et vente de véhicules neufs et d'occasion, l'a déclaré en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de VERSAILLES du 17 septembre 1991 ; qu'il ressort des statuts de la Société S.M.R.A. que celle-ci, ayant pour gérant Monsieur Z..., a été constituée le 10 mars 1992 ; que Monsieur Y... n'est ni gérant ni associé de la Société S.M.R.A ; qu'aucune disposition des statuts ne prévoit que les associés acceptent les actes accomplis par Monsieur Y... ; que celui-ci a donc négligé de déclarer l'ouverture de la procédure collective dont il avait fait l'objet et qu'il s'est bien engagé personnellement de décembre 1991 à avril 1992.

Elle fait remarquer que Monsieur Y... ne conteste ni la matérialité des faits ni le principe ni le quantum de son préjudice.

Elle demande à la Cour de : - déclarer Monsieur Y... irrecevable et mal fondé en son appel, - l'en débouter, - confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, Y ajoutant,

- condamner Monsieur Y... à lui payer la somme de 15.000 Francs en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, - condamner Monsieur Y... en tous les dépens et dire qu'ils pourront être recouvrés directement par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL,

conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été signée le 12 juin 1997 et les dossiers des parties ont été déposés à l'audience du 27 juin 1997.

SUR CE, LA COUR,

1) Sur la responsabilité personnelle de Monsieur Y...,

Considérant qu'il résulte de la copie de la première page des statuts de la Société S.M.R.A, versée aux débats par l'appelant que ces

statuts ont été enregistrés par l'administration fiscale le 5 décembre 1991 ; que néanmoins, il ressort de l'extrait Kbis de cette société, produit par l'intimée, qu'elle a été immatriculée au registre du commerce le 10 mars 1992, en déclarant avoir commencé son exploitation le 1er février 1992 ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 1842 du Code civil, les sociétés ne jouissent de la personnalité morale qu'à compter de leur immatriculation ; que par conséquent, contrairement à ce qu'allègue Monsieur Y..., la Société S.M.R.A, n'avait pas encore la personnalité juridique en décembre 1991, lors des réparations litigieuses ;

Considérant que d'ailleurs, Monsieur Y... n'a été embauché par la société S.M.R.A. que plusieurs mois après le commencement de l'exploitation, puisque selon le certificat de travail versé aux débats, la date d'embauche est le 1er juillet 1992 ;

Considérant que, dans ces conditions, Monsieur Y... ne peut valablement soutenir qu'il n'aurait agi qu'en qualité de subordonné de la société S.M.R.A ; que d'ailleurs, il s'est abstenu (ou s'est

bien gardé) d'appeler celle-ci en garantie dans la présente instance, ce qui eût été logique, dans la mesure où il nie toute responsabilité personnelle ;

Considérant, qu'en tout état de cause, il convient de rappeler que le fondement juridique de la condamnation en paiement de dommages et intérêts prononcée par le jugement déféré n'est pas la responsabilité contractuelle -du réparateur de la voiture- mais la responsabilité quasi délictuelle, laquelle ne saurait être imputée qu'à Monsieur Y... ; qu'en effet, le premier juge, en visant tant dans les motifs que le dispositif du jugement, les dispositions des articles 1116 et 1117, a retenu le dol commis par l'appelant, ce qui entraîne la nullité du contrat ;

Considérant que Monsieur Y... n'apporte pas la preuve qu'il ait révélé à Madame X..., lors de la réparation quelle était sa situation au regard du droit des procédures collectives ; que c'est donc, à juste titre, que le premier juge a estimé qu'il avait ainsi abusé d'une raison sociale qu'il ne possédait plus, et que son silence fautif dans ces circonstances, était constitutif du dol qui avait amené Madame X... à contracter avec lui ; que ces reproches faits à Monsieur Y... lui sont personnels et ne peuvent être garantis par son employeur postérieur ;

Considérant que, par conséquent, la Cour écarte tous les arguments de Monsieur Y... ;

2) Sur la réparation du préjudice de Madame X...,

Considérant que le dol commis par Monsieur Y... a été à l'origine du préjudice subi par Madame X..., résultant de l'immobilisation de son véhicule de janvier 1992 à mai 1993 ; que Madame X... verse aux débats une offre d'emploi du 14 juillet 1992, qui par ses caractéristiques, exige l'emploi d'un véhicule automobile ; que par conséquent, le premier juge a correctement évalué ce préjudice à la somme de 20.000 Francs ; que la Cour confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Considérant qu'eu égard à l'équité, il y a lieu d'allouer à Madame X... la somme de 4.000 Francs sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

PAR CES MOTIFS,

LA COUR statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :

CONFIRME en son entier le jugement déféré ;

ET Y AJOUTANT :

DEBOUTE Monsieur Y... des fins de toutes ses demandes ;

CONDAMNE Monsieur Y... à payer à Madame X... la somme de 4.000 Francs (QUATRE MILLE FRANCS) sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;

LE CONDAMNE à tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés directement contre lui par la SCP JULLIEN LECHARNY ROL, conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile et à celles sur l'aide juridictionnelle.

Et ont signé le présent arrêt :

Le Greffier qui a assisté

Le Président, au prononcé,

Marie Hélène EDET

Alban CHAIX


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1995-3203
Date de la décision : 02/04/1999

Analyses

SOCIETE (règles générales) - Personnalité morale

Une société ne disposant, en vertu de l'article 1842 du Code civil, de la personnalité morale qu'à compter de son immatriculation, l'exploitant en nom personnel d'un garage, en liquidation, ne peut valablement alléguer pour se décharger de sa responsabilité personnelle qu'il aurait agit au nom et pour le compte de la société repreneuse, dès lors qu'au jour où le véhicule a été pris en réparation, la société susmentionnée n'était pas encore immatriculée au registre de commerce. C'est à bon droit que le premier juge se fonde sur les dispositions des articles 1116 et 1117 du Code civil pour prononcer la nullité du contrat de réparation pour dol, estimant que l'intéressé n'ayant pas rapporté la preuve qu'au moment du contrat il aurait révélé à son client sa situation au regard du droit des procédures collectives, celui-ci avait, par son silence dolosif, abusé d'une raison sociale qu'il ne possédait plus ayant conduit son client à contracter. Ces agissements relèvent de la seule responsabilité personnelle de leur auteur à l'exclusion de toute garantie par l'employeur postérieur


Références :

Code civil, articles 1116, 1117 et 1842

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-04-02;1995.3203 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award