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01/04/1999 | FRANCE | N°1997-8657

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 avril 1999, 1997-8657


FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte reçu le 26 mai 1987 par Maître GIROT DE LANGLADE, notaire, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a consenti à Monsieur et Madame X... un prêt d'un montant de 557.800 francs, en vue du financement de l'achat d'un terrain situé à AUBERGENVILLE (Yvelines), xxxxxxxMéry Fontaine et de la construction d'une maison sur ce terrain.

Cet acte avait été précédé d'une offre de prêt soumise aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, reçue le 28 janvier 1987 et acceptée par Monsieur X... le 2 février 1987.

Les échéances de remboursement p

révues n'ayant pas été respectées, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a fait délivrer le...

FAITS ET PROCEDURE

Suivant acte reçu le 26 mai 1987 par Maître GIROT DE LANGLADE, notaire, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a consenti à Monsieur et Madame X... un prêt d'un montant de 557.800 francs, en vue du financement de l'achat d'un terrain situé à AUBERGENVILLE (Yvelines), xxxxxxxMéry Fontaine et de la construction d'une maison sur ce terrain.

Cet acte avait été précédé d'une offre de prêt soumise aux dispositions de la loi du 13 juillet 1979, reçue le 28 janvier 1987 et acceptée par Monsieur X... le 2 février 1987.

Les échéances de remboursement prévues n'ayant pas été respectées, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a fait délivrer le 6 janvier 1997 un commandement à fin de saisie pour paiement de la somme de 547.183,08 francs arrêtée au 22 novembre 1996.

L'audience éventuelle ayant été fixée au 8 avril 1997, Monsieur et Madame X... ont, le 28 mars 1997, saisi le tribunal de grande instance de VERSAILLES d'un dire aux fins d'annulation du prêt et d'annulation du commandement ainsi que de la procédure subséquente.

Par jugement incident du 24 septembre 1997, le tribunal de grande instance de VERSAILLES, accueillant l'exception de nullité du prêt, a annulé la procédure de saisie immobilière à compter du commandement inclus et ordonné la radiation dudit commandement aux frais du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS.

Appelant de cette décision, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS a demandé à la Cour, en l'infirmant et en statuant à nouveau, de :

vu l'article 2213 du code civil, l'acte notarié du 26 mai 1987 et le commandement de saisie du 6 janvier 1997,

- dire qu'il est titulaire d'une créance liquide et exigible à l'égard des époux X... à hauteur du capital restant dû, d'un

montant de 500.286,15 francs,

- dire et juger valable le commandement de saisie et la procédure de saisie immobilière,

- lui allouer la somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Monsieur et Madame X..., intimés, ont conclu à la confirmation du jugement déféré et à l'allocation d'une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le 24 septembre 1998, la Cour d'appel de ce siège a rendu l'arrêt dont le dispositif suit :

"- dit que la nullité de l'offre de prêt interdit au COMPTOIR DES ENTREPRENEURS de se prévaloir de l'acte de prêt et oblige les parties à procéder aux remises en état nécessaires,

- dit que la créance de restitution du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS est assortie des garanties dont bénéficiait le prêt annulé, et que la validité et l'efficacité de la saisie litigieuse s'apprécient au regard de ladite créance de restitution,

- invite les parties à présenter leurs observations sur ces moyens soulevés d'office,

- invite encore les parties à s'expliquer sur le montant du capital qui a effectivement été débloqué au profit des époux X...,

- dit que les parties devront avoir conclu sur ces points et échangé leurs écritures au plus tard le 15 décembre 1998,

- renvoie la cause pour plaidoiries à l'audience du jeudi 4 mars 1999 à 9 heures,

- réserve les dépens."

Dans leurs écritures postérieures à cet arrêt, Monsieur et Madame X... souscrivent à l'analyse suggérée par la Cour et s'expliquent sur leur situation comptable auprès du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, indiquant qu'ils ont reçu de celui-ci la somme de

557.800 francs et qu'ils lui ont versé la somme de 665.352,87 francs (suivant le décompte du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS communiqué le 9 novembre 1998).

Ils en déduisent que non seulement ils ont réglé l'intégralité du capital qui leur avait été prêté par le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, en vertu du contrat de prêt annulé, mais encore que cette banque a encaissé un trop-perçu de 107.532,87 francs dont elle leur est redevable à titre de restitution.

Le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS conteste la portée de l'annulation de l'acte de prêt du 26 mai 1997, en se prévalant notamment d'un arrêt rendu par la Cour de Cassation (première chambre civile) le 1er décembre 1998.

Indiquant que sa créance s'élève à 458.428,70 francs au 5 octobre 1998, elle conclut à la validité du commandement de saisie délivré le 6 janvier 1997 et à celle des poursuites engagées, sollicitant la fixation de la date de la vente et l'allocation d'une somme de 10.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE

Considérant que devant la Cour, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS n'a pas soutenu et ne prétend pas que la demande d'annulation de l'acte de prêt était irrecevable, telle que présentée par voie d'exception, plus de cinq ans après que l'acte de prêt eut reçu exécution ;

Que ne revenant pas sur le principe même de la nullité prononcée par les premiers juges, qui ont accueilli les époux X... en leur exception de nullité de l'acte de prêt consenti en 1987 par le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS telle que soulevée dans leur dire du 28

mars 1997, en défense à la demande de remboursement dirigée contre eux, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS conteste les effets et la portée de l'annulation prononcée, qu'il demande à la Cour de limiter dans son étendue ;

Que s'appuyant sur une analyse doctrinale, il énonce que lorsque la nullité d'un acte est prononcée par voie d'exception, les choses ne doivent pas être remises en l'état où elles se trouvaient avant la passation de l'acte comme s'il n'avait pas été conclu, mais qu'elles doivent au contraire rester dans l'état où elles se trouvent au jour où l'action en exécution des obligations nées de l'acte a été engagée ;

Qu'il ajoute que lorsque les obligations nées de l'acte ont été totalement ou partiellement exécutées, l'exception de nullité n'entraînant pas l'anéantissement rétroactif de l'acte, il n'a pas lieu d'ordonner dans la décision relevant l'exception de nullité, la répétition des prestations accomplies, d'où le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS déduit que le commandement délivré le 6 janvier 1997 constitue un titre exécutoire valable, et qu'il est fondé à poursuivre le remboursement de la somme de 500.286,15 francs (correspondant au capital restant dû), par la vente forcée de l'immeuble dont il s'agit ;

Qu'il verse aux débats la copie d'un arrêt rendu le 1er décembre 1998 par la première chambre civile de la Cour de Cassation, sur le rapport de Monsieur le Haut Conseiller AUBERT, et fait valoir que le décompte établi par les époux X..., consistant à imputer sur le capital l'intégralité des versements effectués depuis la souscription du prêt, est contraire au principe retenu par ledit arrêt, puisque l'imputation ainsi faite à pour effet d'anéantir rétroactivement le paiement d'intérêts versés en exécution de la convention, alors que selon le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, aux termes de cet arrêt,

"l'exception de nullité, soulevée pour la première fois en dehors du délai de prescription, peut seulement jouer pour faire échec à un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté" ;

Considérant toutefois que cet arrêt, en réponse au moyen qui reprochait à une Cour d'appel d'avoir déclaré prescrite l'action en nullité d'un contrat de prêt, telle que soulevée par voie d'exception, en défense à une demande de remboursement du prêt, et d'avoir ainsi méconnu l'article 1304 du code civil, énonce que :

"l'exception de nullité peut seulement jouer pour faire échec à la demande d'exécution d'un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ; que c'est donc à bon droit que la Cour d'appel, qui était saisie d'une demande de remboursement du prêt a, après avoir relevé que la nullité du contrat avait été soulevée pour la première fois en-dehors du délai de prescription, déclaré (les débiteurs) irrecevables en leur demande d'annulation du contrat ; que le moyen n'est donc pas fondé" ;

Qu'il apparaît que ledit arrêt n'a pas la signification que lui prête le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, puisqu'il interdit en réalité au débiteur du prêt de soulever la nullité de ce prêt en dehors du délai de prescription, mais ne se prononce pas sur les effets et la portée de l'annulation de l'acte, une fois prononcée ;

Et considérant que les effets et la portée d'une telle annulation découlent du caractère rétroactif qu'implique la notion même d'annulation, l'acte annulé étant censé n'avoir jamais existé, peu important que la nullité ait été obtenue par voie d'action ou d'exception ;

Que dès lors que l'acte de prêt du 26 mai 1987 a été annulé, les emprunteurs sont tenus de reverser à la banque le capital qui leur avait été versé, à savoir la somme non contestée de 557.800 francs, tandis que la banque est elle-même tenue de restituer des sommes

qu'elle a reçues en exécution de l'acte annulé, à savoir la somme non contestée de 665.352,87 francs, étant entendu qu'en décider autrement, en accueillant la thèse du COMPTOIR DES ENTREPRENEURS, aurait pour conséquence de faire produire effet à un acte nul et constituerait une dénégation de la notion même d'annulation ;

Considérant que la Cour ne peut dans ces conditions que constater que le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS ne dispose d'aucune créance à l'égard des époux X..., et que bien au contraire il leur doit la somme de 107.532,87 francs, à titre de trop-perçu ;

Que dès lors, il convient de confirmer le jugement déféré, ayant annulé la procédure de saisie immobilière, et de condamner le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS à restituer aux époux X... la somme de 107.532,87 francs ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Qu'en raison de sa succombance, le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS doit supporter les entiers dépens ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

VU l'arrêt du 24 septembre 1998,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTANT,

CONDAMNE le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS à payer aux époux X... la somme de CENT SEPT MILLE CINQ CENT TRENTE DEUX FRANCS QUATRE VINGT SEPT CENTIMES (107.532,87 francs) à titre de restitution ;

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

CONDAMNE le COMPTOIR DES ENTREPRENEURS aux dépens d'appel, lesquels pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de

l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Monsieur Gérard MARTIN, Conseiller,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1997-8657
Date de la décision : 01/04/1999

Analyses

PRET - Prêt d'argent - Annulation

Si un organisme bancaire contestant les effets de l'annulation d'un prêt , inter- venue par voie d'exception à l'occasion d'une procédure de saisie immobilière, peut invoquer les dispositions d'un arrêt de la Cour de cassation, selon Lesquelles " l'exception de nullité, soulevée pour la première fois en dehors du délai de prescription, peut seulement jouer pour faire échec à un acte juridique qui n'a pas encore été exécuté ", il demeure que la jurisprudence invoquée se borne à rappeler qu'un emprunteur n'est pas recevable à soulever la nullité d'un prêt lorsque la prescription est acquise,et ne se prononce pas sur les effets et la portée de l'annulation d'un acte, une fois celle-ci prononcée. Dès lors que la notion d'annultion implique la rétroactivité, l'acte annulé étant censé ne jamais avoir existé, et ce, sans qu'importe la circonstance que l'annulation ait été proncée par voie d'action ou d'exception, l'annulation d'un acte de prêt immobilier oblige chacune des parties à restituer à l'autre ce qu'elle a reçue d'elle, sauf a admettre de faire produire effet à un acte nul, notamment lorsqu'il est soutenu que les intérêts versés resteraient acquis à la banque, alors que cela constituerait une dénégation de la notion même d'annulation.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-04-01;1997.8657 ?
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