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25/03/1999 | FRANCE | N°1996-7540

France | France, Cour d'appel de Versailles, 25 mars 1999, 1996-7540


FAITS ET PROCEDURE

La société NAF-NAF conçoit et commercialise des articles de prêt-à-porter.

Dans le cadre de cette activité, elle a passé, dans le courant de l'année 1991, par l'intermédiaire de la société X..., une commande de vêtements à la société HAP HENG, établie à MACAO, laquelle a sous-traité la fabrication à des sociétés malaises.

La marchandise a été expédiée en France, accompagnée des certificats d'origine établis par les autorités malaises et a fait l'objet d'un dédouanement. A la suite d'une enquête diligentée en 1992, l'admi

nistration des douanes a estimé que les certificats d'origine étaient faux et établi un procès-v...

FAITS ET PROCEDURE

La société NAF-NAF conçoit et commercialise des articles de prêt-à-porter.

Dans le cadre de cette activité, elle a passé, dans le courant de l'année 1991, par l'intermédiaire de la société X..., une commande de vêtements à la société HAP HENG, établie à MACAO, laquelle a sous-traité la fabrication à des sociétés malaises.

La marchandise a été expédiée en France, accompagnée des certificats d'origine établis par les autorités malaises et a fait l'objet d'un dédouanement. A la suite d'une enquête diligentée en 1992, l'administration des douanes a estimé que les certificats d'origine étaient faux et établi un procès-verbal de constat, en février 1994, pour infraction au code des douanes. La société NAF-NAF, après plusieurs démarches auprès des autorités douanières, a informé la société HAP HENG et son agent en France X... que la position des douanes lui semblait incontestable, et qu'elle envisageait d'accepter une transaction.

Le 11 janvier 1995, la société NAF-NAF a assigné les sociétés HAP HENG et X... devant le Tribunal de Commerce de NANTERRE, demandant leur condamnation solidaire à lui payer l'indemnité devant être décidée à la suite de la procédure transactionnelle en cours avec l'administration des douanes, indemnité qui fut fixée, fin avril 1995, à 400.000 francs. La société NAF-NAF a sollicité, en outre, 200.000 francs à titre de dommages et intérêts complémentaires.

La société HAP HENG a conclu au débouté de la demande, contestant avoir produit de faux certificats dont, selon elle, l'administration des douanes n'a pas apporté la preuve. Elle a prétendu, en conséquence, que la transaction conclue entre cette dernière et la société NAF-NAF lui était inopposable. La société X... a demandé sa mise hors de cause, soutenant que son intervention s'est limitée à un rôle d'intermédiaire.

Par jugement en date du 14 février 1996, le Tribunal de Commerce de NANTERRE a prononcé un partage de responsabilité pour le paiement de l'amende douanière, à hauteur de 65 % pour la société HAP HENG en tant que responsable des certificats d'origine, et de 35 % pour la société NAF-NAF, au motif que sa vigilance, lors du dédouanement,

aurait dû l'alerter sur le changement de pays d'origine. Il a donc condamné la société HAP HENG à payer à la société NAF-NAF la somme de 260.000 francs majoré des intérêts au taux légal à compter du 30 septembre 1995 et débouté la société NAF-NAF de sa demande de dommages et intérêts.

Il a, par ailleurs, mis la société X... hors de cause, au motif que la société NAF-NAF ne justifiait pas d'un lien contractuel avec elle. Enfin, il a condamné la société HAP HENG à payer à la société NAF-NAF une indemnité de 15.000 francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

*

Appelante de cette décision, la société NAF-NAF estime que c'est à tort que le tribunal n'a fait droit à sa demande de remboursement de l'amende qu'à hauteur de 65 %. Elle soutient que le changement de lieu de fabrication n'a eu aucune incidence sur l'amende infligée par l'administration des douanes, seule important, au regard des règles relatives aux quotas en matière textile, l'authenticité des

certificats d'origine. Elle déduit de là que c'est la faute, nécessairement intentionnelle, commise par la société HAP HENG, lui ayant transmis des certificats d'origine frauduleux, qui est la cause exclusive de l'infraction commise lors du dédouanement. Elle sollicite dès lors à nouveau la condamnation de la société HAP HENG à lui rembourser l'intégralité de l'amende, outre 200.000 francs de dommages et intérêts pour atteinte à sa réputation auprès de l'administration des douanes. La société NAF-NAF entend contester par ailleurs la mise hors de cause de la société X.... Elle soutient que celle-ci ne l'a pas assistée lors de la procédure transactionnelle avec les douanes, qu'elle a donné son feu vert pour la transaction, et qu'elle a engagé sa responsabilité vis à vis d'elle en lui transmettant les faux certificats d'origine. Elle demande donc sa condamnation solidaire avec la société HAP HENG à réparer l'intégralité de son préjudice. Elle sollicite enfin l'allocation d'une somme de 300.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société HAP HENG et la société X..., après avoir constitué avoué, n'ont pas déposé de conclusions. L'affaire a été clôturée le 22 octobre 1998.

MOTIFS DE LA DECISION

* Sur le partage de responsabilité opéré par le tribunal

Considérant qu'il appartenait à la société HAP HENG, en sa qualité de vendeur, de délivrer à la société NAF-NAF la marchandise avec ses accessoires, en l'occurrence des certificats d'origine authentiques, et de garantir à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue, conformément aux articles 1603, 1615 et 1625 du Code Civil.

Considérant que l'enquête diligentée par l'administration des douanes a permis d'établir que les certificats d'origine accompagnant la marchandise livrée étaient des faux.

Considérant que la société HAP HENG s'est contentée de faire part de son scepticisme sur les conclusions de cette enquête, mais n'a jamais apporté aucun élément de nature à les contredire ; que, par ailleurs, elle a reproché à la société NAF-NAF d'avoir transigé avec l'administration des douanes, sans pour autant opposer aucune défense sérieuse à l'action intentée par ladite administration ou donner à la

société NAF-NAF des indications précises quant au principe et au montant de la transaction.

Considérant qu'ayant été constamment informée par la société NAF-NAF du déroulement de l'enquête et des pourparlers engagés en vue d'une transaction, cette dernière doit être déclarée opposable à la société HAP HENG qui doit assumer la responsabilité du paiement de l'amende, en sa qualité d'expéditrice, étant observé que la société HAP HENG ne pourrait s'exonérer de sa responsabilité qu'en établissant la faute de la société NAF-NAF et qu'elle se contente à cet égard de reprocher à cette dernière d'avoir transigé avec l'administration des douanes dans son propre intérêt, sans apporter aucun élément de preuve de cette allégation, alors même que, face à l'attitude passive de la société HAP HENG, la société NAF-NAF n'avait pas d'autre choix, compte tenu des délais qui lui étaient impartis et des sanctions très lourdes applicables en l'absence de transaction, de se soumettre aux propositions de l'administration des douanes.

Considérant, au demeurant, que le tribunal a retenu la responsabilité de la société NAF-NAF non pas sur le principe de la transaction, mais sur la réalisation de l'infraction. Qu'à cet égard, il a estimé que la vigilance de la société NAF-NAF aurait dû être alertée, lors du dédouanement, sur le changement de pays d'importation des marchandises.

Mais considérant que l'incidence du changement de pays dans la réalisation de l'infraction n'est pas établie, de même qu'elle n'a pas été alléguée dans ses écritures de première instance, par la société HAP HENG ; que la société NAF-NAF n'avait donc aucune raison particulière de réagir lors du dédouanement, étant précisé que la cause exclusive de l'infraction constatée par les douanes était la non authenticité des certificats d'origine, dont la responsabilité incombait, comme il a été dit, à la société HAP HENG, et non la modification de provenance des marchandises.

Considérant dans ces conditions que la société NAF-NAF n'ayant commis aucune faute permettant à la société HAP HENG de s'exonérer même en partie de sa responsabilité, celle-ci doit donc être condamnée à réparer l'intégralité du préjudice subi par la société NAF-NAF qui a payé l'amende de 400.000 francs réclamée par les douanes ; que le jugement déféré sera infirmé de ce chef.

* Sur la demandes de dommages et intérêts

Considérant que la société NAF NAF demande que la société HAP HENG soit condamnée à lui payer une somme de 200.000 francs à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice causé à sa réputation auprès de l'administration des douanes.

Mais considérant que la société NAF-NAF n'apporte aucun élément prouvant la matérialité et la réalité de son préjudice.

Considérant, en outre, que la société NAF-NAF ne peut soutenir n'avoir commis aucune faute relative au dédouanement des marchandises, et alléguer, parallèlement, que sa réputation a été atteinte auprès des douanes, certainement parfaitement au fait des responsabilité réelles dans ce type d'infraction. Que la société NAF-NAF sera déboutée de ce chef de demande

* Sur la mise hors de cause de la société X...

Considérant qu'il n'est pas contesté que la société X... était l'agent, en France, de la société HAP HENG.

Considérant que, vis à vis de la société NAF-NAF, la responsabilité de la société X... ne peut être retenue qu'à la condition qu'une faute, de nature non contractuelle, soit retenue contre elle.

Considérant qu'en l'occurrence, la société X... s'est contentée d'intervenir dans la discussion auprès de l'administration des douanes, et qu'aucune faute, autre qu'un éventuel manquement à son devoir de conseil et d'information auprès de la société HAP HENG n'est établie à son encontre. Que la société NAF-NAF soutient dans ses conclusions d'appel, que la société X... a transmis les faux certificats, mais n'apporte pas la preuve d'une intention frauduleuse à cet égard.

Considérant que la société X... n'ayant pas été appelée en garantie par la société HAP HENG ni devant le tribunal, ni devant la Cour, il

y a lieu de la mettre hors de cause.

* Sur la demande de remboursement des frais irrépétibles

Considérant qu'il serait inéquitable que la société NAF-NAF ne soit pas indemnisée des frais irrépétibles qu'elle a engagés pour faire valoir ses droits en cause d'appel ; qu'il y a lieu de condamner la société HAP HENG à lui payer une indemnité complémentaire de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, laquelle viendra s'ajouter à celle déjà allouée au même titre par le premier juge.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

- CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il a mis hors de cause la société AGENCE COMMERCIALE INTERNATIONALE TEXTILE "X..." SARL et déboute la société NAF-NAF SA de toutes ses demandes contre cette société,

- INFIRME le jugement entrepris, mais seulement sur le partage des responsabilités opéré par le tribunal, et statuant à nouveau de ce chef,

- DECLARE la société HAP HENG KNITTING FACTORY LTD entièrement responsable du préjudice subi par la société NAF-NAF SA,

- LA CONDAMNE à payer à la société NAF-NAF SA la somme de 400.000 francs en principal, assortie des intérêts de droit à compter du 30 septembre 1995,

- DEBOUTE la société NAF-NAF SA de sa demande de dommages et intérêts,

- CONDAMNE la société HAP HENG KNITTING FACTORY LTD à payer à la société NAF-NAF SA une indemnité complémentaire de 10.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ladite indemnité s'ajoutant à celle déjà allouée au même titre par le tribunal,

- LA CONDAMNE aux entiers dépens exposés à ce jour et autorise les avoués en cause concernés à poursuivre directement le recouvrement de la part les concernant, comme il est dit à l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

ARRET PRONONCE PAR MONSIEUR ASSIÉ, PRESIDENT ET ONT SIGNE LE PRESENT ARRET

LE GREFFIER

LE PRESIDENT

qui a assisté au prononcé

M.T. GENISSEL

F. Y...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Versailles
Numéro d'arrêt : 1996-7540
Date de la décision : 25/03/1999

Analyses

VENTE - Vendeur - Obligations - Délivrance - Accessoires de la chose vendue

En application des articles 1603, 1615 et 1625 du Code civil, il appartient au vendeur de délivrer à l'acquéreur la marchandise avec ses accessoires et de lui garantir la possession paisible de la chose vendue. Lorsque consécutivement à une enquête de l'administration des douanes il est établi que les certificats d'origine accompagnant une expédition de marchandises étaient faux, le vendeur qui, tenu constamment informé par l'acquéreur du déroulement de l'enquête et des pourparlers engagés en vue d'une transaction, s'est contenté de faire part à celui-ci de son scepticisme, sans apporter aucun élément de nature à contredire les conclusions de l'enquête ou donner des indications précises quant au principe et au moment de la transaction, ne peut reprocher à l'acquéreur cette transaction. Celle-ci doit être déclarée opposable au vendeur qui doit assumer la responsabilité du paiement de l'amende, en sa qualité d'expéditeur, sauf à s'exonérer en établissant une faute de l'acquéreur qui, en l'espèce, ne peut résulter de la simple allégation du reproche de s'être soumis, dans son intérêt, aux propositions de l'administration des douanes, alors que l'acquéreur n'avait pas d'autre choix, compte tenu des délais impartis par l'administration et des très lourdes sanctions applicables en l'absence de transaction. De même, dès lors que l'incidence du changement de pays de provenance dans la réalisation de l'infraction douanière n'est pas établie ni alléguée, il ne saurait être reproché à l'acquéreur de ne pas avoir réagi lors des opérations de dédouanement. En l'absence de faute de l'acquéreur susceptible d'exonérer le vendeur, même partiellement, celui-ci doit être condamné à réparer l'intégralité du préjudice subi par l'acquéreur contraint de payer l'amende douanière


Références :

Code civil, articles 1603, 1615, 1625

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.versailles;arret;1999-03-25;1996.7540 ?
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