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01/04/1999 | FRANCE | N°JURITEXT000006934640

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 avril 1999, JURITEXT000006934640


Le 20 décembre 1991, la société de droit américain STAAR SURGICAL COMPANY, domiciliée à MONROVIA (Californie - Etats-Unis), fabricant de produits ophtalmologiques, a signé avec les sociétés françaises MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, domiciliées à CHATENAY MALABRY (Hauts de Seine) un contrat de distribution à titre exclusif, accompagné d'une annexe 1. L'article 18 de cette convention stipulait, sous le titre "LOI APPLICABLE ET JURIDICTION", que pour le cas où un procès serait intenté par l'une des parties concernant ses dispositions, le tribunal compétent serait celui de l'Etat

de Californie dans le comté du lieu de résidence principal de la ...

Le 20 décembre 1991, la société de droit américain STAAR SURGICAL COMPANY, domiciliée à MONROVIA (Californie - Etats-Unis), fabricant de produits ophtalmologiques, a signé avec les sociétés françaises MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, domiciliées à CHATENAY MALABRY (Hauts de Seine) un contrat de distribution à titre exclusif, accompagné d'une annexe 1. L'article 18 de cette convention stipulait, sous le titre "LOI APPLICABLE ET JURIDICTION", que pour le cas où un procès serait intenté par l'une des parties concernant ses dispositions, le tribunal compétent serait celui de l'Etat de Californie dans le comté du lieu de résidence principal de la société STAAR SURGICAL COMPANY, et que les parties acceptaient que la loi de l'Etat de Californie soit applicable.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 août 1993, la société STAAR SURGICAL COMPANY a notifié aux sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE qu'elle annulait le contrat de distribution et son annexe en raison de "graves violations" par elles de diverses dispositions du contrat, incluant notamment le non-paiement de produits livrés, et les mettait en demeure de régler immédiatement la somme de 62.963,54 dollars US représentant le solde dû au mois d'août 1993. Les destinataires du courrier étaient avisées qu'à défaut de paiement avant le 1er septembre 1993, la société STAAR SURGICAL COMPANY intenterait une action en recouvrement devant les juridictions du Comté de LOS ANGELES (Californie).

Par acte d'huissier du 21 octobre 1993, la société STAAR SURGICAL COMPANY a fait assigner les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE devant la SUPERIOR COURT de l'Etat de Californie pour le Comté de LOS ANGELES en sollicitant :

o

le paiement de la somme de 62.963,54 dollars US à titre de

dommages-intérêts concernant le contrat ou le montant démontré,

o

la somme de 10.000 dollars US à titre d'intérêts avant le jugement ou le montant démontré,

o

une déclaration judiciaire déclarant que le contrat et l'annexe 1 sont annulés ou résiliés et que le demandeur n'a plus de relations avec les défendeurs concernant le contrat et/ou l'annexe 1, et que le demandeur n'est plus engagé vis-à-vis des défendeurs de quelque manière que ce soit concernant le contrat et/ou l'annexe 1,

o

les honoraires d'avocat et les frais,

o

toute autre réparation additionnelle que le tribunal pourra estimer nécessaire d'ordonner.

Les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE n'ont pas comparu et ne se sont pas faites représenter dans cette procédure.

Le 18 juillet 1994, selon la procédure en vigueur dans l'Etat de Californie, la société STAAR SURGICAL COMPANY a fait notifier par courrier aux sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE copie de la demande de jugement par défaut, de toutes les déclarations s'y rapportant ainsi que copie du projet du jugement qui serait rendu.

Les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE ne s'étant pas manifestées, par jugement du 28 octobre 1994, la SUPERIOR COURT OF THE STATE OF CALIFORNIE IN AND FOR THE COUNTY OF LOS ANGELES (tribunal de l'Etat de Californie pour le Comté de LOS ANGELES) a décidé :

- que les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, et chacune d'elles, sont condamnées à payer à la société STAAR SURGICAL COMPANY la somme de 62.963,54 dollars US, majorée d'un intérêt de 10 % par an à compter du 20 août 1993 jusqu'à paiement, ainsi que les frais de

justice et les frais de traduction certifiée des documents, s'élevant à 726,50 dollars US,

- que le contrat ainsi que l'annexe du 20 décembre 1991 ont été résiliés le 20 août 1993 par la société STAAR SURGICAL COMPANY en raison de violations graves du contrat par les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, et qu'il n'a plus ni force, ni effet, et que la société STAAR SURGICAL COMPANY n'a plus de responsabilité quelle qu'elle soit, envers les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, au titre du contrat et de son annexe.

Par acte d'huissier du 20 décembre 1994, ce jugement par défaut a été signifié aux sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, ainsi que la notification d'enregistrement du jugement en date du 6 décembre 1994 et sa traduction en langue française précisant que toute déclaration d'appel devait être enregistrée auprès du tribunal ayant rendu la décision dans le délai de soixante jours à compter de la date de notification de l'enregistrement du jugement.

La décision du 28 octobre 1994 n'a fait l'objet d'aucun recours devant les juridictions américaines.

La société STAAR SURGICAL COMPANY, par acte d'huissier du 3 avril 1995, a fait assigner les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE devant le tribunal de grande instance de NANTERRE aux fins d'exequatur en France du jugement rendu le 28 octobre 1994 par le tribunal de l'Etat de Californie pour le Comté de LOS ANGELES.

Les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE ont répondu qu'alors que le contrat de distribution était toujours en vigueur, la société STAAR SURGICAL COMPANY a implanté en France une filiale afin de commercialiser les produits dont elle leur avait concédé l'exclusivité, puis a dénoncé le contrat en août 1993, qu'elles ont donc saisi le tribunal de commerce de NANTERRE le 4 octobre 1994 pour faire sanctionner ces manoeuvres déloyales sur le fondement de la

responsabilité quasi-délictuelle résultant des mêmes actes juridiques que ceux dont a été saisi le juge californien, revendiquant ainsi une créance indemnitaire sur la demanderesse, et qu'en conséquence le tribunal ne pouvait, sauf à mettre leur existence en péril, ce qui les empêcherait de faire valoir leurs droits, statuer sur la demande d'exequatur.

Elles ont ajouté que, par ses conclusions reconventionnelles déposées devant le juge consulaire, la société STAAR SURGICAL COMPANY a admis implicitement que la décision américaine ne peut constituer un titre exécutoire valable et a renoncé à s'en prévaloir, puisqu'elle a formé, sous couvert de demandes d'indemnités, des demandes en paiement des mêmes factures.

Selon elles, le jugement du tribunal de LOS ANGELES aurait violé, soit l'ordre public procédural en statuant ultra petita, soit le principe d'ordre public du contradictoire en faisant droit à des demandes additionnelles formulées contre des défendeurs défaillants sans respecter les formes prévues par l'article 68 du nouveau code de procédure civile français, puisque, saisi d'une demande en paiement d'une somme de 10.000 dollars US à titre d'intérêts avant jugement, il les a condamnées à payer un intérêt de 10 % sur le principal à compter du 20 août 1993 et jusqu'au paiement, alors même que le contrat ne prévoyait aucun intérêt conventionnel de retard.

Elles ont soutenu qu'en outre la décision en cause méconnait les dispositions contractuelles, et donc l'ordre public conventionnel, puisqu'elle prononce la résiliation du contrat et fixe les effets de cette résiliation à la date de la notification qu'en a faite la société STAAR SURGICAL COMPANY, le 20 août 1993, sans tenir compte du délai de préavis de quarante-cinq jours stipulé au contrat, ni du délai de douze mois prévu à l'article 6 de l'annexe 1 pour dénoncer la convention.

Elles ont fait valoir, par ailleurs, se référant à l'article 1184 du code civil et au nécessaire équilibre des relations contractuelles que le jugement américain ne respecte pas l'ordre public de protection, puisqu'il prononce la résiliation d'une convention pour inexécution contractuelle sans rechercher si les débiteurs avaient été préalablement et valablement mis en demeure d'exécuter leurs engagements, ajoutant que la société STAAR SURGICAL COMPANY aurait dû les mettre en demeure d'exécuter et leur notifier les risques qu'elles encourraient au regard de la loi californienne à défaut d'exécution.

Elles ont demandé au tribunal de :

- surseoir à statuer jusqu'à ce que le tribunal de commerce se soit prononcé sur leur demande d'indemnité,

- subsidiairement, constater que la société STAAR SURGICAL COMPANY a renoncé aux effets du jugement prononcé par le tribunal de l'Etat de Californie le 28 octobre 1994,

- plus subsidiairement, rejeter la demande d'exequatur,

- débouter la société STAAR SURGICAL COMPANY de sa demande fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- ne pas prononcer l'exécution provisoire,

- leur octroyer la somme de 50.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Réfutant l'ensemble des arguments de ses adversaires, la société STAAR SURGICAL COMPANY a soutenu qu'elle n'a jamais admis que le jugement américain était dépourvu de l'autorité de la chose jugée et n'a jamais renoncé à s'en prévaloir alors même qu'elle en demandait expressément l'exequatur en France.

Elle s'est opposée à la demande de sursis à statuer, la procédure devant le tribunal de commerce de NANTERRE étant, selon elle, purement dilatoire, n'opposant pas les mêmes parties et ayant un

objet différent.

Elle a estimé que la décision du juge de LOS ANGELES ne contient rien de contraire à l'ordre public international français et qu'en particulier :

- le jugement n'a pas statué ultra petita en ce qui concerne les intérêts assortissant la condamnation principale puisqu'elle-même avait modifié sa demande en ce sens pendant la procédure et que ses conclusions modificatives, comme le projet de jugement les mentionnant, ont été notifiés aux défenderesses,

- il n'existe pas d'ordre public conventionnel, les moyens de ce chef dissimulant en réalité une demande de re-jugement par le juge français de ce qui a déjà été jugé par le juge américain qui, en motivant sa décision, a estimé les manquements contractuels suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat à la date de la notification du 20 août 1993, statuant ainsi sur le bien fondé et la validité de la résiliation et prononçant lui-même en tant que de besoin la résiliation judiciaire,

- en ce qui concerne l'absence de mise en demeure préalable, elle n'a cessé d'adresser à ces co-contractantes, avant la résiliation, des lettres de mise en garde, et en tout état de cause, le contrat n'était pas soumis à la loi française mais à la loi américaine.

Elle a demandé finalement au tribunal de :

- déclarer exécutoire en France en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 octobre 1994 par le tribunal de l'Etat de Californie pour le Comté de LOS ANGELES,

- dire que toutes les condamnations pécuniaires libellées en devises étrangères devront être payées en francs français au cours du jour ouvrable précédant le paiement effectif, dans le mesure où celui-ci interviendra sur le territoire français,

- rejeter les demandes reconventionnelles,

- lui allouer la somme de 50.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Par jugement du 22 mai 1996, le tribunal de grande instance de NANTERRE a :

- dit n'y avoir lieu à sursis à statuer,

- dit que la société STAAR SURGICAL COMPANY n'a pas renoncé à se prévaloir des effets du jugement rendu à l'encontre des sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE le 28 octobre 1994 par la SUPERIOR COURT OF THE STATE OF CALIFORNIE IN AND FOR THE COUNTY OF LOS ANGELES (tribunal de l'Etat de Californie pour le Comté de LOS ANGELES),

- déclaré exécutoire en France, dans l'ensemble de ses dispositions, le jugement rendu le 28 octobre 1994 entre la société STAAR SURGICAL COMPANY et les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, dont la traduction en langue française du dispositif est la suivante : "En conséquence, il est ordonné, décidé et jugé : 1. que les défendeurs MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, et chacun d'entre eux, sont condamnés à payer au demandeur STAAR SURGICAL COMPANY la somme de 62.963,54 dollars US, majorée d'un intérêt de 10 % par an à compter du 20 août 1993 jusqu'à paiement ainsi que les frais de justice et les frais de traduction certifiée des documents, s'élevant à 726,50 dollars US, 2. le contrat ainsi que l'annexe du 20 décembre 1991 ont été résiliés le 20 août 1993 par le demandeur STAAR SURGICAL COMPANY en raison de violations graves du contrat par les défendeurs MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE, et il n'a plus ni force, ni effet et le demandeur STAAR SURGICAL COMPANY n'a plus de responsabilité quelle qu'elle soit, envers les défendeurs MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE au titre du contrat et de son annexe",

- dit que les condamnations pécuniaires prononcées par cette décision libellées en devises étrangères devront être payées en francs français au cours du jour ouvrable précédant le paiement effectif,

dans la mesure où celui-ci interviendra sur le territoire français,

- ordonné l'exécution provisoire de ces chefs de décision,

- condamné les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE à payer à la société STAAR SURGICAL COMPANY la somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

- rejeté toute autre demande,

- condamné les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE aux dépens.

Appelantes, les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE concluent à l'infirmation de la décision entreprise et demandent à la Cour, par écritures des 18 octobre 1996 et 17 novembre 1998, en statuant à nouveau, de :

- surseoir à statuer dans l'attente de la décision à intervenir suite à la procédure engagée devant le tribunal de commerce de NANTERRE,

- à titre subsidiaire, constater que la société STAAR SURGICAL COMPANY a renoncé au bénéfice du jugement rendu le 28 octobre 1994 par le tribunal de Californie, Comté de LOS ANGELES,

- à titre infiniment subsidiaire, rejeter la demande d'exequatur formulée par la société STAAR SURGICAL COMPANY,

- en tout état de cause, ordonner à la société STAAR SURGICAL COMPANY de restituer le montant des sommes appréhendées courant décembre 1997, soit la somme de 510.000 francs, ce avec intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 1998,

- condamner la société STAAR SURGICAL COMPANY au paiement de la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société STAAR SURGICAL COMPANY conclut à la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et demande à la Cour, en y ajoutant, de condamner les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE au paiement de la somme de 20.000 francs pour procédure abusive et de celle de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de

procédure civile.

SUR CE, SUR LA DEMANDE DE SURSIS A STATUER

Considérant que, se prévalant de l'instance qu'elles ont engagée devant le tribunal de commerce de NANTERRE à l'encontre de la société STAAR SURGICAL COMPANY par assignations des 5 et 7 décembre 1994, les appelantes reprennent en appel leur demande tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive ;

Qu'elles exposent que le tribunal de commerce de NANTERRE a, le 19 décembre 1997, fait partiellement droit à leurs demandes en condamnant la société STAAR SURGICAL COMPANY à leur payer la somme de 500.000 francs à titre de dommages-intérêts et en rejetant les prétentions reconventionnelles, mais que la société intimée, quelques jours plus tôt, a fait procéder à l'exécution du jugement américain exequaturé par la décision entreprise en saisissant leurs comptes bancaires et qu'ainsi elles ont été amenées à se libérer de la somme de 510.000 francs ;

Que si elles ne contestent pas, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que le fondement de l'action introduite devant le tribunal de commerce de NANTERRE est quasi-délictuel alors que celui de l'action menée devant la juridiction américaine est contractuel et que le concours de ces différentes instances n'est pas susceptible de donner lieu à une contradiction de décision, elles font valoir qu'en revanche il existe un lien certain au niveau de l'exécution et exposent que la société STAAR SURGICAL COMPANY aura pu obtenir l'exécution du jugement américain statuant sur l'application du contrat alors qu'elles-mêmes sont contraintes d'attendre que soit vidé au fond l'appel déféré du jugement consulaire, risquant ainsi de se heurter à une exécution forcée outre-atlantique difficile ;

Considérant toutefois que si, ainsi que relevé par les appelantes, les juges du fond disposent d'un pouvoir discrétionnaire pour

apprécier l'opportunité d'un sursis à statuer, ce pouvoir d'appréciation ne doit cependant pas être le prétexte à différer une décision qui pourrait être déjà rendue ;

Qu'il convient de rappeler que la décision dont l'exequatur est demandée, est devenue définitive, les sociétés appelantes n'en ayant pas interjeté appel ;

Qu'il s'agit d'un jugement rendu par la juridiction américaine en octobre 1994 dans une instance introduite à titre principal pour non-paiement de marchandises livrées de juin 1992 à août 1993 ;

Qu'il n'est pas contesté par les appelantes que l'instance qu'elles ont introduite devant le tribunal de commerce de NANTERRE en décembre 1994 seulement n'est pas de nature à avoir une incidence sur la solution du présent litige qui tend à obtenir l'exécution en France d'une décision étrangère définitive, étant rappelé que le juge de l'exequatur n'a pas à connaître du fond de la décision soumise à exequatur ;

Qu'il convient en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à sursis à statuer, une telle mesure ne pouvant être prononcée dans le seul but de retarder l'exécution en France d'une décision étrangère dans l'attente d'une compensation entre deux créances dont l'une d'elles est simplement éventuelle ; SUR LA RENONCIATION DE LA SOCIETE STAAR SURGICAL COMPANY AU BENEFICE DU JUGEMENT RENDU LE 28 OCTOBRE 1994 PAR LE TRIBUNAL DE L'ETAT DE CALIFORNIE

Considérant que les sociétés appelantes soutiennent qu'en formant reconventionnellement devant le tribunal de commerce de NANTERRE une demande indemnitaire de l'ordre de 2.600.000 francs pour des faits découlant exclusivement du contrat, la société STAAR SURGICAL COMPANY a renoncé au bénéfice du jugement rendu par la juridiction américaine, ou à tout le moins, a remis en cause la validité et les

effets de cette décision ;

Considérant toutefois, qu'ainsi que l'ont rappelé à bon escient les premiers juges, la renonciation à un droit ne se présume pas et doit résulter de circonstances dénuées de toute ambigu'té ;

Considérant qu'il convient de relever que la demande en paiement d'une indemnité de 2.900.000 francs (selon les termes du jugement du tribunal de commerce de NANTERRE) n'a été faite par la société STAAR SURGICAL COMPANY qu'à titre subsidiaire, après que celle-ci ait conclu à titre principal à l'incompétence de la juridiction consulaire en raison du jugement rendu le 28 octobre 1994 par le tribunal de l'Etat de Californie, lequel, selon la société STAAR SURGICAL COMPANY, "a déjà statué sur la responsabilité de quelque nature qu'elle soit entre les sociétés LPO PHARMACEUTIQUE, MEDINT et STAAR SURGICAL COMPANY" ;

Qu'il s'ensuit à l'évidence que la société STAAR SURGICAL COMPANY n'entendait pas renoncer aux termes du jugement américain puisque, bien au contraire, elle s'en est prévalue à titre principal, étant par ailleurs observé que les écritures qu'elle a déposées devant la juridiction consulaire ne contiennent aucune disposition expresse ou tacite laissant penser que cette société renoncerait à se prévaloir de la décision rendue à son profit par le juge américain ou remettant en cause la validité et les effets de cette décision, l'existence et le contenu du jugement américain y étant clairement rappelés ainsi que l'instance en exequatur ayant pour but d'en permettre l'exécution en France ;

Qu'enfin, il sera également relevé que la demande formée subsidiairement par la société STAAR SURGICAL COMPANY pour avoir paiement d'une indemnité compensatoire du préjudice qu'elle soutient avoir subi par suite de la vente abusive de ses produits, dont le prix ne lui a pas été payé et pour l'impossibilité dans laquelle elle

se trouvait de vendre en France ses produits, a un fondement différent de celui de l'action en résiliation du contrat pour non-paiement des produits livrés et en paiement desdits produits sur laquelle le juge américain a statué ;

Qu'il s'ensuit que c'est à juste titre que les premiers juges ont dit que la société STAAR SURGICAL COMPANY n'a pas renoncé à se prévaloir des effets du jugement américain ; SUR L'EXEQUATUR

Considérant que les sociétés appelantes font grief au jugement américain "d'avoir violé l'ordre procédural et de fond français" en statuant ultra petita puisque saisi par l'assignation d'une demande en paiement de "10.000 dollars US à titre d'intérêts avant le jugement, ou le montant démontré", il a été prononcé une condamnation au paiement des intérêts de 10 % sur le principal à compter du 20 août 1993 jusqu'au paiement ;

Qu'elles soutiennent que si tout plaideur peut élever le quantum de ses prétentions, il doit le faire, lorsque les parties sont défaillantes, dans les formes prévues pour l'introduction de la demande, conformément aux dispositions de l'article 68 du nouveau code de procédure civile ;

Considérant toutefois qu'il convient de rappeler que le tribunal américain n'est évidemment tenu d'appliquer que les règles de procédure américaine et que le grief relatif au non-respect du droit "procédural et de fond français" est donc inopérant ;

Considérant qu'aux termes de l'assignation délivrée le 21 octobre 1993 aux sociétés appelantes, lesquelles ne contestent pas la régularité de la délivrance, il était demandé : "1° - le paiement de la somme de 62.963,54 dollars US à titre de dommages-intérêts concernant le contrat ou le montant démontré, 2° - la somme de 10.000 dollars US à titre d'intérêts avant le jugement ou le montant démontré, 3° - une déclaration judiciaire déclarant que le contrat et

l'annexe 1 sont annulés ou résiliés et que le demandeur n'a plus de relations avec les défendeurs concernant le contrat et/ou l'annexe 1, et que le demandeur n'est plus engagé vis-à-vis des défendeurs de quelque manière que ce soit concernant le contrat et/ou l'annexe 1, 4° - les honoraires d'avocat et les frais, 5° - toute autre réparation additionnelle que le tribunal pourra estimer nécessaire d'ordonner" ;

Considérant qu'ainsi que l'ont souligné à juste titre les premiers juges, rien n'interdit au juge de convertir une demande indemnitaire en intérêts sur le principal à compter de la mise en demeure de payer ainsi que l'a fait le juge américain, d'autant que le principe de dommages-intérêts complémentaires était déjà formulé dans le 5° des réclamations contenues dans l'assignation ;

Que certes, au regard de la conception française de l'ordre public international, les défendeurs doivent avoir connaissance des demandes formées à leur encontre avant que la décision ne soit rendue afin d'être en mesure d'en contester devant le juge le bien fondé ;

Que toutefois, ce principe a bien été respecté puisque, conformément aux régles de procédure en vigueur dans l'Etat de Californie, le projet du jugement par défaut a été notifié par la Poste le 18 juillet 1994 aux défendeurs ainsi qu'attesté par l'employée ayant compétence pour procéder à cette notification ;

Que d'ailleurs, les sociétés appelantes ne contestent pas avoir reçu ce projet ainsi qu'il ressort de leurs écritures du 17 novembre 1998 dans lesquelles elles s'attachent plus à la forme de la notification qu'à sa réception en écrivant : "à supposer qu'il (le projet du jugement) soit parvenu à ses destinataires - n'étant pas démontré que ce pli ait été acheminé par voie recommandée - la transmission par cette forme d'une prétention additionnelle ne satisfait pas aux exigences fondamentales de l'article 68 du nouveau code de procédure

civile imposant l'élévation d'une prétention additionnelle dans les formes prévues pour l'introduction de la demande" ;

Qu'il s'ensuit que l'article 68 du nouveau code de procédure civile n'étant pas applicable par une juridiction américaine, les principes généraux du droit processuel français, et notamment le principe du contradictoire, ont bien été respectés puisque les appelantes ont eu, avant que la décision définitive ne soit rendue, la connaissance exacte des demandes et qu'elles ont été en mesure de faire toutes critiques qu'elles estimaient utiles ;

Qu'en conséquence, il n'y a pas eu atteinte à une règle de procédure relevant de l'ordre public international ;

Qu'il échet en conséquence de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a prononcé l'exequatur du jugement américain, étant par ailleurs observé qu'il n'est pas contesté que les autres conditions de l'exequatur sont réunies ; SUR LES AUTRES DEMANDES

Considérant que l'exercice du droit d'appel ne dégénère en faute susceptible d'entraîner une condamnation à des dommages-intérêts que s'il constitue un acte de malice ou de mauvaise foi ;

Que dès lors qu'il n'est pas rapporté en l'espèce la preuve d'une intention malicieuse, la société intimée sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l'équité commande de condamner les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE à indemniser la société STAAR SURGICAL COMPANY des frais non répétibles qu'elle l'a contrainte à exposer en appel à concurrence de la somme de 15.000 francs ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME la décision entreprise en toutes ses dispositions ;

ET Y AJOUTANT,

CONDAMNE les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE à payer à la société STAAR SURGICAL COMPANY la somme de QUINZE MILLE FRANCS (15.000 francs) en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de toute demande autre ou plus ample ;

CONDAMNE les sociétés MEDINT et LPO PHARMACEUTIQUE aux entiers dépens de l'instance, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Lysiane LIAUZUN, Conseiller,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Catherine X...

Colette Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006934640
Date de la décision : 01/04/1999

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-04-01;juritext000006934640 ?
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