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01/04/1999 | FRANCE | N°1996-6255

France | France, Cour d'appel de Versailles, 01 avril 1999, 1996-6255


FAITS ET PROCEDURE

Monsieur Jean-Michel X..., de 1990 à 1994, a été employé en qualité de journaliste-reporter-photographe par la société EDICOP, actuellement devenue société CAPITAL MEDIA, laquelle édite une revue intitulée le "JOURNAL DE L'ASSURANCE".

Depuis qu'il a quitté ladite société, Monsieur X... a constaté que la société avait procédé, sans son consentement, à l'utilisation, dans la même revue, de clichés par lui réalisés et antérieurement publiés.

Invoquant une violation des dispositions des articles L.132-6, L.131-3, L.121-2 et L.121

-8 du code de la propriété intellectuelle et L.761-9 du code du travail, Monsieur X... a sa...

FAITS ET PROCEDURE

Monsieur Jean-Michel X..., de 1990 à 1994, a été employé en qualité de journaliste-reporter-photographe par la société EDICOP, actuellement devenue société CAPITAL MEDIA, laquelle édite une revue intitulée le "JOURNAL DE L'ASSURANCE".

Depuis qu'il a quitté ladite société, Monsieur X... a constaté que la société avait procédé, sans son consentement, à l'utilisation, dans la même revue, de clichés par lui réalisés et antérieurement publiés.

Invoquant une violation des dispositions des articles L.132-6, L.131-3, L.121-2 et L.121-8 du code de la propriété intellectuelle et L.761-9 du code du travail, Monsieur X... a saisi le tribunal de grande instance de NANTERRE d'une demande en réparation de son préjudice moral, estimé à la somme de 100.000 francs et de son préjudice matériel arbitré à la somme de 160.000 francs.

Par jugement en date du 19 juin 1996, le tribunal de grande instance de NANTERRE a débouté Monsieur X... de ses demandes au motif essentiel que la rémunération de Monsieur X... emportait cession de ses droits patrimoniaux au profit de son employeur dès lors en outre que les réutilisations des photographies ont eu lieu dans le même journal.

Appelant de cette décision, Monsieur X... reprend devant la Cour ses demandes pécuniaires et la prie en outre de faire interdiction à la société EDICOP de céder à quiconque le droit de reproduire comme de reproduire elle-même à nouveau les photographies par lui réalisées, sous astreinte de 1.000 francs par infraction constatée. Il demande également la somme de 20.000 francs HT au titre des frais irrépétibles.

Monsieur X... développe les moyens et arguments suivants :

- il était rémunéré à la "pige" et si sa rémunération avait le caractère d'un salaire, il n'était cependant pas salarié de la société EDICOP au sens du droit du travail, n'ayant ni salaire minimum, ni lien de subordination,

- les photographies réalisés sont des oeuvres bénéficiant de la protection applicable à la propriété littéraire et artistique et il n'a donné son accord que pour une seule utilisation,

- tant dans le cadre de l'article L.761-9 du code du travail que dans celui de l'article L.131-3 du code de la propriété intellectuelle, toute cession totale et illimitée exige une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée, convention qui n'existe pas en l'espèce,

- la société intimée a reproduit irrégulièrement au moins 342 photographies.

Pour conclure à la confirmation du jugement et à l'allocation de la somme de 20.000 francs au titre des frais irrépétibles, la société CAPITAL MEDIA développe quatre moyens :

- le "JOURNAL DE L'ASSURANCE" constitue une oeuvre collective, comme telle soumise aux dispositions de l'article L.113-2 du code de la propriété intellectuelle et par voie de conséquence la société éditrice est investie des droits de Monsieur X... sur les photographies ; cette dévolution légale produit effet pour l'ensemble des utilisations, principales et secondaires,

- le tribunal a fait application à bon droit des dispositions de l'article L.761-9 du code du travail et a donné une juste interprétation de ce texte en retenant que la republication dans un même journal n'exigeait pas une convention expresse,

- en tout état de cause, la société EDICOP était cessionnaire des droits de Monsieur X... et cela résulte clairement de la commune intention des parties, Monsieur X... ne contestant pas le principe

de la cession mais seulement son étendue, ni la rémunération forfaitaire,

- à titre subsidiaire, le préjudice allègué n'est pas démontré, la liste des reproductions prétendument illicites étant excessive comme le sont les sommes demandées.

Dans ses dernières conclusions, Monsieur X..., au titre de la réparation de son préjudice matériel, demande la somme de 131.600 francs en prenant en considération 329 republications pour un coût unitaire de 400 francs.

DISCUSSION ET MOTIFS DE LA DECISION

Considérant qu'aucun contrat écrit n'a lié les parties et qu'il est constant que Monsieur X... était rémunéré de manière forfaitaire à la "pige" ;

Considérant que pour conclure à la régularité des nouvelles publications des clichés réalisés par Monsieur Y..., l'intimée soutient à titre principal qu'elle est titulaire, à titre originaire, des droits d'auteur en sa qualité d'éditeur de l'oeuvre collective ou encore sur le fondement de l'article L.761-9 du code du travail et, subsidiairement, qu'elle est cessionnaire desdits droits à raison des relations contractuelles ayant lié les parties ; SUR L'EXISTENCE D'UNE OEUVRE COLLECTIVE

Considérant qu'aux termes de l'article L.113-2 du code de la propriété intellectuelle, l'oeuvre collective est celle "créée sur l'initiative d'un personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun un droit distinct sur l'ensemble réalisé" ; que l'oeuvre collective implique la réunion de deux éléments, l'initative et la direction d'un entrepreneur et la

fusion des contributions de telle manière qu'il soit impossible d'attribuer à chacun des créateurs un droit distinct sur l'ensemble ; Considérant qu'en l'espèce Monsieur X... ne revendique qu'un droit limité portant sur les photographies par lui réalisées et parfaitement identifiables ; qu'il effectuait la couverture photographique de certains événements dont il était rendu compte dans la revue et que la société éditrice se chargeait du choix des clichés publiés ;

Considérant qu'il est dans ce contexte parfaitement possible d'attribuer à Monsieur X... un droit distinct et que par voie de conséquence la société intimée n'est pas fondée à opposer à Monsieur X... l'existence, en l'espèce, d'une oeuvre collective ; SUR LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE L.761-9 DU CODE DU TRAVAIL

Considérant en ce qui concerne les dispositions de l'article L.761-9 du code du travail qui dispose que "le droit de faire paraître dans plus d'un journal ou périodique les articles ou oeuvres littéraires ou artistiques, dont les personnes mentionnées à l'article L.761-2 sont auteurs, est obligatoirement subordonné à une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée", que le tribunal, pour débouter Monsieur X... de ses demandes, a retenu que le législateur, par l'expression journal ou périodique, a entendu désigner l'organe de presse et non les numéros ou les éditions successives du même titre de presse ;

Considérant que Monsieur X... invoque un nouvel usage fait de ses clichés dans la même revue, le "JOURNAL DE L'ASSURANCE", par la même société éditrice ;

Considérant que le tribunal a jugé à bon droit que les dispositions de l'article L.761-9 du code du travail, en ce qu'elles exigent une convention expresse pour la parution dans "plus d'un journal ou

périodique" n'étaient pas applicables à la présente espèce dès lors que par les expressions "un journal et périodique", le législateur n'a pas voulu viser un numéro d'un journal ou d'un périodique mais les numéros d'un journal ou un périodique publiés par un même organe de presse, sous un même titre ;

Considérant qu'en vertu de ce texte, la société était en droit de publier à nouveau, dans le même journal, des clichés réalisés par Monsieur X..., sans son autorisation et sans rémunération nouvelle ;

Considérant en conséquence que Monsieur X..., comme l'a justement retenu le tribunal, n'est pas fondé en sa demande sans qu'il soit nécessaire, compte-tenu de ce qui précède, d'examiner le moyen développé par la société CAPITAL MEDIA, tiré de sa titularité des droits de reproduction par cession ;

Considérant que l'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

RECOIT Monsieur Jean-Michel X... en son appel ;

AU FOND, L'EN DEBOUTE,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

DIT n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

DIT que Monsieur X... supportera les dépens de la présente procédure et dit que la SCP JUPIN etamp; ALGRIN pourra recouvrer directement contre lui les frais exposés, conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

ARRET REDIGE PAR :

Madame Colette GABET-SABATIER, Président,

ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET :

Le Greffier,

Le Président,

Catherine CONNAN

Colette GABET-SABATIER


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-6255
Date de la décision : 01/04/1999

Analyses

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Oeuvre de l'esprit - Oeuvre collective - Définition.

L'oeuvre collective impliquant la réunion de deux éléments, l'initiative et la direction d'un entrepreneur et la fusion des contributions de telle sorte qu'il est impossible d'attribuer à chacun des créateurs un droit distinct sur l'ensemble, un reporter photographe rémunéré de manière forfaitaire à la "pige" qui revendique un droit limité aux photographies réalisées par lui, dans le cadre de la couverture d'événements dont il était rendu compte dans une revue, peut prétendre à l'attribution d'un droit distinct sur des photographies parfaitement identifiables. A l'inverse, la revue n'est pas fondée, à opposer à l'intéressé l'existence d'une oeuvre collective

PROPRIETE LITTERAIRE ET ARTISTIQUE - Droits patrimoniaux - Droit de reproduction - Cession - Photographie.

L'article L. 761-9, alinéa 2, du Code du travail dispose que "le droit de faire paraître dans plus d'un journal ou périodique les articles ou autres oeuvres littéraires ou artistiques dont les personnes mentionnées à l'article L. 761-2 sont auteurs est obligatoirement subordonné à une convention expresse précisant les conditions dans lesquelles la reproduction est autorisée". Dès lors que par les expressions "un journal ou périodique" le législateur n'a pas voulu viser le numéro d'un journal ou périodique donné, mais tous les numéros d'un journal ou d'un périodique que publie un même organe de presse sous un même titre, un reporter photographe n'est pas fondé, au motif d'absence d'autorisation expresse de sa part, à reprocher à une revue la rediffusion, par et dans celle-ci, de clichés antérieurement publiés


Références :

Code du travail, articles L 761-2 et L 761-9

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-04-01;1996.6255 ?
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